L'assèchement des sols saturés d'eau

Si la sécheresse est un problème qu'affrontent fréquemment de nombreux agriculteurs canadiens, les terres agricoles inondées et gorgées d'eau peuvent également constituer un problème formidable. Les sols saturés rendent les champs inaccessibles ou incultivables, ce qui retarde l'ensemencement et la récolte. Le problème est le plus susceptible de se présenter quand la grande humidité automnale du sol est suivie de pluies printanières battantes ou d'une fonte rapide.

Description de cette image suit.
Terre inondée par la crue

Parce que les sols saturés d'eau sont lents à se réchauffer, le taux de germination peut être médiocre et les systèmes racinaires risquent d'être rabougris, d'où la possibilité d'une assimilation insuffisante des éléments fertilisants. De même, les plantes dont les systèmes racinaires se développent à une faible profondeur en raison d'une humidité printanière excessive seront incapables d'extraire l'eau plus profonde du sol si, plus tard, la saison de croissance est sèche.

Dans les régions où la croissance végétale a commencé, l'inondation peut noyer la culture. L'hydromorphie asphyxie la zone racinaire, ce qui peut tuer directement la plante ou mener à une faible productivité en raison du sous-développement du système racinaire. Certaines espèces végétales telles que la luzerne sont beaucoup plus sensibles à la saturation du sol que d'autres.

L'effet immédiat et durable de l'excès d'humidité dans le sol dépend en grande partie de la texture de ce dernier. Les sols à textures moyenne et grossière s'assèchent plus rapidement que les sols argileux et ils sont beaucoup moins affectés par la saturation. Dans les sols à textures moyenne et fine, l'excès d'humidité peut avoir un certain nombre de répercussions à long terme sur les propriétés du sol et la croissance végétale, à moins que l'on ne mette en oeuvre des pratiques pour aider à en corriger et à en atténuer les effets.

Certaines des difficultés que présentent les sols saturés peuvent être corrigées grâce à des pratiques de gestion bénéfiques (PGB). Les PGB sont des pratiques agricoles scientifiques qui réduisent au minimum le risque pour l'environnement en assurant la durabilité à long terme de la terre et la viabilité économique de l'entreprise agricole.

Une PGB importante pour l'assèchement des sols saturés d'eau est l'emploi de cultures couvre-sol, c'est-à-dire des plantes cultivées seules ou en mélange pour protéger le sol contre l'érosion, en améliorer la structure, gérer les éléments nutritifs ou supprimer les populations de parasites.


Terres agricoles boueuses
Même après le retrait des eaux de crue, les sols saturés peuvent poser de difficiles problèmes de conduite de la culture aux producteurs

Répercussions de l'excès d'humidité du sol

Le tassement survient lorsque la pression exercée par l'équipement agricole sur la surface d'un sol saturé d'eau exprime l'air par les pores du sol. Le sol saturé résiste beaucoup moins au tassement que le sol sec et, en conséquence, atteint une plus grande densité sous l'effet de la pression.

La cause la plus répandue du tassement est la force exercée par la machinerie agricole sur le sol. Le risque de tassement est le plus grand quand le sol est juste assez sec pour être travaillé sans que l'équipement ne s'embourbe. La recherche montre que dans 80 par 100 des cas, le tassement survient au premier passage. Les roues jumelées, les pneus à basse pression ou de gros pneus de flottation aident à réduire le tassement superficiel. Cependant, toute circulation de véhicules dans un champ au sol gorgé d'eau cause un tassement en profondeur - plus la charge est lourde, plus les effets sont importants.

Le tassement empêche la croissance des racines et le mouvement vertical de l'eau et de l'air dans le sol. Pour que les racines poussent, elles doivent élargir les pores environnants en exerçant une pression plus grande que celle du sol tassé. L'accès limité des racines à l'air et aux éléments nutritifs les expose à plusieurs stress simultanés.

Pratique de gestion bénéfique

La patience est de rigueur quand il s'agit de réduire le risque de tassement. C'est-à-dire qu'il faut attendre que le sol sèche avant d'aller dans le champ. En outre, l'inclusion de cultures couvre-sol dans les rotations peut améliorer la structure de sol et aider à inverser les effets d'un tassement antérieur.

L'assimilabilité réduite des éléments nutritifs et la perte d'azote peuvent survenir quand l'azote gazeux, l'oxyde de diazote, l'oxyde nitrique (monoxyde d'azote) et l'ammoniac sont libérés dans le sol à la faveur de réactions biologiques et chimiques. Quand les sols sont gorgés d'eau et privés d'oxygène, plusieurs espèces de microorganismes sont capables d'obtenir leur oxygène des nitrates et des nitrites, avec libération concomitante d'azote et d'oxyde de diazote. Les pertes physiques d'azote peuvent également être préoccupantes quand on applique de l'ammoniac anhydre aux sols saturés d'eau. Sous l'effet du refroidissement causé par le composé anhydre, le sol peut geler au contact de l'injecteur, ce qui élargit le sillon et diminue le bon recouvrement de la bande fertilisée. En conséquence, des quantités notables d'ammoniac peuvent s'échapper dans l'atmosphère sous forme gazeuse.


Traces de pneus laissées dans les sols saturés
Les sols saturés d'eau résistent beaucoup moins au tassement causé par l'équipement agricole que les sols secs

La saturation du sol peut diminuer les populations microbiennes utiles, rendant difficile pour certaines plantes l'assimilation du phosphore. Les espèces fixant l'azote peuvent aussi être touchées. Bien que l'assimilabilité de la plupart des micronutriments ne soit pas directement modifiée par la saturation du sol, tout ce qui entrave la croissance de racines saines est susceptible de causer des carences en éléments nutritifs.

Pratique de gestion bénéfique

On peut réduire au minimum les pertes d'éléments nutritifs grâce à la bonne maîtrise de ces derniers. Les analyses de sol visant à déterminer la quantité d'engrais nécessaire pour répondre aux besoins de la culture - de même que le choix du moment de l'application - sont les conditions obligatoires d'une fertilisation optimale. L'application de doses variables d'engrais selon le type de sol ou des applications fractionnées peuvent abaisser le risque de perte d'éléments nutritifs, car on évite ainsi une application à outrance et on réduit au minimum la durée du séjour de l'engrais dans le sol. L'inoculation des cultures de légumineuse est particulièrement importante, en conditions de saturation, quand les populations fixatrices d'azote peuvent être très réduites.


Sols saturés et nouvelles tiges couvertes de moisissure
Les sols saturés d'eau favorisent la propagation de maladies cryptogamiques telles que la fonte des semis

Les ennemis des cultures (mauvaises herbes, insectes et agents pathogènes) peuvent se manifester dans l'année d'une inondation et dans les années ultérieures. Les mauvaises herbes poussant durant l'année d'une inondation concurrencent vigoureusement la culture, profitant de l'état de rabougrissement des plantes et des zones de sol dénudé pour atteindre la maturité - et le problème peut revenir l'année suivante. Les graines de mauvaises herbes transportées dans les champs par les eaux de la crue peuvent ne pas avoir germé à temps pour être observées pendant la saison de croissance et peuvent avoir l'occasion de s'établir.

Les années d'inondation peuvent aussi perturber l'équilibre naturel des populations d'insectes et susciter des conditions favorables à des insectes nuisibles particuliers, notamment à ceux qui sont adaptés aux conditions de forte humidité. De même, beaucoup d'agents de maladies cryptogamiques et bactériennes peuvent se manifester dans ces conditions d'humidité.

Pratique de gestion bénéfique

Il faut envisager des méthodes mécaniques et chimiques, tant au cours de l'année de l'inondation que dans les années ultérieures, pour combattre les mauvaises herbes. Pendant la jachère, les cultures couvre-sol peuvent efficacement faire concurrence à la croissance des mauvaises herbes. La saturation est aussi particulièrement propice à la propagation des maladies cryptogamiques qui peuvent d'abord passer inaperçues dans les localités où elles ne sont pas chose commune. On peut donc devoir utiliser des méthodes nouvelles ou différentes pour combattre les insectes et les maladies dans les années de forte humidité.

Il se forme une croûte lorsque la structure du sol gorgé d'eau se défait pour former une couche dense à la surface du sol, qui en colmate les pores, réduit l'infiltration d'eau et d'air et est susceptible d'empêcher la levée des plantules.

On brise habituellement cette croûte de surface par hersage avant l'ensemencement. Dans certains sols, cependant, le bris mécanique de la croûte peut laisser dans le champ des mottes qui réduisent le contact entre la semence et le sol après l'ensemencement.

Pratique de gestion bénéfique

Les cultures couvre-sol et la conservation des résidus de récolte peuvent aider à prévenir la formation de croûtes superficielles grâce à l'amélioration de la structure du sol et de sa teneur en matière organique.

Les pâturages peuvent souffrir de la circulation des animaux quand le sol est gorgé d'eau. Les dégâts causés par les sabots abaissent généralement la productivité du pâturage. Le sol se tasse, la composition des espèces fourragères change et le sol dénudé devient vulnérable aux invasions de mauvaises herbes.

Les éclosions de fièvre charbonneuse peuvent aussi survenir par temps humide. La bactérie peut croître rapidement en sol alcalin saturé, puis sporuler quand le sol s'assèche. Des modifications de l'humidité du sol, l'inondation et l'assèchement du sol peuvent mener à l'accumulation de ces spores dans les pâturages. Les éleveurs qui soupçonnent la présence de la fièvre charbonneuse chez leurs animaux devraient contacter immédiatement un vétérinaire local.

Pratique de gestion bénéfique

La conduite la plus efficace à tenir à l'égard d'un pâturage au sol saturé est de cesser d'y paître des animaux tant qu'il n'est pas suffisamment sec pour tolérer les conséquences de la présence du bétail. Dans le cas des terrains gravement touchés, un réensemencement risque d'être nécessaire.

L'érosion et le ruissellement provoqués par les l'eau de crue peuvent endommager les sols et entraîner, vers l'aval, le dépôt d'alluvions, d'éléments nutritifs, de pesticides et d'autres polluants.

Pratique de gestion bénéfique

La meilleure protection contre l'érosion consiste à établir et à mettre en oeuvre des mesures de défense telles que les voies d'eau gazonnées, le travail réduit du sol, la gestion des résidus et la dérivation des eaux de ruissellement.

La salinité peut se manifester pendant les années où le sol est fortement saturé, lorsque la nappe phréatique s'élève plus haut que la normale, dissolvant ainsi les sels du sous-sol et les remontant à la surface. L'arrivée de sels dans la rhizosphère peut gravement réduire le rendement des cultures sensibles au sel.

Pratique de gestion bénéfique

Les concentrations de sels peuvent être vérifiées au moyen d'une épreuve simple d'analyse du sol. La surface (jusqu'à 15 centimètres (cm) de profondeur) est des plus importantes, mais, dans le cas des cultures plus sensibles, l'intervalle de profondeur de 15 à 30 cm peut aussi avoir un effet. Si la salinité est un problème potentiel, choisir des variétés végétales tolérant le sel.


Chemin de terre humide présentant des empreintes de sabot se dirigeant vers un pâturage
Les dégâts causés au pâturage par les sabots sont aggravés par la saturation du sol

Cultures couvre-sol

Les cultures couvre-sol sont une option attrayante pour les producteurs aux prises avec des sols inondés ou fortement saturés au printemps et elles peuvent être une solution utile de rechange à la jachère. Il s'agit souvent de céréales de printemps, relativement peu coûteuses à ensemencer, capables de concurrencer les mauvaises herbes d'automne et qui sont tuées par le gel hivernal. Les agriculteurs commencent aussi à utiliser des espèces semées l'automne telles que le blé d'automne, le seigle d'automne et le triticale d'hiver pour faire un profit l'année suivante. Les éléments nutritifs absorbés par les cultures couvre-sol sont restitués au sol à la faveur de la décomposition et deviennent assimilables par la culture suivante. Une culture couvre-sol peut aider à résoudre de nombreux problèmes liés à la saturation du sol de la ferme, notamment

  • L'érosion. - Une culture couvre-sol protège le sol vulnérable à l'érosion éolienne et hydrique. Typiquement, on l'ensemence plus tard dans la saison de croissance de sorte que ses feuilles poussent suffisamment pour protéger le sol. L'ensemencement peut avoir lieu immédiatement avant l'année de jachère ou après les récoltes laissant peu de résidus, telles que les pommes de terre et les légumineuses.
  • Le tassement. - Après la mise en terre de la culture couvre-sol ou sa dessiccation, la biomasse en décomposition fournit au sol la matière organique qui augmente l'activité microbienne et améliore la structure de sol.
  • L'imperméabilité du sol. - Les canaux creusés par les racines des cultures couvre-sol améliorent la structure du sol et servent au transport de l'eau.
  • Formation de croûte. - Les cultures couvre-sol augmentent la teneur en matière organique et favorisent l'infiltration et la stabilité des agrégats, qui permettront de réduire le risque de formation d'une croûte sur le sol.
  • Les mauvaises herbes. - Les cultures couvre-sol présentes pendant la jachère réduisent la concurrence exercée par les mauvaises herbes.

Espèces mixtes de végétation
Cultures couvre-sol : mélange de vesce, de radis et d'avoine

Les différentes espèces couvre-sol possèdent des qualités qui les rendent utiles dans différentes situations. Par exemple, les légumineuses hébergent des bactéries fixatrices d'azote, tandis que les cultures à racines profondes vont chercher les éléments nutritifs dans le sous-sol et y aménagent, avec leurs racines, des canaux qui améliorent le drainage et l'infiltration. Les cultures à croissance rapide préviennent les pertes d'éléments nutritifs du sol et aident à maîtriser la croissance de mauvaises herbes. Les espèces actuellement non exploitées pour le profit peuvent aider à casser les cycles d'infection par les maladies et d'infestation par les autres parasites.

Parce que les choix et les avantages respectifs que procurent les cultures couvre-sol varient énormément, vous devriez consulter les spécialistes en agriculture de votre localité pour choisir l'espèce qui convient à votre région.

Pour plus de renseignements, visitez le site Web d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Février 2007
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2007
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