Les effets de la qualité de l'eau sur le bétail

La qualité de l'eau influe sur la quantité d'eau que consomme le bétail ainsi que sur son état de santé général. Les bovins supportent mieux l'eau de moins bonne qualité que les humains, mais de fortes concentrations de certains composés peuvent leur nuire. La plupart des facteurs qui nuisent à la qualité de l'eau ne sont pas mortels pour les bovins. Cependant, même s'ils ne présentent pas de signes cliniques de maladie, leur croissance, leur lactation ou leur reproduction peuvent être réduites, ce qui entraîne des pertes pour les producteurs.

Les études montrent que lorsqu'on leur fournit une eau de bonne qualité, les animaux d'élevage boivent plus, mangent plus et prennent du poids plus rapidement. Les études montrent aussi qu'une eau de meilleure qualité peut entraîner une diminution de la morbidité et des problèmes de santé des animaux.

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Les facteurs qui ont une incidence sur la qualité de l'eau

Certains des facteurs les plus courants qui réduisent la qualité de l'eau sont décrits ci-dessous.

Les algues bleues (cyanobactéries)

La prolifération des algues bleues est un problème courant dans les étangs des exploitations d'élevage. Une eau tiède et riche en éléments nutritifs est idéale pour la prolifération des algues bleues. Les principales sources d'éléments nutritifs qui contribuent à la croissance des plantes aquatiques sont les excréments des animaux, les engrais et les matières organiques comme l'herbe, le foin, les feuilles et la terre arable.

Les algues bleues sont en fait des bactéries, désignées cyanobactéries en raison du reflet chatoyant bleu vert qu'elles donnent à la surface de l'eau. Les proliférations massives donnent à l'eau une apparence et une consistance qui rappellent celles de la soupe aux pois.

Contrairement aux algues vertes, les algues bleues sont de minuscules cellules qui s'agrègent, mais qui glissent habituellement entre les doigts quand on essaie de les prendre.

Les algues bleues produisent deux types de toxines : des neurotoxines, qui peuvent provoquer la mort subite, et des hépatotoxines, ou toxines du foie, qui peuvent entraîner la mort en quelques heures ou en quelques jours. Les signes cliniques de l'exposition des vaches à des hépatoxines peuvent se manifester en quelques minutes. Les algues libèrent des toxines tout au long de leur vie, mais à leur mort, cette libération est beaucoup plus massive.

Le meilleur moyen d'éviter les problèmes d'algues bleues est d'en prévenir la prolifération, par exemple, en limitant la quantité d'éléments nutritifs qui entrent dans la source d'eau et en aérant l'eau.

Pour éviter que les animaux n'ingèrent des toxines, placer la prise d'eau à un mètre sous la surface et pomper l'eau jusqu'à une auge.

On peut utiliser des produits chimiques homologués contenant du cuivre pour traiter les proliférations d'algues bleues. Un des produits les plus courants est le sulfate de cuivre, qu'on utilise comme suit : un gramme par mètre carré de surface. Ainsi un étang de 20 mètres × 50 mètres nécessiterait 1 000 grammes ou 1 kilogramme de sulfate de cuivre.

Il faut porter une attention spéciale au calcul de la quantité de sulfate de cuivre à utiliser pour traiter un plan d'eau. En effet, le surdosage peut entraîner des conséquences graves sur le plan de la qualité de l'eau. De plus, l'application d'une trop grande quantité tuera le zooplancton, qui se nourrit des algues présentes dans l'eau.

Il existe deux méthodes courantes d'utilisation du sulfate de cuivre :

  • la substance cuivrée peut être dissoute dans de l'eau tiède et la solution, pulvérisée à la surface de l'eau (à noter que le sulfate de cuivre est corrosif pour les composantes métalliques des pulvérisateurs);
  • le sulfate de cuivre peut être placé dans un sac de toile lesté que deux personnes déplaceront, à l'aide de cordes, à la surface de l'eau dans un mouvement de va-et-vient.

Le sulfate de cuivre est toxique pour les poissons. Les quantités utilisées doivent être réduites de moitié lorsque les étangs sont peuplés de poissons.

Pendant les deux semaines qui suivent le traitement chimique d'un plan d'eau ou une prolifération naturelle d'algues bleues (et leur disparition), il faut utiliser l'eau d'une autre source pour abreuver les animaux.

Les bactéries, les virus et les parasites

On retrouve souvent des bactéries, des virus et des parasites dans les étangs et les réservoirs d'eau dans lesquels s'écoule du purin. Bon nombre de ces organismes peuvent causer divers symptômes et entraîner des pertes de production.

Grâce au lait maternel, les veaux disposent d'une certaine immunité, mais ils demeurent sensibles à de fortes concentrations de pathogènes. Les bovins adultes ont souvent une immunité inhérente à plusieurs de ces contaminants, mais l'introduction d'un pathogène inhabituel peut rapidement avoir des effets très graves dans un troupeau.

L'eau contaminée par des matières fécales peut transmettre plusieurs organismes responsables de maladies comme E. coli, Cryptosporidium, Salmonella et Leptospira. Ces organismes affectent pour la plupart les jeunes animaux, mais certains peuvent aussi s'attaquer aux adultes.

La bactérie Leptospira, par exemple, qui peut être transmise par l'eau, augmente le risque d'avortement, habituellement deux à cinq semaines après l'infection initiale.

Le moyen le plus simple de réduire la présence de pathogènes dans l'eau est d'empêcher que le purin ne s'y introduise et que les animaux ne s'y baignent. Les rayons ultraviolets du soleil tuent efficacement les pathogènes dans une eau relativement claire, mais lorsque des animaux entrent dans l'eau, leurs mouvements remettent en suspension des particules qui empêchent alors les rayons ultraviolets d'atteindre et de détruire les pathogènes.

Les recommandations canadiennes sur la concentration maximale de coliformes sont de 10 à 5 000 coliformes totaux par 100 milligrammes/litre (mg/L) d'eau, la limite inférieure concernant les veaux et la limite supérieure, les vaches. Dans les étangs où les bovins peuvent se rafraîchir, le nombre de coliformes peut dépasser 15 000 par millilitre (mL).

Les sulfates

On peut trouver des concentrations élevées de sulfates dans les sources superficielles alimentées par des zones salines de même que dans des étangs alimentés par des eaux souterraines. La quantité recommandée de soufre dans l'alimentation des bovins de boucherie est de 0,08 à 0,15 % de la quantité de matière sèche ingérée. Toute quantité supérieure à 0,4 % peut être toxique.

Dans le rumen, le sulfate est converti en sulfure, lequel peut tuer les bactéries du rumen qui produisent la thiamine; il peut aussi être toxique pour le cerveau.

Selon les quantités présentes, les sulfates peuvent avoir différents effets chez les bovins. Le tableau ci-dessous les décrit brièvement.

Effets des sulfates chez les bovins
Concentration de sulfate
milligrammes/litre
Effets
500 Peut affecter les veaux; avec le temps, ils s'adaptent et ont habituellement peu de problèmes de santé associés à de telles concentrations.
> 800 Peut nuire au métabolisme des minéraux traces et causer des carences en cuivre, en zinc, en fer et en manganèse. Ces carences peuvent entraîner une baisse du taux de croissance, l'infertilité et une diminution de la réponse immunitaire.
> 1 000 Peut causer une carence en thiamine (vitamine B1), laquelle peut entraîner la polioencéphalomalacie (PEM).
7 000 ou plus Peut causer la mort.

D'après les Recommandations canadiennes pour la qualité des eaux, la concentration de sulfate ne devrait pas dépasser 1 000 milligrammes/litre (mg/L).

Réduire les sulfates coûte cher. Les technologies actuelles de traitement comprennent la nanofiltration qui se fait à l'aide de membranes échangeuses d'ions, mais ces traitements sont chers. En raison des coûts élevés des traitements, il vaut mieux chercher une autre source d'eau dans laquelle la concentration de sulfates est moins élevée.

Les matières dissoutes totales

Les matières dissoutes totales (MDT), ou la salinité, concernent la quantité de minéraux dans l'eau. Les MDT comprennent les sels courants comme le chlorure de sodium, le calcium, le magnésium, les sulfates et les bicarbonates. Même s'ils ont tous des effets légèrement différents sur le métabolisme animal, aucun n'est vraiment pire que les autres. De plus, les effets des sels semblent cumulatifs, ce qui signifie qu'un mélange de sels cause les mêmes dommages qu'une concentration équivalente d'un seul sel.

Même si les animaux d'élevage peuvent, dans une certaine mesure, s'adapter à une eau saline, un changement brusque de la salinité de l'eau d'abreuvement peut avoir des effets nocifs. Le principal symptôme d'ingestion d'eau salée est la diarrhée. Si la concentration de MDT est élevée, les bovins peuvent ne pas boire pendant plusieurs jours, puis boire tout à coup beaucoup, ce qui peut les rendre malades, voire entraîner la mort.

L'eau dans laquelle la concentration de MDT dépasse 5 000 milligrammes/litre (mg/L) ne doit pas être bue par les vaches en lactation ou en gestation. À une telle concentration, la plupart des animaux boivent moins. Une eau dans laquelle la concentration des MDT dépasse 7 000 mg/L, serait mauvaise pour le bétail. Enfin, comme c'est le cas pour la plupart des contaminants, les veaux sont plus sensibles aux sels dissous dans l'eau que les bovins adultes.

Le traitement d'une eau comportant des concentrations élevées de MDT requiert un système à membranes, tel que l'osmose inverse, mais comme nous l'avons mentionné dans le cas des sulfates, il s'agit d'un traitement coûteux, et il vaut mieux chercher une autre source d'eau.

Les Nitrates

Des nitrates peuvent se retrouver dans une nappe phréatique contaminée par du fumier ou des engrais. On trouve rarement des concentrations élevées de nitrates dans les étangs et les réservoirs, sauf si du purin ou des engrais chimiques s'y sont introduits. Les nitrates, en soi, ne sont pas très toxiques, mais les bactéries présentes chez les ruminants convertissent les nitrates en nitrites, lesquels empêchent le sang de métaboliser efficacement l'oxygène, ce qui cause l'essoufflement et peut éventuellement entraîner la suffocation.

L'intoxication causée exclusivement par des nitrates de l'eau est rare, mais si les animaux consomment en même temps des fourrages à haute teneur en nitrates, la quantité de nitrates peut être toxique et entraîner la mort dans les trois à cinq heures suivant l'ingestion.

Une intoxication chronique aux nitrates ne cause pas nécessairement de signes cliniques. Elle peut, par exemple, ralentir le gain de poids, entraîner une perte d'appétit, rendre les animaux plus vulnérables à l'infection et les vaches, plus susceptibles aux avortements. L'eau contaminée aux nitrates cause plus souvent une intoxication chronique qu'un empoisonnement aigu.

Les analyses de l'eau révèlent généralement la présence combinée de nitrates et de nitrites. Les quantités maximales de nitrates et de nitrites recommandées dans l'eau d'abreuvement des bovins sont de 100 mg/L d'azote (N) ou 450 mg/L de nitrates (NO3). De telles concentrations sont rares dans les eaux de surface, sauf dans les plans d'eau fortement contaminés, mais plus courantes dans les eaux souterraines.

Ces concentrations ne sont pas dangereuses en soi pour le bétail, mais quand l'eau contenant de telles concentrations de nitrates est associée à des aliments contenant aussi des nitrates, des problèmes de santé peuvent survenir. La situation s'aggrave à mesure que les taux augmentent, surtout en période de sécheresse.

L'alcalinité et le pH

Une eau au pH entre 6,0 et 8,5 est acceptable pour la plupart des animaux d'élevage. Si le pH de l'eau est inférieur à 5,5, celle-ci peut causer de l'acidose chez les bovins, ce qui entraîne une diminution de la prise alimentaire et du rendement.

Une alcalinité excessive (pH autour de 10) peut causer des problèmes physiologiques et digestifs chez les animaux d'élevage. L'alcalinité peut également augmenter l'effet laxatif d'une eau à forte teneur en sulfates.

L'eau dont le taux d'alcalinité est inférieur à 1 000 parties par million (ppm) est jugée acceptable. Des concentrations plus élevées seraient sans doute considérées inacceptables. Chez les bovins adultes, toutefois, les concentrations de moins de 2 500 ppm causent peu de problèmes, à moins que les quantités de carbonates ne soient supérieures aux quantités de bicarbonates.

La plupart des eaux naturelles sont alcalines, mais heureusement, leur alcalinité est inférieure à 800 ppm (alcalinité mesurée en fonction du carbonate de calcium carbonate [CaCO3]), et elles ne sont pas nocives pour les bovins.

Il n'y a eu que quelques cas où une source d'eau s'est révélée trop alcaline pour le bétail.

Le goût et l'odeur

Certains chercheurs croient que les bovins sont sensibles à certains goûts et odeurs.

La présence de fumier dans l'eau en change le goût et l'odeur. On sait que les bovins préfèrent boire une eau propre plutôt qu'une eau contaminée, mais ils ne réduiront leur consommation d'eau contaminée que si la concentration de fumier y dépasse 0,25 %.

Le fer et le manganèse peuvent aussi changer l'odeur et le goût de l'eau, mais on ne sait pas quelles concentrations réduisent la consommation d'eau par le bétail.

De bonnes pratiques de gestion des plans d'eau, comme la préservation des rives gazonnées des cours d'eau, le fait d'empêcher le bétail d'entrer dans l'eau et l'aération des étangs sont des moyens peu coûteux qui permettent de réduire au minimum l'altération du goût et de l'odeur de l'eau, et d'assurer la qualité des sources d'eau. Les traitements destinés à éliminer le goût et l'odeur désagréables de l'eau sont chers alors que la prévention est abordable.

La température de l'eau

La température de l'eau peut avoir une incidence sur la quantité d'eau consommée par les animaux d'élevage. Des études ont montré qu'une eau fraîche aide les animaux à maintenir une bonne température corporelle et peut augmenter leur consommation d'eau, et donc leur gain de poids. S'il est possible de maintenir l'eau d'abreuvement fraîche, c'est là un avantage de rendement pour les producteurs.

L'eau des étangs profonds et des nappes phréatiques est naturellement fraîche. Il est donc bon d'utiliser une pompe qui ne tire l'eau que lorsque les animaux en veulent. L'eau des mares et des étangs peu profonds ainsi que celle des petites auges peut se réchauffer au point où les animaux en boiront moins.

L'effet de la qualité de l'eau sur le gain de poids

Bovins buvant à des bassins d'eau derrière des clôtures.

Certains chercheurs ont examiné l'effet de la qualité de l'eau sur le gain de poids des bovins. Leurs études ont montré que plus un animal boit d'eau, plus il consomme de nourriture et plus il prend de poids.

Dans une étude faite en Alberta, les chercheurs ont constaté que le gain de poids était de 9 % supérieur chez les veaux qui buvaient l'eau d'une auge par rapport à ceux qui s'abreuvaient directement dans un étang; chez les bouvillons, le gain était de 16 à 19 % plus élevé, dans les mêmes conditions.

Une autre étude faite au Western Beef Development Centre en Saskatchewan a porté sur quatre procédés de traitement de l'eau et leur effet sur la consommation d'eau ainsi que le gain de poids des bovins. Cette étude a montré que l'amélioration de la qualité de l'eau par l'aération et la coagulation augmentait la quantité consommée de 9 % en moyenne par rapport à celle de l'eau non traitée.

Les bovins d'un an qui buvaient de l'eau aérée et pompée jusqu'à une auge ont pris en moyenne 90,7 grammes/jour (0,2 livres/jour) de plus que ceux qui buvaient directement d'un étang. Le gain de poids des bovins qui consommaient de l'eau de grande qualité, chlorée et traitée par coagulation, était également supérieur (de 77,1 grammes/jour ou 0,17 livres/jour) à celui des animaux qui s'abreuvaient directement à l'étang.

Le tableau ci-dessous montre le gain de poids au cours des 60 premiers jours au pâturage (période 1), puis du jour 61 jusqu'à la fin de l'étude (période 2). Nous avons séparé les périodes pour pouvoir comparer les différences de qualité des fourrages et du stade de croissance des bovins.

Dans la période 1, les bovins ont pris plus de poids parce qu'ils n'avaient pas encore atteint leur taille adulte et que l'herbe du pâturage était de meilleure qualité. Par conséquent au cours de la période 2, les bovins sont plus près de leur taille adulte, et l'herbe est de moins bonne qualité. Par ailleurs, on s'attend à ce que le gain de poids soit inférieur entre le 30e et le 60e jour.

Gains de poids moyens : annuels et périodiques
Traitement 1999 2000 2001 2002 2003 Périod 1 [1] Périod 2 [1] Moyenne
Direct 0,88 1,17 0,94 0,8 1,05 1,18 0,5 0,97
Pompée 0,94 1,14 0,88 0,92 1,15 1,21 0,54 1
Coagulation 1,06 1,15 0,95 0,92 1,17 1,33 0,54 1,05
Aération 1,05 1,08 0,99 1,02 1,12 1,3 0,53 1,06
Eau de puits s.o. s.o. s.o. s.o. 2,67 s.o. s.o. s.o.
[1] Période 1 : jour 0 - 60; période 2 : jour 61 jusqu'à la fin.
s.o. = sans objet
Gains de poids moyens : annuels et périodiques
Traitement 1999 2000 2001 2002 2003 Période 1 [1] Période 2 [1] Moyenne
Direct 1,94 2,58 2,07 1,76 2,31 2,6 1,1 2,14
Pompée 2,07 2,51 1,94 2,03 2,54 2,67 1,19 2,2
Coagulation 2,34 2,54 2,09 2,03 2,58 2,93 1,19 2,31
Aération 2,31 2,38 2,18 2,25 2,47 2,87 1,17 2,34
Eau de puits s.o. s.o. s.o. s.o. 2,67 s.o. s.o. s.o.
[1] Période 1 : jour 0 - 60; période 2 : jour 61 jusqu'à la fin.
s.o. = sans objet