Gestion à risque réduit des larves de taupin dans la culture de la pomme de terre

La larve du taupin vit dans le sol et cause des dommages à la partie souterraine de la plante. Dans le cas de la pomme de terre, l'alimentation souterraine réduit le rendement et cause des dommages esthétiques qui empêchent la commercialisation du produit.

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Comparaison entre un tubercule sain (à gauche) et un tubercule endommagé (à droite) à la fin de l'été. (Image par R. S. Vernon)

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Pomme de terre gravement endommagée, lorsque la larve du taupin s'en nourrit tôt durant la période de croissance du tubercule. (Image par R. S. Vernon)

Traditionnellement, les insecticides organophosphatés ont été utilisés dans la lutte contre les larves de taupin. Au Canada, plusieurs de ces produits à large spectre plus anciens ne sont plus disponibles ou sont en voie d'élimination. Par conséquent, ces larves sont redevenues un problème grave dans plusieurs régions et il n'existe que peu de méthodes de contrôle efficaces.

La stratégie adoptée par le Programme de réduction des risques liés aux pesticides (PRRP) pour le contrôle des larves de taupin est une initiative nationale, développée en collaboration après des consultations avec les intervenants de l'industrie, les chercheurs de pointe dans la gestion des larves de taupin et les spécialistes provinciaux des cultures. La stratégie a reçu l'aval du PRRP fédéral, conjointement mis en oeuvre par Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada et les programmes des gouvernements provinciaux. La stratégie vise à faire la promotion d'un contrôle économique de cette peste, tout en réduisant les risques associés à l'utilisation des insecticides dans la santé humaine et l'environnement. La présente fiche de renseignements présente quelques travaux effectués avec le soutien du PRRP et indique le statut de ces efforts.

Identification des espèces de taupin dans les différentes régions

Il existe plus de 800 espèces de taupins dans le monde, mais seul un petit nombre de celles-ci constituent une menace sérieuse pour l'agriculture, entraînant des pertes économiques. Environ 30 espèces sont reconnues comme des organismes nuisibles au Canada, et plusieurs se retrouvent dans les champs de pommes de terre. Une enquête nationale sur les espèces a été lancée en 2008 avec la collaboration d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), de producteurs et de spécialistes des cultures. Du matériel a été recueilli sur le terrain à l'aide de différentes méthodes et les larves ont été envoyées à Agriculture et Agroalimentaire Canada-Agassiz en Colombie-Britannique pour identification. L'enquête s'est poursuivie en 2009. Déjà, les résultats préliminaires ont permis de constater des différences dans la composition des espèces de différentes régions du Canada. La première ébauche de la carte nationale de distribution des espèces sera publiée sous peu et devrait aider les producteurs à choisir les méthodes de contrôle les plus appropriées aux espèces présentes dans leur région.

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Deux types de larves de coléoptère de clic identifiées à partir de l'enquête nationale de 2008-2009. En haut : La larve et l'adulte de Limonius canus (Images par W. van Herk); en bas : La larve et l'adulte de l'Agriotes obscurus. (Images par R. S. Vernon)

Sélection d'insecticides

Les différentes espèces des larves de taupin répondent de manière différente à l'application d'insecticide. Certains produits tuent le taupin, alors que d'autres peuvent repousser les larves ou les paralyser durant de longues périodes. En raison notamment de la biologie complexe de ces ravageurs (les larves peuvent vivre de deux à six ans), le choix des pesticides reste une entreprise difficile. Des méthodes et des protocoles ont été élaborés afin de permettre la manutention et la conservation de ces organismes. Les essais biologiques de toxicité et comportemental on été établis pour une fiabilité du test. Ils ont été conduits au laboratoire et au champ Afin d’identifier les produits prometteurs et à risque limité pour leur homologation.

Ces efforts ont permis de proposer deux produits pour homologation par l'organisme de réglementation fédéral, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA)

  • Titan (clothianidine) : les données d'efficacité générées dans le cadre d'essais au champ ont permis de soutenir un élargissement de l'homologation pour usages limités. L'ARLA a complété son examen en novembre 2008 et le produit a été homologué pour utilisation à compter de février 2009. La clothianidine, qui agit par intoxication réversible à long terme de la larve, est homologuée à des fins de « suppression » des dommages causés par les larves du taupin.
  • Capture (bifenthrine) : les données d'efficacité générées dans le cadre des essais au champ ont permis d'appuyer une demande de catégorie A par le détenteur d'homologation. Le produit est enregistré pour le contrôle de larves du taupin dans la culture de la pomme de terre aux États-Unis et est en cours d'examen par l'ARLA.
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Organisation typique d'un essai de sélection visant à fournir des données d'efficacité. (Image par R. S. Vernon)

Évaluation des biopesticides

Deux produits ont été essayés comme biopesticides potentiels pour le contrôle des larves des taupins :

  1. Champignon pathogène - Metarhizium anisopliae
    Un isolat hautement virulent de Metarhizium anisopliae Sorokin (Hypocréales : Clavicipitacée) a été découvert en Colombie-Britannique et développé pour utilisation comme matière active d'un produit prometteur de contrôle des ravageurs. Il a été démontré que l'isolat, appelé LRC112, pouvait infecter et tuer les larves du taupin en laboratoire et au champ. Le produit est toujours à l'étape expérimentale et son efficacité dépend fortement des conditions environnementales (température et humidité du sol). D'autres travaux liés à l'augmentation de la production de cet agent de contrôle biologique sont nécessaires.
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    Une larve du taupin mort (à gauche) des suites de l'infection par Metarhizium anisopliae (souche Agassiz). Progression vers la croissance mycélienne (deuxième à partir de la gauche) et forte sporulation (à droite). (Image par T. Kabaluk)

  2. A-1 : produits à base de moutarde
    Les essais faits avec le CA-1 laissent penser que ce produit commercial pourrait avoir un effet répulsif sur les larves du taupin. Les essais en laboratoire et au champ ont établi que le produit ne causait pas la mort des larves, mais pourrait les inciter à se retirer profondément dans le sol. Cette propriété pourrait potentiellement être utilisée pour tenir les larves du taupin loin des couches de sol où se produit la plus grande partie des dommages. Le choix du moment apparaît crucial, puisque l'application hâtive pourrait avoir un effet phytotoxique sur les pommes de terre. L'approche est toujours à l'étape expérimentale et d'autres études sont requises pour évaluer son adoption.

Technologie d'application innovatrice

Des mélanges d'insecticides et différentes procédures d'application ont été essayés en laboratoire et au champ. Une technologie exclusive basée sur une stratégie « attirer et tuer » a été développée par Agriculture et Agroalimentaire Canada et a fait l'objet d'une demande de brevet mondial en 2009. La technologie utilise des applications d'insecticide à un taux ne posant que des risques négligeables pour la santé humaine ou l'environnement, mais offrant aux cultures une protection égale ou supérieure à celle offerte par la norme actuelle, Thimet. Agriculture et Agroalimentaire Canada travaille avec un partenaire industriel et prévoit homologuer et commercialiser le produit d'ici cinq ans.

Rotation optimale des cultures

La rotation des cultures est une méthode de gestion des ravageurs recommandée aux producteurs de pommes de terre pour le contrôle des larves de taupins. Agriculture et Agroalimentaire Canada mène actuellement une enquête visant à évaluer les cultures qui ne sont pas des hôtes préférés de ces larves. Lorsque maintenues en culture alternée, elles diminuent la ponte du taupin femelle et conséquemment réduisent les populations de larves pour la saison suivante. Les cultures alternées peuvent aussi avoir une incidence sur le taux de survie des larves qui se développent dans ces sites. Les essais au champ ont débuté en 2008 et se sont poursuivis en 2009. Quatre cultures ont été essayées : moutarde cultivée, sarrasin, luzerne et orge. Les résultats préliminaires montrent des écarts dans les populations des larves du taupin entre les quatre cultures. Les résultats finaux pourraient appuyer de nouvelles recommandations pour cette bonne pratique culturale.

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Essai de culture de moutarde en rotation avec la pomme de terre. Site d'essai près de Charlottetown, Île du Prince Édouard (Image par C. Noronha)

Pour de plus amples renseignements :

Sondage sur les espèces, dépistage d'insecticides et technologie d'application exclusive, prière de s'adresser à Wim Van Herk

Biopesticides - Metarhizium, prière de s'adresser à Todd Kabaluk

Biopesticides - moutarde naturelle, veuillez contacter Dr. Loretta Mikitzel

Rotation des cultures, prière de s'adresser à Dr. Christine Noronha

Remerciement

Nous remercions le Dr. Robert S. Vernon pour son travail sur le sondage sur les espèces, le dépistage d'insecticides et la technologie d'application exclusive qui a contribué au succès du projet.