Enquête nationale sur la résistance de la tavelure du pommier aux fongicides systémiques, y compris les inhibiteurs de stérols et les strobilurines, dans les vergers de pommiers

Code de projet : PRR11-060

Chef de projet

Kelly Ciceran - Vineland Station

Objectif

Réaliser une enquête nationale sur la tavelure du pommier afin de déterminer le niveau de résistance du pathogène aux strobilurines et aux inhibiteurs de stérols dans les diverses provinces canadiennes productrices de pommes

Sommaire de résultats

Contexte

La tavelure du pommier, causée par un champignon pathogène appelé Venturia inaequalis, est l’une des plus graves affections fongiques de la pomme au Canada. Selon des études réalisées par l’Ontario Apple Growers Association, 4 000 tonnes de pommes ont été touchées en Ontario en 2009, ce qui a occasionné des pertes de plus de 1,8 million de dollars.

L’examen d’échantillons de feuilles infectées envoyées à l’Université Cornell et à la Michigan State University a révélé la présence, dans certains vergers de l’Ontario, de populations pathogènes causant la tavelure du pommier qui résistent aux fongicides à base de strobilurines et d’inhibiteurs de stérols. L’inefficacité des fongicides appliqués a entraîné la multiplication des applications et causé d’importantes pertes financières au moment de la récolte.

L’étendue de la résistance de l’agent pathogène aux fongicides à l’échelle du Canada n’est pas connue. Bien que des protocoles aient été élaborés pour la déterminer, il n’existe pas au Canada d’établissements offrant ce type d’examen aux pomiculteurs. Nous ne pouvons pas non plus continuer de dépendre des centres de recherche américains pour ce faire, en raison de barrières commerciales restreignant le transport d’échantillons atteints de la maladie de l’autre côté de la frontière.

Méthodologie

Un projet national d’une durée de deux ans a été lancé en 2011 pour évaluer la résistance de la tavelure du pommier aux fongicides. Toutes les provinces productrices de pommes y ont participé, soit la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique. En tout, 98 emplacements ont fait l’objet de l’étude.

Chaque année, 49 pomiculteurs participants de l’ensemble du Canada ont laissé un petit nombre d’arbres (de six à huit) non traités contre la maladie jusqu’à ce que des lésions apparaissent. Les feuilles présentant des lésions primaires fraîches de la tavelure ont été prélevées et envoyées au laboratoire de diagnostic phytosanitaire (LDP) de l’Université de Guelph afin que soit évaluée la résistance de l’agent pathogène aux fongicides à base d’inhibiteur de stérols (IS), ou groupe 3 (Nova 40W, Nustar et Inspire), et aux fongicides à base de strobilurines, ou groupe 11 (Sovran, Fint 50 WG et Pristine WG).

Deux méthodes d’analyse ont été utilisées :

  • 1) le test d’activité biologique de croissance adapté de la méthode SMOR élaborée par l’Université Cornell et modifiée par le LDP de l’Université de Guelph;
  • 2) le dépistage de l'acide désoxyribonucléique (ADN) visant à déceler la présence de la mutation G143A, méthode mise au point par la Michigan State University.

Sous la supervision des professeurs Kerik Cox, de l’Université Cornell, et George Sundin, de la Michigan State University, les résultats ont été interprétés au moyen de seuils de croissance relative de départ établis pour déterminer les niveaux de sensibilité de la tavelure aux fongicides à base d’IS (Nova et Inspire) et à base de strobilurines (Flint) évalués.

Résultats

Pour Nova, les résultats indiquent une mutation des populations pathogènes, qui sont en train de passer ou sont passées de sensibles à résistantes. Les seules populations sensibles ont été trouvées dans un verger abandonné et non traité près de Brighton, en Ontario. Dans les vergers où Nova ne peut pas servir à lutter contre la tavelure parce que l’agent pathogène y résiste, le fongicide peut quand même être employé contre l’oïdium.

Pour ce qui est d’Inspire, les résultats indiquent que la majorité des populations pathogènes examinées y sont encore sensibles. Chez quelques populations, cependant, la mutation est commencée. Il faut donc utiliser ce produit avec prudence, en recourant à de solides stratégies de gestion de la résistance.

En ce qui concerne Flint, le degré de résistance varie de très faible à très fort. Dans tous les vergers où l’agent pathogène a été classé comme en mutation ou résistant à Flint, on a également constaté la présence de la mutation G143A, ce qui rend l’agent résistant à tous les fongicides à base de strobilurines. Avec ce produit également, il faut faire preuve de prudence et recourir à de solides méthodes de gestion de la résistance.

On a informé les pomiculteurs participants des résultats et on leur a fait des recommandations concernant l’utilisation de fongicides à base d’IS et à base de strobilurines dans leurs vergers. Des exposés ont été présentés à l’industrie de la pomme et des affiches et articles ont été distribués.

Dans la foulée de ce projet, le LDP de l’Université de Guelph a mis au point un test de résistance de la tavelure de la pomme aux fongicides qui est reconnu comme protocole de diagnostic normalisé. Depuis 2013, il offre un service de diagnostic aux producteurs moyennant paiement.

Les pomiculteurs peuvent envoyer des échantillons au laboratoire pour obtenir une indication du degré de résistance de l’agent pathogène aux fongicides dans leurs vergers. Grâce à ces analyses, l’industrie de la pomme peut évaluer le degré de résistance de la tavelure à un éventail de fongicides, dont les IS, les strobilurines et d’autres produits, comme la dodine. Ce nouvel outil permet la prise de meilleures décisions au sujet de l’usage de fongicides, y compris en ce qui concerne le mélange en cuve, le moment de la pulvérisation et le nombre de traitements, et contribue à réduire au minimum l’utilisation de ces produits chimiques.