Évaluation des filets à maille pour lutter tôt en saison contre la mouche du chou dans les cultures de légumes crucifères

Code du projet : PRR14-010

Évaluation des filets à mailles pour la gestion en début de saison de la mouche du chou (Delia radicum) et d'autres ravageurs dans les cultures de légumes-feuilles crucifères

Chefs de projet

Peggy Dixon et Scott Anderson – Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Démontrer l'efficacité et les avantages des filets à mailles en polyéthylène pour la lutte contre les principaux insectes nuisibles aux légumes crucifères dans le Canada atlantique et en Colombie-Britannique

Contexte

La mouche du chou (Delia radicum L.) cause d'importantes pertes économiques dans les cultures de crucifères au Canada. Lors de consultations menées auprès d'un groupe d'experts qui sont responsables de la Stratégie de réduction des risques liés à la lutte contre la mouche du chou dans la production de crucifères, il a été déterminé que la lutte durable contre ce ravageur est une priorité. Les producteurs ont besoin de solutions de remplacement à risques réduits pour diminuer leur dépendance à l'égard des traitements insecticides et pouvoir déployer d'une lutte intégrée contre le ravageur. Un précédent projet réalisé dans le cadre de la Stratégie en 2010–2012 a montré que les couvertures de cultures avec des filets à maillage en polyéthylène (couramment appelées « filets anti-insectes ») peuvent protéger durant toute la saison les rutabagas contre les dommages causés par la mouche du chou. Toutefois, contrairement au rutabaga, les légumes-feuilles crucifères sont sensibles seulement à la première génération de la mouche du chou, et ne nécessitent donc pas une protection tout au long de la saison. Le retrait des filets plus tôt dans la saison permettrait d'éviter les problèmes liés à l'élimination des mauvaises herbes associés à cette technologie.

Le présent projet visait à évaluer l'efficacité et démontrer les avantages de filets à maillage de différentes grosseurs pour protéger les légumes-feuilles crucifères contre les insectes en début de saison, période où ils sont particulièrement vulnérables aux dommages. Il visait aussi, à transférer les connaissances sur l'adoption de la technologie des filets aux producteurs.

Approches

Des essais au champ ont été réalisés en 2014 et en 2015, dans des cultures de brocoli et de radis, à Agassiz, en Colombie-Britannique; de brocoli et de chou frisé à Kentville, en Nouvelle-Écosse; et de brocoli à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador. Chaque site comportait 20 parcelles comprenant 5 traitements, dont des filets à maillage gros (1,33 mm, Crop Solutions Ltd, Royaume-Uni), moyen (0,80 mm, Wondermesh Ltd., Royaume-Uni) et petit (0,60 mm, Crop Solutions Ltd, Royaume-Uni), ainsi qu'un témoin sans filet et sans traitement insecticide, et un témoin sans filet avec applications par bassinage de chlorpyrifos (norme de l'industrie). Le rendement des filets a été évalué pour les principaux ravageurs, notamment la mouche du chou, l'altise des crucifères (Phyllotreta cruciferae), la piéride du chou (Pieris rapae) et la fausse-teigne des crucifères (Plutella xylostella). Des semis ont été partis en serre, puis repiqués au champ à l'âge de 5 ou 6 semaines. Les filets ont été installés immédiatement après la transplantation au moyen de l'appareil Hiwer, et leurs bords ont été recouverts de sol ou maintenus en place au moyen de sacs de sable; ils ont été retirés quelques semaines plus tard. Un traitement herbicide a été effectué avant la transplantation sur toutes les sites.

Le niveau de dommages causés par la mouche du chou aux racines du brocoli, du chou frisé et des radis a été évalué à l'aide de l'échelle de cotation du canola [Dosdall, L. M., et al. 1994. Susceptibilities of species and cultivars of canola and mustard to infestation by root maggots (Delia spp.). Can. Entomol. 126: 251-260] dans tous les sites en 2014, et en Colombie-Britannique seulement en 2015. Les dommages aux racines ont été utilisés pour calculer l'indice d'infestation de la mouche du chou [King, K.M., et A.R. Forbes, 1954. Control of root maggots in rutabagas. J. Econ. Ent. 47:607-615]. La biomasse végétale, le rendement commercialisable et la précocité de maturation ont été mesurés pour évaluer l'effet des filets. Les paramètres liés aux autres insectes ont été évalués à la mi-saison et à la récolte, notamment les dommages causés par l'alimentation des altises et les dénombrements d'œufs de cet insecte, ainsi que la dénombrements de chenilles et de chrysalides de la piéride du chou et de la fausse teigne des crucifères.

Le projet a permis d'établir une excellente collaboration entre les scientifiques fédéraux, les spécialistes du transfert des technologies, les spécialistes provinciaux et les conseillers agricoles locaux, qui ont coordonné de nombreuses activités de sensibilisation dans les trois régions pour faire connaître la technologie des filets anti-insectes et promouvoir son adoption.

Résultats

Les filets de toutes les grosseurs de maillage mises à l'essai se sont montrés efficaces pour lutter en début de saison contre la mouche du chou, la piéride du chou et la fausse-teigne des crucifères dans les parcelles de brocoli. Par rapport aux traitements d'insecticides, les filets ont eu une efficacité égale ou supérieure pour protéger le brocoli contre les dommages de la mouche du chou. De plus, les filets ont permis de réduire considérablement l'indice d'infestation de la mouche du chou (qui a varié entre 0,4 et 9 dans le cas des traitements avec filets) comparativement aux parcelles sans filet et sans traitement (44 et 100) et aux parcelles traitées au chlorpyrifos (30 et 84) respectivement en 2014 et en 2015. Le brocoli cultivé sous filet présentait un rendement commercialisable considérablement plus élevé (4,3-5,7 t/ha) que celui des parcelles sans filet et sans traitement et des parcelles traitées au chlorpyrifos (2,9 t/ha dans les deux cas) en 2015, mais cet avantage était moins marqué en 2014 (par exemple, 8,2 t/ha contre 6 t/ha, respectivement). Les parcelles de brocoli sous filet présentaient un nombre considérablement moins élevé de chenilles de piéride du chou et de fausse teigne des crucifères que les parcelles sans filet. Les populations d'altises étaient insuffisantes pour l'analyse.

En général, le brocoli est parvenu à maturité plus rapidement dans les parcelles sous filet que dans les parcelles sans filet. En 2015, environ 60 % du brocoli cultivé sous filet est parvenu à maturité et a été récolté à la première date de récolte, alors que ce taux était ~40 % dans les parcelles sans filet.

Dans le cas du chou frisé, aucune différence significative n'a été observée au niveau de l'indice d'infestation, de la biomasse récoltée ou du poids commercialisable en 2014. En 2015, un rendement commercialisable considérablement plus élevé a été observé dans les parcelles de chou frisé sous filet par rapport aux parcelles sans filet, peut-être en raison du nombre plus élevé de piérides du chou et de fausses-teignes des crucifères présentes dans les parcelles témoins. Les filets n'ont pas permis de réduire les dommages causés par la mouche du chou, mais ils peuvent représenter un outil utile pour éviter les dommages causés par d'autres insectes s'attaquant aux feuilles du chou frisé.

Dans le cas du radis, inclus dans le projet en 2015, une diminution considérable de l'infestation de mouche du chou et des dommages causés aux racines ont été observés avec les filets de toutes les grosseurs de maillage comparativement aux parcelles sans filet. De plus, les radis cultivés sous filet ont présenté un rendement commercialisable et une biomasse végétale supérieurs.

Conclusion

En général, les filets se sont montrés prometteurs comme méthode de remplacement pour la protection des légumes-feuilles crucifères contre la mouche du chou et d'autres insectes nuisibles. Certains de ces légumes-feuilles ont une valeur plus élevée que celle du rutabaga, ce qui rendrait la technologie des filets plus rentable. Des efforts considérables ont été déployés pour le transfert de connaissances et de technologie afin d'informer les producteurs au sujet de l'efficacité et des avantages de l'utilisation des filets anti-insectes démontrés par le projet. Les activités de sensibilisation comprenaient des démonstrations à la ferme, des visites des sites expérimentaux par les producteurs, des présentations, et une vidéo montrant l'utilisation de la machinerie spécialisée nécessaire à l'installation et au retrait des filets (Technologie de filets anti-insectes dans le Canada atlantique). Cette technologie est considérée comme une excellente solution qui peut être adoptée dans les petites exploitations, en production biologique et aussi, à beaucoup plus grande échelle dans les exploitations conventionnelles, permettant de lutter efficacement contre les principaux insectes nuisibles aux cultures de crucifères sans recours aux insecticides.