Lutte intégrée contre la moisissure grise (Botrytis cinerea) dans la culture de la tomate de serre à l’aide du biofongicide Botector®

Code du projet : BPR15-041

Chef de projet

Odile Carisse - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectifs

Élaborer un programme de lutte intégrée qui combine des applications du biofongicide Botector® et l'adoption d'autres pratiques exemplaires pour le contrôle de la moisissure grise (Botrytis cinerea) dans la culture de la tomate de serre

La moisissure grise causée par le pathogène Botrytis cinerea est une maladie fongique nuisible dans la culture de la tomate de serre au Canada. En 2014, les producteurs avaient identifié le biofongicide Botector® (Aureobasidium pullulans) comme priorité pour lutter contre la moisissure grise dans de nombreuses cultures. Grâce au soutien réglementaire de l'équipe de réduction des risques liés aux pesticides du Centre de la lutte antiparasitaire d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, l'utilisation du Botector® a finalement été homologuée en 2020 au Canada pour la protection d'un large éventail de cultures de légumes de champ et de serre, de petits fruits, de fines herbes et de plantes ornementales.

Le présent projet d'une durée de deux ans visait à élaborer une approche de lutte intégrée qui combine des applications de Botector® faites à des moments optimaux et d'autres pratiques culturales pour lutter contre la moisissure grise dans la tomate de serre.

Approche

Trois stratégies de lutte intégrée (LI) ont été évaluées dans des chambres de culture sur des plants de tomates de serre inoculés artificiellement. Une seule des trois stratégies a été validée dans une serre commerciale dans des conditions naturelles d'infection. Chaque stratégie comprenait des pratiques culturales couramment utilisées par les producteurs, dont l'effeuillage (enlèvement des feuilles plus âgées au bas des plants de tomate) et l'élimination des feuilles enlevées hors des chambres de culture expérimentales. Dans les chambres témoins associés à chacune des stratégies évaluées, aucun fongicide conventionnel ni aucun biofongicide n'a été appliqué, seulement les pratiques culturales courantes y ont été appliquées comme traitement. Une surveillance hebdomadaire des infections des fleurs et des blessures des tiges a été exercée pour évaluer l'efficacité de chaque stratégie. Des capteurs de spores ont été installés dans les chambres de culture pour détecter la concentration des spores de B. cinerea en suspension dans l'air.

A. La stratégie de lutte biologique intégrée (LBI) comprenait deux scénarios :

  1. le premier scénario consistait à appliquer une seule fois en guise de traitement préventif le biofongicide Botector® sur les blessures des tiges après l'effeuillage des plants de tomate à un moment du faible humidité de l'air;
  2. le deuxième scénario consistait à faire des applications continues de Botector® tant que la concentration des spores de B. cinerea en suspension dans l'air était inférieure à 100 conidies par mètre cube (conidies/m3) ou qu'une ou deux (1-2) blessures des tiges étaient infectées après l'effeuillage des plants. En moyenne, six applications de Botector® ont été faites au cours des essais menés dans le cadre de la stratégie A.

B. La stratégie de lutte intégrée (LI) consistait à appliquer du Botector® sur les blessures des tiges lorsque les concentrations d'inoculum en suspension dans l'air se situaient entre 10 et 25 conidies/m3, et à appliquer du Botector® sur les feuilles, les fleurs et les blessures des tiges dès l'apparition de symptômes de la moisissure grise et lorsque les concentrations de spores en suspension dans l'air se situaient entre 25 et 100 conidies/m3. En outre, des fongicides conventionnels (fenhexamide, pyriméthanil et fluopyram) étaient appliqués dès la détection de symptômes et lorsque la concentration de spores en suspension dans l'air était supérieure à 100 conidies/m3. En moyenne, 4,3 applications de Botector® et 3,3 applications de fongicides conventionnels ont été faites au cours des essais menés dans le cadre de la stratégie B.

C. La stratégie de lutte chimique optimisée (LCO) consistait à faire des applications de fongicides conventionnels (fenhexamide, pyriméthanil et fluopyram) et à observer les pratiques culturales indiquées. Les applications de fongicides devaient commencer dès que la concentration des spores dépassait 25 conidies/m3, ou dès qu'il y avait une à deux (1-2) blessures des tiges infectées, ou dès l'apparition de brûlure des fleurs. En moyenne, 5,3 applications de fongicides conventionnels ont été faites et aucune application de Botector® n'a été faite.

Parmi les trois approches évaluées, seule la stratégie de LBI (A) a été validée dans une serre commerciale où il y avait des conditions d'infection naturelle. Dans ce cas, une comparaison a été faite avec une autre serre commerciale où les pratiques courantes utilisées par les producteurs ont été adoptées, dont l'enlèvement des fleurs ou des fruits malades et l'abaissement du taux d'humidité de l'air, si la présence de moisissure grise était observée. Deux capteurs de spores ont été installés dans chacune des serres susmentionnées pour détecter les concentrations de spores de B. cinerea. Des évaluations hebdomadaires des infections des fleurs et des blessures des tiges ont été faites pour évaluer l'efficacité des traitements effectués.

Résultats

Les stratégies de LBI (A) et de LI (B) fondées sur l'utilisation du biofongicide Botector® ont donné des résultats semblables. Elles ont offert une efficacité de contrôle significative de la maladie en réduisant les infections des fleurs de 86 et 91 % et les infections des tiges de 96 et 97 %. La concentration des spores de Botrytis en suspension dans l'air dans les chambres où ont été menés les essais pour les stratégies de LBI et de LI a également été réduite de 61 et de 66 %, respectivement, par rapport à la concentration des spores dans les chambres des essais témoins. La stratégie de LCO (C) a également réduit significativement l'infection des fleurs (de 59 %), l'infection des blessures des tiges (de 72 %) ainsi que la concentration des spores en suspension dans l'air (de 30 %) par rapport à celle des chambres des essais témoins, mais la stratégie de LCO a offert une efficacité de contrôle moindre que celles des stratégies de LBI et de LI.

Dans la serre commerciale, la stratégie de LBI a réduit significativement l'infection des fleurs (de 72 %) et l'infection des blessures des tiges (de 73 %) ainsi que la concentration des spores (de 30 %) comparativement aux pratiques courantes.

Conclusion

Les résultats obtenus dans le cadre du présent projet indiquent que le biofongicide de Botector® peut être considéré comme un important outil dans une stratégie de lutte intégrée contre la moisissure grise dans la tomate de serre. Lorsqu'intégré dans une stratégie qui vise premièrement à réduire la pression de maladie et deuxièmement à optimiser les conditions d'application, le produit Botector® peut offrir un niveau de contrôle commercialement viable au moyen d'un nombre acceptable d'applications. La stratégie qui combine des applications de Botector® et de fongicides conventionnels (LI) a offert un excellent niveau de contrôle de la maladie, et son efficacité a été meilleure que celle de la stratégie de LCO qui comptait uniquement des applications de produits chimiques. Le résultat principal de la stratégie de LBI est que l'application de Botector® en traitement préventif sur les blessures des tiges après l'effeuillage en combinaison avec des applications répétées du même produit lorsque les seuils de concentration des spores sont atteints et avec l'abaissement du taux d'humidité de l'air dans la serre et l'adoption de bonnes pratiques sanitaires, dont l'élimination des résidus foliaires de la serre, peut offrir une efficacité de contrôle de la maladie qui est de loin supérieure à celle d'une stratégie de lutte basée sur des applications de produits chimiques. Quant au système qui intègre l'utilisation du biofongicide et produits chimiques, il a été démontré que tout en optimisant la lutte contre la moisissure grise, il réduit significativement l'application de fongicides conventionnels, il réduit la pression d'inoculum du pathogène ainsi que le risque de développement d'une résistance aux fongicides conventionnels disponibles. Tous ces avantages permettent aux producteurs d'adopter des pratiques de production durables et de renforcer leur compétitivité sur les marchés intérieurs et internationaux.