Étude des voies d’infection du mildiou du concombre

Code du projet : PRR16-050

Chef de projet

Katerina Jordan (Ph.D.) - Université de Guelph

Objectif

Évaluer le rôle du matériel de multiplication, des autres plantes hôtes et des résidus végétaux comme sources d'inoculum du mildiou dans les cultures de concombre

Contexte

Le mildiou du concombre, causé par l'agent pathogène Pseudoperonospora cubensis, représente une menace pour le secteur et a été reconnu comme un enjeu prioritaire à traiter par Agriculture et Agroalimentaire Canada dans le cadre de la Réduction des risques liés aux pesticides. Dans les conditions propices à l'apparition de la maladie, le feuillage des plantes infectées peut devenir complètement desséché, entraînant ainsi des pertes de rendement considérables. Les mesures de lutte contre la maladie actuellement employées reposent sur un programme de traitements préventifs qui peut inclure des applications de fongicides chaque semaine sur une période prolongée. Le pathogène se propage principalement au moyen de ses spores aériennes, qui peuvent être dispersées sur de longues distances, les prévisions des risques de maladie sont fondées sur les conditions météorologiques à l'échelle de vastes régions géographiques. Cependant, le rôle des sources d'inoculum locales dans la propagation de la maladie est encore mal connu. Le présent projet de trois ans, appuyé par la Stratégie de lutte à risque réduit contre le mildiou du concombre, visait à combler les lacunes dans ces connaissances en évaluant des voies de transmission et des sources d'inoculum potentielles du mildiou dans la plus importante production commerciale de concombre du sud de l'Ontario.

Approches

Nous avons analysé les fruits et les graines de concombres et de diverses espèces de courges provenant de différentes sources dans le cadre d'essais contrôlés en laboratoire et en serre, pour déterminer les voies de transmission potentielles du mildiou. De 2016 à 2018, des concombres ont été récoltés dans les champs de la station de recherche de Simcoe de l'Université de Guelph, en Ontario, et des concombres et des courges ont été obtenus d'une épicerie locale (en 2016 seulement). Les matières végétales ont été traitées et analysées aux fins de détection du Ps. cubensis, au moyen d'outils microscopiques et moléculaires. De plus, nous avons semé en serre, dans des pots, des graines prélevées (par les chercheurs) dans les fruits de plantes infectées au champ ainsi que des échantillons de semences commerciales. Les plantes issues de ces graines ont été observées aux fins de détection des symptômes du mildiou. Enfin, nous avons soumis à une analyse PCR (réaction en chaîne de la polymérase) l'acide désoxyribonucléique (ADN) extrait des fruits récoltés, des semences commerciales et des semences issues des plantes infectées au champ ainsi que des tissus des feuilles et des tiges des plantes présentant des symptômes du mildiou dans le cadre des expériences en serre.

Pour évaluer le potentiel des autres plantes hôtes comme sources d'inoculum, nous avons examiné quatre espèces de cucurbitacées apparentées au concombre cultivé, soit le concombre grimpant (Echinocystis lobata) et le sicyos anguleux (Sicyos angulatus) (provenant respectivement des champs de la station de recherche de Simcoe et des champs du campus de Ridgetown), ainsi que la margose (Momordica charantia) et la thladianthe douteuse (Thladiantha dubia) (plantes cultivées en serre). Les feuilles des plantes mentionnées ci-dessus ont été exposées à des sporanges du mildiou, puis ont fait l'objet d'une surveillance visant à détecter la présence de lésions et l'apparition de sporanges frais. De plus, sur une période de deux ans, nous avons prélevé des feuilles de concombre grimpant, de sicyos anguleux et de thladianthe douteuse présentant des symptômes de mildiou dans diverses localités de l'Ontario, puis les avons analysées. De plus, des rhizomes de thladianthe douteuse prélevés à Ridgetown ont été plantés en serre avant la saison au champ de 2017 avant d'être transplantés dans un champ de concombres infecté par le mildiou en juillet, où l'apparition de symptômes de la maladie a été surveillée. Nous avons également extrait l'ADN des semences de sicyos anguleux et de concombre grimpant ainsi que des rhizomes de sicyos anguleux et de thladianthe douteuse en vue d'une analyse PCR.

Nous avons évalué la présence d'oospores chez les feuilles de plants de concombre de champ et de serre infectés par le mildiou. De même, nous avons prélevé des échantillons de sol contenant des résidus de culture dans les champs labourés, dans de nombreuses localités, pour y dépister les oospores. Pour évaluer plus en détail la possibilité pour les oospores d'hiverner dans les résidus de culture, nous avons haché des feuilles infectées par le mildiou puis les avons mélangées au sol d'un champ et exposées aux conditions extérieures au cours de l'hiver. Un dépistage des zoosporanges a été effectué avant et après l'installation des échantillons à l'extérieur.

En Ontario, nous avons effectué un suivi de la présence du mildiou dans deux serres commerciales en 2017 et une serre commerciale en 2018. La présence de la maladie a été consignée au printemps, en été, en automne et en hiver, et les résultats ont été comparés aux éclosions observées dans les champs chaque année.

Résultats

Les concombres récoltés ne présentaient pas de sporanges ou de sporangiophores du mildiou selon les analyses microscopiques. De plus, les plantes produites à partir des graines commerciales et des graines récoltées par les chercheurs chez des plantes infectées étaient peu nombreuses à présenter des symptômes du mildiou. Le taux de détection du mildiou était faible avec les méthodes d'identification classiques, mais l'analyse PCR a révélé la présence du Ps. cubensis chez les concombres récoltés sur des plantes infectées ainsi que chez les semences commerciales et récoltées par les chercheurs. En outre, l'analyse PCR a confirmé la présence du Ps. cubensis chez peu des plantes symptomatiques issues des semences commerciales et récoltées par les chercheurs.

Toutes les cucurbitacées sauvages (thladianthe douteuse, margose, concombre grimpant et sicyos anguleux) ont présenté des symptômes du mildiou ainsi que des sporanges frais sur les feuilles qui en ont été détachées lorsque des sporanges du Ps. cubensis leur avaient été inoculés. De plus, certains indices portaient à croire que les feuilles prélevées chez les cucurbitacées sauvages poussant au champ présentaient des sporanges et des sporangiophores du Ps. cubensis. Des thladianthes douteuses cultivées en serre ont été transplantées dans un champ infecté par le mildiou, et les symptômes du mildiou sont alors apparus chez certaines de ces plantes. Nos résultats indiquent que le Ps. cubensis peut infecter les cucurbitacées sauvages et que le mildiou peut être naturellement présent chez celles-ci. En outre, l'analyse PCR a confirmé la présence du Ps. cubensis chez les graines de concombre grimpant et de sicyos anguleux ainsi que chez les rhizomes de la thladianthe douteuse, du sicyos anguleux et du concombre grimpant. Il faudrait mener d'autres recherches pour déterminer si le pathotype qui infecte les cucurbitacées sauvages est le même que celui responsable du mildiou chez le concombre cultivé au champ.

Aucun signe de production d'oospores ou d'hivernation n'a été observé dans le cadre de la présente étude. Généralement, les zoosporanges ont une capacité de survie limitée, et ils pourraient survivre durant 3 ou 4 mois à −18 °Celsius. Compte tenu des conditions météorologiques extrêmes qui prévalent en Ontario, les zoosporanges ne constituent probablement pas une source viable d'inoculum. De plus, des feuilles fortement infectées ont été conservées à −20 °Celsius durant 6 mois puis utilisées pour infecter d'autres feuilles de concombre détachées, mais aucune de ces feuilles n'a présenté de lésions ou de sporanges frais. La transmission de l'inoculum aérien depuis les serres jusqu'aux champs est considérée comme peu probable, car les éclosions au champ observées en Ontario coïncident avec celles signalées au Michigan, aux États-Unis, plutôt qu'avec les éclosions de mildiou observées dans les serres.

Les résultats de l'étude ont été exposés aux communautés de producteurs et de scientifiques dans le cadre de présentations annuelles données à l'occasion de conférences de producteurs locaux (par exemple l'Ontario Fruit and Vegetable Convention, de réunions de la Société canadienne de phytopathologie et de l'Ontario Pest Management Conference). L'information issue de la présente étude est utile pour les producteurs et spécialistes des cultures car il renverse la croyance précédente selon laquelle les éclosions de mildiou dans les champs tirent leur origine des serres, et elle fait ressortir la nécessité de déterminer les pathotypes présents dans les serres et chez les cucurbitacées sauvages en Ontario. D'après la présente étude, le dépistage des spores en suspension dans l'air constitue une bonne stratégie pour aider les producteurs de l'Ontario à lutter contre la maladie dans leurs champs. L'étude a également montré que le mildiou peut être transmis aux graines et aux fruits, ce qui souligne l'importance de la production de semences commerciales exemptes de maladies comme stratégie de lutte. Les semences et les fruits du concombre faisant l'objet d'une exportation et d'une importation devraient donc faire l'objet d'analyses dans le futur, puisque les preuves du rôle de ces sources d'inoculum s'accumulent. Les producteurs et les spécialistes des cultures profiteront des nouvelles connaissances sur les voies de transmission possibles du mildiou issues du présent projet.