Plan directeur du lieu historique national de la Ferme expérimentale centrale (10 de 20)

III.2 - Situation actuelle

La Ferme est devenue plus complexe, tant sur les plans physique qu'opérationnel. Bien que la recherche agricole en demeure l'activité principale, la FEC abrite également l'administration centrale d'AAC, un Musée de l'agriculture, un parc public qui fait partie d'un réseau de couloirs de verdure reliés entre eux, un lieu d'expérimentation végétale financée par des organismes non gouvernementaux, ainsi qu'un lieu d'interprétation de l'histoire des activités de la Commission géologique du Canada dans les domaines de l'astronomie, des levés, de la séismologie et de la géologie. C'est également un lieu historique national reconnu comme un paysage culturel d'importance nationale. Ces multiples identités ont suscité un intérêt accru chez le public à l'égard de la Ferme, mais celle-ci doit maintenant assurer l'accessibilité à tous ces divers groupes d'intérêt.

Malgré cette série complexe d'identités, l'importance continue de la Ferme ne fait aucun doute.

L'héritage de la FEC se manifeste dans le profil de colonisation des Prairies, dans les produits végétaux offerts aux résidants des régions rurales et urbaines à travers le pays, ainsi que dans les pratiques actuelles en agriculture. Le programme de recherche de la FEC et certaines de ses collections demeurent essentiels à la science agricole au Canada. L'administration centrale, pour sa part, définit les orientations stratégiques nationales qui ajoutent à l'importance des lieux.


 

Perte de cohérence

L'existence d'identités concurrentes trop nombreuses menace l'avenir à long terme de la Ferme, dont le cœur est devenu inoccupé. Aucune des diverses identités n'est suffisamment solide pour définir une série de principes organisationnels pour l'ensemble de la Ferme ou pour assurer la continuité de sa structure fondamentale. Chacun des paysages culturels a établi son propre centre d'activité en périphérie et, si l'on représentait les diverses zones d'influence sur une carte, on constaterait que plus personne n'occupe la zone centrale. Ironiquement, celle-ci servait auparavant de principal lieu de rencontre entre les différents groupements scientifiques, ainsi qu'entre les scientifiques et le public.

Cela ne signifie pas que ces diverses identités n'ont pas leur raison d'être. En effet, les récentes consultations Kirby ont souligné l'importance d'une vision multidimensionnelle pour la Ferme et des différentes valeurs qui se chevauchent. Cependant, chaque série de valeurs s'accompagnent de critères différents concernant l'aménagement du site et, si ces entités ne partagent aucun intérêt commun et si le développement n'est pas coordonné, les valeurs fondamentales de la FEC, dont tout le reste dépend, seront menacées.

Compétences

D'autres problèmes naissent également de la présence d'identités multiples à l'intérieur d'un paysage associatif complexe. Ainsi, les rôles et les responsabilités des différents niveaux de compétence risquent de se fragmenter ce qui, à court terme, donnera lieu à une gestion inefficace et redondante. À long terme, ceci entraînera une modification des lieux et la logique de l'aménagement commencera à s'affaiblir. Voilà où les valeurs culturelles risquent grandement d'être menacées.

On observe déjà des indications en ce sens. En matière de planification, diverses recommandations distinctes ont été formulées par AAC, le Musée de l'agriculture, Ressources naturelles Canada, la Commission de la capitale nationale, Parcs Canada, Travaux publics Canada, la Défense nationale et la Ville d'Ottawa, pour régir l'aménagement de la Ferme et des parcelles adjacentes. La complexité du régime de propriété des terrains et des ententes de location ajoute au problème, et les nouvelles initiatives comme celle présentée par la Société du jardin botanique d'Ottawa deviennent très difficiles à évaluer, en regard de ces identités qui évoluent et en l'absence de règles précises concernant l'intégration de nouveaux partenaires.


 

Production de recettes

En l'absence de structures de régie précises, les possibilités d'offrir des activités génératrices de recettes sont très limitées. Cependant, l'augmentation de telles activités pour la FEC est une question qui préoccupe depuis longtemps AAC et d'autres ministères fédéraux. Il faudrait donc établir une stratégie d'investissement pour l'ensemble de la Ferme, qui reçoive l'aval du gouvernement, des partenaires et des Canadiens. La viabilité économique est toutefois une question complexe dans le cas de la FEC, et il pourrait être peu judicieux d'établir des attentes égales pour l'ensemble de la Ferme. Aucun progrès ne pourra être réalisé sans une politique globale d'identité et un modèle de régie approprié.

Programmes et opérations

Des identités multiples soulèvent également des problèmes dans la gestion quotidienne des opérations. La mise en valeur des lieux auprès du public devient embrouillée par la présentation de messages distincts et parfois contradictoires. Différents programes de signalisation à l'intention du public ont commencé à faire leur apparition, sans uniformité aucune quant à leur forme ou leur contenu. De même, différents régimes d'entretien ont entraîné une perte graduelle de l'uniformité des détails de l'aménagement, autant des zones de verdure que des éléments inertes. De nouvelles plantations apparaissent d'une manière non coordonnée. La controverse suscitée par le récent pavage des pistes cyclables par la CCN a ajouté à la confusion dans l'esprit du public, quant à l'identité du paysage de la Ferme.

Les conflits entre les activités de recherche et l'utilisation de la Ferme comme parc public ont créé un autre problème important. À cela s'ajoute une prise de conscience accrue de la nécessité de comprendre la relation entre la protection des ressources naturelles et culturelles. Quant aux programmes offerts, les objectifs du Musée de l'agriculture en ce qui a trait aux collections, aux activités d'interprétation et à l'orientation générale des programmes ne sont pas nécessairement compatibles avec les objectifs de développement et d'interprétation que nourrit AAC pour l'ensemble de la Ferme. À cela s'ajoutent des litiges non résolus entre ces deux organismes, au sujet de l'expansion possible des fonctions du Musée et de l'utilisation accrue des terrains et des bâtiments qui en résulterait.


 

Collections

Parmi les collections de la FEC qui ont une valeur culturelle ou scientifique, mentionnons les végétaux de l'Arboretum et des jardins d'ornement et les dossiers connexes, les collections scientifiques qui se trouvent actuellement dans l'édifice Sir-William-Saunders, les artefacts, ainsi que les collections des bibliothèques et des archives. Cependant, certaines de ces collections et bon nombre des éléments qui les composent ont été déménagés hors de la Ferme ou ont été perdus. On mène actuellement des études en vue de ramener certains de ces articles sur la Ferme. La plupart de ces collections ont une valeur scientifique et culturelle mais, sans une évaluation rigoureuse de leur potentiel et de leur valeur, on risque d'observer une tendance en faveur du gel de certaines de ces collections, ce qui en diminuera la valeur scientifique. Aussi faut-il procéder lentement afin de comprendre les liens étroits entre les valeurs naturelles, culturelles et scientifiques des ressources et de leur gestion.

Circulation, accès et espaces libres

À cause de la présence des diverses identités qui se chevauchent et des compétences qui se font concurrence, il a été très difficile de définir des règles claires en matière d'accès. Le siège de l'administration centrale est indépendant de l'ancien réseau routier dans la zone centrale, mais il y est aussi relié. Des aires de stationnement distinctes ont été établies pour la plupart des différents intervenants et bon nombre de ces aires ont leur propre signalisation et mode de gestion. La circulation en transit et la circulation locale sont souvent en conflit. Les autorités municipales et fédérales nourrissent des visions contradictoires à l'égard de la promenade Prince of Wales en tant que « promenade historique » et, à cause d'un traitement inadéquat, cette voie est devenue un élément diviseur plutôt que rassembleur. Dans l'ensemble, la logique fondamentale du site a diminué.

Le Musée de l'agriculture a proposé des changements aux aires de stationnement et aux tracés de circulation pour les véhicules et les piétons, et, durant la conduite de la présente étude, AAC a reçu une autre demande d'expansion et de reconfiguration du stationnement dans la zone centrale. Le fait que des véhicules empruntent les routes de la Ferme comme voies de transit ne fait qu'ajouter aux problèmes.


 

Utilisation des terrains adjacents

Le développement des terrains adjacents, y compris l'Université Carleton, l'Hôpital Civic et les quartiers de la Ville d'Ottawa, pourrait avoir une grande incidence sur l'identité de la Ferme, mais le Plan officiel de la Ville ne reconnaît pas l'importance des lieux adjacents dans la valeur patrimoniale de la FEC.

Conservation du paysage culturel

Même si les différentes autorités peuvent s'occuper individuellement des édifices du patrimoine et des parcelles du paysage placées sous leur responsabilité, il leur est beaucoup plus de difficile de gérer collectivement les ressources patrimoniales. Au départ, le paysage défini de la Ferme se caractérisait par une coordination et une continuité soignées des éléments de son architecture et de son aménagement, qui s'inscrivaient tous deux dans le cadre d'un programme de recherche durable. Aujourd'hui, de nombreux programmes sont menés simultanément, ce qui entraîne inévitablement un traitement irrégulier des ressources culturelles et naturelles. Sur le plan visuel, on note une perte de son attrait esthétique et la survie de divers éléments est menacée par la détérioration ou la négligence. À un niveau plus fondamental, l'absence d'identité globale menace le rôle du paysage culturel comme source d'identité pour la communauté, non seulement d'Ottawa mais du pays tout entier. Les liens historiques solides avec la Ferme ne pourront pas être maintenus si les qualités du paysage culturel d'origine ne sont plus visibles.