Durabilité de la production dans les systèmes alimentaires canadiens

Le Sommet sur les systèmes alimentaires de 2021: Rapport de la concertation de l’étape 2
Date de la concertation : 19 mai 2021
Organisé par : Agriculture et Agroalimentaire Canada
Lien vers la page Web de la concertation sur la passerelle (disponible en anglais seulement) : https://summitdialogues.org/dialogue/14357/

Participation

Nombre de participants[1] de chaque groupe de parties prenantes
Groupe de consommateurs 1
Institution gouvernementale et nationale 4
Peuple autochtone 2
Organisation non gouvernementale internationale 4
Grande entreprise nationale 1
Grand producteur 1
Organisation non gouvernementale locale[2] 6
Moyen producteur 4
Multinationale 1
Fondation, partenariat ou alliance du secteur privé 2
Milieu scientifique et universitaire 7
Petite ou moyenne entreprise ou artisan 4
Petit producteur 1
Nations Unies 1
Travailleurs et syndicat 1
Autres : principalement des associations agricoles et industrielles nationales 10
Total 50

1. Des participants se sont déclarés comme un groupe d’intervenants lors de l’inscription au concertation.

2. Les ONG locales comprennent des associations de l’industrie alimentaire et des organisations de la société civile.

Axe majeur

L’objectif de ce dialogue était d’explorer des approches pour améliorer la durabilité de la production agricole et alimentaire dans l’ensemble de la chaîne de valeur au Canada en reconnaissant les liens entre la performance environnementale et la résilience économique et sociale.

Le premier ministre du Canada s’est récemment engagé à accroître les contributions déterminées au niveau national au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à réduire les émissions de 40 % à 45 % par rapport au niveau de 2005 et à atteindre zéro émission nette d’ici 2050. Le secteur agricole mondial, y compris le secteur agricole canadien, peut faire partie de la solution pour réduire les émissions, tout en augmentant et en maintenant les réserves de carbone.

La plupart des émissions agricoles du Canada proviennent de processus biologiques, notamment de l’épandage de nutriments sur les sols et de la digestion du bétail. Par conséquent, l’innovation continue, le perfectionnement et l’adoption de pratiques et de technologies intelligentes sur le plan climatique à la ferme ont le potentiel d’améliorer l’efficacité, d’accroître les réductions et d’augmenter le stockage du carbone. Le gouvernement du Canada a prévu des programmes et des fonds pour aider le secteur à relever ces défis. De plus, de nombreuses entreprises qui s’approvisionnent en produits agricoles se sont engagées à réduire les émissions de leurs chaînes d’approvisionnement et à répondre à d’autres priorités environnementales. On a demandé aux participants de se pencher sur les défis au niveau de la production et de la chaîne d’approvisionnement afin de cerner les possibilités d’améliorer la séquestration du carbone et de réduire les émissions dans la chaîne alimentaire, en reconnaissant la complexité et les options qui existent.

Il existe de nombreux exemples d’initiatives de durabilité qui peuvent contribuer à l’amélioration des résultats environnementaux et à l’attestation de la durabilité du secteur agricole et alimentaire canadien, y compris les systèmes de certification et de vérification de la chaîne d’approvisionnement. En outre, les provinces canadiennes ont comparé l’un des principaux programmes environnementaux du Canada, le plan agroenvironnemental, à l’outil d’évaluation de la durabilité des exploitations agricoles de la Sustainable Agricultural Initiative, reconnu à l’échelle internationale. Un plan agroenvironnemental est un outil et un processus de sensibilisation volontaire, par lequel les producteurs évaluent leurs activités afin d’identifier les forces et les risques environnementaux et de concevoir un plan d’action pour traiter les secteurs de risque. À ce jour, plus de 40 % des producteurs ont participé à des programmes qui les aident à préparer leur plan agroenvironnemental.

Le dialogue a examiné les moyens de tirer parti des initiatives existantes pour accroître la séquestration du carbone et les pratiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), ainsi que pour renforcer et améliorer la participation aux initiatives de durabilité du Canada, en reconnaissant qu’il s’agit de défis complexes et dynamiques et que tous les acteurs du système alimentaire ont un rôle à jouer. Le dialogue visait à garantir qu’une large représentation des acteurs du système alimentaire participe à la formulation des idées. On y a aussi discuté des complexités, des nuances et des options qui ne peuvent être ignorées durant la mise au point de solutions pour le système alimentaire.

Principaux résultats

Les participants représentaient divers points de vue et divers rôles dans le système alimentaire canadien, mais ont convenu que l’amélioration de la durabilité du système de production alimentaire du Canada est une priorité. Pour ce faire, une optique globale du système alimentaire est nécessaire et ne peut être axée uniquement sur les GES ou sur le secteur de la production, mais doit tenir compte des consommateurs et de la variété des intervenants tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Malgré la complexité du système alimentaire, il a été souligné que des solutions doivent être envisagées sur le plan régional afin de refléter la diversité régionale du pays et des paysages et d’augmenter la durabilité tout en minimisant les conséquences inattendues.

Il a été mentionné que les changements à la ferme peuvent coûter cher en temps et en argent, et qu’il est nécessaire de soutenir les producteurs par des incitatifs financiers et non financiers afin de favoriser l’adoption de pratiques bénéfiques. Les gouvernements ont un rôle important à jouer dans le financement de la transition vers des pratiques et des technologies durables. Toutefois, un dialogue et une mobilisation continus entre les partenaires sont un élément essentiel de l’élaboration de politiques, de programmes, de cibles et d’objectifs appropriés et intégrés.

Le besoin de mesurer et de rendre compte de manière équitable, cohérente et transparente de la performance du secteur au moyen de mesures et de données sur la performance est un thème qui est fortement ressorti. Ces mesures et données soutiendraient les priorités de recherche en cernant les domaines qui posent problème, aideraient à orienter l’éducation et le transfert de connaissances et permettraient de suivre les progrès en matière de performance.

La communication a été mentionnée comme un thème important. On juge qu’il y a un potentiel inexploité de trouver des solutions simplement parce que des groupes de personnes ne sont pas en contact. Réunir divers intervenants de différents secteurs a déjà permis de découvrir des possibilités de réduction des pertes alimentaires et peut souvent mener à une réduction des coûts ou à de nouveaux flux de rentrées. L’amélioration de la communication dans la chaîne d’approvisionnement et entre les secteurs pourrait offrir d’autres possibilités.

L’éducation a également été un thème récurrent tout au long des discussions. Les participants ont souligné la nécessité de prévoir des volets sociaux et économiques lorsqu’on travaille avec des producteurs. L’apprentissage entre pairs est essentiel et peut être très efficace, surtout lorsqu’il est appuyé par des initiatives d’éducation et de transfert de connaissances qui tiennent compte des réalités vécues par des producteurs. L’importance de sensibiliser les consommateurs aux pratiques agricoles et alimentaires, ainsi que la complexité et l’interdépendance du système alimentaire ont aussi été abordées.

Les discussions animées entre les participants enthousiastes ont permis de dégager un certain nombre d’idées dignes de mention pour faire progresser la collaboration en matière de production durable, notamment l’élaboration d’une stratégie nationale pour la santé des sols, la création d’un ministère de l’Alimentation, la mise en place de programmes ciblés de financement visant à encourager la modification des pratiques dans les exploitations agricoles, la communication et l’éducation tout au long de la chaîne d’approvisionnement, les mesures et les données sur la performance ainsi que la recherche sur l’environnement appuyée par des outils d’aide à la décision. Leurs idées sont détaillées dans la section suivante.

Résultats pour chaque sujet de discussion

Dans des groupes de discussion composés d’un maximum de 12 personnes représentant divers aspects du système alimentaire canadien, les participants ont discuté de leurs points de vue et ont fait un remue-méninges sur les moyens d’accroître la durabilité de la production au sein du système alimentaire canadien. Les groupes ont discuté de deux sujets : Maintenir la résilience économique tout en accroissant la séquestration du carbone et en réduisant les émissions de GES, et améliorer la participation aux initiatives de durabilité.

Thème 1 : Quelles mesures doivent être prises pour que le secteur agricole et alimentaire du Canada demeure économiquement résilient tout en accroissant la séquestration du carbone et en réduisant les émissions de GES en vue d’atteindre un avenir carboneutre?

Trois idées clés sont ressorties de la discussion sur ce thème :

  • Une stratégie nationale pour la santé des sols est nécessaire pour attirer l’attention sur la santé des sols et élaborer des politiques pour y accroître la concentration de carbone. Elle comprendrait aussi la mesure du carbone de façon uniforme et défendable, car il y a actuellement trop d’indicateurs pour définir la santé des sols. Pour ce faire, il est nécessaire d’améliorer et de soutenir la recherche et le développement du savoir afin d’éclairer l’adoption de meilleures pratiques. Une stratégie pour la santé des sols pourrait soutenir le développement d’une approche écosystémique de la production alimentaire, en établissant des liens entre la production de cultures et de bétail et les écosystèmes les plus pertinents du point de vue environnemental. L’uniformité de la mesure du carbone pourrait aussi appuyer le marché de compensation des émissions de carbone et offrir un avantage supplémentaire aux producteurs.
  • Le transfert de connaissances et l’éducation nécessitent davantage de soutien et devraient reposer sur la compréhension des obstacles à l’adoption dans le domaine des sciences sociales. Le transfert de connaissances peut également se faire sous la forme d’un dialogue permettant de cerner les domaines dans lesquels des gains supplémentaires peuvent être réalisés pour réduire les émissions et séquestrer le carbone. Les consommateurs et le grand public ont également besoin d’information sur le système alimentaire afin de mieux comprendre son fonctionnement.
  • Un fonds de capital-risque pourrait être créé pour soutenir l’innovation et les technologies dans le secteur agricole et alimentaire. Il pourrait notamment être structuré de façon à reconnaître que le système alimentaire évolue et qu’il existe des possibilités de nouvelles technologies (par exemple. l’agriculture verticale) et de nouvelles sources de protéines (insectes, cellulaires, etc.).
  • En outre, les participants ont accordé une attention particulière à la nécessité de politiques et de programmes forts et cohérents qui pourraient favoriser l’adoption de pratiques visant à réduire les GES et à augmenter la séquestration de carbone. Ils ont formulé les idées et les considérations suivantes.
  • Les politiques et les programmes de réduction du gaspillage alimentaire représentent une occasion en or de réduire les émissions ainsi que la consommation d’eau et d’énergie, et doivent englober l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire. Les programmes doivent vaincre les préjugés des consommateurs à l’égard du gaspillage alimentaire et modifier leurs attentes d’aliments parfaits. Quant aux producteurs, ils ont besoin de programmes pour les aider à innover et à réduire les pertes alimentaires.
  • Soutenir des programmes d’aliments scolaires locaux et biologiques pourrait stimuler les économies locales, renforcer les sols, fournir des aliments nutritifs et contribuer à la réduction des émissions du transport.
  • Les programmes actuels de l’industrie des engrais visant à rendre l’utilisation de leurs produits plus efficace présentent un conflit d’intérêts, et les services de conseil en matière de culture devraient être plus indépendants.
  • Les politiques publiques doivent être envisagées à plus long terme, et non par tranches de cinq ans comme c’est le cas actuellement au Canada.
  • Les politiques doivent traduire des solutions souples et innovantes ainsi que les différents défis à chaque niveau du système alimentaire et les différentes denrées et pratiques de production.
  • Les trois piliers de la durabilité doivent être pris en compte lors de la conception des politiques et des programmes. Les objectifs environnementaux ne seront pas atteints si les questions sociales et économiques ne sont pas abordées en même temps. Par exemple, une augmentation soudaine et importante de l’utilisation de la technologie pour produire des aliments pourrait améliorer les résultats environnementaux, mais pourrait mener à des prix alimentaires inabordables.
  • Une approche fondée sur les connaissances scientifiques est nécessaire. Par exemple, ce n’est pas tout le monde qui veut consommer des aliments qui utilisent des technologies de modification génétique, mais il faut que le gouvernement indique ce qui est sûr et ce qui ne l’est pas.

Thème 2 : Que devons-nous faire pour renforcer et accroître la participation aux initiatives de durabilité du Canada et tirer parti de cette participation pour améliorer la réputation du Canada en matière de durabilité et en profiter?

Quatre axes clés sont ressortis de la discussion sur ce thème : l’utilisation des données, la création d’un ministère de l’Alimentation, le renforcement des mesures incitatives et la poursuite de la recherche.

  • Les participants ont réfléchi à la nécessité de disposer de mesures et de données pour montrer que des progrès ont été réalisés et repérer les points faibles, et ont suggéré la création d’un « entrepôt de données » pour recueillir, stocker, analyser et communiquer les données liées aux déclarations de durabilité. Avec le leadership du gouvernement fédéral, il pourrait s’agir d’un outil crédible qui améliore l’accès aux données et qui sous-tend des outils d’aide à la décision pour les producteurs, les transformateurs, les détaillants et les consommateurs. Une fonction de « base de données et d’interrogation » pourrait être développée à l’échelle internationale et alimentée par des données nationales pour assurer la cohérence et aider les membres de la chaîne d’approvisionnement à accroître la durabilité. Les participants ont aussi mentionné la nécessité de disposer de plus de données, de comprendre la variabilité des données et d’utiliser l’évaluation du cycle de vie pour améliorer les connaissances et la recherche et pour vérifier les déclarations de durabilité.
  • Ils ont parlé de la création d’un ministère de l’Alimentation comme moyen potentiel d’améliorer la coordination de la production agricole, des pêches et des questions de santé et de nutrition tout en abordant simultanément des questions de durabilité et d’environnement.
  • Les participants ont fait remarquer que les initiatives de durabilité et l’adoption de nouvelles pratiques qui améliorent les conditions environnementales peuvent imposer aux producteurs des obstacles d’ordre financier ou temporel. En outre, dans le cas de nombreuses pratiques qui augmentent et améliorent les biens publics, les avantages peuvent ne pas être pleinement réalisés par les exploitations qui les adoptent. Par conséquent, pour accroître la participation, des incitatifs et d’autres soutiens sont nécessaires pour fournir une assurance aux producteurs et compenser le temps et les coûts supplémentaires associés à la modification des pratiques.
  • Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans l’élaboration de politiques et de programmes qui pourraient inciter les producteurs à modifier leurs pratiques. Le soutien peut comprendre la poursuite de la recherche sur les meilleures pratiques, par exemple sur une utilisation plus efficace des nutriments et l’électrification du matériel agricole. La recherche peut aussi contribuer à adapter les solutions mondiales en solutions qui conviennent à la région et favoriser le développement d’outils d’aide à la décision qui peuvent faciliter l’adoption de pratiques bénéfiques.

Les participants ont aussi mentionné que les questions suivantes devaient être envisagées :

  • Les options doivent être étudiées et prises en compte, même si des solutions gagnantes existent et peuvent contribuer à accélérer la dynamique. Les exemples d’options comprennent l’équilibre entre les buts et objectifs à long terme et à court terme, et les objectifs d’exportation ou de production par rapport aux objectifs sociaux et environnementaux.
  • Le fardeau des producteurs est lié à l’offre de données permettant de faire des déclarations de durabilité et de participer aux systèmes de vérification et de certification. Il faut trouver des moyens de réduire ce fardeau, en particulier pour favoriser la participation des petits et moyens producteurs.
  • Le Canada doit être plus proactif dans la mise en valeur de son rendement en matière de durabilité, et les gouvernements peuvent jouer un rôle de chef de file à cet égard. Il est aussi possible d’exporter des technologies et des compétences.
  • L’innovation dans la chaîne d’approvisionnement est essentielle, et le gouvernement fédéral pourrait se concentrer sur le soutien à l’innovation brevetable. Toutefois, cette démarche doit être équilibrée avec une certaine souplesse, car une approche trop prescriptive nuira à l’innovation.
  • Les producteurs doivent y voir une valeur commerciale avant d’apporter des changements. La préférence des consommateurs peut devenir cette valeur commerciale.
  • Il est impératif de communiquer de manière cohérente tout au long de la chaîne d’approvisionnement, avec les producteurs et avec les consommateurs.
  • Les aliments d’origine aquatique (aliments issus de la production d'eau tels que les poissons, les fruits de mer et les plantes marines) doivent être inclus comme une partie importante des dialogues sur les systèmes alimentaires.

Points de divergence

Les points de divergence, les lacunes et les défis liés à des idées particulières sont indiqués dans les résultats des sujets de discussion ci-dessus.

Bien qu’il y ait un accord général sur la nécessité de politiques et de programmes de soutien à la production durable, à la séquestration du carbone et à la réduction des émissions, il y avait un désaccord quant à l’orientation et au rôle des différents systèmes de production qui pourraient être utilisés pour y parvenir. Si la diversité des tailles et des types de production est communément acceptée, les avis divergent quant à la nécessité d’utiliser des intrants synthétiques pour les cultures ou à la possibilité de transposer l’agriculture biologique à une plus grande échelle pour répondre aux besoins alimentaires mondiaux.

Les participants ne se sont pas non plus entendus sur l’utilité de la certification par des tiers, certains estimant qu’elle pouvait détourner l’attention des objectifs gouvernementaux en matière de carboneutralité et mener à un trop grand nombre de certifications et de messages contradictoires aux consommateurs. D’autres estimaient que les systèmes de certification offraient la possibilité de stimuler le changement et de le mesurer.