Application d'agents microbiens sans intervention

Phytoprotection Durable Des résultats du Programme de réduction des risques liés aux pesticides

La tomate et le poivron de serre sont des cultures d’importance économique, qui exigent une maîtrise rigoureuse des ravageurs et des maladies. La plupart des serriculteurs choisissent une démarche de lutte intégrée qui repose sur des stratégies culturales, chimiques et biologiques visant à combattre les insectes et les maladies qui s’attaquent à leurs cultures. Certains pesticides chimiques présentent des inconvénients dans ces systèmes. Ils sont notamment coûteux, peuvent s’avérer peu pratiques à cause des contraintes associées aux intervalles de réintroduction dans les serres et aux intervalles réglementaires d’attente avant la récolte, et ils comportent des risques pour les organismes bénéfiques, dont les insectes pollinisateurs des légumes de serre.

Les biopesticides offrent une bonne solution de rechange aux serriculteurs. On peut citer notamment le bioinsecticide BotanigardMD, qui vient d’être homologué pour la serriculture au Canada. Les chercheurs ont mis au point une nouvelle technique d'application des agents de lutte biologique comme le BotanigardMD. Cette méthode repose sur l’activité des bourdons qui pollinisent les cultures de serre et qui disséminent, ce faisant, les agents microbiens sur les fleurs et les feuilles des cultures infestées.

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Photo : Un bourdon sort de ruche en transportant le biopesticide

Dans le cadre de son Programme de réduction des risques liés aux pesticides, le Centre pour la lutte antiparasitaire a financé deux études sur ce nouveau mode d’application. Ces travaux ont porté sur deux agents microbiens : le bioinsecticide BotaniGardMD 22WP (B. bassiana) destiné à enrayer les aleurodes dans la culture de la tomate et les punaises ternes dans la culture du poivron; et le facteur de croissance EndoFineMD (Clonostachys rosea (ADJ 710 OMRI)), qui est efficace contre la moisissure grise (Botrytis cinerea) affectant ces deux cultures.

Approche

Les essais ont eu lieu dans des compartiments fermés (cages grillagées) à l’intérieur des serres. Chaque cage contenait une colonie de bourdons composée de 50 ouvrières et d'une reine. Un distributeur en bois contenant l'agent de lutte biologique a été installé à l'entrée de la ruche, de manière à ce qu’en sortant par le distributeur, les bourdons emportent avec elles l’agent et le répandent sur les cultures en butinant.

Les essais ont permis de déterminer la concentration optimale de B. bassiana dispersé par les bourdons, et ce, tant en termes d’efficacité contre les ravageurs visés, que de la réduction au minimum des effets négatifs sur la santé des bourdons. Les chercheurs ont aussi établi la concentration optimale requise lorsque les bourdons disséminent simultanément deux agents microbiens. Ils ont en plus évalué l’incidence de la méthode sur l’organisme bénéfique Eretmocerus eremicus et sur l'efficacité de la pollinisation.

Les Shipp, Ph.D., chercheur au centre de recherches d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) à Harrow (Ontario), a mené l’étude en collaboration avec le centre de recherches du Ministère à London (Ontario) et l'Université de Guelph. De plus, Biobest Canada Ltd., Adjuvants Plus Inc. et Laverlam International Corporation, fournisseurs des agents pollinisateurs et des biopesticides, ont aussi contribué à ces travaux.

Résultats

Les chercheurs ont constaté l’efficacité des bourdons pour la dissémination de l'agent de lutte biologique microbien B. bassiana, seul, ou avec le facteur de croissance C. rosea, ainsi que pour la lutte contre les aleurodes, les punaises ternes et la moisissure grise sur la tomate et le poivron.

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Graphique : Mortalité des insects sur la tomate et le poivron de serre.

Description de l'image
Mortalité des insects sur la tomate et le poivron de serre
Insectes Concentration optimales de B. Bassiana
(6.24 × 1010 conidies/g d’inoculum)
% Mortality
Contrôle
(Sans abeilles et sans inoculum)
% Mortality
Bourdons 18 14
Aleurodes 68 28
Punaises ternes 62 16
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Graphique : Suppression de la moisissure sur la tomate et le poivron.

Description de l'image
Tableau : Suppression de la moisissure sur la tomate et le poivron
Plante Moissisure grise sur la tomate
% de Suppression de la maladie
Moissisure grise sur le poivron
% de Suppression de la maladie
Fleur 59 60
Feuille 50 48

En concentration optimale, B. bassiana a détruit environ 70 et 55 p. 100 des punaises ternes et des aleurodes respectivement, sans entraîner un taux anormal de mortalité chez les bourdons. De plus, selon les résultats, la dispersion simultanée des deux agents de lutte biologique (B. bassiana et C. rosea) par les bourdons est non seulement possible, mais efficace. Les chercheurs ont en effet constaté l’élimination de 68 p. 100 des aleurodes sur la tomate et de 63 p. 100 des punaises ternes sur le poivron. De plus, le taux de suppression de la moisissure grise a atteint environ 60 et 50 p. 100 sur les fleurs et les feuilles de tomate et de poivron respectivement, comparativement aux plants non traités.

L’emploi simultané de B. bassiana et de C. rosea n’a pas nui non plus à E. eremicus. Ce résultat s’avère important, car les serriculteurs utilisent cet organisme comme agent de lutte biologique pour parasiter les aleurodes sur la tomate. Le taux de parasitisme par E. eremicus est en effet demeuré à peu près le même que lorsque cette espèce n’est pas exposée à B. bassiana.

Les essais menés sur les tomates de serre commerciales ont permis de conclure que la pollinisation par les bourdons est satisfaisante et que le rendement et la qualité des tomates récoltées correspondent aux normes commerciales établies.

Avantages

Cette nouvelle approche comporte donc bon nombre d'avantages évidents :

  • rendement simultané de deux opérations (pollinisation et lutte antiparasitaire);
  • application ciblée et continue des agents de lutte biologique;
  • emploi facile et rapide;
  • coût de main-d’œuvre minimal pour l’application;
  • aucun intervalle de réintroduction ou d’attente avant la récolte;
  • réduction considérable de la nécessité d’appliquer des pesticides chimiques homologués pour la serriculture;
  • compatibilité avec les programmes existants de lutte intégrée axés sur l’emploi d’agents biologiques en serre.