La pratique de la mise en jachère - le fait de ne pas ensemencer au cours d'une saison de culture - est considérée depuis longtemps comme un moyen efficace de gestion de risque pour les producteurs. Dans les régions les plus arides des Prairies, la jachère contribue à augmenter les réserves d'humidité dans le sol. Cette pratique est également utilisée dans les secteurs plus humides (par exemple, la prairie-parc) pour contrôler les problèmes d'infestation par les mauvaises herbes.
Toutefois, depuis les vingt dernières années, cette pratique est de plus en plus remise en question, sous prétexte qu'elle contribuerait à la dégradation de l'environnement. Le fait d'enterrer les résidus de récoltes, jumelé au labourage visant à contrôler les mauvaises herbes, laisse le sol plus vulnérable à l'érosion éolienne et hydrique et augmente la perte de matière organique. Cette perte de matière organique du sol contribue à la production de gaz carbonique, l'un des gaz à effet de serre. Dans des conditions humides, la mise en jachère peut contribuer à augmenter le lessivage sous la rhizosphère ainsi que le ruissellement des eaux de surface. Ceci peut entraîner une salinisation accrue (principalement dans les secteurs plus arides), de l'érosion hydrique et une contamination possible des eaux de surface et des eaux souterraines par la présence d'éléments nutritifs et de pesticides (surtout dans les secteurs plus humides).
L'amélioration des pratiques agricoles au cours des deux dernières décennies a contribué à faire diminuer le nombre de terres en jachère et à mettre au point des techniques améliorées de gestion de la jachère qui en réduisent les effets négatifs. Dans les secteurs plus humides, le recours à la mise en jachère a été éliminé en grande partie grâce à de meilleures stratégies de contrôle des mauvaises herbes telles les rotations de cultures diversifiées, les méthodes de semis directs à faible perturbation du sol, une réduction du travail du sol et une utilisation judicieuse d'herbicides.
Ces stratégies ont permis aux producteurs de conserver davantage de chaume et une meilleure couverture de paille (que l'on qualifie aussi de résidus) à la surface du sol. Ceci s'est traduit par une meilleure conservation de l'humidité grâce à l'amélioration du piégeage de la neige et à une réduction de l'évaporation. Ainsi, plusieurs producteurs des régions plus sèches ont pu éliminer ou réduire la fréquence de la mise en jachère dans leur programme de rotation des cultures.
Néanmoins, même avec les meilleures techniques de conservation de l'humidité, les conditions sont parfois trop sèches pour obtenir une bonne récolte d'année en année. C'est le cas de certaines régions du sud'ouest de la Saskatchewan et du sud'est de l'Alberta qui subissent régulièrement des conditions de sécheresse. De temps à autres, des conditions de sécheresse sévères peuvent s'étendre sur de vastes secteurs des Prairies.
L'objectif principal d'une gestion durable des terres en jachère vise à conserver le plus de résidus possible de la dernière récolte tout en contrôlant la croissance des mauvaises herbes. Les options disponibles à cette fin comprennent le recours à des herbicides, une diminution de la vitesse de labourage, l'utilisation de cultivateurs à lames larges ou de cultivateurs réguliers équipés de socs pour le travail du sol juste sous la surface qui conservent plus de résidus que l'équipement à disques.
Ces pratiques seront souvent suffisantes pour protéger les sols de l'érosion. Toutefois, il arrive que la récolte précédente n'ait pas laissé assez de résidus. C'est souvent le cas des résidus de légumineuses et des oléagineux dont les champs, idéalement, ne devraient pas être mis en jachère. Après une année de sécheresse comme celle que nous venons de vivre, il y a peu de résidus, même dans les champs de cultures céréalières. Conséquemment, les champs qui doivent être mis en jachère en 2002 devront faire l'objet d'une meilleure gestion afin de les protéger de l'érosion.
La meilleure manière d'améliorer la protection contre l'érosion est d'accroître la croissance végétative durant la période de jachère. Ceci peut être fait par l'ensemencement en plantes annuelles qui serviront de bandes de rétention, de cultures d'engrais vert ou de cultures de couverture. La clé du succès consiste à permettre assez de croissance pour protéger contre l'érosion tout en limitant cette croissance afin d'éviter de soutirer trop d'humidité. Une partie de l'humidité perdue par la croissance végétative peut être récupérée par une meilleure utilisation du piégeage de la neige. Une autre solution de rechange consiste à laisser les mauvaises herbes allonger davantage avant de les détruire, pourvu que l'on mette fin à leur croissance avant la grenaison. Il faut aussi tenir compte du fait que certaines mauvaises herbes ne sont sensibles aux herbicides qu'au cours des toutes premières phases de leur croissance.
Les autres pratiques visant à réduire le risque d'érosion éolienne incluent l'utilisation de brise-vent et la réorientation des limites des champs afin que la plus petite largeur du champ soit parallèle à la direction des vents prédominants. Ces pratiques doivent faire l'objet d'une planification soigneuse et leur mise en oeuvre se déroule sur plusieurs années.
Il faut également envisager une autre solution de rechange à la mise en jachère. Très souvent, les champs les plus sensibles aux dommages environnementaux, surtout lors de la jachère, sont également les moins productifs sur le plan agricole. Ceux ici comprendraient les terres à texture sablonneuse, celles dont la topographie est accidentée ou qui ont un degré de salinité de modéré à fort. Ces terres ne devraient plus servir à la production de cultures annuelles mais devraient plutôt être ensemencées en plantes fourragères vivaces. D'autres secteurs également vulnérables à l'environnement tels les terres avoisinant des lacs, des marécages, des ruisseaux, des voies d'eau et des fosses?réservoirs devraient également être ensemencés en plantes fourragères vivaces. On peut même affirmer que des secteurs qui ont subi d'importantes sécheresses par le passé devraient aussi être convertis de la production de cultures annuelles à celle de plantes fourragères vivaces, et cela à cause des mauvaises récoltes à répétition et du risque élevé d'érosion éolienne.
Des progrès substantiels ont été réalisés en vue de réduire le nombre d'acres en jachère et d'améliorer les techniques de gestion de jachère dans les Prairies. Toutefois, il faut travailler davantage pour éliminer le recours à la jachère dans les secteurs plus humides. Dans les secteurs plus arides, il existe des possibilités de réduire la fréquence de mise en jachère par le recours à de meilleures techniques de conservation de l'humidité et par l'amélioration de la gestion de la jachère en conservant les résidus de récoltes et en améliorant la croissance végétative lorsque les niveaux de résidus sont faibles. Il faut également convertir les terres sensibles du point de vue environnemental à la culture de plantes fourragères vivaces.