Auteurs : M.D. Bock, T. Martin, D. MacDonald
Résumé
L’accumulation de sels solubles dans certaines portions du paysage crée un risque important de dégradation localisée du sol dans les Prairies canadiennes. La salinisation est plus rapide dans les régions arides après des années plus humides que la moyenne en raison de l’augmentation de l’élévation des nappes phréatiques. Les sels solubles se concentrent près de la surface du sol lorsque l’eau de celui-ci est évacuée par la transpiration et par l’évaporation. Les plantes diffèrent quant à leur réponse à des niveaux élevés de sels solubles. De fortes concentrations de sels solubles peuvent nuire à la capacité d’une plante d’absorber l’eau et les éléments nutritifs, en outre, certains des éléments présents dans les sols salins peuvent être toxiques. Ces facteurs peuvent réduire le rendement des cultures agricoles, et, dans les cas extrêmes, peuvent laisser les sols improductifs.
Les systèmes de gestion de la production qui ont une incidence sur la quantité et la circulation de l’eau et des sels solubles dans le sol peuvent contribuer de façon importante à la salinisation du sol dans les écosystèmes agricoles. La pratique de la jachère, par exemple, augmente la quantité d’eau stockée dans la zone racinaire, ce qui peut entraîner l’élévation de la nappe phréatique et l’augmentation des niveaux de sels solubles à la surface, ou près de la surface, du sol dans les secteurs vulnérables du paysage. En revanche, l’utilisation de pratiques de culture de couverture permanente et de culture continue réduit la quantité d’humidité du sol qui se déplace de la zone racinaire vers la nappe phréatique, réduisant ainsi le risque de salinisation du sol. L’indicateur du risque de salinisation du sol a été élaboré pour évaluer l’état et les tendances de salinisation du sol des terres arides des Prairies en fonction des changements survenus au niveau de l’exploitation des terres et des pratiques de gestion.
En 2016, 88 % de la superficie des terres de la région agricole des Prairies canadiennes a été classée comme courant un risque de salinisation très faible. La superficie des terres à risque de salinisation du sol a diminué entre 1981 et 2016 dans les trois provinces des Prairies, la diminution la plus importante se produisant en Saskatchewan. Ces améliorations ont été en grande partie dues à une diminution de 8 millions d’hectares (ha) de la superficie des terres en jachère (diminution de 91 % entre 1981 et 2016) et à une augmentation de 2,3 millions d’hectares de la superficie des terres plantées de cultures fournissant une couverture végétale permanente (augmentation de 6 % entre 1981 et 2016).
L’enjeu et son importance
La salinisation du sol des terres arides est un processus naturel qui se produit dans les régions où les déficits hydriques sont courants (l’évapotranspiration potentielle est supérieure aux précipitations) et où les sols et l’eau souterraine peuvent naturellement avoir des concentrations plus élevées en sels minéraux, comme le sodium, le calcium et le sulfate de magnésium. On trouve des sols salins de manière sporadique dans d’autres régions du Canada, mais la salinisation ne peut représenter un risque important que dans certains secteurs localisés de la région des Prairies. Le processus de la salinisation du sol des terres arides commence dans les parties du paysage où la fonte des neiges et les précipitations dépassent les exigences de la communauté végétale établie.
Description de l’image ci-dessus.
L'indicateur du risque de salinisation du sol couvre la période de 1981 à 2016 par tranches de cinq ans. La valeur de l'indice varie de 0 à 100 par tranches de 20 points, chaque tranche étant assortie d'une cote qualitative : 0 à 19 est « à risque »; 20 à 39 est « médiocre »; 40 à 59 est « moyen »; 60 à 79 est « bon »; 80 à 100 est « souhaitable ».
| Année | Valeur de l’indice | Note de l’indice |
|---|---|---|
| 1981 | 85 | Souhaitable |
| 1986 | 86 | Souhaitable |
| 1991 | 87 | Souhaitable |
| 1996 | 88 | Souhaitable |
| 2001 | 90 | Souhaitable |
| 2006 | 91 | Souhaitable |
| 2011 | 93 | Souhaitable |
| 2016 | 94 | Souhaitable |
État et tendances
En 2016, le risque de salinisation du sol était très faible dans l’ensemble des Prairies. De 1981 à 2016, le risque de salinisation dans les Prairies a diminué de façon importante. La carte interactive qui suit permet d’agrandir et d’explorer différentes régions. À noter que le risque est faible ou très faible dans toutes les provinces des Prairies et qu’il a diminué depuis 1981. Cette diminutions est due à l’adoption de pratiques de gestion bénéfiques, comme la conversion de cultures annuelles en cultures fournissant une couverture végétale permanente, à l’utilisation de cultures sans travail dub sol ou ne nécessitant qu’un travail minimal, de même qu’à l’arrêt ou à la diminution de mises en jachère.
Au cours de ce processus, l’eau du sol s’infiltre vers la zone racinaire, transportant les sels solubles vers la nappe phréatique. Une fois dans l’eau souterraine, les sels dissous peuvent être transportés vers d’autres parties du paysage où l’écoulement de l’eau souterraine se fait vers la surface. On retrouve généralement ces conditions en raison des faibles dépressions ou de la forme du substrat rocheux sous-jacent. Lorsque cette eau transpire ou s’évapore, les sels sont concentrés à la surface du sol ou près de celle-ci, ou dans les plans d’eau avoisinants (figure 1). Au fil du temps, le processus de salinisation produit généralement des croûtes de sel blanches que l’on peut observer à la surface du sol ou des précipités cristallins à l’intérieur du sol. Des niveaux élevés de salinité dans la zone racinaire entraînent généralement une mauvaise germination des graines, une réduction de la croissance des plantes et des rendements de cultures agricoles bien plus faibles. La croissance et les rendements de la plupart des cultures seront touchés dans une certaine mesure dans des conditions de faible salinité du sol. Lorsque les concentrations de sel dans l’eau du sol augmentent, les plantes connaissent des conditions de sécheresse et perdent leur capacité d’absorber une quantité d’eau suffisante. Les causes secondaires de la diminution de la croissance et du rendement comprennent l’incapacité d’absorber suffisamment d’éléments nutritifs, les effets toxiques d’ions spécifiques, et les conditions physiques ou nutritionnelles défavorables souvent associées aux sols salins. Dans des conditions de salinité modérée à forte, des réductions du rendement d’au moins 50 % sont courantes pour la plupart des cultures de céréales et d’oléagineux. Les concentrations de sel peuvent devenir si fortes que même la croissance de plantes tolérantes au sel n’est plus possible. Cependant, la sensibilité aux concentrations de sel varie selon le type de culture (Henry et al., 1987) et selon les différents stades de développement. Par exemple, l’orge est plus tolérante que le blé aux sols faiblement salins; le brome et le mélilot tolèrent des sols modérément salins; et les betteraves à sucre sont sensibles à de faibles niveaux de salinité pendant la germination et les stades de croissance de la levée. Le processus de salinisation du sol est influencé par des facteurs environnementaux naturels, comme les déficits hydriques, la topographie, la teneur en sel intrinsèque dans le matériau parental du sol et les formations géologiques sous-jacentes, et les conditions hydrologiques. Bien que les sols salins soient naturellement présents dans certains paysages, il est généralement reconnu que les pratiques d’utilisation des terres peuvent influencer de manière significative (positivement ou négativement) à la fois le degré de salinité et la superficie des sols salins en modifiant les voies hydrologiques naturelles. Les pratiques agricoles telles que la culture continue ou la culture de vivaces fourragères vivaces sur les terrains élevés limitent la quantité d’eau lessivée dans le sol, ce qui empêche l’apparition de la salinisation dans les parties du paysage en bas des pentes. À l’inverse, la jachère et l’irrigation entraînent un excédent d’humidité du sol et peuvent aggraver la salinité dans les zones sensibles en élevant la nappe phréatique et en augmentant les apports de sels dissous dans l’eau souterraine. Il a été démontré que les pratiques d’utilisation des terres qui entraînent une utilisation plus efficace des précipitations là où elles tombent, par exemple la culture de vivaces à racines profondes, réduisent la salinité de l’eau souterraine et diminuent la superficie des zones touchées par la salinisation (Holzer et al., 1995).
Wiebe et al. (2006, 2007) ont estimé que dans les régions agricoles des Prairies canadiennes, environ un million d’hectares de sols de surface, sont touchés par une salinité du sol modérée à grave. La détérioration de l’eau de surface à l’échelle locale et potentiellement régionale et les faibles ressources en eau souterraine ont été attribuées à l’augmentation de l’apport de sels solubles en raison de la salinisation des terres arides (Miller et al., 1981). En 1998, les pertes de revenu annuel des agriculteurs canadiens imputables à la salinité du sol ont été estimées à 257 millions de dollars (Forge, 1998).
La salinisation des terres arides non seulement réduit les rendements des récoltes, mais elle limite également la variété des cultures qui peuvent être cultivées, réduisant ainsi les retombées économiques potentielles pour les agriculteurs. Si les sols des paysages menacés par la salinisation ne sont pas gérés correctement, des terres agricoles qui étaient auparavant productives peuvent devenir improductives. De plus, de précieuses ressources en eau souterraine peuvent se voir menacées par l’augmentation des niveaux de sels dissous (Vander Pluym, 1982). Selon des scénarios de changements climatiques futurs, le potentiel de risque de salinisation du sol dans les Prairies canadiennes pourrait augmenter en raison de l’augmentation des déficits hydriques du sol (Florinsky et al., 2009). Une connaissance des terres agricoles en péril est nécessaire, ainsi qu’une compréhension des pratiques d’utilisation des terres qui peuvent atténuer les incidences potentiellement nuisibles sur de précieuses ressources en terres et en eau. Cela permettra au Canada de continuer à jouer un rôle important dans la réduction des risques liés à la salinité et de répondre à la demande alimentaire mondiale tout en maintenant un paysage agricole très productif et durable.
Description de l’image ci-dessus
Une infographie démontrant la redistribution de l'eau et du sel dans un paysage régional. Les flèches de couleur plus foncée montrent le cheminement de l'eau sans sels solubles et les flèches plus claires montrent le cheminement de l'eau avec des sels. Il y a six paysages différents et leurs scénarios présentant l'écoulement des eaux souterraines régionales, en ordre, de gauche à droite.
Le premier paysage est celui de la Végétation vivace. La plupart des précipitations qui tombent dans cette partie du paysage sont absorbées et utilisées par la végétation. Il en résulte donc très peu de lessivage et un faible recharge de la nappe souterraine. Il y a un peu de ruissellement à la fonte des neiges au printemps.
Le second est la cuvette des Prairies entourée de saules. Dans ce paysage, les eaux de pluie et de la fonte des neiges s’accumulent dans la dépression, ce qui alimente un peu la nappe souterraine et entraîne la formation d’une crête de la nappe phréatique sous la dépression. Les sels lessivés du sol sous la dépression pénètrent dans l’eau souterraine. La majeure partie de l'eau est transpirée par les saules et autres végétaux. Les sels restants sont dispersés dans la zone racinaire et ne se concentrent pas à la surface du sol.
Le troisième scénario est la cuvette des prairie entourée de cultures annuelles ou de jachères (région de salinisation). Dans ce paysage, l'eau de pluie et de fonte des neiges en excès par rapport à l'utilisation des cultures pénètre dans la dépression sous forme de ruissellement ou se déplace sous la zone racinaire, dissolvant les sels et les transportant dans la nappe phréatique. Les remontées capillaires des monticules d'eau souterraine qui en résultent alimentent l'évaporation de la surface du sol. Les sels laissés sur place produisent l'anneau de salinité caractéristique de la région des fondrières des Prairies.
Le quatrième scénario est l’ amincissement de l’aquifère (région de salinisation). En raison de la forme de la roche mère sous-jacente, la nappe phréatique est suffisamment proche de la surface du sol pour que les remontées capillaires amènent l'eau souterraine à la surface du sol. L'évaporation de l'eau laisse du sel à la surface du sol.
Le cinquième scénario est celui de la marge de Slough (région de salinisation). Comme dans le troisième scénario, les remontées capillaires et l'évaporation des eaux souterraines concentrent les sels à la surface du sol le long des marges du grand marais. Dans certains cas, il peut en résulter de vastes étendues salines.
Le sixième scénario est celui du grand marécage. Dans ce paysage, un afflux d'eau souterraine chargée de sel aura un impact négatif sur la qualité de l'eau dans le marais et, par conséquent, sur les plantes et les animaux qui vivent dans et autour de celui-ci.
L’indicateur
L’indicateur du risque de salinisation du sol permet d’évaluer et d’assurer le suivi des changements dans la perspective d’un accroissement de la salinité associé aux changements dans l’utilisation des terres agricoles et les pratiques de gestion. L’indicateur du risque de salinisation du sol est obtenu en calculant un indice de risque de salinité sans unité qui combine des coefficients de pondération pour les facteurs qui contrôlent ou influencent le processus de salinisation. Les calculs tiennent compte des facteurs suivants :
- l’état de la salinité du sol dans le paysage, obtenu à partir d’une compilation de la présence et du degré (de modéré à fort) de salinité du sol dans les Prairies canadiennes (Wiebe et al., 2006; 2007);
- la topographie, notamment la raideur et la position de la pente;
- le drainage du sol;
- les déficits hydriques dus au climat durant la saison de croissance;
- l’utilisation des terres, selon les quantités relatives de terres avec une couverture végétale permanente, cultivées avec des cultures annuelles et en jachère, tirées du Recensement de l’agriculture pour toutes les années de recensement depuis 1981.
Les quatre premiers facteurs de l’indice devraient rester constants au cours de chaque période quinquennale d’établissement de rapports, tandis que les changements dans l’utilisation des terres devraient entraîner des changements de la valeur de l’indice. Les experts en salinité ont mis au point une pondération pour chaque facteur d’après l’influence de celui-ci sur le processus de salinisation du sol. Par exemple, les terres en jachère ont été considérées comme étant au risque le plus élevé, tandis que les terres avec une couverture végétale permanente ont été associées au risque le plus faible. Les terres en culture plantées en cultures annuelles ont été jugées comme étant à risque intermédiaire. Les pondérations des facteurs de l’utilisation des terres ont été déterminées par les proportions relatives des terres en jachère, de terres avec une couverture végétale permanente et de terres en culture plantées en cultures annuelles dans chaque polygone de pédo-paysages du Canada (PPC).
Les valeurs de l’indice sont exprimées en cinq catégories de risque qui ont été définies à partir de consultations avec des experts en salinité dans chacune des provinces des Prairies. Étant donné que chaque combinaison de sol et de paysage a un risque de salinisation variable, une valeur de l’indice de risque de salinité pondérée par région a également été calculée pour chaque polygone de PPC et utilisée pour attribuer une catégorie de risque à ce polygone aux fins de la cartographie.
Limites
Les facteurs liés au sol, au paysage et au climat utilisés dans le calcul de l’indicateur demeurent constants, de sorte que l’évaluation du risque de salinisation du sol reflétera les répercussions de l’utilisation des terres et des pratiques culturales actuelles et lorsqu’elles évolueront. Dans le calcul, on a utilisé des données climatiques moyennes à long terme pour quantifier les déficits hydriques. Toutefois, les déficits hydriques au cours de la saison de croissance varient d’une année à l’autre. Par conséquent, une variation annuelle importante dans le risque de salinisation en raison de la variabilité des conditions météorologiques n’est pas prise en compte dans l’indicateur. L’indicateur a été mis au point pour les systèmes agricoles de terres sèches et, par conséquent, suppose que l’apport en eau se fait par les précipitations. Cette évaluation des risques n’évalue pas le risque de salinisation des systèmes de production agricole utilisant l’irrigation. En outre, les utilisations non agricoles des terres, telles que les routes, les fossés et les couloirs de circulation, qui influencent l’écoulement de surface et souterrain de l’eau et peuvent avoir une incidence sur la salinisation du sol, ne sont pas actuellement prises en compte dans cette analyse à grande échelle.
Les différentes utilisations des terres et pratiques culturales indiquées dans le Recensement de l’agriculture ont été regroupées en trois catégories : terres en culture, terres avec une couverture végétale permanente et terres en jachère. L’utilisation efficace de l’eau varie considérablement selon les cultures et, par conséquent, en théorie, influence différemment le processus de salinisation. Cependant, étant donné que les données dont on dispose sont insuffisantes pour déterminer la catégorie de risque de salinité selon le type de culture, toutes les cultures ont été incluses dans la catégorie générique des terres en culture. De la même manière, la catégorie des terres avec une couverture végétale permanente englobe à la fois les pâturages améliorés et les pâturages non améliorés, toutes les cultures de foin et cultures fourragères, et toutes les autres catégories d’utilisation des terres indiquées dans le Recensement.
La pratique de la réduction des risques de salinisation exige des améliorations dans la l’évaluation spatiale et temporelle des risques, le perfectionnement et l’élaboration plus poussée de pratiques de gestion bénéfiques (PGB), et l’amélioration dans la mise en œuvre des PGB. Des données plus détaillées sur le plan spatial et à jour sur les pédo-paysages et sur l’apparition et l’étendue de la salinité ainsi que sur le climat et l’utilisation des terres, devraient être intégrées dans le modèle de l’indicateur du risque de salinisation du sol afin d’améliorer sa capacité de réaction et de cibler plus efficacement l’utilisation des PGB appropriées.
La salinisation est plus rapide dans les régions arides après des années plus humides que la moyenne en raison de l’augmentation de l’élévation des nappes phréatiques. L’intégration de davantage de données météorologiques en temps réel sur les précipitations annuelles et sur l’aridité de la saison de croissance devrait améliorer l’évaluation des risques par rapport à la méthodologie actuelle, qui utilise uniquement des normales sur 30 ans pour l’aridité de la saison de croissance. Des recherches sont nécessaires pour déterminer la meilleure façon d’intégrer ces données en temps réel. L’utilisation de données plus détaillées sur le plan spatial concernant l’utilisation des terres (p. ex. la cartographie de l’inventaire annuel des cultures) conjointement avec les données du Recensement de l’agriculture devrait être étudiée en tant que moyen d’améliorer l’efficacité du modèle.
Résultats et interprétation
Deux des principales conditions nécessaires pour la salinisation des terres sèches — les déficits hydriques et la teneur en sel intrinsèque des sols ou de l’eau souterraine — ne sont vraiment importantes que dans la région des Prairies du Canada. Par conséquent, l’indicateur du risque de salinisation du sol est calculé uniquement pour les régions agricoles du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta (figure 2). Le schéma de répartition des terres à risque de salinisation du sol correspond de façon générale aux limites de zones de sols, en particulier en Saskatchewan et en Alberta, où la plus grande partie des terres à risque se trouve dans les zones plus arides de sol brun et de sol brun foncé. Bien que la région agricole du Manitoba corresponde principalement à la zone des sols noirs plus humide, des facteurs de risque naturels élevés de salinisation sont présents dans de vastes zones, comme dans les paysages relativement plats, mal drainés et où l’eau souterraine saline se trouve près de la surface.
Dans les Prairies, la superficie des zones à risque de salinisation du sol a diminué entre 1981 et 2016 (tableau 1). Au cours de cette période, les superficies des zones dans les catégories de risque faible, modéré, élevé et très élevé ont diminué de 14 %, 5 %, 1 % et 3 %, respectivement, tandis que dans le même temps, la superficie de la zone dans la catégorie de risque très faible a augmenté de 22 %. En 2016, 88 % de la superficie des terres de la région agricole des Prairies canadiennes a été classée comme courant un risque de salinisation très faible. Bien que les tendances provinciales diffèrent de recensement en recensement, le risque de salinisation du sol a diminué entre 1981 et 2016 dans les trois provinces des Prairies. L’augmentation la plus importante de la superficie de la zone dans la catégorie de risque très faible au cours de cette période a eu lieu en Saskatchewan (36 %), tandis qu’une augmentation de 12 % a été observée en Alberta, et une augmentation de 10 % a été relevée au Manitoba. Dans les Prairies, un seul polygone de PPC, au Manitoba, a montré une augmentation de la catégorie de risque (de faible à modéré) au cours des 8 périodes de recensement (figure 3). Au Manitoba et en Alberta, la catégorie de risque de la majorité des polygones de PPC est demeurée inchangée, tandis qu’un nombre important de polygones (28 % et 25 %, respectivement) ont vu leur risque diminuer d’une ou plusieurs catégories. La Saskatchewan a affiché la plus forte baisse dans le risque de salinisation entre 1981 et 2016, une majorité des polygones de PPC (59 %) ayant vu leur risque diminuer d’une ou plusieurs catégories.
| Alb. | Sask. | Man. | Prairies | ||
|---|---|---|---|---|---|
| Très Faible | 81 | 81 | 53 | 65 | 66 |
| 86 | 82 | 56 | 63 | 67 | |
| 91 | 85 | 56 | 69 | 69 | |
| 1 | 86 | 69 | 69 | 75 | |
| 6 | 89 | 75 | 72 | 80 | |
| 11 | 91 | 83 | 72 | 85 | |
| 16 | 93 | 89 | 75 | 88 | |
| Faible | 81 | 12 | 28 | 8 | 19 |
| 86 | 12 | 26 | 11 | 18 | |
| 91 | 9 | 26 | 9 | 17 | |
| 1 | 9 | 20 | 10 | 14 | |
| 6 | 7 | 15 | 10 | 11 | |
| 11 | 6 | 9 | 11 | 8 | |
| 16 | 4 | 5 | 6 | 5 | |
| Modéré | 81 | 4 | 11 | 18 | 9 |
| 86 | 4 | 11 | 17 | 9 | |
| 91 | 4 | 11 | 16 | 9 | |
| 1 | 3 | 5 | 17 | 6 | |
| 6 | 2 | 4 | 15 | 5 | |
| 11 | 2 | 3 | 15 | 5 | |
| 16 | 1 | 2 | 16 | 4 | |
| Élevé | 81 | 2 | 2 | 7 | 3 |
| 86 | 1 | 2 | 7 | 3 | |
| 91 | 1 | 2 | 5 | 2 | |
| 1 | 0 | 3 | 4 | 2 | |
| 6 | 1 | 3 | 3 | 2 | |
| 11 | 1 | 2 | 2 | 2 | |
| 16 | 1 | 3 | 3 | 2 | |
| Très Élevé | 81 | 1 | 6 | 3 | 3 |
| 86 | 1 | 5 | 2 | 3 | |
| 91 | 1 | 5 | 1 | 3 | |
| 1 | 1 | 3 | 1 | 2 | |
| 6 | 1 | 3 | 0 | 2 | |
| 11 | 1 | 2 | 0 | 1 | |
| 16 | 1 | 1 | 0 | 1 | |
|
* Les chiffres ayant été arrondis; leur somme ne correspond pas nécessairement au total indiqué de 100 %. |
|||||
La tendance à la baisse du risque de salinité du sol dans l’ensemble des Prairies entre 1981 et 2016 est en grande partie due aux changements dans les pratiques d’utilisation des terres, notamment la diminution de la superficie des terres en jachère et l’augmentation de la superficie des terres plantées de cultures fournissant une couverture végétale permanente. Depuis 1981, la superficie des terres en jachère a diminué de plus de 8 millions d’hectares (90 %) dans l’ensemble des Prairies (figure 4). La diminution de l’utilisation de la jachère en tant qu’option de gestion a été constante dans les trois provinces des Prairies, cette diminution allant de 88 % pour l’Alberta et 93 % pour le Manitoba, à 91 % pour la Saskatchewan. En Saskatchewan, la superficie des terres en jachère a diminué de plus de 6 millions d’hectares entre 1981 et 2016. La superficie des terres ayant une couverture végétale permanente a augmenté continuellement dans toutes les provinces entre 1991 et 2011, puis elle a recommencé à diminuer en 2016 en raison de l’évolution du marché vers les cultures annuelles. L’effet net est une augmentation de 2,3 millions d’hectares (6 %) de la superficie des terres ayant une couverture végétale permanente dans les Prairies depuis 1981, la plus grande partie de cette augmentation (plus de 2 millions d’hectares) se situant en Saskatchewan, particulièrement depuis 1996 (figure 5). Le déclin de la jachère dans la région des Prairies est le résultat d’un certain nombre de facteurs, notamment de l’adoption de pratiques de gestion à long terme (augmentation de l’utilisation d’engrais chimiques, rotations prolongées des cultures, culture continue) qui permettent de maximiser la production de plantes et d’assurer l’utilisation plus efficace de l’humidité disponible, l’utilisation d’herbicides comme une solution de rechange à la culture dans la lutte contre les mauvaises herbes, la conversion des terres marginales à la couverture permanente ou aux pâturages, et une plus grande sensibilisation des producteurs aux effets de dégradation à long terme potentiels entraînés par les pratiques de jachère et de travail du sol classique.
Figure 3 : Changements dans les catégories de risque de salinisation en raison de changements des pratiques d’utilisation des terres entre 1981 et 2016
Figure 4 : Superficie des terres en jachère dans les Prairies canadiennes, de 1981 à 2016.
Description de l’image ci-dessus
| Province | 1981 | 1986 | 1991 | 1996 | 2001 | 2006 | 2011 | 2016 |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Alb. | 2163572 | 2078521 | 1738004 | 1411749 | 1215939 | 889261 | 503524 | 254928 |
| Man. | 597466 | 507317 | 296569 | 322436 | 254780 | 126466 | 95739 | 40606 |
| Sask. | 6687421 | 5639929 | 5697718 | 4427072 | 3127238 | 2425117 | 1443726 | 577207 |
| Ouest | 9456430 | 8235776 | 7739132 | 6166759 | 4603017 | 3444501 | 2045813 | 873573 |
Figure 5 : Superficie des terres plantées de cultures fournissant une couverture végétale permanente/de cultures vivaces dans les Prairies canadiennes, de 1981 à 2016
Description of image above
| Province | 1981 | 1986 | 1991 | 1996 | 2001 | 2006 | 2011 | 2016 |
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Alb. | 2163572 | 2078521 | 1738004 | 1411749 | 1215939 | 889261 | 254928 | 254928 |
| C.-B. | 7971 | 10009 | 6841 | 5502 | 5060 | 3657 | 2824 | 832 |
| Man. | 597466 | 507317 | 296569 | 322436 | 254780 | 126466 | 40606 | 40606 |
| Sask. | 6687421 | 5639929 | 5697718 | 4427072 | 3127238 | 2425117 | 1443726 | 577207 |
| Ouest | 9456430 | 8235776 | 7739132 | 6166759 | 4603017 | 3444501 | 2045813 | 873573 |
Mesures d’intervention possibles
Bien que le risque de salinisation ait diminué dans les Prairies au cours des dernières années, il est tout de même une source de préoccupation localisée pour certains producteurs, en particulier lorsque les nappes phréatiques sont élevées après des années plus humides que la normale. Le processus de salinisation est inextricablement lié à la teneur en eau du sol, et la réduction du risque de salinisation et l’amélioration des sols salins existants nécessitent une gestion adéquate du sol et de l’eau. Les PGB qui permettent de réduire la redistribution en surface de l’excès d’eau dans le paysage et d’augmenter la quantité de précipitations utilisée par les plantes là où elles tombent sont les plus efficaces pour contrôler le déplacement des sels solubles dans le paysage, et par conséquent, pour empêcher la salinisation du sol. Ces pratiques de gestion des terres et de l’eau comprennent les suivantes :
- la diminution de l’utilisation de la jachère;
- l’augmentation de l’utilisation des plantes fourragères vivaces, des pâturages et des cultures arbustives;
- la gestion de la neige (pour empêcher la formation de grands bancs) afin de répartir également la neige et ainsi réduire la formation de flaques au printemps;
- l’augmentation de l’utilisation de cultures sans travail du sol et avec travail minimal du sol pour favoriser l’infiltration plus uniforme des précipitations;
- l’utilisation efficace des intrants tels que les engrais et le fumier pour assurer la croissance saine des cultures et maximiser l’absorption d’eau.
Dans les zones du paysage où les nappes phréatiques élevées sont déjà une source de préoccupation et où elles présentent un risque de salinisation, les pratiques qui permettent d’abaisser la nappe phréatique doivent être intégrées dans les activités de gestion. En voici des exemples :
- la plantation de cultures vivaces à racines profondes qui exigent beaucoup d’eau pour aider à sécher le sous-sol et à abaisser la nappe phréatique;
- l’intégration en rotations de cultures tolérant davantage le sel là où la salinité est en train de devenir un problème en vue de maximiser l’utilisation de l’eau et de réduire les déplacements du sel à la surface du sol;
- l’implantation de bandes protectrices de cultures de plantes fourragères vivaces ou de cultures arbustives afin de réduire l’écoulement de l’eau souterraine vers la zone à risque;
- l’utilisation stratégique du drainage par tuyaux (de plastique) enterrés sous la surface pour évacuer l’eau et les sels;
- l’utilisation appropriée du drainage en surface pour diminuer l’alimentation en eau souterraine;
- la surveillance de la profondeur de l’eau souterraine dans les zones sensibles afin d’aider à la planification de l’utilisation des terres et de permettre la mise en œuvre des PGB appropriées.
Les pratiques de travail réduit (conservation) du sol peuvent améliorer la répartition de l’eau de la fonte des neiges et peuvent réduire la nécessité de mettre des terres en jachère; toutefois, cette approche peut également augmenter l’alimentation en eau souterraine par l’intermédiaire des canaux creusés par les racines non comblés. Il est cependant nécessaire d’obtenir davantage de renseignements au sujet des effets du travail de conservation du sol sur l’hydrologie pour mieux évaluer son incidence sur le risque de salinisation. La salinité des sols est un problème localisé, et elle est plus facilement surveillée aujourd’hui avec les progrès réalisés en matière de méthodes de mesure de la conductivité électrique; cependant, il est possible de réduire davantage les risques. Mettre davantage l’accent sur la tolérance à la salinité dans les programmes de sélection des cultures permettrait aux producteurs de disposer d’un éventail plus vaste d’options de cultures pour les secteurs à risque. Étant donné que l’écoulement de l’eau souterraine traverse souvent les limites de propriétés, la surveillance et la gestion du risque de salinisation peuvent nécessiter des efforts coordonnés entre les districts de conservation et les organismes gouvernementaux. Des renseignements de meilleure qualité sur l’étendue et le degré de salinisation du sol au Canada et son coût pour l’agriculture canadienne augmenteraient la motivation pour de telles activités.
Références
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