Cheminement des viticulteurs qui disposent maintenant de meilleurs moyens de lutte contre la tordeuse de la vigne

 cluster of purple grapes

En 2004, en 2005 et encore en 2006, Wendy McFadden-Smith, spécialiste de la lutte intégrée dans les vignobles et Ryan Brewster, consultant en productions végétales, ont voulu aider les producteurs viticoles.

À cette époque, les viticulteurs étaient inquiets.

Ils se voyaient perdre toutes leurs options de lutte contre la tordeuse de la vigne. Cet insecte est un important ravageur qui cause de graves pertes économiques dans les vignobles commerciaux.

La perspective inquiétante provenait soit des fabricants de produits chimiques qui entrent dans la composition de pesticides qui n'entendaient pas renouveler l'homologation de leurs produits, soit de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) qui se proposait de retirer des produits plus anciens après les avoir réévalués pour s'assurer qu'ils respectaient encore les normes scientifiques les plus récentes en matière de santé et de sécurité environnementale.

L'un des premiers pesticides à être retirés fut le parathion. Selon McFadden-Smith du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario, ce produit organophosphoré était très prisé des producteurs, car son action lors d'applications par vaporisation était efficace pour lutter contre tous les stades de développement de la tordeuse de la vigne.

À peu près dans la même période, la tordeuse de la vigne a acquis une résistance aux insecticides les plus fréquemment utilisés.

Peu de temps après le retrait du parathion, des études ont documenté une résistance à d'autres insecticides organophosphorés chez la tordeuse orientale du pêcher et le carpocapse de la pomme. Ces deux ravageurs appartiennent au même ordre d'insectes que la tordeuse de la vigne.

Une étude réalisée en Pennsylvanie et à New York en 2002 a aussi détecté une résistance de la tordeuse de la vigne au carbaryl, un autre insecticide populaire connu sous le nom commercial de Sevin.

En clair, le remplissage du coffre d'outils des viticulteurs était devenu une priorité.

Heureusement, les producteurs avaient un endroit vers où se tourner.

Le Centre de la lutte antiparasitaire travaille fort pour offrir aux producteurs de nouveaux outils

Agriculture et Agroalimentaire Canada venait tout juste de créer le Centre de la lutte antiparasitaire (CLA) en 2003 pour aider les producteurs à reconstituer leur coffre d'outils.

Depuis sa création, le CLA a tenu des ateliers annuels où les producteurs de cultures spécialisées, comme les viticulteurs, pouvaient communiquer leurs plus gros enjeux de lutte contre les ravageurs. Le CLA s'est ensuite efforcé de trouver de nouveaux outils et de nouvelles technologies qui protégeraient de manière sûre et efficace ces cultures de valeur élevée, mais pratiquées sur de petites superficies.

Pour ce faire, le CLA effectue des essais en champ sur l'efficacité des pesticides et leurs résidus.

De tels essais sont essentiels, car ils génèrent des données scientifiques utiles à l'ARLA pour évaluer l'efficacité et les risques de n'importe quel pesticide qui fait l'objet d'une demande d'homologation au Canada.

C'est pourquoi en 2004, McFadden-Smith et Brewster ont été du nombre des personnes qui ont placé en haute priorité l'objectif d'offrir un nouveau produit aux producteurs ontariens. Ils ont sollicité l'aide du CLA pour élargir le profil d'emploi de l'insecticide Intrepid 240F afin d'ajouter son emploi pour lutter contre la tordeuse de la vigne.

Désormais, le nouvel insecticide sélectif ajouté au coffre d'outils des producteurs serait utile. Mais il ne suffirait pas à gérer efficacement le développement de résistance.

Comme l'explique McFadden-Smith, « pour bien gérer la résistance, il faut disposer de plusieurs options pour faire une rotation de pesticides ».

Ainsi, au moment où l'ARLA envisageait de retirer le Guthion en 2005, McFadden-Smith et Brewster sont retournés au CLA.

Le Guthion était alors le principal produit organophosphoré à large spectre que les viticulteurs utilisaient pour combattre la tordeuse de la vigne. C'est parce qu'il fonctionnait « très bien », explique Brewster.

Cette fois-ci, McFadden-Smith et Brewster ont demandé au CLA d'effectuer des essais avec deux autres insecticides : Assail 70WP et Altacor 35 WG.

Ils ont ajouté à leur demande en 2006, un autre produit : Success 480 SC. L'utilisation de ce pesticide a été homologuée pour la première fois au Canada pour d'autres cultures au cours de cette même année.

Cela faisait déjà deux ou trois ans que les producteurs attendaient l'homologation de ces produits. Il faut du temps (et une pression de ravageurs suffisante) pour que le CLA complète ses essais et prépare les données à soumettre à l'ARLA. Et puis, l'ARLA doit encore réviser les données et approuver le nouveau profil d'emploi.

Pendant ce temps, les viticulteurs comptaient presque entièrement sur des pyréthroïdes de synthèse pour lutter contre la tordeuse de la vigne. Mais les pyréthroïdes offrent une brève fenêtre de contrôle résiduel pendant les températures estivales les plus chaudes.

« Nous n'obtenions pas le degré de contrôle requis et les populations de ravageurs devenaient ingérables. Dans certains cas, les pertes de récolte oscillaient entre 40 et 50 pour cent », précise Brewster, qui offre des services de vulgarisation dans la région du Niagara.

Offrir aux producteurs d'autres options qui fonctionnent

grape vineyard

Le CLA fut proactif dans ses efforts visant à aider les producteurs. Sachant que les viticulteurs n'avaient accès qu'à quelques insecticides, il a entamé l'exploration d'autres manières d'aider les viticulteurs à maîtriser la tordeuse de la vigne.

En 2007, il a supervisé le lancement de deux projets qui évaluaient l'utilisation de phéromones sexuelles de synthèse, les odeurs chimiques que les femelles de tordeuse de la vigne libèrent pour attirer les mâles. Le lâcher délibéré d'une quantité suffisante de phéromone pour confondre les mâles de la tordeuse de la vigne afin qu'ils ne puissent pas trouver de femelles pour s'accoupler et procréer.

La confusion sexuelle, comme on l'appelle, réduit les populations de tordeuse de la vigne et cela se traduit par une diminution des dommages causés aux raisins. Les producteurs utilisant ce moyen de lutte peuvent réduire, voire éliminer la nécessité de recourir à des insecticides.

En outre, pour rendre les phéromones plus abordables, l'un des projets Mise au point de techniques de confusion sexuelle pour la lutte intégrée contre la tordeuse de la vigne a placé moins de diffuseurs de phéromones que le nombre recommandé sur les bords extérieurs des parcelles d'essais pour voir si les phéromones pouvaient encore être efficaces.

En étudiant le meilleur moment et le nombre de diffuseurs à installer dans les vignobles, les projets ont apporté aux producteurs une technique éprouvée qui peut être intégrée dans un programme de lutte intégrée pour gérer de manière durable la tordeuse de la vigne.

Une longue attente qui fut finalement fructueuse pour les viticulteurs

Aussi ce fut un soulagement lorsqu'ltacor fut lancé sur le marché en 2008, grâce au travail du CLA.

Comme le soutient Brewster, « la première année où nous avons eu Altacor, nous savions déjà qu'il serait un produit performant. Nous avons commencé à l'utiliser dans les vignobles, et cela fut révolutionnaire. Soudainement, quelqu'un s'exclama : "Wow!, mais où sont donc passées les tordeuses de la vigne?" ».

S'ensuivit l'homologation des deux autres produits : Assail au début de 2011 et Intrepid en 2013.

Depuis ce temps, les producteurs de la région du Niagara maîtrisent mieux la tordeuse de la vigne, grâce en large partie aux spécialistes en phytoprotection du CLA.

Grâce aux travaux du CLA, les producteurs disposent de quatre nouveaux insecticides dans leur arsenal, dont le premier qui fut lancé en 2006.

Le meilleur de tout, c'est que chacun de ces insecticides appartient à une famille différente de produits chimiques, ce qui en fait des options idéales pour faire la rotation des pesticides entre les générations de tordeuses de la vigne afin de mieux gérer les risques de développement de résistance.

Aujourd'hui, cela s'inscrit dans la foulée de l'Année internationale des fruits et des légumes, car les producteurs peuvent utiliser des moyens de lutte plus récents, plus ciblés et des produits chimiques plus doux.

Non seulement ces produits sont-ils plus sûrs, mais leur succès dépend d'une combinaison de pratiques de lutte intégrée comme la surveillance des ravageurs, l'élimination de populations de ravageurs, la manipulation du couvert végétal et la réduction de la charge culturale. Les sortes de pratiques durables que préconise les Nations Unies auprès de tous les producteurs pour « améliorer la production d'aliments sains et durables ».