Essais au champ de la résistance à la mouche du chou chez des cultivars de rutabaga

Code de projet : PRR12-110

Chef de projet

Peggy Dixon - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Essais au champ de différentes lignées de rutabaga et du cultivar commercial Laurentian pour comparer leur résistance à la mouche du chou

Sommaire des résultats

Contexte

La mouche du chou Delia radicum L. (Diptère : Anthomyiidae) et des espèces étroitement apparentées causent des pertes dans les crucifères cultivées dans toutes les régions productrices au Canada. La lutte contre la mouche du chou se fait principalement avec des insecticides chimiques. Il existe actuellement trois ingrédients actifs d’homologués pour lutter contre cet insecte nuisible, soit la cyperméthrine (en Colombie Britannique seulement), le cyantraniliprole et le chlorpyrifos. Au début du présent projet, les producteurs comptaient fortement sur le chlorpyrifos; or une étude menée en Colombie Britannique (C.-B.) en 2013 a confirmé que 75 % des populations de mouches du chou testées étaient résistantes au produit. D’autres études sont en cours à l’échelle du pays pour documenter l’étendue des populations résistantes au chlorpyrifos dans les régions productrices de crucifères. Il faut trouver des solutions de rechange à risques réduits qui pourraient remplacer les insecticides classiques et être intégrées à la stratégie régulière de lutte intégrée contre la mouche du chou dans ces cultures.

Démarche

Le projet visait à faire des essais au champ de nouvelles lignées de rutabaga qui ont été obtenues par l’Université de Guelph dans le cadre du projet PRR10-140 (Sélection de cultivars de rutabaga résistants à la mouche du chou).) au titre du Programme de réduction des risques liés aux pesticides. Ces lignées de rutabaga renferment un gène de résistance à la mouche du chou qui a été emprunté à la crucifère adventice Sinapis alba. Le gène a d’abord été introduit dans du canola, puis à partir de là, dans le cultivar de rutabaga Laurentian, par cycles de rétrocroisement. La composition génétique de la descendance finale contient 93,5 % du génome du rutabaga et 6,5 % du génome du canola. Ces lignées, qui ont fait l’objet d’essais au champ en Ontario dans le cadre du projet d’amélioration génétique, affichaient des taux de dommages sur les racines significativement réduits comparativement au témoin non traité (cultivar Laurentian). Les lignées résistantes avaient des qualités horticoles – forme, calibre, couleur et saveur de la racine – comparables à celles du cultivar Laurentian.

Dans le projet actuel, les lignées résistantes ont fait l’objet d’essais au champ dans certaines régions productrices à l’extérieur de l’Ontario. Les lignées essayées en 2012 s’avéraient une deuxième génération de rétrocroisement (BC2) portant le gène de résistance, mais contenant seulement 87 % du génome du rutabaga. Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a essayé quatre de ces lignées dans des sites à St Jean, Terre-Neuve et Labrador (T.-N.-L.), à Bouctouche, Nouveau-Brunswick (N.-B.), à Abbotsford, (C. B.) et à l’Université de la Saskatchewan à Saskatoon. En 2014, AAC a essayé sept nouvelles lignées qui contenaient 93,5 % du génome du rutabaga (BC3) dans les mêmes sites, sauf au site de Bouctouche (N. B.) qui n’était plus disponible. En 2016, AAC a essayé deux nouvelles lignées et une lignée déjà essayée en 2014 dans un seul site, soit celui de St-Jean (T. N. L.). Les parcelles ont été aménagées selon un plan expérimental en carrés latins qui prévoyait un seul traitement par bloc et quatre blocs par site. Les données recueillies étaient notamment l’évaluation des dommages, le poids des rutabagas récoltés et leur valeur commerciale. Avec ces données, on a calculé des indices d’infestation.

Résultats

Les lignées évaluées en 2012 ne différaient pas du témoin non traité (cultivar Laurentian) pour ce qui est des dommages de mouche du chou, mesurés par les indices d’infestation et le nombre de rutabagas récoltés affichant des dommages visibles. Étant donné que les premières lignées essayées contenaient une proportion insuffisante du génome du rutabaga (87 %), certaines d’entre elles n’avaient pas les qualités horticoles désirables pour avoir une valeur marchande. Au nombre des défauts observés, mentionnons des racines trop petites, trop grosses, multiples, pourries ou atteintes d’autres maladies. Par exemple, la lignée 49 avait des racines difformes, caractérisées par des racines latérales, et qui étaient atteintes d’une pourriture non identifiée. La lignée 26 semblait plus sensible à la hernie des crucifères (bien que le pathogène n'ait toutefois pas été confirmé) et donnait des rutabagas plus coniques que les rutabagas sphériques du cultivar Laurentian.

Les nouvelles lignées des essais de 2014, qui contenaient 93,5 % du génome du rutabaga, possédaient, pour la plupart, les qualités horticoles recherchées, soit une vigueur des plantules et des racines de calibre, de forme et de couleur adéquats. Au site de la Saskatchewan, il fut impossible d’évaluer les dommages causés par la mouche du chou en raison de la grande étendue de la pourriture – probablement une pourriture molle bactérienne – qui s’est développée dans les rutabagas par suite de leur fissuration, phénomène qui apparait généralement dans des conditions irrégulières de températures et d’humidité du sol qui favorisent une croissance excessivement rapide des racines. Sur la base des indices d’infestation et du pourcentage de maîtrise observés dans les essais aux sites de T. N. L. et de la C. B., la lignée no 20 donnait des résultats significativement meilleurs que les autres lignées et le témoin non traité (cultivar Laurentian). La performance de cette lignée était semblable à celle du cultivar Laurentian traité. Or, en 2016, toutes les lignées avaient un indice d’infestation et un pourcentage de maîtrise semblables; les lignées expérimentales ne différaient pas du témoin non traité (cultivar Laurentian).

Compte tenu des résultats obtenus en Ontario qui affichent des différences considérables entre les lignées résistantes et le cultivar commercial Laurentian, il semble y avoir des différences régionales de performance des lignées résistantes qui pourraient être attribuables à divers facteurs, dont les espèces de mouches Delia qui sont prévalentes dans les différentes régions, les pratiques culturales qui varient d’une région à l’autre et les conditions ambiantes. À part le présent projet, des essais sont actuellement menés à Terre Neuve dans des conditions contrôlées pour mieux estimer le potentiel de ces lignées et voir si elles méritent d’être intégrées dans une stratégie de lutte intégrée contre la mouche du chou dans cette région.