Hausse de la production et des lâchers de Diadromus pulchellus, agent de lutte biologique contre la teigne du poireau, et transfert d’une trousse d’outils de lutte intégrée aux producteurs

Code du projet PRR-STB19-020

Chef de projet

Kathryn Makela et Jacob Miall, Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Améliorer la lutte contre la teigne du poireau dans les régions productrices d’alliacées de l’Ontario et du Québec en augmentant les populations de Diadromus pulchellus, un agent de lutte biologique, et en diffusant de l’information sur la lutte antiparasitaire intégrée (LAI) aux producteurs

Contexte

La teigne du poireau, Acrolepiopsis assectella, est un ravageur invasif venu d’Europe qui cause des dommages aux cultures d’alliacées, notamment aux oignons, aux poireaux et à l’ail. La production d’alliacées est un secteur important au Canada, car la valeur à la ferme des oignons secs ayant atteint 95 M$ en 2018. Les larves de la teigne du poireau s’enfoncent dans la feuille, affaiblissent et flétrissent la plante, ce qui entraîne des pertes de récolte. Depuis sa première détection dans l’est de l’Ontario en 1993, la teigne du poireau a rapidement agrandi son aire de répartition dans le Sud-Ouest de l’Ontario, au Québec, à l’Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et aux États-Unis. De plus, les modèles scientifiques actuels prévoient une nouvelle expansion de l’aire de répartition de la teigne du poireau au Canada et en Amérique du Nord, principalement en raison des changements climatiques. Il a également été démontré qu’un plus grand nombre de générations du ravageur au cours d’une saison de croissance est plus dommageable aux plantes, ce qui rend les cultures de la saison suivante invendables. En Ontario, la teigne du poireau se reproduit à raison de trois générations au cours d’une saison de croissance, mais la hausse des températures pourrait permettre d’accumuler suffisamment de degrés-jours pour que d’autres générations s’ajoutent.

Grâce aux travaux antérieurs réalisés par les chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada au cours des deux dernières décennies (La teigne du poireau, un parasite des Allium spp. : études de la biologie des ravageurs et élaboration d’une stratégie de lutte intégrée comportant peu de risques; Lutte biologique contre la teigne du poireau, un ravageur de l’espèce Allium; Libération d’une guêpe parasite pour la lutte biologique contre la teigne du poireau au Canada), plusieurs outils contribuant à une approche de lutte intégrée contre la teigne du poireau ont été élaborés. Il s’agit notamment de la découverte et des premiers lâchers d’un agent de lutte biologique, la guêpe parasitoïde Diadromus pulchellus (Hyménoptères : Ichneumonidés), identifiée à CABI Bioscience, à Delémont, en Suisse, et introduite au Canada en 2010 après plusieurs années d’essais en laboratoire vérifiant son efficacité. Des recherches supplémentaires ont permis d’élaborer un modèle de degrés-jours pour la teigne du poireau, des techniques de surveillance, ainsi que d’explorer d’autres solutions et pratiques de lutte. , identifiée à CABI Bioscience, à Delémont, en Suisse, et introduite au Canada en 2010 après plusieurs années d’essais en laboratoire vérifiant son efficacité. Des recherches supplémentaires ont permis d’élaborer un modèle de degrés-jours pour la teigne du poireau, des techniques de surveillance, ainsi que d’explorer d’autres solutions et pratiques de lutte.

Ce projet visait à s’appuyer sur les résultats scientifiques antérieurs et à les faire progresser en mettant en œuvre un ensemble d’approches intégrées à plusieurs volets, facilement adoptables par les producteurs pour les aider à ralentir la propagation et à favoriser la gestion durable de la teigne du poireau dans les cultures d’alliacées.

Approche

Élevage et lâchers à grande échelle de la guêpe parasitoïde D. pulchellus. Un élevage en masse de colonies de D. pulchellus a procédé au laboratoire du Centre de recherche et de développement d’Ottawa d’AAC et de teignes du poireau afin d’obtenir l’hôte de la lutte biologique. La sélection des sites et les lâchers de D. pulchellus ont été coordonnés en collaboration avec des spécialistes provinciaux du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Les collaborateurs provinciaux ont repéré des producteurs prêts à coopérer ainsi que des fermes d’ail, d’oignon et de poireau dans leurs régions respectives ayant des populations importantes de teigne du poireau, où les lâchers se feront.

Surveillance de l’établissement de D. pulchellus après les lâchers en 2019-2021. Au cours de chaque année du projet, des efforts ont été faits pour déterminer le succès de l’hivernage et l’établissement des populations de D. pulchellus sur les sites de lâchers. Avant les nouveaux lâchers saisonniers, des nymphes de teigne du poireau sauvages ou sentinelles ont été capturées dans les champs où des lâchers ont eu lieu l’année précédente et élevées pour déterminer le degré de parasitisme et la composition des espèces. Les D. pulchellus récupérées de cette première génération ont confirmé le succès de l’hivernage des adultes de l’automne précédent.

Développement de la teigne du poireau et surveillance des degrés-jours. Un tableau de bord interactif a été préparé sur la plateforme MS Excel afin d’intégrer un modèle de développement en fonction des degrés-jour et les résultats des captures dans les pièges d’interception en vol pour servir d’outil permettant de déterminer des « fenêtres d’action » pour différentes stratégies de lutte. Cet outil a été testé et validé lors des saisons de travaux sur le terrain 2020 et 2021.

Résultats

Les lâchers de D. pulchellus ont commencé à l’été 2019, avec 1 à 3 libérations par site sélectionné échelonnées tout au long de la saison. Les lâchers ont été programmés avant les générations 2 et 3 des nymphes de la teigne du poireau sur six sites agricoles en Ontario (régions de Perth, Centreville, New Hamburg et Ottawa) et deux, au Québec (dans les régions de Saint-Camille et Hatley). Au total, 4 250 et 2 320 femelles et mâles adultes de D. pulchellus ont été relâchés en Ontario et au Québec, respectivement, en 2019. En raison des mesures restrictives de santé publique en vigueur, seuls des lâchers à petite échelle (150 adultes) ont pu être effectués dans les deux sites du Québec en septembre 2020. De même, en 2021, les lâchers à petite échelle n’ont été réalisés que dans un site au Québec (800 adultes) et un site en Ontario (400 adultes) entre juillet et septembre. Les mêmes sites sont utilisés pour les lâchers.

Des descendants d’individus de D. pulchellus relâchés en 2018 (avant le début de ce projet) ont été récupérés en 2019, ce qui indique que la guêpe parasite a réussi à passer l’hiver dans l’est de l’Ontario et au Québec. Des descendants d’individus relâchés en 2019 ont également été capturés en 2020, ce qui démontre une fois de plus que D. pulchellus avait réussi à passer l’hiver.

Les essais sur le terrain menés à l’aide du modèle interactif de prévision en fonction des degrés-jours, accessible par le tableau de bord ont montré des résultats similaires aux modèles antérieurs pour ce qui est de leur capacité à prévoir les stades de développement de la teigne du poireau. Ce modèle, associé aux observations sur le terrain, peut éclairer l’élaboration de recommandations pertinentes en matière de lutte. D’autres modifications et ajustements pourront être apportés au cours des saisons suivantes afin de valider l’efficacité du modèle, avant sa distribution à certains producteurs qui pourront l’utiliser pour leurs propres besoins décisionnels.

Conclusions

Ce projet a permis de poursuivre les efforts visant à agrandir l’aire de répartition établie de D. pulchellus dans les régions de l’est du Canada où la teigne du poireau est présente. Les résultats des études d’hivernage en laboratoire et sur le terrain entreprises dans le cadre de ce projet permettront d’établir de nouvelles méthodes d’élevage et de mise en réserve du parasitoïde afin d’améliorer l’efficacité des lâchers à grande échelle. La surveillance post-lâcher d’année en année sur les sites de lâcher a permis de confirmer l’établissement des parasitoïdes, ce qui pourrait permettre de réduire la nécessité de nouveaux lâchers à l’avenir. On espère que les lâchers permettront un établissement stable et une éventuelle propagation de l’agent dans toute l’aire de répartition de la teigne du poireau. La présence d’un agent de biocontrôle efficace dans les régions productrices d’alliacées avant que les populations de teigne du poireau aient des répercussions économiques pourrait atténuer leur capacité à nuire à l’industrie.

Un tableau de bord plus simple et plus intuitif permettant la surveillance de la teigne du poireau, mis au point dans le cadre de ce projet, permettra d’élargir le suivi des populations de teigne du poireau. De plus, le plan à long terme consiste à présenter l’outil de prévision de la teigne du poireau dans un format convivial afin de le rendre accessible à un plus grand nombre de producteurs pour les aider à prendre des décisions de lutte éclairées. Enfin, la disponibilité d’un programme de lutte intégrée qui combine efficacement les outils susmentionnés et d’autres pratiques devrait favoriser une gestion durable de la teigne du poireau et contribuer à réduire les risques pour l’environnement en offrant une alternative aux pesticides chimiques et aux programmes de pulvérisation selon un calendrier.

Le confinement dû à la pandémie a eu un impact important sur les plans de sensibilisation et la partie transfert de connaissances de ce projet. Des activités de sensibilisation, telles que des présentations lors de réunions de producteurs, des articles dans les médias destinés aux producteurs, des webinaires en ligne, sont nécessaires pour accroître la sensibilisation au sein du secteur et promouvoir l’adoption des pratiques bénéfiques relevées dans cette recherche.