Mise en application de méthodes de lutte biologique contre les mauvaises herbes pour réduire les risques associés aux herbicides

Code de projet : PRR03-070

Chef de projet

Rob Bourchier - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Rétablir un équilibre écologique entre l'euphorbe ésule, une espèce de plante exotique envahissante, et ses ennemis naturels en vue de réduire la population d'euphorbes à des niveaux maîtrisables

Sommaire des résultats

Les pâturages canadiens sont menacés par les plantes envahissantes, en général introduites de l'étranger, qui peuvent faire des ravages parce qu'aucun herbivore indigène ne limite leur propagation. L'euphorbe ésule (Euphorbia esula L.), introduite d'Europe et qui, selon les estimations, infeste maintenant deux millions d'hectares de prairies et d'habitats riverains en Amérique du Nord, est l'une de ces espèces envahissantes aux conséquences les plus graves. Cette plante renferme un suc blanc visqueux toxique pour le bétail. Elle fait aussi concurrence à des plantes plus désirables pour les pâturages et représente par conséquent une menace à la fois pour la valeur des terres comme pâturages et pour la biodiversité. Le terrain difficile et les grandes superficies à traiter rendent prohibitif le coût de l'utilisation d'herbicides chimiques contre l'euphorbe ésule. De plus, en de nombreux endroits, l'utilisation d'herbicides cause des problèmes environnementaux parce que les zones infestées se trouvent à proximité de plans d'eau.

Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a réalisé une étude sur la lutte biologique classique contre l'euphorbe ésule. Il a pour cela introduit au Canada des insectes originaires d'Europe qui sont des ennemis naturels de cette mauvaise herbe. L'objectif global consiste à rétablir un équilibre entre la mauvaise herbe et ses ennemis naturels, ce qui ramènera les populations nuisibles à des niveaux acceptables. La lutte biologique est une stratégie de lutte intégrée intéressante parce qu'elle s'autoperpétue, qu'elle est économique pour les grandes superficies à traiter et que ses incidences sur l'environnement sont minimes.

Un coléoptère (Aphthona lacertosa) a été lâché pour la première fois au Canada en 1991, après qu'une analyse approfondie de l'éventail de ses hôtes a permis de vérifier qu'il ne s'attaque qu'à la mauvaise herbe ciblée, l'euphorbe ésule. La larve de cette altise se nourrit des racines de la mauvaise herbe, et les altises adultes, lorsque leur densité est élevée, consomment les parties aériennes de la plante avant que celle ci ne produise des graines

Ce projet de trois ans, réalisé grâce à la collaboration essentielle des agents agricoles des districts municipaux participants et des propriétaires de terrains privés, prend appui sur des travaux déjà effectués par AAC et le gouvernement de l'Alberta. Le projet porte sur le lâcher, l'établissement et l'incidence d'Aphthona lacertosa sur l'euphorbe ésule, compte tenu des conditions des sites. Il comporte une surveillance de suivi des sites provinciaux établis en 1997 et des sites de lâcher d'AAC établis depuis 2001.

Un échantillonnage intensif par balayage et aspiration a été réalisé de la fin juin à la fin juillet pour les coléoptères adultes. Les spécimens recueillis par balayage ont été comptés et remis en liberté dans le champ. Les spécimens recueillis par aspiration ont été retournés au laboratoire où on a, au cours de l'hiver, procédé à l'identification des espèces et déterminé qu'elles ont été les modifications de la proportion entre les sexes, de la fécondité et de la taille des altises. La végétation a été échantillonnée à l'automne de chacune des années. La présence ou l'absence d'euphorbes ainsi que des estimations de la densité des euphorbes à intervalles d'un mètre, sur 100-150 points de grille, ont permis de déterminer les changements survenus dans la densité des euphorbes

L'incidence des altises sur l'euphorbe ésule est très claire aux endroits où la densité des altises était élevée. Entre 2004 et 2006, il s'est produit à ces endroits une réduction de la densité moyenne des tiges de 1,5 tige par région d'échantillonnage, alors que les sites où la densité était faible ont connu une augmentation de 0,4 tige par région d'échantillonnage. La superficie couverte par l'euphorbe a diminué de 24 p. 100 là où la densité des altises était élevée, et augmenté de 3,3 p. 100 là où elle était faible.

En raison de l'augmentation rapide de la population des altises dans plusieurs sites de lâchers de l'Alberta, seules des altises de l'Alberta ont été utilisées pour les lâchers de 2006 et de 2007. On a supposé que ces coléoptères seraient mieux adaptés aux conditions locales (comme le réchauffement rapide associé au chinook qui peut se produire pendant les journées d'hiver) que les altises utilisées auparavant venant du Montana. La comparaison des densités d'Aphthona lacertosa pour les lâchers de 2005, pour lesquels des coléoptères du Montana ont été utilisés, aux lâchers de 2006, pour lesquels des coléoptères de l'Alberta ont été utilisés, a constitué un test non prévu, mais utile, pour mettre cette hypothèse à l'essai. Comparer la densité des altises dans les pièges d'émergence a permis de constater qu'il y avait légèrement plus d'altises dans les lâchers de l'Alberta que dans ceux du Montana (respectivement, 2,7 altises en moyenne par piège d'émergence contre 1,7 altise en moyenne). Ces moyennes n'étaient pas statistiquement différentes, mais cette tendance indique qu'il vaudra la peine de surveiller davantage ces sites au cours des prochaines années.

Les conditions hivernales chaudes provoquées par le chinook dans le sud de l'Alberta étaient associées à de faibles densités de population aux sites des lâchers d'Aphthona lacertosa. Cependant, les températures hivernales chaudes n'étaient pas toujours associées à tous les sites où les coléoptères étaient à faible densité. Il est prévu d'effectuer d'autres expériences pour comprendre l'influence des périodes extrêmement chaudes et extrêmement froides pendant l'hiver sur la survie d'Aphthona lacertosa.

De l'information sur les sites, y compris les coordonnées GPS et les caractéristiques des sites, a été saisie dans une base de données pour tous les lâchers de ce projet. Cette base de données permettra d'effectuer la surveillance pour évaluer les incidences à long terme des agents de lutte biologique sur les mauvaises herbes ciblées. De plus, tous les dossiers disponibles pour les lâchers de la lutte biologique effectués par le passé en Alberta ont été saisis dans cette base de données. Les chercheurs ont ainsi facilement accès à de l'information sur plus de 1 200 lâchers de plus de 50 espèces d'insectes, ciblant 19 mauvaises herbes, et dont les premières données remontent à 1965.

Les connaissances acquises lors de ce projet permettront de mieux choisir les sites des lâchers des insectes afin d'améliorer leur survie et leur taux de croissance, ce qui permettra de mieux les redistribuer sur les terres publiques et privées. L'utilisation d'Aphthona lacertosa comme agent de lutte biologique constitue une solution de rechange rentable et respectueuse de l'environnement compte tenu des coûts et de l'impact environnemental associés à l'utilisation des herbicides traditionnels pour la lutte contre l'euphorbe ésule.

Fiche technique sur Gestion de l'euphorbe ésule à l'aide d'un insecte prédateur