Démonstration sur le terrain de la technique du lâcher de mouches stériles pour combattre la mouche de l’oignon dans la production d’oignons à repiquer et d’oignons à cuire en Ontario

Code du projet : PRR18-010

Chef de projet

Anne-Marie Fortier - Compagnie de recherche Phytodata Inc. et Travis Cranmer – ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario

Objectif

Mener des essais de démonstration à la ferme au moyen de la technique de stérilisation des insectes pour lutter contre la mouche de l’oignon dans les champs d’oignons de l’Ontario, et acquérir des connaissances sur la répartition de Delia spp. et la dynamique de la population dans la région.

Contexte

La mouche de l’oignon (Delia antiqua) est un important insecte ravageur des cultures du genre Allium, comme les oignons, les oignons verts et les échalotes. Les dommages causés par la mouche de l’oignon peuvent entraîner des pertes d’oignons pouvant atteindre 30 % pour les producteurs canadiens. Les options de lutte contre ce ravageur sont limitées en raison de la difficulté à atteindre les insectes ciblés avec des traitements insecticides efficaces. Certaines populations de mouche de l’oignon ont déjà montré une résistance à certains des ingrédients actifs de ces produits, et les produits à base de chlorpyrifos devraient être retirés du marché au cours des prochaines années. Par conséquent, il faut trouver d’autres solutions de lutte durable contre la mouche de l’oignon dans les cultures d’oignons.

La technique de stérilisation des insectes (TSI) est utilisée pour lutter contre les populations de mouche de l’oignon depuis 1981 aux Pays-Bas. Au cours des dernières années, la TSI s’est également avérée très prometteuse pour la lutte contre ce ravageur au Québec. La Compagnie de recherche Phytodata travaille sur le développement et la mise en œuvre de cette technique depuis 2005. L’adoption de cette technique est de plus en plus fréquente depuis sa première commercialisation en 2011; la TSI est maintenant utilisée sur environ 988 ha de champs d’oignons dans la région, ce qui représente approximativement 40 % de la production d’oignons au Québec. Des consultations avec le groupe d’experts qui dirige la Stratégie de réduction des risques liés aux pesticides contre les insectes nuisibles des racines des carottes, panais et oignons ont permis de déterminer que cette technologie représentait une solution de rechange viable à utiliser dans d’autres régions productrices d’oignons pour lutter contre la mouche de l’oignon. Ce projet visait à démontrer l’efficacité de cette technique dans des champs d’oignons commerciaux en Ontario pendant trois saisons de croissance de 2018 à 2020.

Approches

Des champs commerciaux ensemencés à forte densité aux fins de la production d’oignons à repiquer situés près d’Exeter et des oignons de cuisson transplantés à une densité moyenne près de Scotland ont été utilisés pour faire une démonstration de la TSI en Ontario de 2018 à 2020. La Compagnie Phytodata a fourni les mouches de l’oignon et a procédé à leur production de masse. Les pupes D. antiqua ont été élevées dans les installations de Phytodata à Sherrington, au Québec, puis irradiées au Nordion Gamma Centre d’Excellence à Laval, au Québec. Après leur avoir appliqué une couleur rose pour les distinguer de la population sauvage, on a envoyé les pupes stérilisées aux gestionnaires d’exploitations agricoles sur une base hebdomadaire et on les a placées dans des boîtes d’émergence. Lorsque les mouches roses émergeaient des pupes un à trois jours plus tard, les mouches roses stériles étaient emmenées au champ, où ont eu lieu des lâchers hebdomadaires tout au long de la saison de croissance. Entre 100 000 et 115 000 mouches ont été lâchées par hectare; le nombre a varié tout au long de la saison en fonction de la courbe naturelle de la population. Les champs de lâchers et de lutte étaient surveillés chaque semaine pour déterminer la présence de mouches de l’oignon sauvages (fertiles) et stérilisées à l’aide de pièges collants. On a procédé à l’échantillonnage destructeur de 50 bulbes d’oignons pour évaluer les dommages causés par la mouche de l’oignon chaque semaine à compter de la mi-saison, et ce, jusqu’à la récolte en septembre.

Résultats

Dans l’ensemble, l’ampleur des dommages causés par la mouche de l’oignon observés dans tous les champs d’oignons pendant toutes les années et présentés dans l’essai de démonstration s’est avérée faible malgré un nombre modéré à élevé de mouches capturées en période de pointe. On a observé peu de dommages causés par la mouche de l’oignon en 2018 et en 2019 par rapport aux années précédentes, et aucun dommage n’a été constaté en 2020 dans les champs près d’Exeter. Dans les champs surveillés au cours de l’étude, on comptait entre 11 et 27 mouches de l’oignon fertiles par piège par semaine en période de pointe en 2018 et en 2019, et entre 15 et 160 mouches fertiles par piège par semaine en 2020. Au cours de la première année de la démonstration, on a observé une différence importante entre les populations de mouches fertiles de deuxième génération dans le champ de lâcher par rapport au champ de lutte. Au pic de la population, le champ de lâcher contenait moins de 50 % de la population de mouches fertiles par rapport au champ de lutte. Au cours des deuxième et troisième années de la démonstration, la pression exercée par le ravageur et les différences au sein des populations dans les champs de contrôle par rapport aux champs de lâcher variaient d’un champ à l’autre. Plusieurs facteurs, notamment la distance entre les champs et la proximité de champs d’oignons non traités, ont probablement contribué à la variation de la pression exercée par le ravageur dans ces champs. Les résultats démontrent l’importance d’adopter cette technique à grande échelle dans les zones de culture d’oignons denses. Dans l’ensemble, les résultats ont révélé que les dommages causés par la mouche de l’oignon dans les champs de 2018 à 2020 sont demeurés peu importants malgré divers niveaux de pression exercée par le ravageur et l’utilisation répétée des champs adjacents pour cultiver les oignons trois années de suite.

Conclusions

La TSI est utilisée avec succès au Québec pour lutter contre la mouche de l’oignon sans qu’on ait besoin d’utiliser des insecticides conventionnels depuis plus d’une décennie. Cette démonstration à petite échelle affiche des résultats préliminaires prometteurs au chapitre de l’utilisation de la TSI pour lutter contre la mouche de l’oignon en Ontario. Les résultats font ressortir l’importance de mettre cette technique en œuvre de manière coordonnée et répandu pour assurer sa réussite dans les zones de culture d’oignons denses. La poursuite du programme pourrait permettre de mieux déterminer les effets à long terme du lâcher de mouches stériles sur la population de mouches de l’oignon ainsi que son efficacité globale pour réduire le besoin de recourir à des traitements chimiques pour maintenir le rendement des cultures d’oignons.