Rapport du Groupe de travail FPT sur la gestion des pesticides à l’intention des ministres de l’Agriculture

Sommaire

Conformément aux directives des ministres de l'Agriculture, des experts des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (FPT) ont formé un groupe de travail pour examiner les défis et les possibilités dans l'approche actuelle du Canada en matière de lutte antiparasitaire. Le groupe de travail a rédigé 5 recommandations pour améliorer la gestion des pesticides au Canada.

Améliorer l'engagement et la collaboration dans l'évaluation des risques

L'organisme de réglementation des pesticides du Canada, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), doit avoir accès à davantage de données du monde réel, d'études approfondies et d'expertise pour affiner ses évaluations des risques pour la santé et l'environnement. Une expertise et des données supplémentaires pourraient éviter la perte de pesticides essentiels résultant des examens post‑commercialisation qui s'appuient sur des hypothèses et des modèles conservateurs.

Le groupe de travail recommande

que les ministères fédéraux et provinciaux et les organismes dont les intérêts et les préoccupations sont touchés par le système fédéral de réglementation des pesticides soient consultés plus tôt et participent de manière plus significative au processus d'évaluation des risques de l'ARLA.

Reconnaître la valeur des outils de lutte antiparasitaire

L'ARLA a besoin de mieux comprendre les avantages en matière de santé, de sécurité et d'environnement et les répercussions économiques et sociétales d'un produit. Une expertise supplémentaire permettrait aux organismes de réglementation de prendre en compte plus efficacement ces facteurs au moment de l'évaluation d'un pesticide essentiel ou de la détermination de la pertinence des solutions de rechange.

Le groupe de travail recommande

  • que les évaluations de la valeur des pesticides soient prises en compte par l'ARLA au moment de décider jusqu'à quel point il faut peaufiner les évaluations des risques et déterminer la pertinence des solutions de rechange lors de l'annulation ou de la modification de l'homologation des produits.
  • que les ministères fédéraux et provinciaux et les organismes dont les intérêts et les préoccupations sont touchés par le système fédéral de réglementation des pesticides apportent une expertise et des connaissances supplémentaires afin d'améliorer la qualité des évaluations de la valeur de l'ARLA.

Favoriser l'accès aux solutions de lutte antiparasitaire intégrée, y compris les biopesticides et les produits à faible risque

Les besoins en matière de lutte antiparasitaire peuvent varier considérablement et les producteurs doivent avoir accès à une sélection diversifiée de produits et de méthodes pour lutter contre les dommages causés par les organismes nuisibles, et ce, par les moyens les plus économiques et avec le moins de risques possible pour les personnes, les biens et l'environnement.

Le groupe de travail recommande

  • que les ministères et organismes du gouvernement fédéral explorent des moyens de faire du Canada un marché plus attrayant pour l'homologation de nouveaux produits antiparasitaires, notamment des biopesticides.
  • que les gouvernements fédéral et provinciaux investissent davantage dans la recherche et le transfert de connaissances pour soutenir l'adoption de méthodes et de produits de lutte antiparasitaire divers, innovants et efficaces dans le secteur agricole.

Quoique les pesticides peuvent présenter des risques s'ils sont utilisés de façon inappropriée, ceux-ci peuvent jouer un rôle important dans l'agriculture durable en aidant les agriculteurs à cultiver plus efficacement, en contribuant à améliorer la santé du sol et en contrôlant les espèces envahissantes. Tous les gouvernements devraient collaborer afin de mieux soutenir les producteurs agricoles canadiens et leurs besoins en matière d'outils diversifiés de protection des cultures.

Contexte

En juillet 2023, le gouvernement du Canada a co‑organisé avec le Nouveau‑Brunswick une conférence annuelle des ministres FPT de l'Agriculture à Fredericton (Nouveau-Brunswick). Lors de cette conférence, les ministres ont reconnu que la prise de décisions fondées sur des principes scientifiques et les données pour réglementer les produits de protection des cultures est primordiale pour garantir aux producteurs agricoles canadiens l'accès à des outils efficaces de lutte antiparasitaire. Les ministres ont également reconnu l'importance d'appuyer la recherche sur les outils, les pratiques et les solutions de rechange pour la lutte antiparasitaire, comme les biopesticides et les approches intégrées de gestion des organismes nuisibles. À la suite de la présentation de l'ARLA et compte tenu des difficultés rencontrées par nos producteurs, les ministres ont convenu de créer un groupe de travail FPT qui étudiera les défis liés à la gestion des pesticides dans le système de réglementation actuel.

À l'automne 2023, Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a organisé 5 tables rondes avec des représentants des ministères fédéral, provinciaux et territoriaux de l'Agriculture. Le groupe de travail a également accueilli des participants de l'ARLA, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) et de l'Office of Pesticide Programs (OPP) de l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis.

Les discussions ont porté sur les sujets suivants :

  • le système de réglementation des pesticides au Canada;
  • les lois et les politiques qui régissent la réglementation des pesticides;
  • des exemples de décisions réglementaires pour illustrer la manière dont le cadre de réglementation est appliqué;
  • les autres cadres utilisés par les États-Unis qui peuvent mener à des évaluations différentes des produits;
  • les possibilités d'améliorer la gestion des pesticides au Canada.

Ce rapport tient lieu de compte rendu des discussions et d'évaluation des principaux éléments liés à la réglementation des outils de lutte antiparasitaire au Canada. Il présente également un certain nombre de recommandations qui sont issues des discussions du groupe de travail.

Aperçu de la réglementation des pesticides

Le processus d'examen réglementaire fondé sur la science au Canada

Les pesticides jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les organismes nuisibles qui pourraient autrement menacer la santé humaine, la production d'aliments et de fibres, et les ressources naturelles du Canada. Cependant, les pesticides peuvent également présenter des risques pour la santé humaine et l'environnement, et exigent donc un cadre réglementaire rigoureux pour gérer ces risques. Au Canada, c'est l'ARLA de Santé Canada qui réglemente les pesticides d'une manière conforme à celle des pays membres comparables de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Programme de l'OCDE sur les pesticides produit des normes techniques et des directives pour la production et l'évaluation de données afin d'harmoniser les approches réglementaires entre les différentes administrations. Au cours des 25 dernières années, l'ARLA et l'OPP de l'EPA des États-Unis ont mené des examens conjoints et ont mis en commun leurs travaux sur les demandes de nouveaux principes actifsNote de bas de page 1 et d'usages limitésNote de bas de page 2, ce qui témoigne du niveau généralement élevé d'entente entre les 2 organismes de réglementation et de leurs approches scientifiques en matière d'évaluation des risques. Bien que semblables, les organismes de réglementation canadiens et américains sont assujettis à des lois différentes et adoptent parfois différentes approches pour gérer le risque et appliquer les marges de sécurité, ce qui peut mener à des décisions réglementaires divergentes à l'égard des produits de lutte antiparasitaire.

Avant d'approuver l'utilisation d'un nouveau pesticide, les scientifiques de Santé Canada doivent effectuer une évaluation approfondie des risques, fondée sur des principes scientifiques, pour établir si l'on peut utiliser ces produits en toute sécurité. Une fois un pesticide approuvé, les scientifiques de Santé Canada effectuent des examens post-commercialisation. Ils réévaluent les produits tous les 15 ans pour tenir compte des nouvelles exigences en matière de données ou des changements apportés aux méthodes d'évaluation des risques afin que les produits continuent de satisfaire aux plus récentes normes. Des examens spéciaux peuvent également être déclenchés par de nouveaux renseignements, comme de nouvelles études, des données de surveillance, des rapports d'incident et des données d'exposition, soumis par des titulaires d'homologation, des autorités provinciales ou des membres du public. La plupart du temps, ces examens spéciaux sont déclenchés lorsqu'un pays membre de l'OCDE interdit tous les usages du pesticide en raison de préoccupations pour la santé ou l'environnement. Si un examen post-commercialisation démontre la présence de risques inacceptables, son usage autorisé sera modifié ou les produits seront totalement retirés du marché. Seuls les pesticides homologués ou autrement autorisés peuvent être vendus ou utilisés au Canada, et ils doivent être appliqués conformément au mode d'emploi.

Bien que ce système de réglementation existe pour protéger la santé humaine et environnementale, il est important de reconnaître que les réévaluations et les examens spéciaux peuvent entraîner la perte d'outils importants pour les producteurs. Cela peut entraîner de vastes répercussions pour le secteur agricole et pour le Canada.

Améliorer l'engagement et la collaboration dans l'évaluation des risques

L'objectif principal de l'ARLA en ce qui concerne l'administration de la Loi sur les produits antiparasitaires est de prévenir les risques inacceptables que présente l'utilisation de produits antiparasitaires pour les personnes et l'environnement. L'ARLA doit agir rapidement pour annuler l'homologation d'un produit ou retirer un des usages d'un produit si un examen post-commercialisation révèle qu'il est raisonnable de croire que cette annulation ou modification est nécessaire pour gérer une situation qui présente un danger pour l'environnement ou pour la santé ou la sécurité des personnes. La protection de la santé et de la sécurité des travailleurs agricoles, de leurs familles et des consommateurs et la protection de l'environnement sont des éléments primordiaux dans la réglementation des pesticides.

Lors d'une réévaluation, l'ARLA a la responsabilité d'effectuer des évaluations scientifiques pour déterminer si les risques associés aux produits homologués demeurent acceptables. Par contre, lors de cette réévaluation, il incombe aux titulaires de fournir les données et la recherche qui prouvent à l'ARLA que les risques pour la santé et l'environnement, ainsi que la valeur du produit antiparasitaire, sont acceptables. Les titulaires portent également ce fardeau de démonstration pour les nouvelles homologations et les modifications.

Lorsqu'une évaluation initiale indique que certaines utilisations ne sont plus acceptables, les titulaires peuvent soumettre de nouvelles informations pour étoffer l'évaluation des risques, réduisant ainsi le recours à des modèles conservateurs et à leurs hypothèsesNote de bas de page 3. Ils s'y emploient généralement en produisant de nouvelles données qui présentent de manière plus exacte la manière dont le pesticide est utilisé et comment il réagit dans le monde réel. Celles-ci peuvent comprendre des données de surveillance, des études sur le terrain et des renseignements sur l'utilisation. Si l'ARLA réduit l'incertitude dans ses évaluations des risques et élimine certaines hypothèses conservatrices, il est possible que l'ARLA maintienne des homologations d'usages ou de produits pour lesquels les risques avaient été jugés inacceptables.

Si les titulaires choisissent de ne pas produire de nouvelles données plus étoffées, ou si les nouvelles données fournies ne suffisent pas à démontrer un risque acceptable, il pourrait être nécessaire de retirer certains usages figurant sur l'étiquette du produit. Dans ces situations, l'ARLA se fie aux titulaires pour proposer un profil d'utilisation qui démontre un niveau de risque acceptable; autrement, il faut révoquer l'homologation et retirer le ou les produits du marché. Les producteurs et les autres intervenants du secteur agricole ne sont informés d'un usage limité ou de la révocation d'un produit que lorsque l'ARLA publie sa décision proposée.

Les discussions du groupe de travail ont révélé la nécessité que les provinces et les groupes de producteurs participent plus tôt et d'une façon concrète au processus d'évaluation des risques. Lorsque l'ARLA lance un examen post-commercialisation, les provinces sont invitées à fournir de l'information. Elles doivent par la suite attendre la tenue de la consultation publique au sujet de la décision proposée pour savoir si des problèmes ont été décelés dans l'évaluation des risques. Dans les cas où les titulaires ne sont pas disposés ou capables de fournir de l'information pour étoffer une évaluation des risques, il est possible que les gouvernements provinciaux ou d'autres ministères ou organismes fédéraux soient en mesure d'aider à affiner l'évaluation des risques de l'ARLA.

Le groupe de travail reconnaît que la décision d'un titulaire de retirer une utilisation homologuée lors d'une réévaluation est habituellement fondée sur le rendement financier d'un produit pour le titulaire, notant que l'incidence peut être disproportionnée pour les producteurs agricoles utilisant des produits à usages limités. Les membres du groupe de travail estiment que les producteurs et d'autres intervenants agricoles pourraient avoir un rôle à jouer dans la décision relative aux usages pouvant être maintenus, et dans la production de données scientifiques à l'appui.

Le groupe de travail est en faveur des efforts déployés par l'ARLA pour cerner et atténuer plus rapidement les risques potentiels au moyen d'un processus de surveillance continue, et reconnaît aussi que des mesures supplémentaires devront être prises à court terme pour tenir compte des produits dont la réévaluation est déjà prévue ou en cours. Les enquêtes auprès des producteurs et la tenue de nouvelles études scientifiques peuvent prendre plusieurs mois ou plusieurs années. Par conséquent, il faut prévoir le temps nécessaire avant la publication d'une décision réglementaire afin que l'information demandée pour étoffer une évaluation des risques puisse être produite. Cela est particulièrement vrai pour les pesticides dans le plan de travail de l'ARLA avec peu ou pas de solutions de rechange qui s'approchent du seuil auquel certains usages devraient être supprimés si la réévaluation cerne de nouveaux risques.

Le groupe de travail recommande

que les ministères fédéraux et provinciaux et les organismes dont les intérêts et les préoccupations sont touchés par le système fédéral de réglementation des pesticides soient consultés plus tôt et participent de manière plus significative au processus d'évaluation des risques de l'ARLA.

Reconnaître la valeur des outils de lutte antiparasitaire

En plus de la protection contre les risques, la Loi sur les produits antiparasitaires comporte l'objectif secondaire de « veiller à ce que seuls les produits antiparasitaires dont la valeur a été déterminée comme acceptableNote de bas de page 4 soient approuvés pour utilisation au Canada. » Le critère législatif pour les pesticides est que « la valeur du produit et les risques sanitaires et environnementaux qu'il présente sont acceptables ». Cela signifie qu'au Canada, un pesticide doit être soumis à une évaluation des risques pour la santé humaine, une évaluation environnementale et une évaluation de la valeur avant de pouvoir être homologué.

Dans le cadre de ses recherches, le groupe de travail a examiné le système de réglementation des États-Unis à titre de comparaison. Même si les 2 pays utilisent des approches harmonisées d'évaluation des risques, il y a de petites mais significatives différences dans la façon dont ces risques sont gérés et la façon dont la « valeur » ou l'« avantage » d'un pesticide est pris en compte. Dans le cadre de la législation des États-Unis, les produits ne peuvent pas présenter de « risque déraisonnable pour l'homme ou l'environnement, compte tenu des coûts et des avantages économiques, sociaux et environnementaux de l'utilisation d'un pesticide, ou tout risque alimentaire pour l'être humain issu des résidus de l'usage d'un pesticide dans ou sur un aliment ». Cet examen des risques et des avantages est particulier à la Federal Insecticide, Fungicide, and Rodenticide Act (FIFRA) des États-Unis et ne figure dans nulle autre loi fédérale américaine qui s'applique aux pesticides (c'est-à-dire, la Federal Food, Drug, and Cosmetic Act, telle que modifiée par la Food Quality Protection Act de 1996 ou la Endangered Species Act).

Résiliations et modifications

Lors de l'examen de la résiliation des homologations de produits, le groupe de travail a examiné l'approche d'analyse risques-avantages utilisée par les organismes de réglementation des États-Unis et la façon dont certains de ses aspects pourraient être appliqués dans un contexte canadien. Bien que l'ARLA ne puisse pas tenir légalement compte des coûts et des avantages socioéconomiques dans la détermination de l'acceptabilité des risques, le groupe de travail était d'avis que la valeur d'un pesticide devrait être prise en compte dans le cadre d'autres aspects du travail de l'ARLA.

Tous les pesticides au Canada auraient présenté des risques acceptables et une valeur acceptable au moment où ils ont été homologués et l'acceptabilité de ces risques aurait été confirmée au cours de la réévaluation, de l'examen spécial ou de l'élargissement majeur d'usage le plus récentNote de bas de page 5. Lorsque des risques inacceptables sont relevés pendant un examen post-commercialisation, l'histoire nous a démontré qu'il est rare que le produit pose un risque imminent et grave pour la santé ou l'environnement. Les découvertes de risques inacceptables sont plus couramment caractérisées comme ceux ne respectant pas les marges de sécurité exigées par la législation. Les marges de sécurité sont souvent dépassées en raison des hypothèses conservatrices de l'évaluation des risques. Le risque réel du produit pourrait être mieux évalué à l'aide de données supplémentaires.

Le groupe de travail estime que la valeur ou les avantages d'un pesticide devraient être pris en compte au moment de décider jusqu'à quel point l'ARLA devrait peaufiner les évaluations des risques. La perte de pesticides de grande valeur peut avoir une incidence importante sur la production agricole et les moyens de subsistance des agriculteurs, ce qui souligne l'importance de s'appuyer sur des évaluations des risques fondées sur des preuves concrètes si des produits ou des usages essentiels peuvent être perdus. Reconnaissant le besoin en matière de données techniques et régionales améliorées pour orienter les évaluations de la valeur, les ministères et les organismes fédéraux et provinciaux peuvent jouer un rôle essentiel dans ce processus en offrant leur expertise et leur accès à des données pour améliorer la qualité des évaluations de la valeur de l'ARLA.

Validité des solutions de rechange

Il a également été noté par le groupe de travail, qu'aux États-Unis, les organismes de réglementation sont tenus par la loi d'examiner quelles autres méthodes de lutte antiparasitaire disponibles pourraient être utilisées à titre de méthode de remplacement pour le pesticide dont le retrait est envisagé. De plus, ces organismes réglementaires doivent étudier l'incidence économique pour les utilisateurs de pesticides et les consommateurs si ces autres méthodes de lutte antiparasitaire étaient utilisées. Les renseignements à l'appui de cette analyse proviennent d'une combinaison d'experts internes (c'est-à-dire, agronomes, chimistes, économistes, spécialistes de la gestion de l'information, microbiologistes, analystes de politiques, statisticiens et toxicologues) ainsi que de sources externes, notamment des organismes de réglementation d'État, des universités qui ont des fermes expérimentales, des enquêtes auprès des producteurs, et des données et analyses disponibles dans le commerce.

Lorsque l'Agence révoque l'homologation d'un produit au Canada ou qu'elle modifie celle-ci pour en supprimer certains usages, elle peut retarder la date d'entrée en vigueur de cette décision si aucune solution de rechange appropriée n'est disponible. Cela ne se produit que si elle considère que les risques demeureront acceptables jusqu'à la date d'entrée en vigueur, compte tenu des conditions de l'homologation. Lorsqu'elle examine le caractère approprié d'un produit de rechange, l'ARLA se fie presque exclusivement au fait qu'il soit homologué au Canada pour les usages qui ont été éliminés. Peu d'importance est accordée, entre autres, à la disponibilité du produit sur le marché ou à son coût relatif. Le groupe de travail est donc d'avis qu'une évaluation à jour de la valeur d'un pesticide, y compris les avantages, les répercussions sociales et économiques et les considérations régionales, devrait être envisagée pour déterminer le caractère approprié des solutions de rechange lorsque des homologations ou des usages de produits sont annulés.

Bien que l'ARLA puisse avoir accès à certaines sources de données comparables à celles qui sont utilisées par l'EPA des États-Unis, le groupe de travail a reconnu que la portée et l'ampleur des informations disponibles de toutes les sources au Canada sont beaucoup moins grandes. Il a noté également que si un financement à plus long terme est obtenu, l'initiative de transformation de l'ARLA pourrait entraîner une augmentation des renseignements canadiens sur l'usage des pesticides. Toutefois, des sources d'information plus diversifiées seraient requises pour évaluer les répercussions sociales et économiques que les décisions réglementaires pourraient avoir sur diverses régions du pays, y compris les répercussions sur les moyens de subsistance et le bien-être des agriculteurs. Le groupe de travail a estimé qu'un plus grand nombre de facteurs doivent être pris en compte au moment d'évaluer le caractère approprié des solutions de rechange.

Le groupe de travail recommande

  • que les évaluations de la valeur des pesticides soient prises en compte par l'ARLA au moment de décider jusqu'à quel point il faut peaufiner les évaluations des risques et déterminer la pertinence des solutions de rechange lors de l'annulation ou de la modification de l'homologation des produits.
  • que les ministères fédéraux et provinciaux et les organismes dont les intérêts et les préoccupations sont touchés par le système fédéral de réglementation des pesticides apportent une expertise et des connaissances supplémentaires afin d'améliorer la qualité des évaluations de la valeur de l'ARLA.

Favoriser l'accès aux solutions de lutte antiparasitaire intégrée, y compris les biopesticides et les produits à faible risque

La plupart des producteurs agricoles canadiens appliquent, dans une certaine mesure, la lutte antiparasitaire intégrée dans le cadre de leurs activités. La lutte antiparasitaire intégrée est une approche de lutte antiparasitaire qui utilise des renseignements sur les cycles de vie des organismes nuisibles et leur interaction avec l'environnement, en combinaison avec les méthodes de lutte antiparasitaire disponibles pour gérer les dommages causés par les organismes nuisibles par les moyens les plus économiques et avec le moins de risques possible pour les personnes, les biens et l'environnement. La lutte antiparasitaire intégrée n'est pas une méthode unique, mais plutôt une série d'évaluations, de décisions et de méthodes de contrôle des organismes nuisibles qui comprennent des pratiques préventives, comme la rotation des cultures, l'établissement de seuils d'intervention pour les populations d'organismes nuisibles, la surveillance et l'identification des organismes nuisibles et le choix de l'approche la moins risquée pour lutter de manière rentable contre les dommages causés par les organismes nuisibles.

Un élément important soulevé tout au long des discussions du groupe de travail a été le besoin pour les producteurs d'avoir accès à un large éventail de solutions de lutte antiparasitaire qui ne sont pas limitées aux pesticides traditionnels. Les risques environnementaux associés à un pesticide donné peuvent varier d'une région à l'autre. Les agriculteurs, en collaboration avec des agronomes et d'autres experts, sont souvent les mieux placés pour gérer les risques propres à leur exploitation agricole lorsqu'ils choisissent une façon de lutter contre un organisme nuisible. Pour y parvenir de façon efficace, les producteurs agricoles ont besoin d'un plus grand nombre d'outils de lutte antiparasitaire dans leur boîte à outils. Il s'agit notamment de solutions biologiques, comme les phéromones ou d'autres biopesticides, de solutions mécaniques ou physiques, comme les équipements de sarclage ou les filets d'exclusion, de produits chimiques synthétiques, d'approches génétiques, comme l'iARN, et de nouvelles technologies d'application, comme les drones et l'agriculture de précision réalisée par l'intelligence artificielle.

Le groupe de travail a indiqué que de nombreux petits titulaires ont fait part de leurs préoccupations quant à l'existence d'obstacles réglementaires à l'homologation de produits au Canada qui n'existent pas ailleurs, en particulier pour les biopesticides. Il a été noté que certaines des initiatives visant à soutenir les petits demandeurs, comme les consultations préalables à la soumission, n'ont pas été jugées efficaces pour remédier à cette perception. Différents facteurs peuvent influer sur la décision d'homologuer un produit au Canada, notamment : les coûts réglementaires sur le plan du temps, de la production de données et des frais; les considérations géographiques et les réseaux de distribution, ainsi que le soutien à l'adoption de nouvelles technologies. Le groupe de travail a fait part de ses préoccupations concernant un écart technologique croissant entre le Canada et les États-Unis dans le domaine des produits phytosanitaires, qui pourrait désavantager les producteurs agricoles canadiens sur le marché. Le fait d'attirer de nouveaux principes actifs pour la lutte antiparasitaire et des produits connexes au Canada et d'encourager l'adoption de nouveaux biopesticides et de produits à faible risque sera essentiel à un secteur agricole compétitif et durable.

Le groupe de travail a estimé qu'il fallait mieux tenir compte du temps nécessaire à l'homologation d'un nouveau produit antiparasitaire, ou d'un nouvel usage, si aucune solution de rechange appropriée n'est disponible au moment de l'annulation d'un produit. Si les risques ne peuvent être gérés et que les homologations sont annulées ou modifiées, des stratégies de transition doivent être élaborées pour aider les producteurs agricoles à passer à des solutions de remplacement appropriées. Dans certaines situations, il est possible qu'un délai maximum de 2 ans pour la mise en œuvre d'une annulation ne soit pas suffisant pour permettre la mise sur le marché d'une solution de remplacement. En outre, l'ARLA devrait utiliser davantage le nouveau délai maximum de 3 ans pour les homologations d'urgence lorsqu'il est évident que les demandes d'homologation et les décisions nécessiteront le délai maximum.

Outre la perte de pesticides à usage limité en raison de la réévaluation, le groupe de travail a fait part de ses préoccupations concernant la diminution de la capacité du Centre de la lutte antiparasitaire d'AAC à prendre en charge l'homologation de nouveaux pesticides à usage limité, en indiquant que le financement n'a pas augmenté depuis l'ouverture du centre en 2002. Les membres du groupe de travail qui connaissent bien le programme des pesticides à usage limité ont noté une dépendance croissante à l'égard des homologations d'urgence et la nécessité d'un financement fédéral et provincial accru pour répondre au besoin croissant d'homologations de pesticides à usage limité au Canada. La diminution de la capacité du Programme de réduction des risques liés aux pesticides a également été soulevée.

Le groupe de travail a également souligné l'importance du développement et du transfert de connaissances dans le domaine de la lutte antiparasitaire. Les producteurs n'ont pas seulement besoin d'avoir accès à diverses solutions de rechange aux pesticides, ils ont également besoin de connaissances et d'expertise pour utiliser efficacement ces méthodes et ces produits, ainsi que pour choisir les meilleures solutions dans leur situation. Le groupe de travail a indiqué que les gouvernements provinciaux et fédéral pourraient jouer un rôle plus important dans la recherche de solutions de remplacement aux pesticides synthétiques et dans le soutien au transfert de connaissances dont les producteurs agricoles ont besoin pour mettre en œuvre ces techniques de lutte antiparasitaire intégrée.

Le groupe de travail recommande

  • que les ministères et organismes du gouvernement fédéral explorent des moyens de rendre le Canada plus attrayant pour l'homologation de nouveaux produits antiparasitaires, notamment des biopesticides.
  • que les ministères des gouvernements fédéral et provinciaux investissent davantage dans la recherche et le transfert de connaissances pour soutenir l'adoption de produits et d'approches de lutte antiparasitaire divers, innovants et efficaces dans le secteur agricole.

Conclusions

Les pesticides jouent un rôle important dans l'agriculture lorsqu'ils sont utilisés conformément aux étiquettes. Les insecticides et les fongicides protègent les cultures et le bétail contre les organismes nuisibles et les maladies, en plus d'aider les agriculteurs à produire plus de nourriture sur une superficie de terre moins grande. Les pratiques agricoles durables comme le semis direct, qui améliorent la santé des sols, reposent sur l'utilisation stratégique d'herbicides. L'utilisation judicieuse des pesticides peut également jouer un rôle dans la protection de la biodiversité du Canada en aidant à lutter contre les espèces envahissantes et en protégeant les zones naturelles grâce à une utilisation efficace des terres agricoles. Dans le contexte des changements climatiques et des températures à la hausse, des inondations et des phénomènes météorologiques extrêmes, il est plus important que jamais de protéger l'environnement et de maximiser la durabilité du secteur de l'agriculture.

Les pesticides peuvent également présenter des risques pour la santé et l'environnement s'ils sont utilisés de façon inappropriée. Un système réglementaire solide, prévisible et fondé sur la science est donc nécessaire pour évaluer et gérer ces risques. Comme les besoins en lutte antiparasitaire peuvent varier en fonction de la région, du type de culture ou des pratiques agricoles, il est nécessaire d'avoir accès à une sélection diversifiée de produits et de méthodes de lutte antiparasitaire. Un système de réglementation souple est également nécessaire pour répondre aux besoins du secteur de l'agriculture tout en préservant la santé et l'environnement au Canada.

Aujourd'hui plus que jamais, des outils de lutte antiparasitaire variés et efficaces sont essentiels pour le secteur agricole et la sécurité alimentaire du Canada. Les producteurs agricoles doivent notamment avoir accès à une vaste gamme de produits qui les aideront à maintenir de manière sûre et efficace des rendements agricoles durables tout en limitant les impacts environnementaux possibles. Par conséquent, tous les gouvernements devraient collaborer afin de soutenir les producteurs canadiens et leurs besoins en matière d'outils diversifiés de protection des cultures.