Indicateur de la couverture du sol

Auteurs : Jiangui Liu, Tim Martin

État : Couverture à l'échelle nationale, de 1981 à 2016

Résumé

Les sols agricoles recouverts de végétation, de résidus de culture ou de neige sont partiellement protégés et moins vulnérables que les sols nus aux processus de dégradation, comme l'érosion par le vent et l'eau, l'épuisement des matières organiques, la dégradation de la structure et la baisse de fertilité. La durée durant laquelle un sol est couvert pendant une année dépend de nombreux facteurs, comme le type de culture (en général, les cultures vivaces fournissent une meilleure couverture que les cultures annuelles) et la quantité de biomasse qu'elle produit, les pratiques de récolte, le climat, et les types et les périodes des travaux dans les champs, notamment les pratiques de travail du sol. L'indicateur du degré de couverture du sol indique le nombre réel de jours dans l'année durant lesquels les sols agricoles sont couverts de végétation, de résidus de culture ou de neige. L'augmentation du nombre de jours pendant lesquels un sol est couvert est le signe d'une plus grande durabilité de l'environnement, car le sol est plus protégé contre la dégradation et moins susceptible de contribuer à la contamination de l'eau et de l'air.

L'indicateur du degré de couverture du sol est estimé pour chaque année depuis 1971, cependant ce document ne traitera que des données correspondant aux années de recensement entre 1981 et 2016. Les résultats des données annuelles sont disponibles sur Indicateur de la couverture du sol. Au cours de cette période de 35 ans, les niveaux moyens de couverture du sol au Canada ont augmenté de 8,8 %, passant de 261,7 à 284,7 jours. Cette augmentation à l'échelle nationale est surtout due à l'adoption répandue du travail réduit du sol (travail de conservation) et de la culture sans travail du sol, ainsi qu'à la diminution de l'utilisation de la jachère d'été au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Toutefois, cette amélioration a été compensée dans une large mesure par le passage de cultures pérennes à couverture relativement élevée à des cultures annuelles à plus faible couverture à l'échelle nationale, en particulier des cultures à très faible couverture comme celles des pommes de terre, le canola et le soja.

Enjeu et importance de l'enjeu

Les pratiques agricoles influencent la couverture du sol de nombreuses façons. Le type de culture cultivée détermine l'écartement des rangs, le taux de croissance et la quantité de biomasse produite, et a ainsi une forte influence sur la quantité de sol couvert durant une année donnée. Les cultures vivaces de plein champ, comme le foin, fournissent une bonne couverture du sol tout au long de l'année, tandis que les cultures annuelles, comme le blé ou le maïs, laissent le sol exposé pendant une certaine période après la plantation ou après la récolte et le travail du sol à l'automne. En outre, les cultures comme les haricots, les pois, le canola et les pommes de terre ont tendance à avoir un couvert complet pendant des périodes plus courtes et à laisser des concentrations de résidus moins importantes après la récolte. La gestion des résidus, notamment la méthode, le moment et la fréquence des travaux du sol, a également des répercussions importantes sur la couverture du sol. Le travail intensif du sol (également appelé travail du sol classique) consiste généralement à incorporer la plupart des résidus de culture dans le sol afin de laisser une surface nette pour l'ensemencement, tandis que le travail réduit du sol et la culture sans travail du sol laissent plus de résidus sur le sol et, par conséquent, fournissent une couverture plus importante. De plus, le travail du sol à l'automne laisse le sol exposé plus longtemps que le travail du sol au printemps.

Dans les agroécosystèmes, le sol nu est plus vulnérable aux phénomènes de dégradation comme l'érosion par le vent et l'eau, la perte de matières organiques, la dégradation de la structure du sol et la baisse de fertilité. Le résultat de ces processus de dégradation nuit à la qualité et au rendement des cultures. La dégradation de la qualité limite les types de cultures qui peuvent être cultivées et exige davantage d'intrants, ce qui entraîne des coûts plus élevés et une compétitivité réduite pour le producteur. Dans les cas extrêmes, la dégradation du sol peut entraîner la perte de terres agricoles productives. La question de la dégradation du sol est préoccupante, non seulement dans une perspective de qualité du sol, mais également dans une perspective environnementale plus large. Des niveaux d'érosion plus importants peuvent augmenter le risque de contamination de l'eau souterraine et de l'eau de surface par des solides, des éléments nutritifs et des produits chimiques transportés depuis les champs agricoles. Aussi, le sol nu fournit généralement un habitat médiocre aux espèces sauvages et, par conséquent, peut avoir une incidence sur la biodiversité.

Le travail intensif du sol et l'enlèvement des résidus de culture diminuent directement la couverture du sol. Il en résulte une réduction des apports de carbone aux sols, une augmentation de l'oxydation de la matière organique du sol, donc une diminution de la séquestration du carbone dans le sol et une augmentation des émissions de CO2. Les effets du travail du sol sur les flux de CH4 et de N2O sont plus complexes et dépendent des propriétés du sol. Comparé au non-travail du sol, le sol labouré présente potentiellement un flux de CH4 plus élevé et un flux de N2O plus faible (Mangalassery et al., 2014). La jachère d'été est une pratique classique de l'agriculture des terres non irriguées visant à restaurer l'humidité et la fertilité du sol pour les cultures de l'année suivante. Cependant, cette pratique laisse le sol vulnérable à l'érosion. Le remplacement de la jachère d'été par des cultures pérennes ou des cultures d'engrais verts telles que les lentilles, et la plantation de cultures de couvre-sol hivernales ou de cultures intercalaires, sont des pratiques bénéfiques désormais acceptées pour maintenir le sol couvert par des plantes d'une part, et pour améliorer l'état de séquestration dans le sol, supprimer la croissance des mauvaises herbes, éliminer les ravageurs et améliorer les nutriments d'autre part.

L'enlèvement des résidus (paille et canne) par brûlage ou mise en balles peut avoir des répercussions sur la couverture du sol, mais comme le brûlage n'est plus une pratique courante au Canada et que la mise en balles n'est effectuée que dans les régions où la paille est abondante, aucune de ces pratiques n'a d'effet important sur les estimations nationales de la couverture du sol. De plus, la paille retirée par la mise en balles est généralement utilisée comme litière pour le bétail et retourne presque en totalité dans les champs avec le fumier, ce qui limite ainsi les effets globaux et à long terme de cette pratique de gestion. Des études récentes qui comprenaient la modélisation de différents scénarios de récolte de résidus pour la bioénergie ont montré qu'enlever jusqu'à 40 % des résidus de culture n'avait que peu d'effet sur la couverture du sol, à l'exception des zones de sol brun et de sol brun foncé dans le sud de la Saskatchewan et de l'Alberta (Huffman et al., 2013, Liu et al., 2018). Actuellement, l'enlèvement permanent des résidus de culture par la mise en balles ou le brûlage est généralement limité aux champs de lin au Manitoba, et la pratique du brûlage de la paille a considérablement diminué en raison des préoccupations environnementales et des améliorations de la capacité des machines agricoles de labourer et de planter au travers de résidus lourds.

Les sols exposés, notamment les mollisols des prairies, ont généralement un albédo inférieur à celui de nombreuses cultures et résidus de cultures. Le fait de laisser ces sols sans couverture signifie que moins d'énergie solaire est réfléchie vers l'espace, ce qui module l'équilibre énergétique local, entraîne un effet de réchauffement et contribue aux changements climatiques (Liu et al., 2022).

L'indicateur

L'indicateur du degré de couverture du sol correspond au nombre effectif de jours par an pendant lesquels les sols agricoles ne sont pas exposés (Huffman et al., 2012, 2015). Tous les types de couvertures du sol utilisés dans le cadre d'activités agricoles, qui comprennent les terres en culture, les pâturages et les terres utilisées à d'autres fins que l'exploitation agricole, sont pris en compte dans l'indicateur. L'indicateur tient compte de la couverture du sol fournie par le couvert végétal, les résidus de culture et la neige à la surface du sol. Un jour de sol couvert peut être obtenu comme suit : couverture à 100 % pour un jour, couverture à 50 % pour deux jours, couverture à 10 % pour dix jours, et ainsi de suite. Ainsi, l'indicateur reflète l'effet annuel des activités agricoles sur la couverture du sol. Une culture de foin pérenne a généralement plus de 300 jours de sol couvert par an, car très peu de sol est exposé en tout temps. En revanche, une culture de soja dans une région ayant de faibles chutes de neige et aucun couvre-sol d'hiver peut compter moins de 150 jours de sol couvert. Le modèle de couverture du sol évolue continuellement au fil du temps, à mesure que de nouvelles données sont disponibles. Par exemple, les produits d'observation de la Terre ont été utilisés pour améliorer les données sur l'activité agricole, auparavant disponibles uniquement dans le cadre du recensement agricole.

Pour estimer le nombre de jours de sol couvert, on a établi un calendrier annuel qui comporte les dates des activités habituelles au champ et la quantité de couverture de sol pour chaque culture et les pratiques de travail du sol au sein de chaque écorégion. L'indicateur du degré de couverture du sol tient compte des variables suivantes :

  • les jours où des changements importants dans la couverture du sol se produisent (par exemple, la plantation, la récolte, le travail du sol) et le pourcentage de la couverture du sol une fois l'activité terminée;
  • la durée (le nombre de jours) et le pourcentage de couverture du sol entre les activités;
  • le développement de la couverture et son déclin entre la plantation et la récolte;
  • la décomposition des résidus;
  • le nombre total de jours pendant lesquels la couverture de neige est supérieure à 2 cm;
  • les nombreuses coupes sur le foin et le broutage sur les pâturages.

Une série de calendriers des jours de sol couvert et des algorithmes pertinents sur la croissance des cultures et la décomposition des résidus ont été élaborés pour toutes les cultures et écorégions au Canada à partir de données tires d'études menées sur le terrain (Wall et al., 2002), des bulletins (Administration du rétablissement agricole des Prairies, 2003), des publications (p. ex. Steiner et al., 1999) et des consultations menées auprès de spécialistes locaux en agronomie. En ce qui concerne les cultures dont l'étendue est très limitée, les procédures ont été établies en extrapolant les données à partir des valeurs connues pour les régions, les cultures et les pratiques de gestion semblables. Des ensembles de données de normales climatiques sur trente ans ont été utilisés pour les conditions météorologiques quotidiennes de chaque écorégion, plutôt que des données météorologiques quotidiennes réelles, afin d'éviter que la variabilité des conditions météorologiques n'obscurcisse les répercussions des changements de pratiques au fil du temps.

Les données sur la répartition des zones cultivées et du travail du sol au niveau des polygones des pédo-paysages du Canada (PPC) ont été obtenues à partir des données du Recensement de l'agriculture ajustées à l'observation de la terre pour les années de recensement de 1981 à 2016. Une valeur moyenne du nombre de jours de sol couvert a été calculée pour chaque polygone des pédo-paysages du Canada, puis agrégée à chaque province et pour l'ensemble du pays.

Les résultats de l'indicateur sont exprimés en nombre moyen de jours de sol couvert par année au niveau des PPC qui peuvent être agrégés à des échelles spatiales plus grandes, ainsi que la proportion de terres cultivées, à l'échelle provinciale, entrant dans une distribution de cinq catégories de jours de couverture du sol pour chaque année évaluée. Une augmentation du nombre de jours de sol couvert ou de la proportion des terres dans la catégorie de couverture du sol « élevé » au fil du temps laisse supposer une amélioration de la durabilité et une baisse de la probabilité que les sols soient dégradés ou qu'ils contribuent à la dégradation de l'environnement environnant.

Limites

Un certain nombre d'hypothèses et de limites sont inhérentes à la méthodologie du calcul du nombre de jours de sol couvert. L'utilisation de pratiques culturales « typiques » et de moyennes climatiques sur 30 ans signifie que les variations locales (sous-écorégions) des pratiques culturales, des dates d'ensemencement et de récolte et des conditions météorologiques ne sont pas prises en compte. De plus, puisque le recensement de l'agriculture est la seule source nationale de données sur le travail du sol et qu'elle ne distingue pas les différences dans les pratiques de travail du sol selon les cultures précises, la même répartition du travail intensif du sol (classique), du travail réduit du sol (conservation) et de la culture sans travail du sol est utilisée pour toutes les cultures dans un polygone des PPC. Étant donné que le travail de conservation du sol et la culture sans travail du sol ne sont utilisés couramment que depuis 30 à 35 ans et que les données sur les pratiques de travail du sol ne sont recueillies dans le cadre du recensement que depuis 1991, les taux de travail de conservation du sol et de culture sans travail du sol sont interpolés linéairement (par région) jusqu'à zéro, entre 1991 et l'année où ces pratiques ont été adoptées pour la première fois. Ces valeurs interpolées sont ensuite utilisées pour 1981 et 1986.

Résultats et interprétation

Les pratiques de travail du sol, la fréquence de la récolte des cultures vivaces, l'utilisation de la jachère d'été, la couverture de neige et les conditions du sol et du climat varient à l'échelle des régions agricoles canadiennes et celles-ci sont représentées dans les différentes moyennes des valeurs de jours de sol couvert estimées pour chaque région (figure 1 et tableau 1). L'adoption accrue du travail réduit du sol et de la culture sans travail du sol a eu une influence positive sur la couverture du sol pour toutes les cultures, dans toutes les régions du Canada et pour toutes les années à l'étude (figure 3). Dans les provinces des Prairies, l'adoption d'un travail réduit du sol et d'une culture sans travail du sol, ainsi qu'une diminution de la fréquence de la jachère d'été, ont contribué de manière importante à l'augmentation de la couverture du sol (figure 2). Une augmentation de la superficie des cultures annuelles dans l'est du Canada (figure 3), de même qu'une augmentation à l'échelon national des cultures annuelles à faible couverture comme celles du canola, des pommes de terre et du soja, ont eu une incidence négative sur la couverture du sol au cours de cette période. Par exemple, entre 1981 et 2016, le pourcentage des terres agricoles réservées aux cultures annuelles est passé de 34,2 % à 39,2 % à l'Île-du-Prince-Édouard, de 20,0 % à 32,7 % au Québec et de 40,1 % à 51,6 % en Ontario. Pendant la même période, la superficie totale de canola a augmenté de 6,9 Mha (de 1,4 à 8,3 Mha), et la superficie de soja a augmenté de 2,0 Mha (de 0,3 à 2,3 Mha).

Tableau 1. Nombre moyen de jours de sol couvert (JSC) par province et au Canada, 1981-2016.

1981 1986 1991 1996 2001 2006 2011 2016
Colombie-Britannique 286,3 296,0 297,7 300,4 301,7 304,4 302,2 301,4
Alberta 267,0 270,5 272,3 276,8 283,2 289,0 290,7 289,1
Saskatchewan 244,9 250,2 252,5 260,2 266,8 277,5 281,7 280,1
Manitoba 263,3 268,6 270,7 273,6 276,6 282,3 284,3 278,7
Ontario 268,9 272,9 271,8 276,4 276,3 277,8 276,4 273,5
Québec 309,5 311,9 309,9 310,1 306,7 307,9 309,9 308,9
Nouveau-Brunswick 325,2 327,7 326,0 327,3 324,9 325,9 329,4 329,3
Nouvelle-Écosse 323,8 326,9 327,1 328,1 326,3 327,2 331,3 334,0
Île-du-Prince-Édouard 292,0 294,7 293,3 290,2 289,0 289,5 288,9 289,7
Terre-Neuve-et-Labrador 298,0 329,9 327,4 334,9 332,3 319,8 324,3 326,0
Canada 261,7 266,0 267,2 272,6 277,3 284,3 286,8 284,7
 
La description de cette image suit.

Figure 1 : Jours de couverture du sol au Canada, 2016, par unité de pédo-paysage.

Description - Figure 1

La figure 1 illustre les jours de couverture du sol au Canada pour 2016, avec un code couleur basé sur le nombre de jours de couverture du sol.

 
La description de cette image suit.

Figure 2 : Changement des jours de couverture du sol, 1981-2016, par unité de pédo-paysage, Canada.

Description - Figure 2

La figure 2 illustre l'évolution des jours de couverture du sol au Canada entre 1981 et 2016, avec un code couleur selon que le nombre de jours de couverture du sol a diminué, augmenté ou n'a pas changé.

 

Figure 3 : Tendances de la couverture du sol, de la jachere, de la culture sans travail du sol et des cultures de 1981 à 2016

Description - Figure 3

Nombre moyen de jours de sol couvert (JSC) par province et au Canada, 1981-2016

1981 1986 1991 1996 2001 2006 2011 2016
C.-B. 286,3 296,0 297,7 300,4 301,7 304,4 302,2 301,4
Alb. 267,0 270,5 272,3 276,8 283,2 289,0 290,7 289,1
Sask. 244,9 250,2 252,5 260,2 266,8 277,5 281,7 280,1
Man. 263,3 268,6 270,7 273,6 276,6 282,3 284,3 278,7
Ont. 268,9 272,9 271,8 276,4 276,3 277,8 276,4 273,5
Qc 309,5 311,9 309,9 310,1 306,7 307,9 309,9 308,9
N.-B. 325,2 327,7 326,0 327,3 324,9 325,9 329,4 329,3
N.-É. 323,8 326,9 327,1 328,1 326,3 327,2 331,3 334,0
I.-P.-É. 292,0 294,7 293,3 290,2 289,0 289,5 288,9 289,7
T.-N.-L. 298,0 329,9 327,4 334,9 332,3 319,8 324,3 326,0
Canada 261,7 266,0 267,2 272,6 277,3 284,3 286,8 284,7
 

Le tableau 1 présente le nombre de jours de sol couvert à l'échelle provinciale. Il est principalement déterminé par les pratiques agricoles régionales typiques. Les provinces des Prairies ont généralement une plus grande proportion de terres agricoles consacrées aux cultures annuelles que les provinces de l'Atlantique (T.-N.-L., N.-É. et N.-B.), d'où un nombre de jours de sol couvert relativement plus faible. Les valeurs moyennes provinciales de jours de sol couvert pour la période de 1981 à 2016 s'échelonnent entre un minimum de 245 en Saskatchewan en 1981 à un maximum de 334,0 en Nouvelle-Écosse en 2016 (tableau 1). La moyenne nationale a augmenté au cours de la période de 35 ans, passant de 261,7 à 284,7 (tableau 1), les augmentations les plus importantes en Saskatchewan (14,4 %), à Terre-Neuve-et-Labrador (9,4 %), en Alberta (8,3 %), au Manitoba (5,8 %) et en Colombie-Britannique (5,3 %). Des augmentations moins marquées ont été observées en Nouvelle-Écosse (3,2 %), en Ontario (1,7 %) et au Nouveau-Brunswick (1,2 %), tandis que le nombre moyen de jours de sol couvert a diminué d'environ 0,8 % à l'Île-du-Prince-Édouard et 0,2 % au Québec. L'augmentation à l'échelon national du nombre de jours de sol couvert au cours de cette période est principalement attribuable aux provinces des Prairies, en raison de leur vaste superficie agricole et de l'augmentation relativement importante de la couverture du sol en raison de la réduction du travail du sol et d'une surface de jachère d'été.

Afin de démontrer la variabilité spatiale de la couverture du sol dans l'ensemble du pays, nous avons défini le niveau de couverture « très élevé » comme étant supérieur à 325 jours par année, le niveau « élevé » comme étant situé entre 300 et 324 jours, le niveau « modéré » comme étant situé entre 275 et 299 jours, le niveau « faible » comme étant situé entre 250 et 274 jours et le niveau « très faible » comme étant inférieur à 250 jours. La proportion de terres agricoles par province et par année de recensement dans chacune de ces catégories est présentée au tableau 2; quant à la répartition géographique de l'indicateur, fondée sur les polygones des pédo-paysages du Canada, elle est présentée à la figure 1. Environ 3,0 % des terres agricoles au Canada se trouvaient dans la catégorie de couverture du sol « très élevée » en 1981, et cette proportion est passée à 3,3 % en 2016, tandis que la proportion de terres dans la catégorie de couverture du sol « élevé » est passée de 6,2 % en 1981 à 11,1 % en 2016 et que la proportion dans la catégorie « modérée » est passée de 18,8 % en 1981 à 62,4 % en 2016. Ces augmentations sont le résultat d'une diminution de la proportion de terres dans la catégorie « faible » (de 41,8 % à 20,8 %) et « très faible » (de 30,2 % à 2,4 %). Les provinces ayant le pourcentage le plus élevé dans la catégorie très élevée comprennent Terre-Neuve-et-Labrador (61 % en 2016), le Québec (37 %), le Nouveau-Brunswick (59 %) et la Nouvelle-Écosse (79 %). L'Ontario a enregistré une proportion plus élevée dans la catégorie de couverture du sol « très faible » chaque année, avec 25 % des terres agricoles dans cette catégorie en 2016, tandis que la Saskatchewan a montré le plus grand changement, avec une amélioration constante de 52 % des terres dans la catégorie de couverture du sol « très faible » en 1981 à 0 % en 2016.

Tableau 2. Pourcentage de terres agricoles par catégories de couverture du sol, 1981-2016.

Année de recensement C.-B. Alb. Sask. Man. Ont. Qc N.-B. N.-É. Î.-P.-É. T.-N.-L. Can.
Très élevé (>=325 jours) 1981 0 0 0 0 2 34 57 68 0 0 3
1986 2 0 0 0 4 39 67 75 0 64 4
1991 2 0 0 0 4 36 65 73 0 27 3
1996 3 0 0 0 6 38 69 73 0 82 4
2001 4 0 0 0 6 37 62 67 0 84 3
2006 7 0 0 0 4 31 72 78 0 20 3
2011 5 0 0 0 5 39 62 74 0 40 3
2016 8 0 0 0 4 37 57 79 0 54 3
Élevé (300~325 jours) 1981 35 3 0 3 14 38 39 22 23 45 6
1986 50 6 0 5 15 33 27 17 29 36 7
1991 54 6 0 4 17 37 29 18 25 70 8
1996 62 9 0 8 19 33 26 22 14 18 9
2001 63 13 0 7 15 27 26 22 0 16 9
2006 63 17 2 8 21 36 21 20 11 78 12
2011 64 14 2 8 12 28 31 21 1 56 10
2016 57 12 1 5 11 28 37 17 1 45 8
Modérée (275~300 jours) 1981 40 30 7 11 33 17 4 8 63 55 18
1986 29 33 9 16 31 16 5 6 56 0 20
1991 33 38 11 19 30 16 6 10 57 3 23
1996 24 43 18 24 27 16 6 3 68 0 27
2001 20 64 31 37 31 18 12 9 85 0 41
2006 20 69 56 56 28 21 7 1 85 2 54
2011 16 76 67 56 35 19 7 2 97 4 62
2016 19 77 67 46 32 20 6 3 99 1 61
Faible (250~275 jours) 1981 17 51 43 62 20 12 0 2 14 0 42
1986 14 47 51 61 20 11 0 2 14 0 44
1991 5 43 51 59 19 11 0 0 18 0 42
1996 5 39 56 50 23 13 0 1 18 0 43
2001 6 19 57 39 23 19 0 2 15 0 36
2006 5 13 41 20 29 13 0 1 3 0 26
2011 9 10 31 20 27 15 0 3 2 0 21
2016 9 11 31 34 29 15 0 0 0 0 23
Très faible (<=250 jours) 1981 8 16 50 24 31 0 0 0 0 0 30
1986 5 14 40 18 30 0 0 0 0 0 25
1991 6 13 39 17 31 0 0 0 0 0 24
1996 6 10 26 18 25 0 0 0 0 0 18
2001 6 4 11 17 25 0 0 0 0 0 10
2006 4 2 1 15 18 0 0 0 0 0 4
2011 7 0 0 15 21 0 0 0 0 0 4
2016 7 0 1 15 24 0 0 0 0 0 5

La répartition géographique des changements relatifs à la couverture du sol au Canada de 1981 à 2016 est présentée à la figure 2. La plus grande partie du centre de la région des Prairies, où la réduction du travail du sol et des surfaces de jachère d'été ont été importante, a connu des augmentations supérieures à 10 jours, tandis que les régions agricoles limitrophes avec plus de cultures pérennes, où les jours de sol couvert étaient déjà plus élevés et où il y avait moins d'occasions de réduire le travail du sol et moins de jachères d'été. La plupart des autres régions agricoles du pays ont connu des diminutions ou des augmentations, de moyennes à légères. En revanche, plusieurs régions du sud de la Colombie-Britannique et des basses terres du Saint-Laurent dans l'est de l'Ontario et l'ouest du Québec ont présenté des diminutions de plus de 10 jours. Ces régions ont subi d'importants changements dans la distribution des récoltes, avec des conversions des cultures de plantes vivaces aux cultures annuelles pendant la période à l'étude.

Possibilités d'intervention

Les changements de la moyenne de couverture du sol d'une région sont influencés par des changements, tant dans le travail du sol (intensif, réduit ou aucun) que dans la distribution des récoltes (haute teneur par rapport à faible teneur en résidus, annuelle par rapport à pérenne). De plus, bien que l'adoption du travail réduit du sol puisse faire augmenter la couverture du sol pour une culture en particulier, un changement entre un travail du sol intensif pour une culture à forts résidus (comme les grains de céréales) et une réduction du travail du sol pour une culture faisant moins de résidus (comme le canola) peut occasionner une diminution du nombre de jours de sol couvert.

Une chose est peut-être encore plus importante pour améliorer la couverture du sol que l'adoption du travail réduit du sol : la mise en œuvre de pratiques pour améliorer la couverture du sol pendant la production de cultures annuelles et foncièrement faible en résidus comme les pommes de terre, le canola, le soja, les légumes et les pépinières. Depuis 1981, la superficie de ces cultures a augmenté dans cette région et il est attendu que leur expansion se continue (Statistique Canada 2016). La plantation d'engrais verts ou de plantes couvre-sol pour l'hiver, lorsque cela est faisable, dès que possible après la récolte de ces cultures, permettrait d'assurer une meilleure couverture du sol pendant la longue période entre la récolte à l'automne et l'ensemencement au printemps. Cette situation pourrait éventuellement être importante si les changements climatiques réduisent le nombre de jours de protection du sol par la neige ou si les événements météorologiques extrêmes deviennent plus communs au printemps avant la plantation, lorsque le sol est particulièrement vulnérable à la dégradation à cause de l'érosion. Le souhait d'une plus grande couverture du sol a des répercussions sur la recherche dans le développement de systèmes de cultures intercalaires, et l'élaboration de variétés de cultures servant aux cultures sans culture du sol de variétés germant au froid, dans la mise au point de matériel qui retient mieux les résidus de surface pendant la réalisation d'opérations de production de façon satisfaisante, et peut-être le développement de cultures avec une plus grande masse de feuillage plus durable.

Depuis le début des années 1980, la tendance est généralement positive quant au niveau de couverture des sols. L'augmentation de la couverture du sol s'est toutefois ralentie presque à l'échelle nationale, d'un taux élevé de changement au début et au milieu des années 1990 à des augmentations beaucoup plus modéré depuis. Cela témoigne des défis techniques croissants, car le taux d'adoption des pratiques de travail réduit du sol atteint un plateau et l'expansion future pourrait ne pas suivre l'influence négative des changements de systèmes de culture, comme l'utilisation accrue de cultures produisant peu de résidus, en particulier le canola et le soja. Des preuves anecdotiques semblent indiquer que la quantité élevée de canne associée au maïs à haut rendement et la résistance à la dégradation de la canne de maïs pourraient accroître la nécessité de pratiques de travail plus intensif du sol. Il est également noté que la récolte de plus de 40 % des résidus de culture, qui pourrait devenir une réalité dans le cadre d'une bioéconomie forte, peut avoir un effet délétère sur la couverture du sol (Liu et al., 2018). Ainsi, l'adoption de pratiques visant à atténuer les pertes de couverture du sol, comme les cultures de couverture hivernales, les cultures intercalaires et la gestion des résidus, est essentielle pour compenser ces changements de système de culture et maintenir l'augmentation de la couverture du sol.

Références

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