Document de discussion : Réduction des émissions découlant de l'application d'engrais dans le secteur agricole canadien

Introduction

En décembre 2020, le gouvernement du Canada a annoncé son plan climatique renforcé : « Un environnement sain et une économie saine ». Le plan comprend un certain nombre de mesures touchant le secteur agricole, dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’accroître la séquestration du carbone. Ce document de discussion se penche sur l’une de ces mesures : une cible nationale pour réduire les niveaux absolus d’émissions de GES découlant de l’application d’engrais de 30 % sous les niveaux de 2020 d’ici 2030.

Abréviations

Mt d’éq. CO2
Mégatonnes (millions de tonnes) d’équivalents de dioxyde de carbone
Kg
kilogramme
N20
oxyde de diazote
N
azote
PGB
pratique de gestion bénéfique
Mha
millions d’hectares

Contexte

En 2019, l’agriculture était responsable d’environ 10 % des émissions de GES du Canada, soit 73 Mt de CO2, provenant de trois sources principales, soit la fermentation entérique (24 Mt), la production végétale (24 Mt) et la consommation de carburant à la ferme (14 Mt) (Rapport d’inventaire national, 2021). D’après les données actuelles pour 2019, les émissions d’engrais synthétiques représentaient 12,75 Mt. Bien que de nombreux intervenants du secteur agricole travaillent déjà à améliorer la gestion des éléments nutritifs et à réduire les émissions associées à la production végétale, les engrais sont responsables d’une part croissante des émissions agricoles globales.

Le gouvernement du Canada reconnaît le travail important réalisé par les agriculteurs en matière de gérance des terres, et 2021 a révélé les défis extraordinaires avec lesquels les agriculteurs doivent composer pour faire face aux changements climatiques. On prévoit que les phénomènes météorologiques extrêmes deviendront plus graves et plus coûteux pour le secteur agricole au cours des prochaines décennies. Il est urgent d’agir. Le Plan d’agriculture durable (le Plan), en cours d’élaboration, fournira une approche intégrée et coordonnée pour traiter les enjeux agroenvironnementaux dans le secteur, y compris l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation et la résilience, l’eau, la biodiversité et la santé des sols. Il est mis en valeur dans le plan climatique renforcé comme moyen pour appuyer les mesures prises par le secteur agricole à l’égard des changements climatiques et d’autres priorités environnementales d’ici 2030 et 2050.

Le Plan donnera suite à la lettre de mandat de 2021 de la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire visant à accroître le soutien aux agriculteurs pour l’élaboration et l’adoption de pratiques de gestion agricole afin de réduire les émissions, de stocker le carbone dans des sols sains et d’améliorer la résilience, de tripler le financement des technologies propres à la ferme, y compris pour l’énergie renouvelable, l’agriculture de précision et l’efficacité énergétique, et de travailler avec les agriculteurs et les intervenants pour réduire les émissions de méthane et d’engrais dans le secteur agricole.

Le Plan aidera également à orienter les activités sectorielles visant à contribuer aux cibles nationales de réduction des émissions de GES dans le cadre du Plan de réduction des émissions dirigé par ECCC, par l’entremise des cibles et des solutions définies dans le domaine d’intérêt de l’atténuation des changements climatiques. Dans l’ensemble, le Plan appuierait la croissance durable du secteur agricole tout en améliorant la performance environnementale et en renforçant le système alimentaire du Canada.

En novembre 2021, les ministres canadiens de l’Agriculture ont publié l’Énoncé de Guelph, soulignant la nécessité de s’attaquer aux changements climatiques et de réduire les émissions de GES pour assurer la vitalité du secteur. La protection de l’environnement permettra aux producteurs de saisir les occasions économiques et de croître de façon durable.

La cible de réduction des émissions attribuables aux engrais est ambitieuse, mais réalisable. Cette cible s’appuie sur les réalisations du secteur jusqu’à présent et vise à accroître l’adoption d’approches régionales et d’approches adaptées à chaque exploitation afin de renverser la tendance à la hausse des émissions découlant de l’utilisation d’engrais tout en préservant la compétitivité du secteur ainsi que la réputation du Canada en tant que principal producteur et exportateur de cultures de qualité. Dans une large mesure, les technologies et les pratiques requises existent déjà. Il s’agit maintenant de savoir comment accroître leur utilisation, cerner et résoudre les difficultés ou les lacunes, et s’assurer que les agriculteurs ont les connaissances et le soutien nécessaires pour le faire. Cette consultation est un élément clé des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour élaborer une approche collaborative afin d’atteindre cette cible.

En mars 2021, Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a lancé une série de séances de mobilisation informelles et ciblées afin d’obtenir les premiers commentaires du secteur agricole, y compris des groupements de producteurs spécialisés, des associations de producteurs, des provinces et des organisations de l’industrie. Ces séances ont orienté le présent document de discussion, la phase actuelle des consultations et les plans de mobilisation. Vous trouverez un résumé de ces séances à l’annexe A.

La deuxième phase du processus de mobilisation permettra d’obtenir la rétroaction des provinces, des territoires, des peuples autochtones, des administrations locales, du secteur privé, des organisations non gouvernementales et du public. La troisième section de ce document décrit comment vous pouvez contribuer à l’élaboration des politiques et aux prochaines étapes du gouvernement pour réduire les émissions, à la hausse, découlant de l’utilisation d’engrais dans l’agriculture canadienne.

L’agriculture est une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada, qui travaillent tous ensemble pour soutenir les agriculteurs canadiens par l’intermédiaire de cadres stratégiques pour l’agriculture (le cadre actuellement en place est le Partenariat canadien pour l’agriculture, établi pour 2018 à 2023). Le gouvernement du Canada s’est engagé à travailler avec tous les partenaires et intervenants pour élaborer une approche visant à atteindre cette cible et à s’appuyer sur le travail déjà en cours dans le secteur agricole et dans d’autres secteurs.

Arguments en faveur d’une action

Les conséquences des changements climatiques se font sentir actuellement au Canada et partout dans le monde. Les données scientifiques montrent clairement que les efforts actuels ne sont pas suffisants pour éviter les effets catastrophiques et qu’il faut en faire davantage pour lutter contre les changements climatiques, et ce, plus rapidement. Le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur le réchauffement de la planète de 1,5 °C, publié récemment, a révélé que pour maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 1,5 °C, les émissions nettes de CO2 causées par l’homme doivent diminuer à l’échelle mondiale d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 d’ici 2030 et atteindre la carboneutralité vers 2050.

Les changements climatiques intensifient déjà le cycle de l’eau, entraînant des pluies plus intenses et des inondations dans certaines régions et des sécheresses plus intenses dans d’autres régions. Les conditions météorologiques extrêmes et une pandémie mondiale en cours mettent en lumière les raisons pour lesquelles 2022 est une année cruciale dans l’action pour le climat et pour assurer la collaboration internationale dans la lutte contre les changements climatiques. Ces éléments soulignent également la nécessité de prendre des mesures claires et décisives ici, au pays, où tous les Canadiens et tous les secteurs de l’économie sont appelés à contribuer à la réduction des émissions et au renforcement de la résilience aux changements climatiques.

Depuis la publication du plan climatique renforcé du Canada, le gouvernement du Canada a agi rapidement pour mettre en œuvre les aspects clés du Plan afin de créer des emplois, de stimuler l’économie et de protéger la planète. En avril 2021, conformément à ses obligations en vertu de l’Accord de Paris, le gouvernement du Canada a annoncé une nouvelle cible de réduction des émissions de GES de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030. Cette cible, ainsi que d’autres faits nouveaux, comme l’adoption de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui consacre dans la loi l’engagement du Canada à atteindre la carboneutralité dans l’ensemble de l’économie canadienne d’ici 2050, souligne la nécessité de réduire les émissions absolues de GES dans tous les secteurs économiques, y compris l’agriculture.

Objectifs de la cible nationale pour les émissions d’engrais

Le défi déterminant pour l’agriculture canadienne au 21e siècle sera de réduire les émissions absolues de GES et, au bout du compte, d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, tout en trouvant des moyens d’accroître les rendements et la croissance économique, et ce, en nourrissant une population mondiale croissante.

L’objectif de la cible de réduction des engrais est de contribuer à la réduction des émissions de GES du secteur agricole, en s’appuyant sur les programmes et initiatives publics et privés et en en tirant parti. Il n’y a pas d’approche unique pour l’atteinte de la cible. Le secteur agricole du Canada s’étend d’un océan à l’autre et varie selon la culture, le sol et la région. Toutefois, il existe des technologies et des pratiques qui peuvent permettre d’atteindre cette cible, et d’autres solutions continuent d’être élaborées grâce à des recherches supplémentaires. L’un des défis consiste à comprendre la meilleure façon d’aider les agriculteurs à mettre en œuvre ces pratiques à plus grande échelle.

C’est en élaborant une approche nationale, appuyée sur une gamme de mesures stratégiques fondées sur les connaissances et les pratiques existantes et la recherche nouvelle et émergente, que cette cible s’appuiera sur l’innovation, l’expertise, le dévouement et l’ingéniosité des agriculteurs et des entreprises du secteur privé du Canada pour améliorer la gestion des éléments nutritifs et réduire les émissions tout en maintenant et en améliorant la qualité et le rendement de l’agriculture canadienne qui est reconnue dans le monde entier. 

La cible vise les émissions directes (à la suite de l’application d’engrais) et indirectes (provenant de l’azote lessivé dans les champs et volatilisé dans l’atmosphère sous forme d’ammoniac) par l’application d’engrais. Il ne traite pas des émissions associées à la fabrication d’engrais, mais il reconnaît le potentiel de réduction des émissions découlant de l’utilisation de nouveaux produits fertilisants. La cible de réduction est établie par rapport aux niveaux de 2020, qui seront publiés dans le cadre du Rapport d’inventaire national (RIN) sur les sources et les puits de gaz à effet de serre au Canada de 2022. Selon les données actuelles pour 2019, où les émissions d’engrais synthétiques représentaient 12,75 Mt d’éq. CO2, la cible pour les engrais devrait se traduire par une réduction d’environ 4 Mt d’éq. CO2.

Des améliorations sont régulièrement apportées à la méthode officielle de comptabilisation des GES, témoignant de l’amélioration continue de la compréhension scientifique et des sources de données. La méthode mise à jour pour les émissions des terres cultivées ont fait l’objet d’un examen par des pairs et sera officiellement appliquée dans le prochain RIN du Canada, dont la publication est prévue en avril 2022. Bien que ces mises à jour puissent avoir des répercussions sur le nombre exact de mégatonnes nécessaires pour atteindre la cible de réduction des émissions attribuables aux engrais, le présent document vise à examiner la façon de réduire ces émissions et demeure pertinent malgré d’éventuelles modifications mineures.

Afin d’obtenir une réduction concrète des émissions globales, la cible est établie en fonction des émissions absolues plutôt que de l’intensité des émissions. Le gouvernement du Canada a clairement indiqué que l’objectif de la cible nationale pour les engrais est de réduire les émissions, et que la principale méthode pour y parvenir n’est pas d’établir une réduction obligatoire de l’utilisation d’engrais qui n’est pas liée à une amélioration de l’efficacité et du maintien ou de l’amélioration des rendements. L’objectif est plutôt de maximiser l’efficacité, d’optimiser l’utilisation des engrais, d’encourager l’innovation et de travailler en collaboration avec le secteur agricole, les partenaires et les intervenants pour déterminer les possibilités qui nous permettront d’atteindre cette cible.

Engrais et production agricole

Les engrais constituent un intrant essentiel pour les cultures agricoles du Canada. Ils ont aidé à accroître le rendement des cultures canadiennes au fil du temps et contribué à la hausse correspondante des ventes et des exportations de grains, des recettes records à la ferme et de la prospérité des familles d’agriculteurs du Canada. Cependant, l’application d’engrais azotés (N) produit toutefois des émissions de N2O, un puissant GES ayant un potentiel de réchauffement planétaire de 265 à 298Note de bas de page 1 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone (CO2) sur une période de 100 ans.

De plus, comme l’azote peut prendre diverses formes lorsqu’il circule dans l’air, le sol et l’eau, tout l’azote inutilisé (non absorbé par la plante en croissance) peut être rejeté dans l’environnement en général, avec des conséquences imprévues pour l’eau et la biodiversité. En plus du N2O, l’azote peut se volatiliser à partir des sols sous la forme d’ammoniac, substance potentiellement nocive pour la biodiversité qui peut franchir de grandes distances et réagir avec des particules pour engendrer du smog. Il peut aussi se présenter sous forme de nitrate, substance très soluble pouvant se déplacer facilement dans les cours d’eau et les eaux souterraines.

Étant donné le rôle essentiel que joue l’engrais azoté dans l’agriculture canadienne, les mesures visant à réduire les émissions seront axées sur l’amélioration de la gestion de l’azote et l’optimisation de l’utilisation des engrais, et non sur une réduction obligatoire de l’utilisation des engrais. Par exemple, des pratiques comme l’utilisation d’engrais à meilleur rendement, la réduction au minimum de l’application d’engrais à l’automne ou de la diffusion d’engrais, l’utilisation accrue de légumineuses à grains dans la rotation des cultures et les analyses annuelles du sol peuvent améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’azote et réduire les émissions. Il existe des solutions qui nous permettront d’atteindre cette cible au moyen d’approches novatrices et collaboratives, en nous appuyant sur le leadership déjà démontré par les agriculteurs, notamment par la mise en œuvre volontaire de l’approche 4B de Fertilisants Canada. Dans le cadre de ce processus de mobilisation, nous voulons que vous nous disiez comment nous pouvons élargir l’utilisation et l’échelle des mesures qui permettront d’atteindre les objectifs complémentaires d’optimisation de l’utilisation des engrais, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’amélioration ou de maintien des rendements.

Aperçu des émissions actuelles

Entre 2005 et 2019, l’utilisation d’engrais a augmenté de 71 % au Canada, principalement en raison de la croissance des ventes d’engrais dans l’Ouest canadien (C.-B., Alb., Sask. et Man.). Au cours de la même période, les émissions de N2O provenant de l’application d’engrais au Canada ont augmenté de 54 %Note de bas de page 2, les émissions directes et indirectes étant associées aux émissions de N2O des engrais synthétiques en 2019 à 12,75 Mt d’éq. CO2 (Rapport d’inventaire national, 2021).

La figure 1 montre les émissions totales (directes et indirectes)Note de bas de page 3 de N2O résultant de l’application d’engrais synthétiques entre 2005 et 2019. Bien qu’il y ait eu une certaine variation entre les années, la tendance est à l’augmentation des émissions au fil du temps et est directement corrélée à la quantité d’engrais appliquée.

Figure 1 : Émissions directes et indirectes découlant de l’application d’engrais synthétiques, de 2005 à 2019 (RIN, 2021)
Description de l'image ci-dessus
Figure 1: Direct and indirect emissions from synthetic fertilizer, 2005 to 2019
2005 2006 2007 2008 2009
Émissions indirectes (lessivage et volatisation) (Mt d’éq. CO2)* 1,405451 1,40486 1,695978 1,695978 1,684187
Émissions directes (Mt d’éq. CO2) 6,893705 6,873382 7,833271 8,182451 8,227483
Quantité d’engrais synthétique appliquée (tonnes) 1 539 450 1 539 945 1 756 000 1 913 000 1 878 000
2010 2011 2012 2013 2014
Émissions indirectes (lessivage et volatisation) (Mt d’éq. CO2)* 1,706242 1,765864 2,003136 2,154777 2,1114
Émissions directes (Mt d’éq. CO2) 8,3618 8,645521 9,765124 10,43428 10,25529
Quantité d’engrais synthétique appliquée (tonnes) 1 924 000 2 009 000 2 311 000 2 505 000 2 471 000
2015 2016 2017 2018 2019
Émissions indirectes (lessivage et volatisation) (Mt d’éq. CO2)* 2,186256 2,176803 2,027983 2,224113 2,194472
Émissions directes (Mt CO2e) 10,56683 10,57919 9,747028 10,76751 10,5636
Quantité d’engrais synthétique appliquée (tonnes) 2 588 000 2 556 000 2 411 000 2 641 000 2 640 000

L’augmentation des émissions de N2O sur les terres cultivées est attribuable à l’effet combiné d’une augmentation continue de la superficie cultivée annuelle (p. ex., conversion des pâturages en terres pour la production végétale annuelle), d’une augmentation de la superficie cultivée à forte intensité d’engrais, et une augmentation de la dégradation des sols qui a contribué aux pertes de carbone (C) et d’azote (N) provenant des sols. La superficie couverte par des cultures à plus forte intensité d’engrais, comme le canola et le maïs, a augmenté considérablement depuis 2001, tandis que la superficie de certaines cultures nécessitant des taux d’engrais plus faibles, comme le blé, l’orge, l’avoine et le foin cultivé, a diminué (figure 2, ci‑dessous).

De plus, l’intensité des émissions de N2O par hectare a presque doublé depuis 1981. Cette situation est attribuable à l’augmentation des taux d’application d’engrais et à une expansion minimale de la superficie agricole canadienne totale. Cette intensification de la production, soutenue par l’utilisation accrue d’engrais et l’amélioration de la sélection et de la lutte contre les ravageurs et les maladies, s’est traduite par des rendements plus élevés par zone.

Figure 2 : Changements de la superficie des grandes cultures entre 2001 et 2021
Description de l'image ci-dessus
Variations de la superficie des grandes cultures au Canada
2001 2006 2011 2016 2021
Canola 3 826 800 5 283 300 7 684 700 8 410 900 9 096 700
Maïs-grain 1 294 200 1 093 100 1 291 600 1 452 200 1 413 100
Blé (total) 10 950 500 9 852 200 8 726 200 9 624 800 9 492 600
Orge 4 700 200 3 689 900 2 666 400 2 701 800 3 357 000
Avione 1 907 400 2 063 500 1 312 900 1 232 300 1 385 100
Foin cultivé 7 663 400 8 237 000 6 984 800 5 882 600 5 180 300

Variations régionales

Il faut savoir que les émissions découlant de l’application d’engrais ne sont pas uniformes dans le temps et l’espace pour les paysages agricoles canadiens. Les tendances saisonnières des émissions de N2O reflètent l’interaction entre la température du sol, l’eau du sol et les taux de nitrate. Dans les régions plus sèches des Prairies, les pertes de N2O sont beaucoup plus faibles que dans les régions plus humides de l’Est du Canada. Les émissions de N2O par hectare sont plus importantes dans l’Est du Canada du fait du climat plus humide et des taux d’application d’azote plus élevés. Cependant, la superficie beaucoup plus grande des Prairies par rapport à l’Est du Canada exige toutefois une plus vaste application d’engrais azotés dans les Prairies; par conséquent, les émissions totales sont bien plus importantes dans cette région.

Il est important de noter que les stratégies requises pour atteindre la cible de réduction des émissions de N2O de 30 % varieront d’un bout à l’autre du pays, car le potentiel de réduction des émissions est influencé par des facteurs biophysiques (type de sol, humidité du sol, climat), les types de cultures et les répercussions des changements climatiques.Note de bas de page 4

La figure 3 illustre les différences entre les tendances des émissions découlant de l’application d’engrais à l’échelle du pays et montre les émissions de N2O par hectare en 2018. L’intensité des émissions d’engrais (émissions par ha) est plus élevée à l’est de la Saskatchewan, ce qui indique que plus d’engrais y est appliqué par hectare, ce qui produit plus d’émissions directes par acre. Par ailleurs, les conditions plus humides observées dans l’Est produisent plus d’émissions directes et indirectes.

Figure 3 : Émissions d’oxyde nitreux (N2O) par hectare (2018)
Description de l'image ci-dessus

Émissions d’oxyde nitreux (N2O) par hectare

Carte du Canada illustrant les différences entre les tendances des émissions découlant de l’application d’engrais à l’échelle du pays et montrant les kilogrammes d’émissions de N2O par hectare en 2018. L’intensité des émissions d’engrais (émissions par ha) est plus élevée à l’est de la Saskatchewan, ce qui indique que plus d’engrais y est appliqué par hectare, ce qui produit plus d’émissions directes par acre. Par ailleurs, les conditions plus humides observées dans l’Est produisent plus d’émissions directes et indirectes. Les chiffres varient de 0 à plus de 2 kg de N2O-N par hectare. Les plus fortes concentrations se trouvent dans certains secteurs de l’Ouest du Québec et des provinces de l’Atlantique.

Comparaison internationale

Le Canada produit environ 1 % des émissions agricoles mondiales. Cependant, les données disponibles montrent que la production céréalière canadienne a probablement l’un des niveaux d’intensité des émissions les plus élevés (c.-à-d. la quantité de GES émise par unité de produit) parmi les principaux pays exportateurs, comme le montre la figure 4.

Figure 4: Intensité moyenne des émissions des cultures céréalières (à l’exception du riz), de 2005 à 2017 Note de bas de page 5
Description de l'image ci-dessus
Intensité moyenne des émissions des cultures céréalières (à l’exception du riz), de 2005 à 2017
Region Intensité des émissions (kg de CO2 par kg de produit)
Australie 0,227575
Brésil 0,196146
Canada 0,249892
France 0,121315
Mexique 0,186938
Russie 0,139192
Ukraine 0,141346
États-Unis 0,208846

Union européenne

0,187469
OCDE 0,207062
Source:

: Base de données sur l’intensité des émissions de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

Bien que les chiffres du tableau ci-dessus reflètent une moyenne de 2005 à 2017, selon la base de données sur l’intensité des émissions de la FAO, l’intensité des émissions du Canada (kg d’éq. CO2 par kg de produit) pour les céréales est passée de 0,22 en 2005 à 0,26 en 2017 (l’année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles). L’intensité des émissions du Canada pour les céréales en 2017 est plus élevée que celle déclarée pour les États-Unis (0,21), l’Union européenne (0,19) et l’OCDE (0,20) pour la même année. Cependant, il est important de noter que les chiffres du tableau ci-dessus ne tiennent pas compte de la variation de la composition de la production céréalière d’un pays à l’autre.

D’autres administrations ont également accordé la priorité à la réduction des émissions associées à l’application d’engrais et adoptent différentes approches pour atteindre cet objectif. L’Union européenne a adopté une cible absolue de réduction des émissions et vise à l’atteindre en réduisant de 20 % l’utilisation d’engrais par rapport à 2020. On s’attend à ce que l’UE présente un plan d’action sur la gestion intégrée des éléments nutritifs en 2022 pour décrire les mesures à prendre pour atteindre cet objectif. De plus, la Nouvelle-Zélande a adopté une cible pour tous les gaz à effet de serre, à l’exception du méthane biogénique provenant de l’agriculture et des déchets, afin d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Un certain nombre de mesures ont été proposées pour réaliser ces réductions, comme les systèmes de tarification des émissions à la ferme, les mécanismes d’ajustement à la frontière du carbone et la gestion durable des éléments nutritifs. 

Répercussions économiques

D’un point de vue économique, les engrais jouent un rôle fondamental à la fois pour les exploitations agricoles individuelles et pour l’agriculture canadienne dans son ensemble. Les engrais et les services connexes sont des coûts d’intrants clés que les agriculteurs doivent comptabiliser pour chaque saison de croissance. Ils sont également un déterminant essentiel du rendement des cultures et, par conséquent, influencent le bilan d’une ferme sur le plan des dépenses et des revenus. Les agriculteurs tiennent compte de ces facteurs (entre autres, le moment) lorsqu’ils décident de la façon et du moment d’appliquer l’engrais, et de la quantité d’engrais à appliquer.

Selon la culture, l’emplacement de la ferme, les conditions météorologiques locales, le type de sol et d’autres caractéristiques propres à la ferme, l’utilisation plus ciblée d’engrais et d’autres pratiques peuvent à la fois réduire les coûts et accroître les rendements. De plus, éviter l’application d’engrais à des moments ou à des endroits où les cultures n’en ont pas besoin peut non seulement réduire le coût des intrants, mais aussi entraîner des améliorations à long terme de la santé du sol et de la qualité de l’eau. Dans d’autres cas, selon les caractéristiques de la ferme, les coûts économiques de l’adoption de différentes pratiques de gestion des engrais peuvent l’emporter sur toute augmentation potentielle du rendement.

On s’attend à ce que les répercussions économiques possibles de l’application de différentes pratiques de gestion bénéfiques (PGB) couvrent un vaste éventail et puissent se traduire par des coûts nets ou des avantages nets pour les agriculteurs. Par exemple, une étude récente préparée pour Fermiers pour la transition climatiqueNote de bas de page 6 a estimé que l’utilisation d’engrais à efficacité accrue dans les Prairies pour le blé coûterait environ 74 $ par hectare en moyenne. Par ailleurs, la même étude estime que la même mesure pour le maïs dans les Prairies peut en fait augmenter les revenus de 20 $ par hectare en moyenne. Bien entendu, la situation particulière d’une ferme donnée est telle que les estimations moyennes des coûts et des avantages peuvent ne pas refléter adéquatement les répercussions réelles pour un producteur donné.

Il n’existe pas de voie universelle unique pour réduire les émissions d’engrais. Une approche adaptée sera donc nécessaire pour réduire les émissions de la façon la plus rentable possible. De plus, il subsiste un degré élevé d’incertitude et de complexité découlant de données incomplètes et d’un grand nombre de variables liées à différents types de cultures, aux variations régionales, aux fluctuations des conditions de croissance d’une saison à l’autre et à divers autres facteurs. Il faudra produire davantage de données dans le cadre des efforts continus et futurs visant à atteindre la cible de réduction des émissions. Des travaux sont en cours à AAC pour mieux mesurer à la fois le potentiel d’atténuation des GES et les coûts et les avantages économiques associés aux différentes PGB au niveau des fermes individuelles.

Pratiques visant à réduire les émissions d’engrais

Au cours de la première phase des consultations, les intervenants ont relevé un certain nombre de possibilités d’améliorer la gestion des éléments nutritifs et de réduire les émissions associées à l’application d’engrais. Il s’agit généralement des possibilités qui sont liées aux principes de la gérance des éléments nutritifs 4B de Fertilisants Canada et des PGB connexes, et de celles qui ne relèvent pas de l’approche 4B. Compte tenu de son importance dans le secteur, les 4B font l’objet d’une discussion distincte ici, bien qu’il y ait des domaines possibles de chevauchement.

Contexte de la gérance des éléments nutritifs 4B

L’approche de gérance des éléments nutritifs 4B, élaborée par Fertilisants Canada, a été soulevée par un grand nombre d’intervenants au cours de la première phase des consultations comme moyen de réduire les émissions. Cette approche est conçue pour promouvoir l’utilisation durable des engrais dans la production végétale et peut réduire les émissions de GES en mettant l’accent sur les « 4 B » de l’application d’engrais :

  • La bonne source correspond au type d’engrais et aux besoins des cultures. Cela englobe l’utilisation d’engrais synthétiques et d’engrais organiques, ainsi que d’engrais dont la composition en éléments nutritifs et le format sont différents (liquide, granulaire, à bandes de semences, à libération lente, fumier, etc.) et les produits qui comprennent des additifs comme les inhibiteurs de nitrification et d’uréase;
  • La bonne dose correspond à la quantité d’engrais nécessaire aux cultures. Cela consiste à n’appliquer que ce qui peut être utilisé par la culture au cours de la saison de croissance. Cette recommandation peut inclure des technologies d’application de précision (y compris celles qui tiennent compte de la variabilité sur le terrain) et l’utilisation d’analyses du sol pour prendre des décisions de gestion des éléments nutritifs tenant compte des niveaux existants d’éléments nutritifs dans le sol;
  • Le bon moment signifie que les éléments nutritifs sont disponibles lorsque les cultures en ont besoin. Cela pourrait inclure des pratiques comme l’application fractionnée (application au moment de l’ensemencement et plus tard aux stades critiques de la croissance des cultures) ou l’évitement de l’application d’engrais à l’automne lorsqu’il y a un risque plus élevé de perte par le ruissellement printanier;
  • Le bon endroit signifie que les éléments nutritifs sont placés là où les cultures peuvent les utiliser. Cette recommandation comprend des pratiques telles que l’application en bandes par lequel l’engrais est appliqué en bandes concentrées, l’habillage latéral par lequel les engrais sont placés dans une rangée adjacente à la culture, ou les semences, où les engrais sont placés dans la même rangée que la semence. Cela comprend des pratiques comme la diffusion, dans la mesure du possible, où les éléments nutritifs sont répandus à la surface du sol (ou de la culture en croissance) et qui peuvent entraîner des inefficacités et des pertes pour l’environnement en général.

L’approche 4B met l’accent sur un certain nombre de pratiques exemplaires qui sont adaptées aux conditions du climat, du sol, des cultures et des opérations de chaque ferme. Les exemples comprennent l’analyse régulière du sol, le choix du moment de l’application des engrais pour réduire au minimum les émissions et l’utilisation d’engrais à meilleur rendement. Des spécialistes qualifiés, comme des conseillers certifiés en cultures, aident à élaborer des plans de gestion pour l’application durable d’engrais. Les plans peuvent prendre la forme de niveaux de base, intermédiaire et avancé de gérance des éléments nutritifs 4B, selon l’approche adoptée par un agriculteur en particulier.

On reconnaît généralement que les principes qui sous-tendent les pratiques 4B peuvent réduire les émissions des engrais azotés. Les données existantes de Fertilisants Canada et du Réseau de recherche 4B indiquent que la mise en œuvre d’un programme 4B peut réduire les émissions liées aux engrais tout en maintenant ou en améliorant le rendement des cultures, avec des suggestions selon lesquelles l’adoption généralisée des 4B dans l’Ouest canadien pourrait réduire les émissions de deux à trois mégatonnes, soit de 50 à 75 % de la cible de réduction des émissions du gouvernement.

Les évaluations scientifiques préliminaires d’AAC confirment que l’adoption généralisée de certaines pratiques associées aux 4B pourrait mener à des réductions d’émissions à grande échelle. Par exemple, l’analyse indique que l’utilisation d’engrais à efficacité accrue contenant à la fois des inhibiteurs de nitrification et d’uréase pourrait réduire les émissions de 15 à 35 %, ce qui se traduirait par environ 2,4 Mt par année, et l’application fractionnée d’engrais (au moment de l’ensemencement et plus tard pendant la saison de croissance), pourrait offrir des réductions de 15 à 35 % par rapport aux pratiques courantes d’engrais azotés. De plus, selon l’Enquête de 2019 de Fertilisants Canada, environ 20 % des producteurs de canola de l’Alberta et de la Saskatchewan et 44 % des producteurs de canola du Manitoba qui ont participé à l’enquête ont indiqué avoir appliqué des engrais à l’automne de l’année précédente. Bien qu’il soit reconnu que l’application à l’automne puisse être une pratique qui permet de gagner du temps, elle entraîne également des risques plus élevés de pertes causées par les inondations et les écoulements au printemps, ce qui entraîne des répercussions environnementales plus importantes. De plus amples renseignements sur les évaluations scientifiques d’AAC des réductions possibles des émissions se trouvent à l’annexe B.

Le secteur agricole canadien appuie également l’approche 4B. Les gouvernements provinciaux de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard ont établi des relations ou des programmes au moyen de divers accords ou protocoles de coopération avec Fertilisants Canada pour promouvoir les 4B. Diverses organisations de l’industrie appuient également l’initiative en fixant des cibles pour l’utilisation des pratiques de gestion 4B. De plus, au cours de la première phase de consultation, les producteurs et les intervenants ont souligné à maintes reprises l’importance de la gérance des éléments nutritifs 4B et des efforts connexes pour en accroître l’adoption.

Malgré des niveaux élevés de sensibilisation, il est possible d’améliorer la mise en œuvre et l’adoption des 4B.  Les sondages indiquent que, bien que de nombreux agriculteurs connaissent le concept des 4B, seulement certains (environ 25 %) ont travaillé avec un agronome désigné ou certifié des 4B, et que moins de 10 % des agriculteurs ont indiqué qu’ils ont mis en place un plan officiel des 4B de quelque nature que ce soit (Source : Enquête sur l’utilisation des engrais de Fertilisants Canada, 2019). De plus, le manque de données accessibles au public sur les ventes et l’utilisation d’engrais a été soulevé par certains intervenants comme un obstacle à l’amélioration de la surveillance, de la production de rapports, de la prise de décisions et de la sensibilisation. Dans l’ensemble, bien qu’il existe au moins certaines pratiques 4B dans la plupart des régions du pays, pour maximiser les réductions d’émissions, il faudra viser une adoption plus généralisée à des niveaux de rendement plus élevés.

Autres possibilités de réduire les émissions

En plus des principes énoncés dans la Gérance des nutriments 4B, les intervenants ont cerné un certain nombre d’autres possibilités qui peuvent contribuer à améliorer la gestion de l’azote et à réduire les émissions de GES connexes. Par exemple, la pratique consistant à remplacer l’engrais synthétique par du fumier, du compost ou du digestat peut réduire les émissions de 10 à 20 %. L’amélioration des pratiques de gestion de la conservation, y compris l’amélioration de la conception du drainage et du travail de conservation du sol, présente un potentiel de réduction des émissions pouvant atteindre 30 % avec une adoption accrue. Des exemples supplémentaires de ces possibilités se trouvent à l’annexe B.

Des possibilités ont également été suggérées relativement à la fabrication et à la vente d’engrais, comme l’introduction d’une garantie maximale pour la teneur en azote des engrais synthétiques (par opposition à la garantie minimale actuelle), ainsi que la prise en compte d’un quota de vente pour les engrais à efficacité accrue qui améliorent l’efficacité de l’utilisation des éléments nutritifs, comme ceux contenant des inhibiteurs de nitrification et d’uréase. Il pourrait également y avoir des possibilités d’innovation en matière de production d’engrais, y compris l’utilisation d’ammoniac vert pour réduire les émissions du cycle de vie.

Bien que les initiatives existantes fassent avancer les choses en ce qui concerne la réduction des émissions dans le secteur agricole, il reste encore beaucoup à faire pour atteindre la cible de réduction des émissions du Canada. De plus, des pratiques plus durables en matière d’engrais peuvent aider à créer de nouveaux débouchés, à répondre aux demandes changeantes des consommateurs pour les produits agricoles et à améliorer la santé du sol à long terme.

Sujets de discussion

La présente section porte sur les sujets pertinents examinés au cours de la première phase du processus de consultation, qui a permis de cerner les possibilités et les défis possibles liés à la cible de réduction d’émissions. Chaque sujet de discussion est accompagné d’un bref contexte et d’une série de questions. S’il y a lieu, les possibilités sont mises en évidence pour orienter la discussion. Dans l’ensemble, on reconnaît la responsabilité partagée de la gestion des engrais au Canada et les rôles importants que doivent jouer les provinces, les territoires, les gouvernements autochtones, les administrations municipales et d’autres intervenants.

Sujet 1 : Élaboration d’une approche stratégique pour atteindre la cible de réduction des émissions d’engrais

Contexte - Sujet 1

Comme il a été mentionné ci-dessus, pour de nombreuses pratiques de réduction des émissions, le secteur possède déjà les connaissances et la sensibilisation nécessaires, et il existe un moyen réalisable, mais ambitieux, d’améliorer l’efficacité de l’utilisation des engrais tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et d’autres effets de l’azote sur l’environnement. Cependant, le principal défi consiste à augmenter les taux d’adoption tout en reconnaissant que l’application des pratiques doit être adaptée aux particularités régionales et autres des fermes individuelles. De plus, il est important de reconnaître que, parce que les pratiques actuelles en matière d’engrais fonctionnent pour les agriculteurs sur le plan du rendement et du rendement du capital investi, le fait de changer les pratiques pour réduire les répercussions environnementales peut être considéré comme risqué à court terme au niveau de la ferme.

Au cours de la première phase du processus de consultation, les producteurs, les partenaires et les intervenants ont souligné divers défis et obstacles qui peuvent empêcher l’adoption généralisée de pratiques visant à réduire les émissions. Bon nombre de ces pratiques étaient liées à des investissements initiaux de temps et d’argent qui seraient nécessaires pour mettre en œuvre de nouvelles technologies et stratégies de réduction des émissions. Il y a également eu des commentaires sur la complexité, la connaissance des solutions, l’accès à des conseils objectifs et la disponibilité des données, entre autres.

Les gouvernements fédéral et provinciaux disposent déjà d’un certain nombre de programmes pour aider les producteurs à adopter des pratiques de gestion des éléments nutritifs plus efficaces. Voici des exemples :

  • dans le cadre du Fonds d’action à la ferme pour le climat des Solutions agricoles pour le climat, le gouvernement fédéral a débloqué 200 millions de dollars pour appuyer l’adoption de pratiques de gestion bénéfiques à la ferme, notamment en mettant l’accent sur la gestion des éléments nutritifs;
  • dans le cadre des Solutions agricoles pour le climat – Laboratoires vivants, un réseau national de laboratoires vivants est établi pour appuyer la démonstration et le transfert de connaissances sur les pratiques bénéfiques adaptées aux réalités régionales;
  • dans le cadre du Partenariat canadien pour l’agriculture, les gouvernements fédéral et provinciaux investissent dans des priorités clés, notamment en appuyant les programmes provinciaux visant à offrir un accès aux plans environnementaux de la ferme et un soutien financier pour l’adoption de nouvelles pratiques de gestion bénéfiques.

Afin d’assurer le succès de la cible de réduction des émissions du Canada, il est important que toute politique future contienne des mesures qui sont accessibles au secteur, et qui se traduisent par des réductions réelles des émissions. De plus, des pratiques plus durables en matière d’engrais peuvent aider à créer de nouveaux débouchés, à répondre aux demandes changeantes des consommateurs pour les produits agricoles et à améliorer la santé du sol à long terme. Le gouvernement du Canada aimerait connaître votre point de vue sur les obstacles actuels à l’adoption et sur la façon de les surmonter.

Questions et discussion - Sujet 1

  1. Quels sont les principaux obstacles à l’adoption de pratiques qui réduisent les émissions provenant de l’application d’engrais et comment peut-on les surmonter le mieux possible?
  2. Quelles mesures peut-on prendre pour accroître l’adoption de pratiques ou l’utilisation de nouveaux engrais à plus grande efficacité qui pourraient réduire les émissions provenant de l’application d’engrais?
  3. En plus des programmes existants, comment les gouvernements peuvent-ils mieux collaborer avec l’industrie et les producteurs pour mobiliser l’adoption accrue de pratiques de réduction des émissions? Quels sont les rôles appropriés pour le secteur agricole, les gouvernements et les autres partenaires et intervenants pour atteindre cette cible?

Sujet 2 : Données, rapports et mesures

Contexte - Sujet 2

Au cours de la première phase du processus de consultation, les intervenants ont souvent soulevé des questions liées à la collecte de données et à la production de rapports, ainsi qu’à la façon dont les réductions d’émissions seront mesurées et comptabilisées. De nombreux intervenants étaient d’avis qu’il existe un certain nombre de lacunes statistiques dans la mesure et la déclaration des émissions liées aux engrais, y compris dans le Rapport d’inventaire national (méthodologie du RIN), et que les données de grande qualité accessibles au public sur l’utilisation des engrais ne sont pas toujours largement disponibles.

En particulier, les intervenants craignaient que la méthodologie actuelle du RIN ne tienne pas pleinement compte des réductions d’émissions réalisées dans le cadre de la cible. Cette situation est attribuable en partie à l’approche actuelle de la méthodologie de mesure des émissions et aux difficultés à obtenir et à mesurer des données au niveau de chaque ferme. Bien que des améliorations aux rapports du RIN sur le N2O soient en cours et devraient être mises en œuvre à temps pour la publication en 2022, ces améliorations ne tiennent pas encore compte de l’activité à la ferme liée aux pratiques d’application d’engrais en raison d’un manque de données à cette échelle.

À l’avenir, le gouvernement du Canada est ouvert à l’examen de ces méthodologies et sources de données en partenariat avec les intervenants, afin d’assurer la mesure exacte de la réduction des émissions à la ferme. Cela pourrait comprendre d’autres engagements, comme le lancement d’un groupe de travail officiel gouvernement-industrie ou d’un organisme de surveillance indépendant, afin de mieux comprendre les répercussions des PGB à la ferme au niveau opérationnel et d’améliorer la qualité des données, la transparence et l’accessibilité concernant l’utilisation et les pratiques actuelles d’engrais. Toutefois, les défis à cet égard peuvent comprendre l’établissement de mesures fiables et acceptables à l’échelle internationale, la disponibilité d’outils pour refléter fidèlement les pratiques individuelles et la possibilité d’alourdir le fardeau de déclaration pour les fermes.

Questions et discussion - Sujet 2

  1. Comment les données importantes sur les changements des émissions découlant de l’application d’engrais peuvent-elles être recueillies, analysées et déclarées de façon plus uniforme et exhaustive?
  2. Quelle serait la façon la plus efficace pour le gouvernement et l’industrie de travailler en partenariat pour recueillir et rendre publiques des données détaillées sur l’utilisation des engrais et les 4B afin de mieux comprendre les domaines où il y a eu du succès ou des possibilités d’amélioration?
  3. Quelles considérations doivent être prises en compte pour assurer une déclaration meilleure et plus exacte des données au niveau de la ferme tout en réduisant au minimum le fardeau de déclaration au niveau de la ferme? 

Sujet 3 : Possibilités d’innovation et de changement

Contexte - Sujet 3

En réfléchissant à une vision et à un plan à long terme pour l’agriculture canadienne, il est important de considérer comment la technologie peut continuer à soutenir la transformation du secteur. Par exemple, l’émergence de solutions de rechange non synthétiques et l’adoption accrue de l’agriculture de précision grâce à l’amélioration de l’accès à la large bande en milieu rural au cours des prochaines années pourraient maximiser les réductions d’émissions au-delà de la cible de 2030.

Au cours de la première phase de la consultation, les intervenants ont souligné la nécessité d’encourager et d’appuyer l’adoption de nouvelles technologies pour atteindre les objectifs nationaux du Canada. AAC a déjà mis en œuvre des programmes, comme le Programme des technologies propres en agriculture, pour appuyer la recherche et l’adoption de nouvelles technologies. Toutefois, ce processus de consultation offre une autre occasion d’examiner les technologies émergentes qui ont le plus grand potentiel pour appuyer la réduction des émissions afin d’atteindre nos cibles de 2030 et de 2050, et la façon dont le gouvernement et l’industrie peuvent aider à soutenir l’adoption à grande échelle.

Questions et discussion - Sujet 3

  1. Quelle est la meilleure façon pour les gouvernements et l’industrie d’appuyer l’émergence de solutions nouvelles et novatrices pour atteindre les objectifs climatiques, comme la réduction des émissions?
  2. Y a-t-il des possibilités qui ne figurent pas dans ce document de discussion et qui, selon vous, devraient être considérées comme des moyens possibles pour atteindre la cible de réduction des émissions pour 2030 et 2050?

Conclusion et prochaines étapes

Ce document de discussion présente les principaux enjeux à prendre en considération pour améliorer la gestion des éléments nutritifs afin d’atteindre la cible du gouvernement du Canada de réduire les émissions de N2O associées à l’application d’engrais de 30 % sous les niveaux de 2020 d’ici 2030. On sollicite les commentaires des provinces, des territoires, des peuples autochtones, des producteurs, des intervenants et du public.

Les questions que vous trouverez dans le document peuvent servir de guide, mais ces questions ne devraient pas limiter vos commentaires. Veuillez soumettre vos commentaires supplémentaires à : aafc.fertilizer-engrais.aac@agr.gc.ca

Les commentaires recueillis lors du processus de consultation publique ayant pris fin 31 aout 2022 sont utilisés par le gouvernement du Canada pour orienter les prochaines étapes de l’élaboration et de la mise en œuvre d’une stratégie visant à réduire les émissions et à améliorer la gestion des éléments nutritifs en agriculture au Canada.

Annexes

Annexe A Ce que nous avons entendu Phase 1

Au cours des séances de mobilisation informelles qui ont eu lieu au printemps 2021, AAC a communiqué virtuellement avec les provinces et les territoires et 22 associations de producteurs agricoles. Le Ministère a également reçu des commentaires écrits de douze intervenants, soit un mélange d’organismes agricoles provinciaux et nationaux et de provinces. Les commentaires reçus des intervenants de l’agriculture à ce jour peuvent être classés en huit thèmes principaux :

  • 1/2) - Préoccupations au sujet de l’incidence sur le rendement et la croissance des exportations/les émissions absolues par rapport à l’intensité des émissions : Plusieurs associations de producteurs agricoles craignent que la cible de réduction des émissions d’engrais n’entraîne une diminution du rendement des cultures. Elles ont remis en question l’établissement d’une cible fondée sur l’intensité absolue des émissions par rapport à l’intensité des émissions, ce qui semble aller directement à l’encontre de la cible de croissance des exportations du gouvernement du Canada de 75 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires d’ici 2025.
  • 3) Obstacles à l’adoption de pratiques et de technologies durables : Les intervenants ont déterminé le coût et la disponibilité de la technologie comme un obstacle clé à l’adoption de pratiques durables. Par exemple, le manque de disponibilité rurale de la large bande et l’accès limité à des agronomes impartiaux et à la technologie de l’agriculture de précision ont été soulevés comme des obstacles à la détermination précise des besoins en engrais et à l’utilisation plus durable de ces derniers.
  • 4) Nécessité d’inciter les producteurs à adopter de nouvelles pratiques au moyen de programmes ou de financement : Étant donné que les intervenants ont indiqué que l’objectif pourrait nuire à la production et qu’il nécessiterait probablement des ressources supplémentaires, des incitatifs, des filets de sécurité financière et du financement pour l’adoption de nouvelles PGB ont été recommandés afin d’inciter les agriculteurs, d’encourager l’adoption de nouvelles pratiques et d’atténuer les risques financiers. 
  • 5) Nécessité de refléter la diversité de la géographie et des pratiques agricoles du Canada : Compte tenu de la diversité de la géographie et des cultures du Canada, les intervenants ont souligné l’importance d’adopter une approche régionale, y compris les besoins en données, lors de l’évaluation des outils nécessaires pour atteindre la cible de réduction des émissions.
  • 6) L’importance de la communication pour accroître la probabilité que les agriculteurs acceptent la cible : Il a été suggéré qu’une campagne de communication ciblant les agriculteurs mette l’accent sur les avantages économiques et environnementaux de l’utilisation efficace des engrais, y compris au moyen d’études de cas. Il faudrait s’efforcer de sensibiliser le public au rôle des engrais et à la façon dont ils s’inscrivent dans la stratégie gouvernementale de réduction des émissions.
  • 7) Défis entourant l’élaboration d’ententes volontaires et la participation à celles-ci : Les intervenants ont suggéré que les ententes soient complémentaires à d’autres initiatives agricoles fédérales et harmonisées avec les pratiques existantes, comme les 4B.
  • 8) Manque de données fiables pour mesurer avec précision les émissions d’engrais : Les intervenants ont estimé qu’il fallait s’attaquer au manque de données de référence, de données sur l’utilisation des engrais et de données sur les émissions afin de mesurer avec exactitude les émissions réelles et les progrès.

Annexe B : Pratiques possibles pour atteindre la cible et obstacles potentiels à l’adoption et solutions pour accroître l’adoption

Toute pratique qui peut optimiser l’absorption d’azote (N) et de phosphore (P) par les plantes ou prévenir les pertes dans l’environnement peut être considérée comme une PGB de gestion des éléments nutritifs. La gestion des éléments nutritifs est une étape essentielle de l’optimisation du rendement et de la qualité des cultures, ainsi qu’une clé de la gestion des conséquences environnementales. Cela implique l’application du bon type de sources d’éléments nutritifs, comme l’engrais, le fumier, les légumineuses ou le compost, en bonne dose, au bon endroit et au bon moment.

Le tableau suivant, élaboré à la suite d’une analyse approfondie par des scientifiques de la Direction générale des sciences et de la technologie d’AAC, montre la possibilité que diverses pratiques permettent de réduire les émissions liées aux engrais, ventilées par thème (dose, moment, endroit et source/type), mais comprend également d’autres pratiques comme le travail de conservation du sol et l’amélioration du drainage qui contribuent à la réduction des émissions d’oxyde nitreux.

L’utilisation d’engrais à meilleur rendement énergétique avec inhibiteurs de l’uréase et de la nitrification permet de réduire le plus possible les émissions, et l’adoption actuelle de ces technologies est très faible à l’échelle du pays. Il est également fortement recommandé de pratiquer l’application fractionnée ou en bandes latérales, en particulier lorsqu’un ajustement de la dose peut être orienté par des analyses du sol ou des capteurs de cultures. Une autre recommandation importante serait la cessation de la pratique de l’application à l’automne. Les engrais appliqués à l’automne sont encore très populaires dans les Prairies. Selon l’Enquête de 2019 de Fertilisants Canada, environ 20 % des producteurs de canola de l’Alberta et de la Saskatchewan et 44 % des producteurs de canola du Manitoba qui ont participé à l’enquête ont indiqué avoir appliqué des engrais à l’automne de l’année précédente. Bien qu’il soit reconnu que l’application à l’automne puisse être une pratique qui permet de gagner du temps, elle entraîne également des risques plus élevés de pertes causées par les inondations et les écoulements au printemps, ce qui entraîne des répercussions environnementales plus importantes.

Tableau 2 : Mise en œuvre à court terme (d’ici 2030) de PGB pour réduire les émissions de N2O provenant de l’application d’engrais au Canada
PGB Applicabilité régionale Niveau d’adoption actuel Nouvelle superficie potentielle (Mha) Réduction potentielle des émissions Réduction totale des émissions fondée sur une adoption à 100 % (Mt d’éq. CO2/an) Niveau de confiance Faisabilité de l’adoption
Dose Analyse annuelle de l’azote dans le sol pour l’application printanière d’engrais Toutes les régions Faible 5,7 De 5 à 15 % 0,23 Élevé Moyenne-élevée
Comptabilisation de l’azote dans la récolte de légumineuses précédente Toutes les régions Moyen-élevé 4,9 De 10 à 20 % 0,63 Moyen Élevée
Heure Application d’azote au printemps comparativement à l’automne Principalement à l’ouest Élevé 3,3 De 5 à 15 % 0,12 Moyen Élevée
Fertigation (injection d’engrais avec irrigation) Principalement à l’ouest Faible 0,3 De 15 à 25 % 0,02 Moyen Moyenne
Application fractionnée/en bandes latérales avec réglage de la dose basé sur les capteurs Principalement à l’est Moyen 1,9 De 15 à 35 % 0,65 Élevé Moyenne
Endroit Appliquer en bandes/injection accompagnée d’une dose réduite Toutes les régions Élevé-ouest moyen-est 3,0 De 5 à 15 % 0,24 Élevé Moyenne-élevée
Source Engrais à efficacité accrue, inhibiteurs ou libération lente Toutes les régions Très faible 18,1 De 15 à 35 % 2,35 Élevé Moyenne
Remplacer l’engrais inorganique par du fumier, du compost ou du digestat Toutes les régions Faible 1,4 De 10 à 20 % 0,15 Moyen Élevée
Gestion de la conservation Travail de conservation du sol Toutes les régions Élevé-ouest moyen-est 1,6 De 5 à 15 % 0,15 Moyen Élevée
Amélioration de la conception du drainage Principalement à l’est Moyen-élevé-est 0,6 De 10 à 30 % 0,13 Faible Moyenne
Autre Accroissement des légumineuses en rotation Principalement à l’ouest Faible 1,5 De 15 à 25 % 0,1 Moyen Faible-moyenne

Mises en garde

Bien que cette perspective scientifique soit fondée sur des estimations prudentes, d’importantes incertitudes persistent, ce qui laisse entendre que, même si les PGB sont aussi efficaces que prévu et sont entièrement adoptées, la réduction cumulative à l’échelon provincial (par exemple) peut être inférieure au potentiel estimé.

  • Les estimations sont fondées sur des expériences (petites parcelles, conditions de recherche) et peuvent ne pas être réalisées dans toutes les régions ou dans toutes les conditions à l’échelle réelle.
  • Dans certains cas, certaines pratiques ont entraîné des réductions importantes des émissions dans des conditions précises, tandis que des inversions (augmentations des émissions) ont été observées dans des conditions de recherche différentes.
  • Un certain nombre des PGB mentionnées dans le présent rapport ne sont pas actuellement saisies dans les méthodes du Rapport d’inventaire national en raison du manque de données sur l’activité agricole. Un effort est nécessaire pour recueillir ces données afin de saisir la mesure dans laquelle les pratiques ont changé depuis 2005 et de les intégrer à la méthodologie d’inventaire.
  • Les estimations sont relatives, ce qui signifie qu’elles supposent une comparaison entre les pratiques normalisées et les pratiques améliorées (PGB). Cependant, certaines de ces pratiques, voire bon nombre d’entre elles, sont déjà utilisées, ce qui limite la possibilité de réductions supplémentaires. Voici des exemples :
    • Effort considérable dans les Prairies pour amener les agriculteurs à adopter l’approche 4B.
    • La plupart des agriculteurs des Prairies utilisent déjà la pratique de conservation du sol ou la culture sans travail du sol.
    • Une superficie raisonnable (mais variable) de cultures de légumineuses est déjà en place.