Le Canada et la France rassemblent les laboratoires vivants dans les agroécosystèmes de par le monde

Ce fut un moment de fierté pour le Canada, alors que les participants et organisateurs des laboratoires vivants de partout dans le monde se sont réunis pour discuter de la création de systèmes alimentaires durables selon une approche unique.

Connue sous le nom de laboratoires vivants, l'approche rassemble des agriculteurs, des scientifiques et d'autres collaborateurs du secteur de l'agroalimentaire pour créer conjointement, mettre à l'essai et peaufiner de façon continue des solutions novatrices aux défis environnementaux du secteur de l'agriculture. En plus d'être pratiques et durables, les solutions tirées d'un laboratoire vivant et créées dans des conditions d'agriculture dans le monde réel peuvent être mises en pratiques plus rapidement et plus efficacement à la ferme.

« Devant l'urgence du changement climatique, nous avions besoin d'une approche qui nous permettrait de trouver des solutions novatrices beaucoup plus rapidement. Une approche qui nous aiderait à éliminer les cloisonnements qui isolent les sciences biophysiques et sociales, tout en mettant les agriculteurs au premier plan », affirme François Chrétien, coprésident du Forum et directeur délégué de la Division des laboratoires vivants d'Agriculture et Agro‑alimentaire Canada (AAC).

AAC a présenté cette approche pour la première fois lors du G20 en 2018 — il y a un peu plus de cinq ans.

« Nous avons pris un risque en mettant en œuvre quelque chose de nouveau sans savoir exactement comment cela s'appliquerait dans la pratique », révèle François.

Le risque en a valu la peine. Depuis, l'approche des laboratoires vivants est utilisée pour stimuler le changement et l'innovation pour des systèmes agroalimentaires de partout dans le monde. L'Union européenne est sur le point d'entreprendre deux projets de taille inspirés du travail initial d'AAC.

« Ce qui est formidable avec les laboratoires vivants, c'est le caractère unique de l'approche utilisée pour regrouper la recherche et l'innovation, affirme Aman Deep, directeur de la recherche, du développement et du transfert de technologie, qui s'est récemment joint à la Division des laboratoires vivants d'AAC. Elle favorise la mise au point d'un système agricole et agroalimentaire viable sur le plan environnemental, social et économique. »

Pour dresser le bilan des défis et des leçons retenues ainsi que pour encourager les collaborations entre les laboratoires vivants, AAC a fait équipe avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) de la France pour organiser le premier Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes (IF‑ALL). Tenu au Palais des congrès à Montréal, Québec du 4 au 6 octobre et s'inscrivant dans la série de conférences Adaptation Futures 2023, l'IF‑ALL a accueilli plus de 240 participants d'au moins 18 pays différents, tant en personne qu'en ligne.

« La réponse à nos appels de présentateurs et de participants a dépassé de loin nos attentes, affirme François. Cette réussite montre l'ampleur du pouvoir transformateur des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes et de l'intérêt qu'il suscite depuis que nous avons introduit le concept il y a plus de cinq ans. »

Les présentateurs et les participants ont tous activement fait part des résultats de leurs recherches, de leurs études de cas et des leçons tirées de leurs propres expériences avec les laboratoires vivants partout dans le monde.

« Les participants en étaient à différents stades de leur propre processus de laboratoire vivant — certains venaient de commencer, d'autres avaient plus d'expérience, affirme René Morissette, membre du comité organisateur et modélisateur des agroécosystèmes pour la Division des laboratoires vivants d'AAC. D'excellentes discussions ont pu avoir lieu, et les participants se sont entraidés en faisant part de leurs diverses expériences. »

Travailler à partir de la base

Le programme d'IF‑ALL portait sur quatre thèmes centraux : la promotion de l'innovation agricole, la transition vers des systèmes alimentaires durables, l'autonomisation des participants des laboratoires vivants et l'évaluation du succès.

« Un laboratoire vivant n'est pas un projet de recherche. Il s'agit d'un projet d'innovation appuyé par la recherche, affirme Chris McPhee, spécialiste de la gestion de l'innovation à AAC et membre du comité organisateur d'IF‑ALL. L'approche encourage l'innovation, c'est‑à‑dire le développement de nouvelles pratiques agricoles ou de pratiques améliorées, par exemple. Toutefois, l'innovation n'est rien si elle n'est pas adoptée. Un laboratoire vivant crée les conditions nécessaires pour mettre en commun des connaissances et encourager l'adoption à grande échelle des innovations par d'autres. »

En faisant participer les agriculteurs et les scientifiques à l'ensemble du processus, les laboratoires vivants dans les agroécosystèmes créent des solutions axées sur les besoins des agriculteurs et les réalités socioéconomiques. Ainsi, les solutions agricoles sont éprouvées sur le plan scientifique, abordables, réalisables et même socialement acceptables.

« C'est une chose de changer la pratique agricole, mais permettre ce changement représente un tout autre défi », ajoute Ann Lévesque, agente de l'innovation pour la Division des laboratoires vivants d'AAC et membre du comité organisateur d'IF‑ALL. C'est pourquoi les laboratoires vivants font appel à des partenaires comme les communautés et les fonctionnaires locaux, les organisations non gouvernementales et d'autres intervenants de l'agroalimentaire, par exemple. « Cette collaboration permettra éventuellement la réalisation d'un changement global. »

Lorsqu'on demande à des personnes de différentes disciplines et ayant différents points de vue de travailler ensemble, il faut du temps pour interagir, renforcer les relations et instaurer un climat de confiance. Les laboratoires vivants doivent concilier les rigueurs de la science et le caractère urgent du processus décisionnel dans le monde réel, tout en jonglant avec des objectifs à court et à long terme.

Tandis que le réseau national de laboratoires vivants d'AAC met actuellement l'accent sur des solutions pour l'agriculture, certains projets de laboratoires vivants dans d'autres pays tiennent compte de la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire dans son ensemble et sollicitent la participation de transformateurs agroalimentaires et de clients. Les principes fondamentaux sont les mêmes, mais les applications peuvent être différentes. Par exemple, un laboratoire vivant en Pologne s'est penché sur les innovations culinaires, rassemblant les points de vue des consommateurs, des entreprises alimentaires et des chercheurs pour trouver des moyens créatifs de promouvoir la durabilité et de réduire les répercussions environnementales dans les fermes et dans l'ensemble de la chaîne de valeur. Trois projets de laboratoires vivants en Allemagne cherchent à encourager des paysages agricoles respectueux des insectes au moyen d'un processus de création concertée fondée sur les principes agroécologiques. Ce travail est axé sur les besoins des agriculteurs tout en visant à freiner la perte de biodiversité à l'échelle du paysage.

Compte tenu des nombreux types de laboratoires vivants différents et du mélange de différentes disciplines, il n'y a pas d'approche unique pour évaluer la réussite, soit l'un des quatre principaux thèmes d'IF‑ALL.

« Nous avons tendance à utiliser des mesures quantitatives simples pour évaluer les programmes, par exemple le nombre de partenariats ou de publications, affirme François. Mais qu'en est‑il de la qualité des relations à long terme qui sont établies, ou d'un changement de mentalité ou de valeurs sociales? Ce dont nous avons besoin, ce sont d'évaluations à volets multiples qui vont au‑delà des indicateurs traditionnels. »

Un coup d'œil sur le terrain

Dans un véritable esprit de laboratoires vivants, le Forum international s'est terminé par une visite sur le terrain de la Ferme Cristallina, une ferme laitière et site de laboratoire vivant située à une heure de route à l'est de Montréal.

La visite sur le terrain a été organisée par l'Union des producteurs agricoles, une organisation qui représente 42 000 agriculteurs québécois et qui dirige un des deux laboratoires vivants de la province, et au sein du réseau national de laboratoires vivants d'AAC. La visite sur le terrain a offert aux participants une occasion unique de voir les pratiques agricoles novatrices élaborées conjointement, mises à l'essai et adoptées par les agriculteurs québécois.

« Les participants ont été vraiment impressionnés par les pratiques novatrices qu'ils ont vues, affirme René. Ils voulaient en apprendre davantage sur les défis auxquels les producteurs font face et comparer les pratiques utilisées au Canada avec ce qu'ils font dans leur propre pays. »

L'organisateur de la ferme, Michael Jeker, était l'un des producteurs qui a travaillé en étroite collaboration avec les chercheurs d'AAC pour continuer à optimiser ses diverses techniques de culture de couverture à la ferme. Grâce à son projet vivant, il a réussi à introduire de l'azote dans le sol de manière plus efficace et à accroître sa teneur en carbone.

Deux programmes. Une approche.

AAC a lancé ses quatre premiers laboratoires vivants dans le cadre de l'ancienne Initiative des laboratoires vivants en 2018 et a mis fin au programme en 2023.

S'appuyant sur la réussite du premier programme, AAC a ensuite lancé 14 nouveaux laboratoires vivants en 2022 et en 2023 pour former un réseau national sous le programme Solutions agricoles pour le climat — Laboratoires vivants. Représentant un investissement fédéral de 185 M$ sur 10 ans, le programme rassemble des agriculteurs, des chercheurs et d'autres partenaires afin d'élaborer des solutions permettant de séquestrer le carbone et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en créant des avantages supplémentaires pour la santé des sols, la qualité de l'eau et la biodiversité.

Un chef de file sur la scène internationale

Même si le prochain Forum international n'est prévu qu'en 2025, l'équipe d'AAC travaille déjà d'arrache‑pied. Ses membres s'affairent à déchiffrer les défis et les opportunités émergeants du Forum, tirent parti de cette lancée et cherchent des façons d'élargir la présence des laboratoires vivants partout dans le monde.

« Le Forum nous a permis d'effectuer du réseautage et de créer une synergie et de mieux comprendre les besoins, affirme François. Que pouvons‑nous faire pour aller de l'avant et aider la communauté internationale? Comment pouvons‑nous stimuler les laboratoires vivants ici au Canada et comment pouvons‑nous mieux les évaluer? Nous utiliserons toute cette information pour améliorer ensemble l'approche des laboratoires vivants. »

François a animé une discussion internationale sur les laboratoires vivants à la COP28 tenue à Dubaï quatre mois après l'IF‑ALL. Ce qu'il a vu et dit n'a fait qu'accentuer l'importance de l'approche des laboratoires vivants pour la sécurité alimentaire mondiale.

« En bref, les tendances actuelles en matière d'émissions de gaz à effet de serre des systèmes alimentaires rendront impossible l'atteinte des objectifs de l'Accord de Paris, mentionne François. En amplifiant les efforts de codéveloppement et d'adoption de pratiques agricoles novatrices, les laboratoires vivants dans les agroécosystèmes ont un rôle clé à jouer pour aider à atteindre l'objectif ambitieux de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5°C. »

La COP28 a été la première dans l'histoire de la COP à reconnaître le rôle essentiel de l'agriculture dans le contexte du changement climatique avec une « Journée alimentation, agriculture et eau ». À la fin de l'événement, 159 nations ont signé la Déclaration sur l'agriculture durable de la COP28, s'engageant toutes à accroître leur travail dans la protection des systèmes alimentaires et des communautés agricoles tout en conservant et en restaurant la nature.

« L'agriculture est à l'avant‑plan, et elle brille plus que jamais, affirme François. L'agriculture a peut‑être été considérée comme un problème climatique dans le passé, mais aujourd'hui, elle est vue comme une solution climatique. En continuant de promouvoir, d'appuyer et d'élargir les laboratoires vivants à l'échelle mondiale, nous pouvons utiliser cette approche axée sur la collaboration pour transformer les ententes internationales en mesures concrètes. »

Entretemps, l'équipe des laboratoires vivants d'AAC continuera à communiquer tout ce qu'elle a appris à la communauté mondiale, notamment lors de la Landscape Conference à Berlin en septembre 2024.

« Il est important de ne pas retomber dans les approches traditionnelles, où nous ne faisons que démontrer les pratiques agricoles, conclut François. Le changement réel se fera par l'innovation, c'est‑à‑dire au moyen de nouvelles pratiques et de pratiques améliorées élaborées et peaufinées avec la collaboration des agriculteurs, des scientifiques et d'autres partenaires. Voilà en quoi consiste un laboratoire vivant. »

Partenariats internationaux

Les laboratoires vivants dans les agroécosystèmes d'AAC continuent de susciter l'attention à l'échelle internationale. L'équipe travaille avec des partenaires de partout dans le monde pour faire état des leçons et des défis, et peaufiner l'approche des laboratoires vivants, notamment :

Pour en savoir plus sur les laboratoires vivants.

Des personnes se rassemblent autour d'un présentateur en plein air.
Les participants à l'IF‑ALL ont été en mesure de voir les pratiques novatrices élaborées conjointement et mises en œuvre par les agriculteurs québécois.
Les organisateurs de l'événement sourient à la caméra.
AAC et l'INRAE se sont réunis pour organiser conjointement le premier Forum international des laboratoires vivants dans les agroécosystèmes.
Les participants assis écoutent le présentateur dans la salle de conférence.
L'IF‑ALL a accueilli plus de 240 participants de partout dans le monde, en personne et en ligne.
 

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