Optimiser l'efficacité du pulvérisateur pour améliorer la lutte contre les thrips de l'oignon

Phytoprotection durable - Résultats du Programme de réduction des risques liés aux pesticides

Contexte

Le thrips de l'oignon (Thrips tabaci Lindeman) est un organisme nuisible qui cause des dommages économiques dans les cultures d'oignons à l'échelle mondiale. Il est le principal organisme nuisible de ces cultures au Canada. Il se nourrit en perçant et en râpant les tissus foliaires et en prélève le contenu cellulaire, ce qui laisse les plantes vulnérables aux maladies. Comme les pertes peuvent s'élever à plus de 40 % de la récolte au cours des mois chauds et secs, les producteurs font de deux à dix traitements insecticides par saison de croissance.

Même si l'élimination des thrips au moyen d'insecticides est relativement facile, les plants peuvent tout de même connaître de fortes infestations, car des populations locales peuvent se multiplier de manière exponentielle en très peu de temps. L'augmentation rapide des populations de thrips est aussi causée par la migration des insectes d'un champ à l'autre. Les thrips ont tendance à se rassembler entre les nouvelles feuilles d'oignon, profondément dans les aisselles des feuilles, comportement qui les protège de l'environnement, des prédateurs et des pulvérisations. Selon certaines études, seulement de 1 % à 5 % des insecticides appliqués sur le feuillage atteindraient leur cible. Voilà pourquoi la lutte contre les thrips de l'oignon est une grande préoccupation pour les producteurs d'oignons.

Figure 1. Dommages causés par le thrips de l'oignon
La description de cette image précède.

Image par Jennifer Allen

L'objectif de ce projet était d'améliorer la portée des insecticides actuellement homologués de manière à ce qu'ils atteignent l'aisselle des feuilles internes des oignons, condition essentielle pour maximiser leur efficacité et réduire au minimum leurs rejets dans l'environnement. Ceci est particulièrement important dans le cas des pesticides à risque réduit dont le spectre d'activité est plus étroit. Le projet consistait à déterminer les paramètres de pulvérisation qui maximisent le contact des insecticides avec leur cible, en déterminant notamment le volume de solution vectrice, l'agent tensioactif et l'angle des buses les plus efficaces. Des pesticides à risque réduit ont également été évalués afin d'obtenir des données pour une éventuelle homologation. Il est important de disposer de nouveaux pesticides non seulement pour des raisons économiques et écologiques, mais aussi pour la gestion de la résistance des thrips de l'oignon aux pesticides, qui a été observée dans certaines populations de thrips de l'oignon en Amérique du Nord.

Essais de pulvérisation visant à définir les facteurs qui influencent la portée des pesticides

De 2007 à 2009, on a réalisé des essais de pulvérisation sur des sols organiques de la région de Holland Marsh (Ontario) pour comparer l'efficacité de différents angles de pulvérisation, produits tensioactifs et volumes d'eau à pénétrer à l'intérieur du feuillage et à atteindre l'aisselle des feuilles internes des oignons. La couverture de pulvérisation des traitements a été évaluée au moyen de papier hydrophile et du Tinopal, colorant à fluorescence ultraviolette (UV). Le papier hydrophile a été mis en place dans les parcelles avant les pulvérisations en plaçant de grands rectangles de papier en position verticale entre les deux plus jeunes feuilles des oignons. Du colorant fluorescent a été dissous dans la solution à pulvériser. Les applications ont été faites au moyen d'un pulvérisateur porté sur tracteur. On a comparé des solutions insecticides diluées dans des volumes d'eau de 400 L, de 500 L et de 600 L d'eau/ha et des solutions avec et sans agent tensioactif (Sylgard 309) ainsi que des applications où les buses du pulvérisateur étaient réglées à un angle de 0° et de 22°. Les papiers hydrophiles et les oignons ont été recueillis une fois séchés. On a photographié les oignons sous éclairage UV et balayé les papiers au moyen d'un scanneur. On a ensuite analysé les images obtenues au moyen du logiciel ASSESS (Image Analysis Software for Plant Disease Quantification) pour déterminer le pourcentage de couverture des surfaces.

Figure 2. Essais de couverture de pulvérisation : application d'insecticides au champ
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Image par Jennifer Allen

Figure 3. Orientation des buses du pulvérisateur : à la verticale et à un angle de 22°
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Image par Jennifer Allen

Résultats

L'examen des papiers hydrophiles a révélé que la quantité de solution qui atteint la cible (aisselle des feuilles internes) augmente à mesure qu'augmente la quantité d'eau utilisée (500 L/ha et 600 L/ha par rapport à 400 L/ha), qu'importe l'angle de pulvérisation, et ce, chaque année du projet. En tenant compte à la fois de l'angle des buses, du volume d'eau et de l'agent tensioactif, les meilleurs résultats obtenus ont été constamment ceux avec un angle des buses à 22°. Les traitements les plus efficaces ont été les suivants : un volume d'eau de 600 L/ha (2007) avec l'agent tensioactif Sylgard 309; un volume d'eau de 500 L/ha (2008) sans agent tensioactif; un volume d'eau de 600 L/ha (2009) sans agent tensioactif. Comme la surface du papier hydrophile est absorbante, la couverture de pulvérisation a été la même qu'il y ait ajout d'agent tensioactif ou non, donc l'avantage d'ajouter un agent tensioactif à la solution à pulvériser ne peut être démontré que sur les feuilles.

Figure 4. Des images de papiers hydrophiles balayés au scanneur montrent la couverture de pulvérisation obtenue au moyen de trois différents volumes de pulvérisation. De gauche à droite : 400 L/ha; 500 L/ha; 600 L/ha
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Image par Jennifer Allen

En examinant la surface des feuilles d'oignon, on note que, sans égard à l'angle des buses, l'agent tensioactif Sylgard 309 donne une meilleure couverture de pulvérisation que l'utilisation d'eau sans agent tensioactif. De plus, un volume de pulvérisation de 500 L/ha ou de 600 L/ha permet d'obtenir une meilleure couverture qu'un volume de 400 L/ha. Pour chaque année du projet, les meilleurs résultats ont été obtenus par la combinaison de Sylgard 309 avec des buses réglées à un angle de 22° dans un volume d'eau de 500 L/ha (2007), de 600 L/ha (2008) et de 600 L/ha (2009).

Tableau : Essais au champ effectués de 2007 à 2009 visant à évaluer la couverture de pulvérisation des feuilles d'oignon en fonction de l'angle des buses, de l'ajout d'un agent tensioactif et de volumes d'eau au moyen d'un colorant fluorescent ultraviolet, le Tinopal CBS-X.

Des tests statistiques ont été effectués distinctement pour chaque année des essais. Des lettres différentes indiquent des différences significatives (P<0,05).

  % de couverture moyenne
Angle des buses à 0° Angle des buses à 22°
2007 2008 2009 2007 2008 2009
Agent tensioactif Eau seulement 3,0 a 4,2 a 7,5 a 3,5 a 4,7 a 9,8 a
Sylgard 6,6 b 8,1 b 21,6 b 13,6 b 9,1 b 26,7 b
Volume d'eau 400 L/ha 1,8 a 4,8 a 13,8 a 4,9 a 4,7 a 17,0 a
500 L/ha 4,9 b 6,8 b 13,3 a 10,1 c 7,5 b 17,8 a
600 L/ha 6,1 b 6,8 b 16,5 a 7,6 b 8,5 b 20,3 a
Volume d'eau × agent
tensioactif
400 L/ha d'eau seulement 1,9 a 3,2 a 6,3 a 1,4 a 4,0 c 12,2 c
500 L/ha d'eau seulement 3,7 b 4,1 ab 6,9 a 3,7 ab 5,6 c 9,6 c
600 L/ha d'eau seulement 3,5 b 5,2 ab 9,1 a 5,3 b 4,5 c 7,5 c
400 L/ha d'eau + Sylgard 2,5 ab 6,3 b 21,3 b 12,2 c 5,4 c 21,8 b
500 L/ha d'eau + Sylgard 7,6 c 9,6 c 19,6 b 19,5 d 9,4 b 23,2 b
600 L/ha d'eau + Sylgard 9,7 c 8,3 bc 23,9 b 9,3 c 12,4 a 39,5 a

Selon ces résultats, les trois paramètres étudiés (volume d'eau, agent tensioactif et angle des buses) ont une incidence sur la couverture de pulvérisation, et le volume d'eau est le facteur le plus déterminant.

Selon les conditions locales, un producteur peut ne pas être en mesure de modifier ces trois paramètres. S'il n'est pas possible d'utiliser un agent tensioactif, il peut être souhaitable d'augmenter le volume d'eau afin d'améliorer le contact du produit avec la surface cible. À l'inverse, lorsque l'eau est le facteur limite, l'ajout d'un agent tensioactif peut augmenter la couverture de pulvérisation, même si le volume d'eau est faible.

Par ailleurs, il est avantageux de pulvériser l'insecticide tôt le matin ou tard le soir (après le coucher du soleil). Le matin, la rosée facilite la pénétration de la solution jusqu'à l'aisselle des feuilles, endroit où les thrips ont tendance à se tenir. Le soir, les températures fraîches améliorent l'efficacité des pyréthroïdes.

On a également évalué l'efficacité d'insecticides à risque réduit homologués et non homologués contre le thrips de l'oignon. Des matières actives qui se sont avérées efficaces (spinétorame, cyantraniliprole) sont en cours d'homologation dans le cadre du Programme des pesticides à usage limité d' AAC . Si des insecticides plus efficaces sont offerts aux producteurs d'oignon, ces derniers pourront réduire le nombre de traitements par saison tout en gardant les populations de thrips sous un seuil acceptable et en s'assurant de produits de qualité commercialisable, ce qui constitue un avantage pour eux (réduction des coûts de la lutte dirigée) ainsi que pour l'environnement et la santé humaine, autant d'objectifs que maintient AAC par le truchement du Programme de réduction des risques liés aux pesticides.

Au sujet du Programme de réduction des risques liés aux pesticides d'Agriculture et Agroalimentaire Canada

L'équipe de réduction des risques liés aux pesticides offre aux producteurs canadiens des solutions viables pour réduire les risques liés aux pesticides dans l'industrie agricole et agroalimentaire. L'équipe accomplit cet objectif en finançant des projets de lutte intégrée et en coordonnant des stratégies de réduction des risques liés aux pesticides élaborées en consultation avec les intervenants et les experts en lutte antiparasitaire. D'autres fiches d'information sur la protection durable des cultures sont disponibles. Pour plus d'informations, veuillez visiter le Centre de la lutte antiparasitaire.