Érosion des sols
L'érosion désigne l'usure de la surface de la terre sous l'action du vent, de l'eau et de la gravité. Il s'agit d'un processus naturel qui façonne le paysage qui nous entoure. L'utilisation des terres par l'homme pour l'agriculture, la foresterie et les moyens de transport a accéléré ce processus d'usure. L'accélération de l'érosion s'est produite dans toutes les régions agricoles du Canada.
L'érosion et le ruissellement sur les terres agricoles ont une incidence sur la qualité de l'eau de surface et sur la qualité de l'eau souterraine aussi bien que sur la productivité agricole. Pour un aperçu de ces enjeux et les solutions, veuillez consulter :
Conséquences de l'érosion
Les pertes de sol des terres agricoles peuvent avoir de graves répercussions sur l'environnement en plus de réduire la productivité des sols.
Les poussières soulevées par l'érosion éolienne nuisent à la qualité de l'air et, dans les cas extrêmes, peuvent réduire la visibilité, ce qui se traduit par des conditions de conduite dangereuses et d'éventuels impacts sur la santé humaine. Les 14 et 15 mai 1984, la visibilité a été réduite à moins de un kilomètre sur 155 400 km2 des Prairies (Anderson, 1984). Les pratiques agricoles dans les Prairies ont évolué depuis 1984, réduisant ainsi la gravité de l'érosion éolienne, même si des tempêtes de poussière localisées surviennent toujours en période de sécheresse.
Les sédiments résultant de l'érosion hydrique provoquent la turbidité de l'eau dans les cours d'eau et les lacs, et l'accumulation de sédiments dans le temps risque de réduire le volume des lacs et des réservoirs. Les éléments nutritifs des végétaux et les pesticides dissous dans les eaux de ruissellement et liés aux particules de sol érodées peuvent polluer les eaux de surface et nuire aux organismes vivants. Le phosphore est particulièrement préoccupant étant donné qu'il peut stimuler la croissance des algues, à tel point qu'une bonne partie de l'oxygène dont ont besoin d'autres organismes risque de disparaître de l'eau à cause des algues à croissance rapide.
La baisse de productivité d'un sol attribuable à l'érosion peut être importante. Cela peut découler tout simplement de l'amincissement de la couche de sol sur la roche, ce qui réduit le volume disponible pour les racines des végétaux. Il est plus courant que les rendements culturaux soient réduits par la perte d'éléments nutritifs des végétaux et que les propriétés physiques du sol soient dégradées, notamment le croûtage du sol et la réduction de la capacité de rétention de l'eau. Par ailleurs, cela augmente la variabilité des sols, ce qui se traduit par des cultures éparses difficiles à gérer et qui n'ont généralement pas un bon rendement.
La terre végétale, qui est la couche du sol la plus fertile, est la plus vulnérable à l'érosion et c'est elle qui disparaît en premier; par ailleurs, les mécanismes d'érosion éliminent de préférence la matière organique du sol, l'argile et les substances limoneuses fines. L'association de perte de terre végétale et de fractions plus fines du sol peut avoir de graves conséquences sur les rendements culturaux. Larney et al. (1995) affirment que l'élimination d'une certaine couche de terre végétale peut réduire de les rendements de cultures non fertilisées de 4 sols sur 6 en Alberta. Dans la plupart des cas, l'épandage supplémentaire d'engrais peut neutraliser les conséquences de l'érosion sur la fertilité du sol, mais cela représente une dépense supplémentaire pour l'agriculteur. L'épandage supplémentaire fait peut pour neutraliser les conséquences physiques de l'érosion sur la productivité d'un sol.
Érosion hydrique
L'érosion hydrique menace la productivité des sols sur la plupart des terres cultivées annuelles au Canada. Elle résulte de la pluie qui s'abat sur la surface d'un sol insuffisamment protégé et de l'action de l'eau de ruissellement lorsque le débit de l'eau d'écoulement est suffisamment fort pour creuser des rigoles dans le sol.
En règle générale, si l'on constate la présence d'érosion hydrique, c'est qu'on est sans doute en butte à un problème. En effet, le sol est au mieux une ressource qui se renouvelle lentement et qui, une fois perdu, donne un champ qui ne sera pas aussi productif pendant de nombreuses années. Avec le temps, même de petites pertes de sol s'accumulent pour réduire le rendement.
Il existe plusieurs formes d'érosion hydrique. L'érosion en nappe est causée par l'impact des gouttes de pluie qui enlèvent une mince couche de sol. On parle d'érosion en rigoles lorsqu'une quantité suffisante d'eau de ruissellement s'accumule pour former de petits canaux de jusqu'à 15 centimètres de profondeur à la surface du sol. Les rigoles peuvent soit suivre les canaux formés par le matériel aratoire, soit former un motif dendritique, qui ressemble aux branches d'un arbre. Des ravins se forment aux confluents des rigoles, ce qui se traduit par un écoulement plus concentré qui s'incruste plus profondément dans le sol. Il est possible de niveler les rigoles par le travail du sol, tandis que les ravins nécessitent un nivellement. Les ravins se forment généralement au même endroit une année après l'autre et, s'ils ne sont pas réparés, ils risquent de perturber les activités culturales.
Les tempêtes de pluie qui provoquent l'érosion des sols sont particulièrement fréquentes sur le littoral de la Colombie-Britannique, dans le centre du Canada et dans le Canada atlantique. La pluie qui s'abat sur un sol en dégel peut provoquer une grave érosion, en particulier à l'Île du Prince Édouard. En dépit du fait que les Prairies reçoivent moins de précipitations que le reste du Canada, l'érosion hydrique peut y être un problème à l'occasion en raison de la fonte des neiges et des violents orages l'été.
De nombreux facteurs interagissent pour déterminer la gravité de l'érosion hydrique :
- intensité, quantité et moment des chutes de pluie;
- rythme de fonte des neiges;
- facteurs pédologiques comme texture du sol, stabilité structurale, rugosité de la surface, taux d'infiltration et teneur en humidité;
- longueur et déclivité d'une pente;
- zone d'où provient l'eau de ruissellement;
- protection offerte par les cultures en croissance et les résidus de cultures antérieures;
- efficacité de toute méthode de conservation des sols comme les voies d'eau gazonnées et les terrasses.
Cela a pour résultat que l'érosion hydrique peut être éminemment variable dans un champ et dans le temps. Il faut faire preuve d'une vigilance sans relâche pour assurer la productivité du sol.
Pour lutter contre l'érosion hydrique, on utilise les résidus de cultures ou les végétaux en croissance qui absorbent l'énergie des gouttes de pluie et réduisent ainsi l'énergie coupante de l'eau de ruissellement. La quantité de matières végétales nécessaires dépend de l'intensité des chutes de pluie, du volume d'eau de ruissellement, de l'état du sol, du type et de la répartition des résidus et de la configuration de la pente. Les conditions varient beaucoup au Canada, même dans les limites d'un même champ; mais, généralement, sur les pentes de 6 à 9 %, on recommande environ de 800 à 1 150 kilogrammes l'hectare (de 700 à 1 000 livres l'acre) de résidus céréaliers plats. Cela représente entre 35 et 50 % du sol recouvert de résidus, ce qui, dans de nombreuses situations de culture continue, nécessite l'adoption de pratiques de travail réduit du sol. Le semis direct ou la culture sans travail du sol est généralement nécessaire pour maintenir la couverture végétale de 50 à 70 % recommandée sur les pentes entre 10 et 15 %. Les pentes nettement supérieures à 15 % ne sont pas recommandées pour les cultures agricoles annuelles. Il est conseillé d'adopter un plan de conservation, établi par un ingénieur agronome local, un technicien en conservation ou un ingénieur agricole, afin de lutter contre l'érosion hydrique.
Lorsque les conditions culturales ou autres conditions empêchent de maintenir les niveaux recommandés de résidus de culture, il faut alors d'autres pratiques comme les cultures couvre sol, l'épandage de résidus, la culture en bandes et l'aménagement de terrasses pour lutter contre l'érosion hydrique. Là où l'eau de ruissellement s'accumule, il est possible d'empêcher la formation de ravins en ajoutant des résidus supplémentaires ou en procédant au double ensemencement, mais, en général, une voie d'eau gazonnée est nécessaire. À nouveau, il est souhaitable de faire appel aux conseils d'un spécialiste local.
Érosion éolienne
L'érosion éolienne touche le plus fréquemment les sols dans les Prairies, mais le vent peut également entraîner des problèmes sur les sols sablonneux de l'Ontario et, durant l'hiver, sur les champs exposés de l'Île-du-Prince-Édouard. Les sols tourbeux peuvent également être touchés.
Il y a érosion éolienne lorsque des vents violents soufflent à la surface d'un sol lisse, exposé, aéré et sec. Selon la situation, la vitesse du vent nécessaire à l'érosion des sols minéraux varie entre 25 et 50 km/h mesurée à 30 centimètres au-dessus de la surface du sol. Les particules de sol d'un diamètre entre 0,1 et 0,5 millimètres sont les premières à être soufflées. La pression du vent les fait vibrer et, si leur fréquence de résonance est atteinte, elles sont emportées par l'écoulement du vent. La gravité ramène rapidement ces particules sur le sol mais, en attendant, elles ont acquis une énergie considérable grâce au vent et elles percutent la surface du sol en délogeant d'autres particules. Le processus porte le nom de saltation et évoque de très près une réaction de chaîne atomique. Une fois quelques particules de sol en mouvement, le processus d'érosion se propage très rapidement. Les petites particules de sol et les agrégats déplacés par ces collisions sont emportés par des tourbillons de vent, où ils forment des nuages de poussière qui peuvent être transportés sur des milliers de kilomètres. Les agrégats d'un diamètre entre 0,5 et 1 millimètres ne vont généralement pas très loin. Ils sont aplatis par l'impact des particules en saltation et la pression du vent. La saltation évoque de très près le sablage et peut être très dommageable pour le sol et les cultures en croissance.
L'érosion éolienne cesse lorsque le vent tombe, que toutes les particules lâches ont été éliminées ou que le sol mouillé, compacté ou gelé est exposé à la surface. Il est toutefois arrivé au Canada que le sol sur toute la profondeur de travail du sol ait été éliminé. Lorsque la vitesse du vent tombe, les particules de sol lâches se déposent à la surface du sol. Cela rend un champ particulièrement vulnérable à l'érosion, à moins qu'une averse de pluie n'entraîne son croûtage ou qu'une opération de travail du sol rende la surface plus rugueuse.
Les sols tourbeux, qui sont beaucoup moins denses que les sols minéraux, subissent beaucoup plus facilement l'érosion du vent. L'érosion éolienne des sols tourbeux n'a guère retenu l'attention au Canada, et l'ampleur du problème sur les sols agricoles n'a pas été établie. Les sols tourbeux sont fréquemment humides à la surface ou près de la surface, ce qui limite la quantité de matières qui peuvent être éliminées. Il n'en reste pas moins que les sols tourbeux peuvent être emportés par le vent, ce qui provoque des nuages de poussière spectaculaires et la dégradation de cette ressource précieuse.
Des vents suffisamment violents pour provoquer l'érosion éolienne sont un phénomène de l'existence dans de nombreuses régions agricoles du Canada. Dans la plupart des cas, il y a suffisamment de végétation et de paille pour empêcher l'érosion. Toutefois, le travail intensif du sol expose les sols, et la production de végétation peut être nettement réduite durant les périodes prolongées de sécheresse. Dans ces cas, si le sol est sec et lâche, il s'érode.
Toutes les formes d'érosion réduisent la productivité du sol en raison de la perte d'éléments nutritifs des végétaux, de la matière organique du sol, d'une réduction de la disponibilité d'eau pour la croissance des cultures et, en définitive, d'une limitation du volume de sol disponible pour la croissance des racines.
Le décapage des végétaux en croissance est un phénomène propre à l'érosion éolienne. Il entraîne des pertes de rendement et de qualité. Les végétaux ont une tolérance variable, les végétaux à petits grains étant relativement tolérants à l'abrasion résultant d'un phénomène d'érosion éolienne de 11 tonnes/hectare. Le maïs, le soja et la luzerne parvenue à maturité ont une tolérance modérée, les légumes ont une tolérance faible à très faible et les semis de luzerne et de betteraves à sucre ont une très faible tolérance à l'abrasion. Les semis sont en général les plus durement touchés par le décapage, et il se peut même que, dans certains cas, il faille réensemencer.
La lutte contre l'érosion éolienne est généralement fondée sur la protection offerte par les résidus de cultures ou les cultures en croissance; il faut en général environ 1 200 kilogrammes l'hectare (1 000 livres l'acre) de paille. Les résidus à petits grains sont plus efficaces que les résidus d'oléagineux et que la canne de maïs. Les résidus sur pied et ancrés ont quatre fois plus d'efficacité que les résidus plats pour lutter contre l'érosion. Les cultures en croissance contribuent efficacement à lutter contre l'érosion éolienne dès lors qu'il y a suffisamment de matière pour absorber la force du vent. Le semis direct à faible dérangement et la jachère chimique contribuent à maintenir un volume suffisant de résidus pour lutter contre l'érosion éolienne dans la plupart des situations.
Dans les cas où l'on a recours au travail intensif du sol, on peut utiliser des pratiques comme la culture en bandes, les brise-vent et les barrières annuelles pour lutter contre l'érosion. L'érosion commence à la périphérie des champs qui ont fait l'objet d'un travail intensif du sol, là où il y a des foyers de sols sablonneux, là où le vent est pris en entonnoir ou au sommet des crêtes ou des coteaux. Ces secteurs réclament une vigilance accrue pour lutter contre l'érosion éolienne. Il est conseillé de faire appel à un agronome local ou à un technicien en conservation pour concevoir et orienter la mise en œuvre d'un plan de conservation des sols afin de lutter contre l'érosion éolienne.
Travail du sol
Semis direct et culture sans travail du sol
Le semis direct, la culture sans travail du sol et les pratiques d'ensemencement analogues qui dérangent peu les sols procurent de nombreux avantages tout en présentant des difficultés de gestion exceptionnelles. Apprenez-en davantage au sujet de la façon dont les agriculteurs ont adopté ces pratiques et en ont profité, et comment ils les aménagent pour s'adapter aux difficultés de gestion qui ne cessent de changer.