Code de projet : PRR07-090
Chef de projet
Gaétan Bourgeois - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Élaborer et valider un système intégré permettant de gérer le charançon de la carotte et la mouche de la carotte; démontrer son efficacité et aider les producteurs de carottes à adopter ce système
Sommaire de résultats
Contexte
Au Canada, le charançon de la carotte (Listronotus oregonensis) et la mouche de la carotte (Psila rosae) causent d'importantes pertes économiques dans toutes les régions productrices de carottes. Au milieu des années 1980, des modèles prévisionnels ont été élaborés pour ces deux insectes nuisibles en utilisant un nombre limité d'observations. Depuis, plusieurs jeux de données ont été recueillies. Des changements survenant dans la dynamique des populations indiquent que des dommages sur la carotte pourraient être attribués à une deuxième génération du charançon et que le cycle biologique de la mouche de la carotte pourrait avoir évolué avec le temps.
Le présent projet de trois ans (2007-2010) visait la mise à jour des modèles existants à des nouveaux jeux de données sur ces insectes ravageurs, afin de tenir compte des changements survenant dans la dynamique de leurs populations et, à permettre aux producteurs canadiens des régions productrices de carottes d'adopter ces outils.
Méthodes
Les données utilisées sont recueillies à la ferme expérimentale d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) à Sainte-Clotilde (Québec) entre 1983 et 2009 sur ces deux ravageurs, ainsi que les données climatiques enregistrées sur ce site pour la même période ont permis l'élaboration de modèles bioclimatiques basés sur l'approche des cumuls thermiques (degrés-jours).
Charançon de la carotte : Des données ont été recueillies sur deux parcelles semées en carottes au début du mois de mai de chaque année du projet. Les pratiques agronomiques normales ont été respectées sauf qu'aucun insecticide n'a été appliqué dans ces parcelles. Dès la fin avril, 3 pièges à charançons de type « trappes en plaques de bois » ont été placés à 2 mètres du bord de la parcelle et 3 autres à l'intérieur de la parcelle. Les pièges ont été relevés deux fois par semaine jusqu'à la mi-septembre en comptant le nombre de charançons adultes qui s'y trouvaient.
Mouche de la carotte : Des données ont été recueillies dans les mêmes parcelles que pour le charançon. Les pièges de type « cartons jaunes » étaient installés entre le 10 et le 15 mai de chaque année du projet, en bordure des champs à une hauteur de 1 m et espacés de 5 m. Les relevés étaient effectués deux fois par semaine jusqu'à la fin de la saison en comptant le nombre de mouches de la carotte adultes qui s'y trouvaient.
Les données recueillies ont ensuite été utilisées pour élaborer les modèles bioclimatiques de chaque insecte ravageur, ainsi qu'à évaluer leur valeur prédictive. La validation des modèles de prédiction a eu lieu dans certains champs commerciaux de carottes en comparant des observations de captures et des prédictions des modèles. Les données météorologiques en provenance des stations météorologiques respectives ont servi à cette validation. Pour le charançon, la validation a eu lieu dans les régions de Lanaudière (Québec) et de Bradford (Ontario) pour les périodes de 1995 à 2010 et de 2005 à 2008, respectivement. Pour la mouche de la carotte, la validation a eu lieu dans la région de Bradford pour la période de 2005 et 2008.
Résultats
Sur l'ensemble, les analyses des comparaisons entre les prédictions et les observations démontrent une amélioration du potentiel prédictif des modèles bioclimatiques vu qu'une vingtaine d'années d'observations ont été utilisées pour élaborer ceux-ci.
Charançon de la carotte : Les statistiques comparatives obtenues pour les seuils de 5, 50 et 95 % de population du charançon indiquent que l'écart entre l'observation et la prédiction du modèle est en moyenne de 3,7 jours. De plus, la statistique d'efficience du modèle indique que le modèle a une meilleure valeur prédictive que l'utilisation de la moyenne des observations. Ce ravageur complète généralement une génération par année. Occasionnellement, une 2ème génération du charançon peut être atteinte pendant la saison de croissance et causer des dommages à la culture. Malheureusement, le piège utilisé au cours de ces expériences n'a pas permis d'accumuler assez de données pour pouvoir caractériser cette génération. En effet, le type de piège utilisé fonctionne bien pour la 1ère génération puisqu'il offre une source d'alimentation et un site de ponte aux charançons à un moment où les carottes sont au début de leur développement. Au moment où la 2ème génération d'adultes émerge, les carottes sont presque matures et les charançons sont beaucoup moins attirés par les pièges. Cette étude s'est donc limitée à la modélisation de l'émergence des adultes hivernants (1ère génération) du charançon.
Mouche de la carotte : Ce ravageur complète généralement deux générations par année et les pièges utilisés semblent assez efficaces pour un suivi adéquat des populations d'adultes. Le modèle fournit une bonne prédiction pour la 1ère génération de l'insecte. En effet, l'écart entre les observations et les prédictions du modèle se situe autour de 6 jours pour cette génération, alors qu'on obtient près de 8,6 jours de différence pour la 2ème génération, donc moins précise de quelques jours. D'ailleurs, le modèle pour le cycle de vie de cette 2ème génération requiert environ 200 degrés-jours de plus que dans les études effectuées au début des années 1980, ce qui sous-entend que les mouches de la carotte demeurent actives plus longtemps à l'automne.
La validation des deux modèles à partir de données en provenance du Québec et Ontario a permis aussi de constater leur excellente capacité prédictive dans différentes régions, en autant que la date d'installation des pièges ou la date de semis est prise en compte. La date d'installation des pièges s'est avérée particulièrement importante pour l'utilisation du modèle du charançon de la carotte (préférablement le plus rapidement possible après le semis de carotte).
Les outils de prévision font partie d'un système intégré permettant de gérer le charançon et la mouche de la carotte, comprenant également des seuils de nuisibilité économique, des techniques de dépistage et des recommandations de lutte contre ces insectes. Les deux modèles développés au cours du présent projet ont été intégrés dans le logiciel CIPRA (Centre informatique de prévisions des ravageurs en agriculture), développé par l'équipe de recherche en bioclimatologie et modélisation d'AAC à Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), et disponibles aux producteurs de carottes au Canada par le biais des conseillers régionaux. Ces modèles bioclimatiques permettront aux producteurs de mieux cibler les interventions phytosanitaires contre ces ravageurs et d'éviter les applications inutiles de pesticides, contribuant ainsi à des décisions judicieuses en matière de lutte à la réduction des risques associés aux pesticides.
De nombreuses activités ont été effectuées dans un cadre de transfert technologique (p. ex. : publications, présentations aux conférences et affiches) pour communiquer les résultats du projet aux intervenants.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec Dr. Gaétan Bourgeois.