Élaboration d'un protocole d'essais de mutagénécité d'extraits de cultures fongiques

Code de projet BPI09-100

Chef de projet

Deena Errampalli - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Élaborer et valider un protocole d'essais de mutagénécité d'extraits de cultures fongiques aux fins de la réglementation et de la conception de produits

Sommaire de résultats

Contexte

De nombreux champignons sont utilisés dans des agents de lutte biologique contre les insectes nuisibles, les maladies et les mauvaises herbes dans le domaine agricole. En application de la réglementation exigeant l'homologation des pesticides microbiens qui contiennent des ingrédients fongiques actifs, il faut prouver que les ingrédients fongiques en question ne produisent pas de métabolites génotoxiques présentant un danger pour les consommateurs ou l'environnement.

Or, l’analyse approfondie de certains métabolites fongiques est assez coûteuse, et les données publiées qui permettraient de répondre aux exigences sont rares, car à peine quelques espèces de champignons ont été étudiées de ce point de vue. Cet état de choses pourrait mettre un frein à la commercialisation de nouveaux agents de lutte biologique prometteurs.

Ce problème pourrait être résolu par l’analyse d’extraits bruts ou de filtrats de cultures fongiques. Par l’intégration de l’analyse d’extraits ou de filtrats de cultures à des systèmes d’essai établis, on pourrait disposer d’un processus efficace pour déterminer si une souche fongique produit des substances génotoxiques présentant un danger pour l’être humain ou l’environnement.

Le présent projet, élaboré en consultation avec les responsables de la réglementation de la Section de l'évaluation des agents microbiens et des biochimiques de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), à Santé Canada, portait sur l’élaboration de méthodes pour la mise au point d’un protocole normalisé validé d’évaluation de la mutagénicité des cultures fongiques.

Approche

L’approche du projet reposait sur le test d’Ames, une épreuve biologique mise au point par Ames et al. dans les années 1970 pour l’évaluation de la mutagénicité des produits chimiques. Cette épreuve fait intervenir certaines souches bactériennes qui sont déficientes, en raison d’une mutation génétique, ce qui les rend incapables de se multiplier dans un milieu qui n’est pas enrichi en certains nutriments supplémentaires. Lorsque des cellules de ces souches bactériennes sont exposées à une substance mutagène, des mutations ayant pour effet de corriger ce défaut génétique surviennent chez certaines d’entre elles de sorte qu’elles peuvent se multiplier dans un milieu de culture non enrichi. Le nombre des bactéries se multipliant en milieu non enrichi peut être utilisé comme une mesure de la mutagénicité de la substance évaluée.

Les trousses perfectionnées de test d’Ames qu’on trouve maintenant sur le marché permettent de faire des analyses à grand débit et à coût relativement modeste. Ces trousses sont habituellement utilisées pour l’analyse de composés purifiés, mais elles peuvent aussi servir à évaluer des substances plus complexes. Dans le cadre du projet REBECA (anglais seulement), financé par l’Union européenne, elles ont été proposées comme outil de détection pour déterminer si les agents de lutte biologique fongiques produisent des métabolites génotoxiques ou mutagènes nécessitant un examen plus poussé pour les besoins de l’évaluation de risque exigée par la réglementation.

Nous avons analysé des filtrats et des extraits de culture de six champignons expérimentaux ainsi que de deux champignons témoins positifs et deux champignons témoins négatifs (c.-à-d. pour lesquels il est établi qu’ils produisent, ou ne produisent pas, de métabolites mutagènes) par la nouvelle méthode de fluctuation sur microplaques (MPF, pour microplate fluctuation protocol) de Xenometrix pour évaluer leur activité mutagène. Les métabolites secondaires produits dans les milieux de culture liquides ont été analysés tels quels, dans des filtrats ou des extraits obtenus avec des solvants tels que le dichlorométhane ou l’acétate d’éthyle.

Les témoins positifs étaient des champignons dont la production de métabolites mutagènes est avérée (Aspergillus flavus 63-67, qui produit des aflatoxines, et Metarhizium robertsii ASREF 2575, qui produit des composés mutagènes); de l’aflatoxine AFB1 pure a été utilisée comme témoin positif additionnel. Comme témoins négatifs, nous avons utilisé Penicillum camemberti (champignon depuis longtemps utilisé sans danger pour la fabrication de divers fromages comme le brie et le camembert) et une souche d’Aspergillus flavus 63-66 qui ne produit pas d’aflatoxines. Ces témoins ont servi à démontrer que l’épreuve permet de distinguer les espèces productrices de substances mutagènes de celles qui ne produisent aucun métabolite dangereux.

Les champignons expérimentaux étaient cinq souches employées comme agents de lutte antiparasitaire (Metarhizium anisopliae BIPESCO5, Beauvaria brogniartii BIPESCO2, Beauvaria bassiana ARSEF 5808, Trichoderma harzianum JAT1977 et Clonostachys rosea ACM941), et une souche de Fusarium graminearum, qui produit un métabolite toxique, le désoxynivalénol.

Les analyses ont été réalisées avec deux souches déficientes de Salmonella typhimurium qui servent à détecter l’activité de mutation avec décalage de cadre de lecture et l’activité de mutation ponctuelle associées à la transformation métabolique.

Résultats

Notre expérience a permis de démontrer qu’un test d’Ames commercial sur microplaque peut servir à différencier les souches de champignons produisant des métabolites mutagènes des souches qui n’en produisent pas.

Comme prévu, tous les échantillons d’aflatoxine AFB1, de même que les filtrats et les extraits de culture de la souche d’A. flavus 63-67 productrice d’aflatoxines, ont donné un résultat positif à la détection de l’activité mutagène.

Dans le cas de la souche M. robertsii ASREF 2575, réponse était était plus différenciée, la nature du milieu de culture, la souche expérimentale analysée et l’intervention ou non d’une transformation métabolique influant sur les résultats.

La souche de Fusarium graminearum analysée, qui produit du déosxynivalénol (DON, vomitoxine), était négative à la détection de l’activité mutagène par cette épreuve. Le désoxynivalénol n’est pas censé être mutagène.

Aucune activité mutagène n’a été mise en évidence par cette épreuve chez les témoins négatifs et les champignons utilisés comme agents de lutte antiparasitaire.

En résumé, nous avons élaboré et testé un protocole permettant de détecter les dangers possibles liés à la présence de substances mutagènes dans les filtrats et les extraits de cultures fongiques, ce qui a permis de confirmer que cette méthode peut servir à identifier les souches de champignons qui peuvent poser un risque pour l’être humain ou l’environnement si elles sont utilisées comme agents de lutte biologique.

Ces constatations pourraient se révéler utiles pour la mise au point de nouvelles souches à utiliser dans la lutte biologique ainsi que dans une optique de réglementation. Les chercheurs et les demandeurs d’homologation pourront se servir de notre méthode pour identifier, avant que le travail de mise au point ne soit trop avancé, les difficultés à résoudre pour que leur produit satisfasse à la réglementation. Dans un contexte de réglementation, notre méthode pourrait servir à confirmer ou à infirmer la production de métabolites mutagènes par un organisme présenté pour l’homologation comme agent de lutte biologique.

Le Centre de la lutte antiparasitaire a communiqué les résultats de ces travaux aux chercheurs de l’ARLA à Santé Canada, et formulera des recommandations sur les applications possibles du nouveau protocole validé pour l’évaluation réglementaire des agents antiparasitaires microbiens contenant des ingrédients actifs fongiques présentés pour homologation.