Code du projet : PRR17-010
Chef de projet
Julia Mlynarek - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Évaluer les dommages causés aux oignons cultivés par diverses espèces de mouches des racines du genre Delia et identifier les espèces les plus dommageables
Sommaire des résultats
Contexte
Les cultures de légumes racines qui sont pratiquées au Canada sont vulnérables aux attaques des mouches des racines (Delia platura, Delia florilega et Delia antiqua). Bien que l’on considère souvent que la mouche de l’oignon (D. antiqua) est le principal ennemi de l’oignon, des études récentes ont démontré que la mouche des semis (D. platura) et la mouche granivore du haricot (D. florilega) pourraient compter pour une plus large part des dommages causés par les mouches des racines que ce que l’on croyait auparavant. Ces larves de mouches sont nuisibles lorsqu’elles se nourrissent sur les semis et les bulbes d’oignon. Les stratégies de lutte employées actuellement pour lutter contre les mouches des espèces du genre Delia reposent sur l’utilisation de pesticides, mais il a été démontré que D. antiqua a développé une résistance au chlorpyrifos, le pesticide qui est le plus fréquemment utilisé contre ce ravageur. Les connaissances sur les espèces de Delia qui sont les plus dommageables dans les champs d’oignon sont aussi limitées par le fait qu’il est difficile d’identifier les mouches du genre Delia à l’espèce. L’acquisition d’une meilleure compréhension des espèces de mouches des racines qui sont dommageables aux oignons permettra d’élaborer des stratégies de lutte spécifiques aux espèces, et cela serait profitable pour l’industrie, car on pourrait ainsi cibler les contrôles au niveau de l’espèce et réduire l’utilisation de pesticides inefficaces.
La présente étude figure parmi les priorités d’action qui ont été établies dans la Stratégie de réduction des risques liés aux pesticides pour lutter contre les insectes nuisibles des carottes, des panais et des oignons. Elle s’appuie sur les travaux entrepris dans le cadre d’un projet PRR14-040 Étudier les facteurs déterminants de la fréquence et de l’importance des dommages causés par les espèces de mouches Delia dans les principales régions productrices d’oignons de l’Ontario, du Québec et des Maritimes précédent du Centre de la lutte antiparasitaire. Ce projet visait à déterminer quelles espèces sont les plus susceptibles de causer des dommages spécifiquement aux oignons, et à étudier des méthodes permettant d'identifier rapidement et précisément les espèces présentes dans les cultures.
Approches
Le projet consistait à évaluer dans des champs d’oignons du sud-ouest de l’Ontario (Harrow), du Québec et de la Nouvelle-Écosse quelles espèces de mouches du genre Delia sont présentes et déterminer l’importance de leurs dégâts. Les sites qui ont été dépistés au cours de la première année de l’étude (2017) étaient répartis ainsi : en Nouvelle-Écosse, cinq champs commerciaux d’oignons et un site au Centre de recherche et de développement de Kentville; au Québec, cinq champs d’oignons commerciaux; en Ontario, cinq champs commerciaux à Guelph et un site à la Station de recherche sur la culture de terres noires de l’Université de Guelph. En 2018, on a continué de suivre quatre champs d’oignons qui avaient été dépistés l’an dernier à Harrow et en Nouvelle-Écosse. Des pièges collants bleus ont été installés sur chacun des sites, dans le pourtour des champs pour attraper des mouches adultes du genre Delia. Les pièges ont été visités chaque semaine, du semis à la récolte. Lorsque des plants d’oignons semblaient attaqués (fanés ou rabougris), ils étaient arrachés et examinés pour voir si les bulbes contenaient des larves. Les larves trouvées étaient collectées et conservées dans une solution d’éthanol à 70 % à des fins d’identification ultérieure en laboratoire.
Des expériences ont été menées dans une chambre de croissance en serre pour suivre l’importance des dégâts (pourcentage de racines atteintes et gravité des dommages) lorsqu’on augmente le nombre de larves de D. antigua et de D. platura. Des expériences ont évalué les nombres de larves nécessaires pour endommager un oignon au stade plantule, lequel est le stade le plus vulnérable à une attaque et aussi le stade préféré des mouches femelles pour la ponte.
L’identification des adultes et des larves a été faite à l’aide de la clé d’identification des mouches du genre Delia qui a été établie par le laboratoire Savage de l’Université Bishops. Une méthode moléculaire a également été mise au point pour identifier les mouches Delia à l’espèce pour les besoins de ce projet.
Résultats
Parmi les adultes capturés sur les pièges collants, Delia platura était l’espèce prévalente, et ceci, tous les ans à tous les sites. À Harrow (Ont.), D. platura comptait pour plus de la moitié du total des adultes collectés. En Nouvelle-Écosse, les adultes capturés sur les pièges collants bleus étaient surtout D. platura, alors qu’il y avait très peu de D. antiqua. Dans les champs d’oignon du Québec, la principale espèce capturée à l’état adulte était Delia platura, suivi de Delia florilega. C’est la Station de recherche sur la culture de terres noires qui hébergeait les plus fortes populations de D. antiqua, mais celles-ci étaient de même moins nombreuses que D. platura et D. florilega.
Les larves qui ont été collectées sur les oignons endommagés ont été moins nombreuses qu’attendu. Parmi les larves issues des champs commerciaux de la Nouvelle-Écosse en 2017, trois appartenaient aux espèces D. platura ou D. florilega et une, à D. antiqua. En 2018, aucune larve n’a été collectée dans les champs de cette province. Les plus grands nombres de larves collectées provenaient de la Station de recherche sur la culture de terres noires, soit 271 larves de D. antiqua. Aucune larve Delia n’a été trouvée aux sites de Harrow et des alentours.
Les données d’expériences en serre sur D. antiqua ont été analysées et suggèrent fortement que cette espèce peut causer d’importants ravages aux oignons. Les plantes qui sont attaquées au début de leur croissance seront tuées, alors que celles qui sont attaquées à un stade plus avancé pourront récupérer et continuer de se développer. D. antiqua a pu compléter son cycle de vie sur l’oignon, contrairement à D. platura. D. antiqua a préféré pondre sur un oignon en post germination. Une seule femelle pondrait en moyenne, 12 et 16 œufs. D. platura a pondu uniquement sur des plants rendus au stade de la 5 à la 7e vraie feuille, et le nombre d’œufs pondus était très faible, soit moins d’un œuf par plant. Ces résultats démontrent, en combinaison avec le faible nombre de larves de D. platura collectées au champ, que l’oignon n’est pas un hôte qui convient aux larves de D. platura et qu’il n’est pas non plus le site d’oviposition préféré des mouches adultes. Les résultats portent aussi à croire que l’incapacité de distinguer D. platura de D. antiqua sur les pièges de surveillance pourrait grandement surestimer les populations qui causent des dégâts dans les champs d’oignons.
Une méthode d’analyse moléculaire (PCR-RFLP) a été mise au point et mise à l’essai pour l’identification des espèces de Delia trouvées dans les champs d’oignon. Les épreuves de validation ont démontré une efficacité de 100 %. Cette méthode est plus rapide, plus efficace et plus économique que la technique du codage moléculaire standard par codes à barres tout en nécessitant moins de temps et d’expertise taxonomique qu’une identification morphologique.
Conclusion
Les résultats du présent projet suggèrent que bien que la mouche des semis (D. platura) compte les populations les plus nombreuses d’adultes volant dans les champs d’oignon et capturés sur les pièges collants bleus, elle ne cause pas de dommages économiques. Même dans les régions où les comptages de D. platura sont élevés, les larves collectées à ces endroits étaient surtout de la mouche de l’oignon. Les expériences en serre ont confirmé que l’oignon n’est pas une culture qui convient à D. platura pour compléter son cycle de développement.
Même si les nombres d’oignons endommagés par les mouches n’étaient pas anormaux, les résultats du projet indiquent que les larves ne causent pas autant de dommages que ce que l’on croyait auparavant. Il vaudrait peut-être la peine de revoir la méthode d’échantillonnage des adultes pour s’assurer qu’elle permet de quantifier précisément les larves présentes dans les champs. D'autres recherches visant à développer des pièges — notamment avec ajout de phéromones ou d’autres produits qui attirent les mouches du genre Delia dommageables aux oignons — pourraient améliorer cette méthode comme outil d’aide à la décision. Dans l’avenir, des projets pourraient également piloter un réseau d’identification qui se servirait de la nouvelle méthode d’identification PCR-RFLP. Par ailleurs, il faudrait faire d’autres études pour déterminer les fluctuations de populations d’une année à l’autre et en quoi les changements climatiques impacteront ces espèces afin d’adapter les stratégies de lutte intégrée en conséquence.