Code de projet : PRR07-190
Chef de projet
Odile Carisse - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Implanter un réseau de surveillance des spores dans l'air, adapter les systèmes de prévision en vigueur pour optimaliser l'efficacité des fongicides homologués à l'heure actuelle et évaluer les avantages économiques et environnementaux liés à la combinaison du piégeage des spores et de la prévision
Résumé des résultats
Contexte
La brûlure des feuilles de l’oignon, causée par le champignon Botrytis squamosa, est une maladie importante au Canada. Son impact économique est particulièrement dévastateur dans les terres tourbeuses (sols organiques) de l’est du Canada, où près de 90 % des oignons sont cultivés (Québec et Ontario). Les épidémies graves, surtout pendant la saison chaude et humide, peuvent réduire considérablement la grosseur des bulbes et entraîner d’importantes pertes de rendement. Habituellement, la lutte contre la brûlure des feuilles de l’oignon consiste à pulvériser plusieurs fongicides sur les feuilles des plantes, selon un calendrier comportant des intervalles de 7 à 10 jours entre les traitements, ce qui signifie généralement 8 à 14 applications de fongicides par saison. Mais les applications routinières de fongicides soulèvent des préoccupations sur les risques pour la santé et l’environnement, les coûts de production et la probabilité que les pathogènes deviennent résistants aux fongicides. Plusieurs systèmes de prévision ont été mis au point pour améliorer le calendrier et l’efficacité des applications de fongicides, mais leur complexité et leur fiabilité variable ont limité leur adoption et leur utilisation par les producteurs.
Notre projet visait à valider l’utilisation d’un réseau de surveillance des spores présentes dans l’air pour optimiser l’exactitude et l’adoption des systèmes de prévision existants. Une fois au point, ces systèmes pourraient en effet s’avérer des outils précieux pour les décisions que doivent prendre les producteurs. L’étude a été menée de 2007 à 2010 par des scientifiques d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Guelph et l’entreprise de recherche Phytodata Inc., et ciblait les principales régions de culture d’oignons du Québec et de l’Ontario.
Approches
Nous avons évalué le fait d’inclure les comptes de spores présentes dans l’air sur l’exactitude, l’utilité et la fiabilité des systèmes existants de prévision, dans le cadre d’une approche intégrée de prise de décision. Cette approche est fondée sur la technologie de piégeage des spores, la quantification basée sur l’ADN des spores de B. squamosa présentes dans l’air (au champ), ainsi que l’estimation de la probabilité de sporulation d’après les prévisions météorologiques. Pour évaluer la quantité de spores présentes dans les champs en 2007 et 2008, nous avons utilisé des pièges fixés sur un bras rotatif, un dispositif que nous avons placé dans 18 champs commerciaux d’oignons dans la région des terres tourbeuses du Québec et de l’Ontario. Nous avons exposé les pièges de façon périodique (10h00 à 12h00, 2 à 3 fois par semaine) à partir du début juin, puis les avons ramassés et analysés au laboratoire. Dès que nous avons eu les résultats, nous avons fait des recommandations aux producteurs qui s’étaient inscrits au service.
Nous avons évalué, pour chaque province, deux systèmes d’appui aux décisions sur l’émission d’alertes au risque de maladie et les recommandations concernant le moment de procéder aux pulvérisations de fongicides en comparaison du calendrier établi. En Ontario, les pulvérisations étaient basées sur le nombre de lésions par feuille, la concentration des spores dans l’air et l’indice de gravité de la maladie déterminé par le système de prévision BOTCAST. Au Québec, les pulvérisations étaient basées le nombre de lésions par feuille, la concentration des spores et la probabilité de sporulation déterminée par le système de prévision PREDICTOR. La gravité de la maladie a été évaluée chaque semaine en fonction du nombre de lésions par feuille dans un échantillon comptant 50 (Ontario) à 100 plantes (Québec) d’oignon au champ.
Pour évaluer la réduction des risques liés aux pesticides, nous avons comparé le nombre de pulvérisations de fongicides faites dans le cadre de la surveillance des spores à celui des applications faites selon le calendrier habituel. Les risques associés aux pesticides ont aussi été calculés à l’aide de l’indicateur de risque des pesticides du Québec (IRPeQ). Nous avons également procédé à une évaluation économique des coûts et avantages de l’utilisation des outils recommandés. Enfin, nous avons mené une enquête auprès des producteurs pour évaluer les pratiques de gestion de la maladie et la possibilité d’adoption de cette technologie de prévision.
Résultats
Au cours des deux années, la brûlure des feuilles de l’oignon a été beaucoup plus grave au Québec qu’en Ontario. Dans l’ensemble, il n’y a pas eu de différence significative dans le rendement des champs dans lesquels la maladie était gérée à l’aide des outils d’appui aux décisions et ceux dans lesquels le calendrier de pulvérisation avait été utilisé. En Ontario, le nombre d’applications de fongicides a été réduit de 42 à 47 %, c’est à-dire, qu’il est passé de 6 à 3,5 applications, et les champs qui ont été gérés en fonction des recommandations ont été moins touchés par la maladie que ceux gérés en fonction du calendrier d’application des fongicides. Au Québec, en 2007, malgré des conditions de pression très élevée de la maladie, le nombre d’applications a été réduit de 27 %, passant de 15,4 à 11,2, dans les champs gérés en fonction des recommandations d’appui aux décisions, et les résultats au champ ont été similaires avec les deux régimes de traitements fongicides. En 2008 au Québec, il n’y a pas eu de différence significative dans le nombre d’applications de fongicides ni dans l’efficacité de la lutte contre la brûlure des feuilles de l’oignon.
Cette étude montre qu’un régime d’application de fongicides basé sur la quantité de spores de Botrytis présentes dans l’air peut réduire la fréquence des traitements fongicides sur les cultures d’oignon tout en améliorant l’efficacité de la lutte contre la maladie. Cette approche permet de réduire la quantité de fongicides utilisée et de diminuer les coûts de production. Les meilleures estimations des risques ont été obtenues lorsqu’un système de prédiction basé sur la surveillance des spores était combiné à un système de prévision météorologique comme la probabilité de sporulation ou l’indice de gravité de la maladie. C’est en conditions sèches (pression de maladie faible à modérée) que le modèle de prévision proposé ici devrait être optimal en termes de réduction des risques liés aux pesticides et des coûts de production. Avant que cette technologie ne puisse être commercialisée, il fallait cependant valider le dispositif de piégeage de spores ainsi que le modèle de prévision dans des essais au champ à grande échelle. Depuis l'achèvement du projet, cette validation a eu lieu, les résultats ont été publiés et les producteurs peuvent maintenant utiliser le service.
Les résultats de l’enquête (24 répondants, tous du Québec) ont indiqué que la brûlure des feuilles de l’oignon est la plus importante maladie qui touche la production des oignons, du moins au Québec, et que les producteurs comptent sur l’application régulière de fongicides pour lutter contre celle-ci. Toutefois, la majorité des répondants pensait que des outils de lutte intégrée comme la surveillance des spores et les systèmes de prévision pouvaient les aider à réduire leur utilisation de pesticides et/ou à améliorer la lutte contre la maladie. La plupart des producteurs connaissaient l’existence des pièges à spores et se sont dits prêts à utiliser la technologie et les services proposés une fois qu’ils seraient disponibles.
Ce projet sur la brûlure des feuilles de l’oignon s’inscrit dans le cadre de la Réduction des risques liés aux pesticides et vise aussi à offrir aux producteurs de meilleurs outils de décision pour une lutte intégrée efficace.
Pour obtenir plus de renseignements, veuillez communiquer avec Odile Carisse, Ph. D.