Code de Projet: PRR12-030
Chef de projet
Hector Carcamo - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Offrir aux producteurs de canola de l’Alberta un meilleur seuil économique pour les punaises du genre Lygus dans le cadre du système d’aide à la décision servant aux pulvérisations contre ces insectes
Sommaire de résultats
Contexte
Dans les Prairies canadiennes, les punaises du genre Lygus (Lygus spp.) représentent une grave menace pour de nombreuses cultures oléagineuses et fourragères, dont le canola. Encore récemment, les infestations dans les cultures de canola survenaient de façon intermittente, mais leur fréquence s’est accrue au cours de la dernière décennie. Les producteurs effectuent couramment des épandages d’insecticides dans leurs champs de canola pour lutter contre ces ravageurs.
Dans le nord de l’Alberta, les producteurs sont particulièrement préoccupés par les dommages infligés par les punaises du genre Lygus au début du développement des boutons floraux et peuvent dès lors choisir d’ajouter un insecticide à leur dernière pulvérisation d’herbicide. Dans le sud de l’Alberta, certains producteurs effectuent une pulvérisation au stade avancé de développement des siliques. Des seuils économiques applicables aux stades précoces de développement des siliques ont été élaborés au Manitoba au milieu des années 1990 pour les cultivars classiques de canola utilisés à l’époque. Depuis, un certain nombre de nouveaux cultivars hybrides, dont des cultivars présentant une meilleure tolérance aux herbicides et des caractéristiques agronomiques améliorées, ont fait leur apparition sur le marché et ont été largement adoptés par les producteurs. La lutte contre les punaises du genre Lygus au niveau régional est donc compliquée par les différences climatique entre la région de la rivière de la Paix au nord et le sud de l’Alberta et entre les différentes espèces de punaises présentes et leur développement par rapport à la phénologie du canola. Le présent projet vise à préciser et à valider les seuils économiques actuellement employés contre les punaises du genre Lygus de manière à mieux refléter les conditions environnementales, biologiques et climatiques particulières des différentes régions de l’Alberta et les propriétés des cultivars de canola qui sont utilisés actuellement. La validation de ces seuils a pour but d’optimiser l’efficacité des stratégies de lutte contre les punaises du genre Lygus et de réduire le recours non justifié aux pesticides.
Approches
Dans le cadre d’essais à la ferme menés dans le sud de l’Alberta en 2012 et en 2013, nous avons évalué la nécessité de traiter les cultures de canola contre les punaises du genre Lygus aux stades précoce, intermédiaire et avancé du développement des siliques. Au total, 10 champs de canola ont été utilisés dans le cadre de cette étude d’une durée de deux ans. Pour comparer les gains de rendement, les producteurs ont appliqué un insecticide à base de pyréthroïdes à divers stades du développement des siliques et laissé de grandes parcelles de canola non traitées.
Nous avons également procédé à des essais en cage dans le sud (Lethbridge) et le nord (Beaverlodge) de l’Alberta afin de valider les seuils économiques employés contre les punaises du genre Lygus dans les cultures de canola. Chacune des cages contenait un nombre préétabli de punaises (4, 10, 20, 50 ou 80) ou un mélange de 10 punaises et de 10 charançons de la silique. À Beaverlodge, nous avons utilisé deux nouveaux cultivars de canola (RR7345, L150) et un cultivar classique (Westar) afin de comparer leurs réactions aux attaques de deux espèces de punaises du genre Lygus (Lygus lineolaris et Lygus keltoni). Les cultivars ont été exposés aux punaises au moment de la montée en graines et retirés des cages aux fins des analyses au moment de la récolte.
Résultats
D’importantes différences liées aux conditions d’humidité et de température ont été notées entre les deux saisons de croissance durant la période de floraison du canola. En 2012, le temps sec et chaud a favorisé la croissance des populations des punaises et réduit le taux de grenaison. En 2013, les conditions fraîches et humides ont eu l’effet inverse.
Lors des essais à la ferme, un gain de rendement d’environ 222 kilogrammes par hectare (kg/ha) a été noté dans les trois champs traités au stade précoce du développement des siliques alors que l’abondance des punaises était supérieure à 5 individus par coup de filet fauchoir. Toutefois, le piétinement des plants occasionné par le pulvérisateur semble avoir causé une certaine perte de rendement. Dans les autres champs, les punaises étaient moins abondantes, et les impacts des traitements sur le rendement se sont révélés très variables mais non significativement différents, en particulier lorsque les champs étaient irrigués. Dans deux champs plus secs traités au stade précoce du développement des siliques (peu après la fin de la floraison), le rendement était généralement plus élevé dans les bandes traitées que dans les bandes non traitées lorsque l’abondance des punaises s’établissait à environ 5 individus par coup de filet fauchoir. Le piétinement causé par le pulvérisateur a toutefois semblé causer un fléchissement des rendements d’environ 55 à 110 kg/ha. L’avantage net du traitement est donc vraisemblablement plus faible.
Lors des essais en cage réalisés en 2012 dans le sud de l’Alberta, les punaises étaient très abondantes dans les cages, leur nombre dépassant même 1 000 punaises par cage dans le cas des cages infestées initialement avec 50 ou 80 punaises. Les rendements étaient plus faibles dans les cages infestées que dans les cages témoins (ne contenant aucune punaise) ou les parcelles non encagées et variaient considérablement d’un traitement à l’autre. Le rendement le plus élevé, 1 162 kg/ha, a été enregistré dans les cages témoins. Cette valeur est inférieure d’environ 13 % au rendement moyen obtenu par les exploitations commerciales, estimé à 1 500 kg/ha en 2012. Le fait que l’ensemencement ait été effectué tardivement explique probablement cet écart. Des rendements significativement inférieurs à ceux obtenus dans les cages témoins ont été observés uniquement dans les cages infestées initialement avec 50 ou 80 punaises. Le rendement enregistré dans les cages infestées initialement avec 80 punaises s’établissait à 730 kg/ha et était inférieur de 44 % au rendement atteint dans les cages témoins. En 2013, année fraîche et humide, aucun effet lié aux traitements n’a été noté. Ces résultats portent à croire que les producteurs ne devraient pas appliquer des seuils économiques inférieurs à 1 punaise par coup de filet fauchoir tel qu’indiqué dans le tableau des seuils économiques en vigueur lorsque le prix du canola est très élevé (plus de 600 dollars la tonne).
Les essais en cage réalisés dans le nord de l’Alberta confortent également l’hypothèse selon laquelle la présence de densités modérées de punaises du genre Lygus (20 punaises par mètre carré ou moins de 1 punaise par coup de filet fauchoir) n’a aucun effet sur le rendement du canola, quel que soit le cultivar utilisé. Au moment de la récolte, le nombre moyen de punaises par cage oscillait entre 50 et 100 individus chez les trois cultivars de canola testés, quelles qu’aient été les densités au moment du développement des boutons floraux. Une abondance de 100 punaises par cage équivaut approximativement à 5 punaises par coup de filet fauchoir. Une analyse de régression n’a révélé aucun lien entre la densité des punaises, le cultivar de canola utilisé et le rendement obtenu. Les nouveaux cultivars (RR7345 et L150) ont affiché un rendement supérieur à celui du cultivar classique plus ancien (Westar), mais nous n’avons relevé aucun signe permettant de croire que ces trois cultivars réagissaient différemment aux attaques des punaises.
À la lumière de ces résultats, nous pouvons énoncer un certain nombre de recommandations préliminaires relatives à la lutte contre les punaises du genre Lygus au stade du développement des siliques. Nos résultats donnent à croire que l’irrigation des champs réduit considérablement la menace posée par les punaises du genre Lygus même si celles-ci sont présentes en forte densité et que les producteurs peuvent envisager de ne pas traiter les champs irrigués une fois la maturation des siliques amorcée. En général, on conseille aux producteurs de ne pas effectuer de traitements au stade avancé du développement des siliques (8 à 10 jours avant l’andainage), à moins que la densité des populations de punaises du genre Lygus soit élevée (nombre supérieur ou égal à 5 punaises par coup de filet fauchoir). De plus amples recherches s’imposent toutefois pour préciser les seuils à partir desquels il convient d’intervenir à ce stade du développement du canola contre les punaises du genre Lygus.
Une fois cette étude terminée, nous projetons de poursuivre les essais en cage au cours de deux autres années (jusqu’en mars 2016), avec le soutien financier de l’Alberta Crop Industry Development Fund, de l’Alberta Canola Producers Commission et de l’Alberta Pulse Growers Commission.
Pour de plus amples renseignements sur ce projet, veuillez contacter Hector Carcamo, Ph.D.