Code de projet : PRR10-010
Chef de Projet
Bonnie Ball Coelho - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Relever les systèmes de production maraîchère de plein champ où des cultures couvre sol sont utilisées dans le cadre de pratiques de lutte intégrée contre les mauvaises herbes pour réduire ou éliminer l'utilisation d'herbicides
Sommaire de résultats
Contexte
La lutte contre les mauvaises herbes constitue un élément important de la protection des cultures dans la production maraîchère au Canada et une source d'utilisation de quantités considérables d'herbicides chimiques. Il faut trouver des méthodes non chimiques pour aider les producteurs à délaisser les herbicides et à réduire l'utilisation de pesticides, le risque de résistance et les coûts de production.
Les cultures couvre sol sont considérées comme une solution clé pour la gestion durable des sols et des cultures. De façon générale, de telles cultures ne sont pas cultivées pour être récoltées, mais plutôt pour assurer de nombreuses fonctions importantes, notamment enrichir le sol de matières organiques, renouveler les éléments nutritifs et protéger le sol de l'érosion hydrique et éolienne. On les emploie parfois également comme élément d'un système de lutte intégrée contre les mauvaises herbes faisant appel à un moins grand usage d'herbicides. Il n'est cependant pas facile de trouver de l'information sur les méthodes, les utilisations et les avantages liés aux cultures couvre-sol qui pourraient présenter un intérêt pour les cultures maraîchères du Canada.
Le but de ce projet était de passer en revue la documentation publiées qui existe sur l'utilisation des cultures couvre sol et de formuler des recommandations quant aux méthodes qui pourraient être adoptées pour lutter contre les mauvaises herbes dans la production maraîchère de plein champ au Canada.
Méthode
Nous avons examiné plus de 165 articles scientifiques et articles de vulgarisation publiés au sujet des résultats d'études de recherche et développement menées au cours des 15 dernières années (1994 à 2009) sur les principales cultures maraîchères (pommes de terre, maïs sucré, tomates de plein champ, carottes, oignons, Brassica, pois, cucurbitacées, haricots verts et jaunes et laitue) en Amérique du Nord (au Canada et aux États Unis) et dans certaines régions d'Europe ayant un climat comparable.
Nous avons retenu les aspects économiques comme principal critère de sélection des méthodes de cultures couvre-sol pouvant convenir puisqu'ils représentent un élément déterminant. Les facteurs économiques pris en compte comprennent le coût de démarrage, l'incidence sur le rendement des cultures, la possibilité de valeur ajoutée au moyen de la destruction des mauvaises herbes (une réduction des coûts en herbicides par exemple) et d'autres ennemis des cultures (un rendement accru ou une réduction des coûts en pesticides par exemple) et le produit lui même. Les autres critères employés étaient la possibilité de suppression des mauvaises herbes par allélopathie, l'ampleur de la recherche effectuée sur le système de lutte contre les mauvaises herbes en question et l'incidence sur l'environnement.
Résultats
Il est peu probable que les cultures couvre sol en viennent à remplacer les herbicides dans la production de légumes, car on trouve peu d'exemples de suppression des mauvaises herbes pendant une saison complète dans la documentation. Les auteurs s'entendent pour dire qu'elles doivent être employées de concert avec d'autres méthodes, des mesures supplémentaires de lutte contre les mauvaises herbes étant nécessaires plus tard dans la saison. Les études qui démontrent la possibilité de recourir aux cultures couvre sol pour réduire l'utilisation d'herbicides dans les cultures de légumes proviennent surtout des États Unis. Peu d'études scientifiques sur le sujet ont été menées en Europe et encore moins au Canada. Les cultures couvre sol peuvent atténuer l'utilisation d'herbicides en permettant de réduire le numéro des traitement de préplantation ou de prélevée, de passer d'un épandage à la volée à un épandage en bandes ou de passer d'un traitement de préplantation ou prélevée à un traitement de postlevée selon les besoins. De façon générale, les herbicides employés en traitement postlevée sont moins persistants dans l'environnement que les autres. Les coûts des cultures couvre sol sont parfois compensés par les économies en herbicides, mais pas dans tous les cas. Par ailleurs, l'efficacité, la réaction des cultures et les coûts varient beaucoup d'une étude et d'un système de lutte contre les mauvaises herbes à l'autre. Sur le plan rentabilité, on conclut qu'une valeur ajoutée en plus de la capacité de suppression des mauvaises herbes pourrait être nécessaire pour favoriser l'adoption des cultures couvre sol.
Les espèces de mauvaises herbes sur lesquelles peuvent agir les différents systèmes ou un même système varient également beaucoup. De façon générale, les cultures couvre sol servent à la répression des mauvaises herbes annuelles plutôt que bisannuelles ou vivaces. L'allélopathie représente une méthode de répression prometteuse et serait probablement particulièrement efficace dans les cas où les mauvaises herbes sont des plantes à petites graines et la culture ne l'est pas. Les résidus de seigle sont allélopathiques; ils sont plus efficaces contre les dicotylédones annuelles que contre les graminées et permettent dans tous les cas la répression du chénopode blanc, de la famille des solanacées, du plantain, du gaillet gratteron et du pied de coq. Les résidus de Brassica sont eux aussi allélopathiques, selon leur stade, et plus particulièrement efficaces contre la digitaire sanguine et la berce commune. Les cultures étouffantes comme le sorgho ou l'herbe du Soudan peuvent servir à lutter contre des vivaces comme le chiendent pendant la période de croissance, mais ce, au détriment d'environ la moitié de la saison de croissance. Les résidus de sorgho ont également des effets allélopathiques et peuvent servir à la répression notamment de la berce commune et du pied de coq.
Les méthodes durables de lutte contre les mauvaises herbes qui pourraient être adoptées par les producteurs canadiens ont été relevées d'après les expériences menées dans des régions tempérées. Ce sont les suivantes :
- mélange de seigle céréalier d'automne et de vesce velue détruit par des moyens chimiques avant les cultures de tomates sans travail du sol;
- seigle d'automne détruit par des moyens chimiques avant les cultures de cucurbitacées avec travail partiel du sol;
- épandage aérien de sursemis de seigle sur des cultures à récolte tardive comme les pommes de terre et les carottes;
- culture étouffante d'été de sorgho ou d'herbe du Soudan avant ou après un légume à cycle court, comme les choux ou les pois pour le marché frais.
Le seigle a été retenu pour les méthodes A, B et C en raison du faible coût des semences, de sa grande disponibilité (dans beaucoup de régions), de sa compatibilité avec le matériel déjà utilisé (moissonneuses-batteuses, semoirs) - ce qui permet d'obtenir des semences locales et peu coûteuses - ainsi que de ses effets allélopathiques sur les mauvaises herbes. La vesce velue (méthode A) ajoute un apport en azote et est reconnue pour accroître le rendement en tomates. Le seigle et la vesce velue sont deux cultures qui poussent à des températures peu élevées et le mélange présente un certain nombre d'avantages par rapport à une monoculture de couvre-sol. On a retenu le travail partiel du sol pour la méthode B afin d'éviter le retard de maturation que peut occasionner un paillis laissé en surface. La méthode C n'est pas rentable à court terme, mais permet de réduire le réservoir de graines de mauvaises herbes à long terme et présente des avantages hors site importants pour l'environnement, comme l'amélioration de la qualité de l'eau, ce qui la rend admissible aux programmes de services liés à la gérance ou à l'utilisation des terres, là où il en existe. La méthode D fait appel au sorgho parce qu'il s'agit d'une culture étouffante, que ses résidus ont des effets allélopathiques sur les mauvaises herbes, qu'il résiste à la sécheresse - il peut donc être semé en été (temps généralement sec) - et peut offrir une valeur ajoutée en tant qu'aliment pour le bétail, source de biomasse (pour ceux qui ont accès à un marché en bioénergie) et moyen de lutter contre d'autres ennemis des cultures, comme la pourriture des racines. Les systèmes faisant appel à des paillis de résidus épais provenant de cultures couvre sol détruites par des moyens mécaniques comme méthode physique de lutte contre les mauvaises herbes ne sont pas recommandés pour le Canada parce que le nombre de degrés jours de croissance possible limite la quantité de paillis pouvant être produite, et que ces systèmes doivent d'abord faire l'objet de recherches plus poussées.
Une méthode assez populaire dans la région côtière du nord ouest des États Unis, soit les cultures de Brassica ensemencées à l'automne avant de semer des pommes de terre, n'est pas recommandée pour le Canada du fait que trop de points restent à éclaircir; on propose toutefois de l'étudier plus à fond en raison de ses différents avantages, tels que ses effets allélopathiques sur les mauvaises herbes et ses propriétés de lutte contre d'autres ennemis des cultures ou son effet de biofumigation susceptibles d'accroître le rendement. L'utilisation de cette méthode pourrait être limitée aux régions où les pommes de terre suivent une culture hâtive et les espèces de Brassica (comme le colza ou la roquette) peuvent passer l'hiver.
Des données canadiennes sont nécessaires pour confirmer les effets des méthodes recommandées sur les mauvaises herbes, l'utilisation d'herbicides et les facteurs économiques dans des lieux pertinents au pays. Des travaux de recherche sont également nécessaires dans les domaines suivants: les pratiques culturales permettant de mieux lutter contre les mauvaises herbes; l'allélopathie et les façons d'en tirer pleinement parti; la mise au point de cultivars possédant des caractéristiques améliorées, telles qu'une plus forte teneur en composés allélopathiques, la capacité d'adaptation au climat et la destruction spontanée au moment ou au stade voulu.
À l'instar de la recherche dans le domaine, l'utilisation des cultures couvre sol pour lutter contre les mauvaises herbes au Canada est presque inexistante, quoique ces cultures soient souvent utilisées à d'autres fins. La question de la rentabilité et la disponibilité d'information sont les principales pierres d'achoppement. Qui plus est, beaucoup d'avantages des cultures couvre-sol sont des avantages à long terme ou qui se matérialisent hors site et n'ajoutent pas de valeur aux systèmes canadiens de production maraîchère en temps voulu. On recommande la mise sur pied d'équipes pluridisciplinaires spéciales, composées de chercheurs, de vulgarisateurs et de représentants de l'industrie, chargées simultanément de concevoir des méthodes économiques et à faible risque, de mener des activités de sensibilisation et de fournir des exemples et des réponses.
Les nouvelles connaissances recueillies et analysées dans le cadre de cet examen de la documentation seront mises à la disposition des producteurs agricoles, des spécialistes des cultures, des spécialistes en vulgarisation et des chercheurs sous forme de publications d'articles de vulgarisation et scientifique. La promotion des méthodes recommandées dans le cadre de ce projet devrait amener une réduction de l'utilisation d'herbicides, donc une diminution des risques liés aux pesticides, une meilleure gestion du risque de résistance ainsi que d'autres avantages économiques et pour l'environnement.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur ce projet et ses résultats, prière de communiquer avec : Bonnie Ball Coelho, Ph. D., Chercheuse, Agriculture et Agroalimentaire Canada.