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Chez plusieurs communautés autochtones, le maïs, la courge et le haricot sont appelés les «Trois Soeurs». Cultivées côte à côte, ces plantes s’aident en cours de croissance, ce qui permet de meilleures récoltes. Ce modèle de culture était autrefois répandu chez plusieurs Premières Nations des basses-terres du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et des Autochtones se sont intéressés à travailler ensemble afin de mieux comprendre les mécanismes derrière le succès de ce mode de culture. Sa revalorisation pourrait ouvrir à ces communautés des possibilités alimentaires et commerciales liées à leurs traditions, tout en étant une méthode efficace et durable de préserver la biodiversité sur les terres cultivées.
Des experts de plusieurs organismes d’AAC, de l’Université Laval et de l’Université d’Ottawa ont travaillé avec des collaborateurs des Nations haudenosaunee et huronne-wendat pour mener à bien le projet des Trois Soeurs. Ils voulaient explorer le potentiel d’une production des Trois Soeurs à plus large échelle dans les communautés, et recueillir des données probantes permettant d’évaluer leur valeur pour une production d’aliments de niche autochtones.
Trois thématiques ont guidé leur recherche :
- préservation des semences et protection des droits et savoirs autochtones;
- culture des Trois Soeurs à la manière autochtone et caractérisation de leurs propriétés;
- évaluation de leur potentiel alimentaire dans des produits de niche.
Les semences ancestrales sont une ressource rare. Au sein de communautés autochtones, des gardiens de semences sont responsables d’en conserver après chaque récolte pour utilisation future. Plusieurs semences n’étant pas disponibles au niveau commercial, ils sont donc les dépositaires d’une biodiversité végétale de grande valeur parfaitement adaptée au climat canadien. C’est pourquoi l’une des équipes de recherche s’est penchée sur les droits légaux relatifs aux savoirs ancestraux. Des mesures ont été prises pour protéger les droits des détenteurs des semences partagées aux fins de ce projet.
Les Trois Soeurs en culture
Afin de procéder à la culture des Trois Soeurs, une équipe s’est chargée d’évaluer le potentiel agronomique d’une trentaine de variétés ancestrales de maïs, de courges (citrouilles) et de haricots, achetées sur le marché ou reçues de collaborateurs autochtones. À partir de 2015, pendant trois étés, elles ont été cultivées à la Ferme expérimentale de l’Acadie du Centre de recherche et de développement (CRD) de Saint-Jean-sur-Richelieu.
« J’ai été en charge de réunir auprès des collaborateurs autochtones et des Jardins de l’Écoumène [Artisan semencier en culture biologique au Québec ] les connaissances agronomiques essentielles pour savoir comment cultiver les variétés des Trois Soeurs que nous avions en mains, et ce en s’inspirant directement du modèle autochtone. Des essais préliminaires en mode monoculture (culture individuelle) suivis d’essais en mode polyculture (cultures combinées) sans intrants chimiques ont permis de produire la quantité nécessaire de produits frais pour alimenter les travaux des chercheurs impliqués dans le projet. »
– Carl Bélec, biologiste au Bureau de transfert de connaissances et de technologies d’AAC.
En se rapprochant le plus possible de la méthode traditionnelle de culture des Trois Soeurs, AAC voulait s’assurer que les produits frais obtenus et utilisés par ses chercheurs s’apparenteraient à ce que des communautés autochtones peuvent elles-mêmes obtenir tant au niveau du mode de production que des variétés utilisées.
Valeur antioxydante des variétés
Bien connaître la composition des denrées produites pour en évaluer le potentiel nutritionnel, est une étape importante pour maximiser une éventuelle réussite commerciale des Trois Soeurs. Afin d’identifier les variétés à privilégier pour la transformation alimentaire, une autre équipe a évalué la composition de la chair de courge et des graines de haricots pour en définir la valeur antioxydante, une propriété qui réduit l’oxydation dans le corps humain et favorise la santé.
« Mes analyses ont mis en évidence le fait que la courge Crookneck a une teneur totale en caroténoïdes trois fois plus élevée que la citrouille Algonkin. Ces deux courges diffèrent également quant aux types de caroténoïdes qu’on y retrouve. J’ai aussi étudié la teneur en anthocyanes et en flavonols (deux antioxydants) de quatre variétés de haricots : les Hopi Black, Amish Nuttle, Early Mohawk et Gaga Hut Pinto. Le haricot Hopi Black se distingue des autres avec presque six fois plus d’anthocyanes. »
Marie Thérèse Charles, chercheuse en Physiologie post-récolte, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Ainsi, de la farine de courge Crookneck ou de haricot Hopi Black ajoutée à une recette de pain pourrait lui donner une teneur plus élevée en antioxydants.
Des pains aux farines des Trois Soeurs
Au CRD d’AAC à Saint-Hyacinthe, des chercheurs ont testé les Trois Soeurs pour identifier celles pouvant le mieux être transformées en produits alimentaires.
Pour que des pains de niche autochtones aient des qualités intéressantes pour l’entreprise qui les fabrique et pour le consommateur, il serait souhaitable qu’ils aient un volume et une texture semblables aux pains de blé offerts sur le marché. Ils pourraient aussi offrir un attrait de plus, une valeur ajoutée par rapport aux pains de blé conventionnels, comme par exemple une teneur plus élevée en protéines.
Dans cet objectif, une équipe a produit des farines, testé diverses formulations de pains incluant 10 % de l’une des farines des Trois Soeurs, et ensuite comparé les pains une fois sortis du four. Résultat&nbs;: plusieurs farines affectent la structure du pain de sorte qu’il lève moins bien.
« Selon mes analyses, parmi les sept farines de haricots testées, quatre donnent au pain de meilleurs volume et texture: les variétés Mother Earth, Pole, Mr Rice et Red. De plus, les deux farines de maïs bleu et la farine de maïs Calico offrent aussi un beau potentiel pour la fabrication de pain. »
– Sébastien Villeneuve, chercheur en Génie des procédés alimentaires et Chef de projet des Trois Soeurs, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Les farines de haricots et de maïs ont aussi été analysées pour en connaître la teneur en protéines. Parmi les farines de haricots testées, quatre avaient une teneur en protéines plus élevée que les autres : les variétés Black Eyed (la plus riche en protéines), Mr Rice, Red et Macuzalito. Quant à elles, les trois farines de maïs présentaient moins de protéines que celles de haricots.
L’équipe a aussi démontré qu’il serait possible de produire des pains à la farine de courge Crookneck ou de citrouille Algonkin sans pelure. Cependant leur volume est moins intéressant que ceux faits avec de la farine de haricots ou de maïs.
Du maïs pour soupe ou pain bouilli
Chez les Premières Nations, la nixtamalisation du maïs est une tradition culinaire millénaire. Un procédé de trempage et de cuisson dans une solution alcaline à base de cendres de bois permet le détachement de la paroi externe des grains de maïs, ce qui facilite leur ajout à des aliments et en améliore la valeur nutritionnelle. Les grains de maïs nixtamalisés peuvent servir à la préparation d’une soupe traditionnelle ou être séchés et broyés en une farine permettant de cuisiner un pain bouilli.
Ce procédé offre la possibilité de créer d’autres produits alimentaires de niche. L’autre équipe a comparé les maïs White, Red Mohawk, Blue et Calico pour identifier les variétés se prêtant le mieux à la nixtamalisation.
« En utilisant un procédé à base de chaux, imitant la méthode traditionnelle avec cendres de bois, j’ai testé la capacité des grains à absorber l’eau, une propriété qui les rend plus faciles à cuire. Au final, le maïs White est celui qui convient le mieux à la nixtamalisation et c’est justement celui utilisé traditionnellement par les autochtones. »
– Martin Mondor, chercheur en Technologies membranaires, Agriculture et Agroalimentaire Canada
Une tradition agricole ancestrale porteuse d’avenir
Grâce aux données probantes recueillies sur les variétés ancestrales de maïs, de courges et de haricots pouvant entrer dans la composition d’aliments de niche, les communautés autochtones intéressées seraient en mesure d’évaluer la possibilité d’intégrer ces résultats scientifiques à leurs traditions agricoles préservées et transmises depuis des générations. Sur leurs propres terres, les Trois Soeurs pourraient être produites à plus large échelle en respectant leurs valeurs et traditions. Des entreprises locales, communautaires ou privées pourraient voir le jour et créer de la richesse autant économique, sociale que culturelle dans leurs communautés.
D’autres avenues mériteront de faire l’objet de recherches conjointes, mais déjà les premiers sillons sont tracés pour supporter les Autochtones qui voudraient explorer de nouveaux marchés et utiliser leurs méthodes et variétés traditionnelles.
Principales découvertes (avantages)
- La courge Crookneck et les haricots Hopi Black avaient une plus forte teneur en antioxydants tels que les caroténoïdes, les anthocyanes et les flavonols.
- À propos des farines des Trois Soeurs utilisées en transformation alimentaire :
- Les pains faits de 10 % de farine de haricots Mother Earth, Pole, Mr Rice ou Red présentaient de meilleurs volume et texture.
- Les farines de maïs bleu et Calico conviennent bien à la fabrication de pain.
- Quatre farines des Trois Soeurs avaient une teneur en protéines plus élevée que les autres : les farines de haricots Black Eyed (la plus riche en protéines), Mr Rice, Red et Macuzalito.
- Le maïs White est celui qui convient le mieux au procédé de nixtamalisation, une tradition culinaire autochtone millénaire qui donne aux grains une plus grande valeur nutritionnelle et facilite leur utilisation.