Quand il est question des mauvaises herbes, votre agriculteur local peut avoir de la difficulté à trouver quoi que ce soit de positif à dire. Tenaces et indésirables, particulièrement dans les cultures, ces plantes envahissantes poussent depuis longtemps les scientifiques et les agriculteurs à chercher des solutions environnementales de les combattre. C’est cette quête qui a mené en Colombie-Britannique Jichul Bae (Ph. D.), nouveau malherbologiste d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), où il travaille à freiner la propagation des mauvaises herbes.
L’intérêt pour les mauvaises herbes
Depuis ses débuts à l’université, l’intérêt de Jichul pour les mauvaises a crû... eh bien, comme une mauvaise herbe!
En fait, l’étincelle est née d’un de ses cours universitaires particulièrement captivants : « Une professeure de biologie végétale a changé ma vie », se rappelle-t-il. « J’ai commencé à être fasciné par les espèces végétales envahissantes grâce à son cours ».
En effet, contrairement à la plupart des autres étudiants en biologie, Jichul envisageait les mauvaises herbes comme un casse-tête plutôt que comme un problème. Il voulait en apprendre plus sur leur anatomie et comprendre pourquoi elles se propagent aussi rapidement. Au cours de son doctorat à l’Université McGill, à Montréal, il a rapidement compris que son expertise serait requise beaucoup plus à l’ouest du pays.
Mauvaises herbes préoccupantes dans l’Ouest
Renommée pour ses majestueuses montagnes et ses paysages côtiers pittoresques, la Colombie‑Britannique ne fait pas exception des autres régions et est aux prises avec son lot de mauvaises herbes. Depuis longtemps, la province adapte les lignes directrices du nord-ouest du Pacifique, de l’Ontario et du Québec dans l’espoir de réduire la propagation des mauvaises herbes; toutefois, depuis quelques dizaines d’années, la province a dû avoir recours à des stratégies adaptées pour faire face au problème spécifique que posent les mauvaises herbes sur son territoire. Le climat de la Colombie‑Britannique est très particulier, tout comme ses mauvaises herbes; une approche « universelle » ne pouvait donc pas convenir pour les réfréner.
Qu’est-ce que la malherbologie?
De manière générale, une mauvaise herbe est une plante qui pousse dans un endroit où on ne voudrait pas la retrouver. Pour un producteur agricole, il peut s’agir de toute plante autre que la plante qu’il désire cultiver. Les mauvaises herbes nuisent aux cultures en créant une concurrence pour les pollinisateurs, les éléments nutritifs et l’espace, en attirant les organismes nuisibles et les maladies, et d’autres façons. La malherbologie vise à réduire ces effets en trouvant des stratégies de lutte efficaces et en les mettant en œuvre.
Par exemple, la résistance aux herbicides, qui est la capacité d’une plante à survivre à l’exposition à une substance destinée à la tuer, devient un problème important auquel doit s’attaquer la malherbologie en Colombie-Britannique. La province était dépourvue de services de dépistage de résistance aux herbicides axés sur les mauvaises herbes propres à la Colombie-Britannique. Sans dépistage approprié, il est difficile pour les producteurs de la province de trouver des solutions écologiques pour éliminer les mauvaises herbes.
De plus, ces mauvaises herbes coûtent cher : « Au Canada, les mauvaises herbes à elles seules causent des pertes de récolte représentant environ 528 millions de dollars chaque année, ce qui en fait le nuisible le plus coûteux dans le secteur agricole », explique Jichul. Des activités de recherche ciblant les plantes envahissantes sont en cours notamment dans les secteurs forestier et ferroviaire, mais le contexte agricole a fait l’objet de moins d’attention.
Jichul voulait changer cette situation et pouvoir apporter des solutions adaptées à la Colombie-Britannique; c’est ce qui l’a amené au Centre de recherche et de développement d’Agassiz d’AAC en 2017. Dès ses débuts, il a fait une priorité du dépistage de la résistance aux herbicides, voulant changer le visage de la malherbologie dans la province et offrir aux producteurs une nouvelle source d’information à jour à des fins de référence future.
Sans aucun doute, Jichul a de grands défis à relever. Il imaginait monter une équipe spécialement chargée de comprendre le cycle vital des mauvaises herbes et la façon de les freiner. Mais sa passion pour ces plantes redoutées l’a amené encore plus loin.
Progrès vers une réduction des herbicides
En collaboration avec les universités locales et d’autres scientifiques d’AAC, Jichul a constitué une équipe et a créé à l’automne 2020 un nouveau laboratoire consacré à l’analyse des mauvaises herbes. Pour évaluer la résistance aux herbicides, ils prélèvent des échantillons de mauvaises herbes, notamment des graines et des feuilles, et exposent les plantes à divers herbicides. L’équipe veut ainsi évaluer si la plante survit ou meurt à la suite de l’exposition, ce qui peut indiquer sa résistance ou sa vulnérabilité à l’herbicide. Parfois, ils vont jusqu’à analyser l’ADN pour y vérifier la présence de mutations ou de gènes de résistance, au niveau moléculaire.
Une fois qu’ils ont déterminé qu’une plante ou un groupe de plantes possèdent une résistance aux herbicides, Jichul et son équipe diffusent l’information aux producteurs et leur offrent des conseils et des outils faisant appel à des stratégies de lutte de remplacement. Ils travaillent en étroite collaboration avec les communautés locales pour déterminer leurs besoins et en apprendre plus sur les problèmes qu’elles rencontrent avec les mauvaises herbes, de façon à pouvoir les aider.
Jichul n’est pas encore arrivé au bout de cette longue route parsemée de mauvaises herbes, mais lui et son équipe sont fiers du chemin qu’ils ont parcouru pour en apprendre plus sur les mauvaises herbes de la Colombie Britannique. Chaque jour, ils remettent en question le statu quo pour offrir aux producteurs des solutions de remplacement sûres et écologiques pour contrer les mauvaises herbes. « Le manque de connaissances sur la résistance des mauvaises herbes aux herbicides mène à l’application inutile et répétée de ces herbicides », explique Jichul, « ce qui cause des pertes économiques et environnementales. »
À mesure que Jichul progresse dans ses recherches, il espère pouvoir offrir aux producteurs des outils et stratégies de lutte adaptés aux systèmes de culture de la Colombie-Britannique. En bout de compte, il veut fournir aux agriculteurs un avantage concurrentiel sur les marchés locaux et mondiaux. Et peut-être, mais seulement peut-être, parviendra-t-il à les extirper des mauvaises herbes.
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