Lorsqu’on se promène dans les allées de son épicerie locale, on ne pense peut-être pas au parcours des produits biologiques dans la section des fruits et légumes. Mais lorsqu’il s’agit d’agriculture, les méthodes de culture biologique ne sont pas encore très répandues. Myriam Fernandez (Ph. D.), qui est chercheuse à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC), cherche à changer cela. Elle a passé sa carrière à aider les produits biologiques à trouver leur place sur le terrain. Elle-même adepte des aliments biologiques, elle n’a pas peur de se salir les mains pour faire aimer ce système de production.
Un dur combat
Au Centre de recherche et de développement de Swift Current, se trouvant au cœur de l’une des zones de grandes cultures conventionnelles du Canada, Mme Fernandez a passé les 30 dernières années à mettre au point de nouvelles pratiques pour améliorer le monde de l’agriculture. Elle a commencé sa carrière en étudiant les maladies des plantes, comme la fusariose, le pourridié et les taches foliaires (maladies courantes du blé et d’autres cultures), mais, à la fin des années 1990, elle s’est intéressée de plus en plus aux pratiques d’agriculture biologique et à faible niveau d’intrants (utilisation d’une quantité réduite de produits synthétiques pour aider à la croissance des cultures).
Cependant, au cours de ses premières années de recherche sur l’agriculture biologique, Mme Fernandez a reçu de nombreuses questions sur la pertinence de ses travaux : « J’ai pu constater que, dans une large mesure, les agriculteurs des Prairies s’appuyaient sur les nouvelles technologies en matière de semences et l’application de produits chimiques pour augmenter leurs rendements, mais qu’ils n’envisageaient pas souvent d’autres pratiques, comme les rotations de cultures diversifiées, pour atténuer les pressions exercées par les maladies ou les insectes, explique Mme Fernandez. En raison des inconvénients environnementaux potentiels des pratiques conventionnelles, qui étaient également exprimés par certains agriculteurs et d’autres chercheurs, j’ai voulu appliquer mes compétences en matière de recherche dans ce domaine. »
Bien que Mme Fernandez ait voulu faire avancer la recherche sur l’agriculture biologique, le secteur n’y était pas tout à fait prêt. Pour soutenir sa cause, elle a poursuivi ses recherches, et il n’a pas fallu attendre longtemps avant qu’elles ne prennent de l’ampleur.
Un soutien croissant
Avec le temps et l’augmentation des débouchés pour les produits biologiques, l’industrie agricole des Prairies s’est montrée plus à l’aise avec l’agriculture biologique.
« Nos recherches étaient axées sur les méthodes à faible niveau d’intrants, car un nombre croissant d’agriculteurs nous demandaient comment réduire leur facture de produits chimiques, explique Mme Fernandez en évoquant l’un des tournants de l’agriculture biologique. On se préoccupait du nombre accru de mauvaises herbes résistant aux herbicides ainsi que de l’environnement, notamment des émissions de gaz à effet de serre. »
Cependant, l’agriculture biologique était toujours confrontée au problème de l’œuf ou de la poule. C’est-à-dire qu’il y avait moins de recherches sur l’agriculture biologique visant à améliorer les pratiques pour les agriculteurs, et, qu’en raison du nombre peu élevé de producteurs biologiques, il n’y avait pas assez d’intérêt dans l’agriculture biologique pour en faire une priorité de financement.
Qu’est-ce que la zone de sol brun?
La zone de sol brun est la région située entre le sud-est de l’Alberta et le sud-ouest de la Saskatchewan, où la fertilité des sols est faible. Cette région se caractérise par des sécheresses et des vents chauds et secs, ce qui fait de l’agriculture en zone aride, avec des cultures résistant à la sécheresse et des pâturages pour le bétail, la meilleure utilisation de la terre.
Pour combattre ce problème, Mme Fernandez a mis en évidence les liens entre les différents points de vue et a découvert que les projets relatifs à l’agriculture biologique étaient très pertinents pour les producteurs conventionnels : ils pouvaient être adoptés pour réduire les coûts des intrants, lutter contre les mauvaises herbes résistant aux herbicides et avoir une incidence sur l’environnement et la santé.
Et que dire de la nécessité de rendre l’agriculture plus durable dans le monde?
Les activités de recherche sur des systèmes de culture plus résistants et durables dans la zone de sol brun profiteront à d’autres régions où des conditions environnementales similaires peuvent se produire. Par exemple, les conditions de sécheresse sont de plus en plus fréquentes en raison des changements climatiques.
La demande de produits biologiques augmentant chaque année, Mme Fernandez a profité de l’occasion pour faire évoluer les mentalités dans ce domaine.
Faire preuve de patience et de persévérance
Les groupes industriels représentant diverses cultures, comme l’avoine et le blé, ont augmenté leur financement des projets de recherche sur les produits biologiques, ce qui a permis à Mme Fernandez d’élargir la portée de ses travaux.
L’une des plus grandes avancées a eu lieu en 2009. La première grappe scientifique de la production biologique a vu le jour. Avec l’aide du financement d’AAC et de partenaires de l’industrie, comme la Fondation de recherches sur le grain de l’Ouest, la grappe travaille à l’élaboration d’une approche stratégique nationale en matière de sciences des produits biologiques au Canada. Dans le cadre de cette grappe, Mme Fernandez a dirigé des projets sur la lutte biologique (réduction des ravageurs par des ennemis naturels) contre la fusariose et d’autres maladies, ainsi que sur des systèmes de culture diversifiés, notamment les cultures de couverture et les cultures intercalaires pour la zone de sol brun. L’intérêt pour les biopesticides s’est également récemment accru dans le secteur. Étant donné que les micro-organismes de lutte biologique sont plus susceptibles d’être identifiés dans des conditions biologiques que dans des conditions non biologiques, il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine également.
« L’une des réalisations dont je suis fière est notre journée champêtre annuelle sur l’agriculture biologique et à faibles intrants à Swift Current, déclare Mme Fernandez. Cette activité de démonstration est l’occasion de montrer nos recherches aux producteurs, d’apprendre et d’échanger. Alors que nous recevions seulement quelques producteurs locaux il y a quelques années, nous comptons maintenant plus d’une centaine de participants de partout dans les Prairies et aussi des États-Unis — c’est même plus que ce que nous pouvons accueillir! »
Depuis qu’elle s’est résolument lancée dans ses recherches sur sa passion biologique, Mme Fernandez a parcouru un long chemin pour défendre la communauté de l’agriculture biologique : elle dirige aujourd’hui un programme multidisciplinaire de recherche sur l’agriculture biologique au CRD de Swift Current, créé il y a plus de 15 ans. La situation des terres agricoles s’est également améliorée au Canada, le nombre d’acres certifiées biologiques étant passé de 0,5 % en 2000 à 2,1 % en 2021.
En 2023, l’Association pour le commerce des produits biologiques au Canada a décerné à Mme Fernandez le prix annuel « Leadership exceptionnel en science biologique », soulignant son engagement à long terme, plus de 130 rapports de recherche évalués par des pairs et un programme de recherche multidisciplinaire à Swift Current. Mme Fernandez a également vu le fruit de son travail sur le marché : les Canadiens ont dépensé plus de huit milliards de dollars en produits biologiques rien qu’en 2021, une augmentation de plus d’un milliard de dollars depuis 2019, ce qui lui procure une grande satisfaction pour la conviction qu’elle a eue tout au long de sa vie d’offrir aux producteurs des solutions de rechange en matière d’agriculture biologique et d’agriculture à faibles intrants.
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