Née avec le pouce vert : À la mémoire d’Isabella Preston, horticultrice canadienne

À Ottawa, la rue Preston est la principale artère du quartier de la Petite Italie. Même s'il s'agit d'un endroit idéal pour déguster un cappuccino ou des pâtes, peu de gens connaissent l'histoire de son homonyme : Isabella Preston, l'une des premières phytogénéticiennes d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC).

Un jardin de campagne anglais

Isabella Preston

Isabella Preston pose pour une photo vers 1900

Née à Lancaster, en Angleterre, en 1881, Isabella a toujours eu le pouce vert. Isabella était la fille d'un couple de jardiniers passionnés. Elle a passé sa jeunesse dans le jardin potager familial et a planté des variétés de fleurs provenant de contrées lointaines, comme c'était la mode à l'époque victorienne. Ces plantes nouvelles et exotiques ont capté l'imagination de la jeune Isabella, semant les graines de sa future carrière.

Isabella a immigré au Canada avec sa sœur Margaret en 1912 après le décès de leurs parents. Le duo intrépide est arrivé à Guelph, en Ontario, où Isabella s'est inscrite au Collège d'agriculture de l'Ontario (CAO). Elle avait l'intention de faire carrière en horticulture. Ce n'était pas une décision facile. Les amis d'Isabella l'avaient mise en garde contre les défis que posait le fait d'être une femme dans un monde d'hommes, même en agriculture. Sans se laisser décourager, elle a fait fi de ce conseil et a suivi sa passion pour les végétaux.

Malgré sa détermination, son séjour au collège a été de courte durée à la suite de sa rencontre en 1913 avec un professeur qui a changé sa vie. Le professeur J. W. Crow travaillait en horticulture, cultivant des iris et supervisant de nombreuses serres et pépinières dans la région de Guelph, y compris au Collège. Il avait besoin d'un assistant, quelqu'un qui pouvait entretenir et superviser les serres et les jardins, et il a offert le poste à Isabella. C'est à ce moment que sa passion pour la sélection végétale a véritablement pris son essor. Elle a beaucoup appris du professeur Crow et étudié les subtilités de la sélection végétale en « lisant tous les livres de la bibliothèque » sur le sujet.

C'était une période heureuse, mais la dévastation était imminente, et rien — pas même la sélection végétale — ne serait plus jamais pareil.

Jardiner en temps de guerre

La Première Guerre mondiale a commencé seulement un an après qu'Isabella eut commencé à travailler pour le professeur Crow. À l'appui des efforts de guerre, les phytogénéticiens ont dû se concentrer exclusivement sur les fruits et légumes à maturation rapide et à rendement élevé. Isabella apportera sa contribution en trouvant des variétés résistantes aux insectes et aux maladies pour la production.

Lys perdu

La deuxième tentative d'Isabella Preston pour la création du lys Creelman connaît un succès retentissant et elle remporte un prix du mérite de la Royal Horticultural Society en 1934. La grande fleur blanche parfumée a été la première à résister au climat canadien et les amateurs de plantes ont pris grand plaisir à la croiser avec d'autres variétés. Cependant, à cause de ces nombreux croisements, le lys Creelman disparaît pour ainsi dire du monde du jardinage canadien. De nombreuses variantes continuent de prospérer dans les jardins aujourd'hui.

La préférence d'Isabella Preston demeure cependant les plantes ornementales. Tout en s'efforçant d'accroître l'approvisionnement alimentaire pendant la guerre, elle poursuit ses recherches pour trouver des fleurs ornementales qui pourraient résister au climat canadien. Elle a finalement réussi en 1916 en cultivant le « Lys Creelman », nommé en l'honneur de George Creelman, alors président du Collège d'agriculture.

Cette découverte a permis à Isabella de se distinguer en tant que première phytogénéticienne professionnelle au Canada. Bien que le lys Creelman ait presque disparu lorsque tous les semis ont été perdus à l'hiver 1917, Isabella a toutefois poursuivi son travail sur la plante hybride et a perfectionné le lys en 1919. Ce rebond a ouvert la voie à son avenir, avenir qui jouera un rôle déterminant dans l'histoire de la sélection végétale ornementale au Canada.

Une plante suffisamment robuste pour le climat canadien

Après les années difficiles et sombres de la guerre, le monde avait désespérément besoin d'un vent de fraîcheur. Quelle meilleure façon de le trouver que dans les magnifiques fleurs des jardins de partout au pays?

Bien que les variétés de plantes importées des États-Unis et d'Europe puissent résister aux régions canadiennes plus chaudes, Isabella s'est donné comme mission de créer des plants plus robustes pour survivre aux hivers canadiens. Isabella rejoint en 1920 la division horticole de la Ferme expérimentale centrale d'AAC à Ottawa. Elle commence à travailler sur une nouvelle gamme de fleurs hybrides et il n'a pas fallu beaucoup de temps avant que les yeux du monde se tournent de nouveau vers cette extraordinaire spécialiste de l'horticulture ornementale.

Le lilas était la fleur préférée d'Isabella et elle a créé une gamme de plus de 50 lilas hybrides nommés en l'honneur de personnages féminins des pièces de Shakespeare. Ces lilas, ainsi que toutes les lignées ornementales d'Isabella, sont dignes du Canada et ouvrent de nouveaux mondes de couleurs et de formes pour les jardiniers dans les régions plus nordiques.

Une vie après les lys

Champ de lys Creelman

Champ de lys Creelman au Collège d’agriculture de l’Ontario

Isabella Preston a grandement contribué à la beauté à long terme de notre pays et d'ailleurs. Plusieurs de ses variétés hybrides étaient populaires partout dans le monde, y compris sa célèbre lignée de « lys des sténographes » qui portent le nom des sept dactylographes de la division de l'horticulture de la Ferme expérimentale centrale. C'était un geste émouvant à l'égard de ces femmes qui ont travaillé d'arrache-pied pour dactylographier les résultats des recherches à la Ferme expérimentale centrale.

En plus de son travail de création de magnifiques fleurs hybrides pour les jardiniers du monde entier, Isabella a écrit et donné de nombreuses conférences sur le jardinage ornemental. Elle partageait volontiers ses connaissances avec des jardiniers amateurs et expérimentés et répondait toujours à ceux et celles qui lui demandaient conseil. Un admirateur phytogénéticien lui a écrit : « Vous êtes l'un de mes héros, non seulement parce que vous avez réussi dans un secteur dans lequel j'aimerais réussir, mais aussi parce que vous avez une longue tradition d'entraide et de sympathie humaine. »

Quand Isabella a pris sa retraite de la Ferme expérimentale centrale en 1946, ce fut un moment empreint de tristesse, mais elle partait la tête haute grâce à de nombreuses reconnaissances. Des roses aux iris, la reine de l'agriculture ornementale vit dans nos jardins et dans nos cœurs, témoignant de notre amour des magnifiques fleurs. N'hésitons pas à nous salir les mains ce printemps et rendons hommage à Isabella Preston, jardinière émérite canadienne.

 

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