Un seul instant peut tout changer. Un air parfait sur les touches d’un piano. Une formule que l’on équilibre enfin après des années de réflexion. Un accrochage avec un inconnu dans la rue qui se termine par une histoire d’amour. Pour Tom Lowery, une rencontre fortuite a conduit à l’une des plus grandes découvertes de sa carrière, une découverte dont les amateurs de vin de tout le pays sont très reconnaissants.
Des problèmes corsés dans l’industrie vinicole de la Colombie Britannique
C’était en 1992. Alors que tout le monde faisait la queue pour voir Wayne’s World au cinéma ou parlait des Jeux olympiques d’été à Barcelone, Tom Lowery venait de défendre avec succès sa thèse de doctorat en entomologie à l’Université de la Colombie Britannique. Il était fatigué, heureux, fier et, surtout, prêt pour le prochain chapitre de sa carrière.
Il n’était pas le seul à vivre un changement. L’industrie vinicole, longtemps à l’abri des exportations des autres pays, était à l’aube d’un changement majeur, le marché intérieur canadien étant sur le point de connaître une recrudescence de la concurrence. En effet, l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA) était en cours d’élaboration et s’est finalement concrétisé au début de 1994. Cet accord commercial a ouvert la proverbiale porte de la cave aux importations de vin en provenance des États-Unis, et les vins moins chers de Californie ont commencé à franchir la frontière. Les établissements vinicoles locaux avaient du mal à se maintenir à flot face aux nouvelles entreprises américaines qui se disputaient une part de marché.
Mais Tom n’en savait rien. Il se concentrait sur les insectes et les organismes nuisibles. Après tout, il venait de passer des décennies à se consacrer à eux. Qu’est-ce que le vin pour un expert en insectes?
Mais une rencontre fortuite a changé le cours de ses recherches. « J’étais au bon endroit, au bon moment, explique Tom à propos du moment où sa carrière a basculé dans l’industrie du vin. J’ai rencontré par hasard un membre du British Columbia Wine Grape Council Research and Development Committee ». Cette rencontre lui a permis d’obtenir une bourse pour mener des recherches sur les parasitoïdes des œufs de la cicadelle de la vigne vierge, et a finalement donné le coup d’envoi de sa carrière au Centre de recherche et de développement de Summerland (CRDS) d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC).
Peu de temps après, le travail de Tom sur les ravageurs et les raisins de cuve allait s’avérer inestimable.
Une grappe de difficultés
Qu’est-ce que l’enroulement de la vigne?
La maladie de l’enroulement de la vigne est causée par des virus qui peuvent infecter les vignes. Propagée par les cochenilles, la maladie peut réduire le rendement des raisins et altérer la maturation des fruits et leur composition chimique.
À la suite des bouleversements survenus dans l’industrie vinicole, de nombreux hectares de raisins hybrides communs ont été arrachés en faveur des variétés Vitis vinifera (Vv), plus haut de gamme. Connus pour produire des vins de grande qualité comme le chardonnay et le merlot, ces « nobles raisins » ont été à l’origine de l’essor des vignobles, des restaurants et du tourisme dans la région. Cependant, la culture de ces nouvelles variétés a entraîné quelques difficultés au cours des premières années. Ainsi que quelques visiteurs indésirables.
Tout d’abord, les raisins Vitis vinifera (Vv) étaient plus sensibles aux maladies et aux ravageurs que les variétés hybrides résistantes au froid cultivées auparavant. Soudain, des ravageurs tels que la cicadelle de la vigne vierge et les cochenilles (connues pour transmettre les virus responsables de l’enroulement de la vigne) sont devenus un véritable casse-tête pour les producteurs. La lutte contre les ravageurs à l’aide des insecticides habituels n’a fait qu’aggraver la situation.
On a donc fait appel à Tom, en tant qu’expert en insectes nuisibles, pour comprendre ce qui causait soudainement des dégâts aussi importants dans certains vignobles de Colombie Britannique.
Après avoir inspecté les dégâts et recueilli des spécimens sur de nombreux sites viticoles, Tom avait quelques réponses à la fin de son premier été. Avec l’aide de ses collègues de la Collection nationale canadienne d’insectes, d’arachnides et de nématodes d’AAC, il a pu identifier le ravageur à l’origine du cauchemar des viticulteurs : la cicadelle Erythroneura elegantula, une espèce originaire de la côte californienne. Cette espèce, contrairement à la cicadelle Erythroneura ziczac, était résistante aux traitements insecticides utilisés à l’époque pour lutter contre les autres populations de cicadelles. En fait, le nombre de cicadelles Erythroneura elegantula a explosé après les traitements, car ceux-ci ont éliminé les insectes utiles qui aidaient à contrôler les cicadelles.
« C’était une énorme découverte, précise Tom. Il peut être très difficile de lutter contre des populations d’insectes envahissants, mais au moins nous avions désormais un point de départ. »
Mais ils ont vite compris que les dégâts allaient plus loin.
Comme on pouvait le craindre, l’utilisation généralisée de nouveaux traitements insecticides a également provoqué une augmentation significative des populations de cochenilles. Par conséquent, la maladie de l’enroulement de la vigne s’est propagée dans les vignobles de nombreux secteurs de l’Okanagan Sud.
La lutte pour sauver les raisins ne faisait que commencer pour Tom. Heureusement, il ne serait pas seul dans ce projet.
Rester calme et continuer... les recherches
Qu’est-ce que la Médaille du jubilé de diamant de la Reine?
La Médaille du jubilé de diamant de la Reine a été créée en 2012 pour marquer le 60e anniversaire de l’accession au trône de Sa Majesté la Reine Elizabeth II en tant que Reine du Canada et pour honorer les services qu’elle a rendus à notre pays. La Médaille a également servi à honorer les contributions et les réalisations importantes des Canadiens dans divers domaines. Au total, 60 000 médailles ont été décernées au cours de l’année anniversaire.
Après avoir découvert la nouvelle espèce de cicadelle et la cause sous-jacente de la maladie, Tom s’est vu confier un nouveau programme de recherche pour trouver une solution aux problèmes de la vigne. Il a fallu réaliser deux études consécutives de cinq ans, menées conjointement par Tom et José Ramón Úrbez Torres (Ph. D.), passer des heures à partager les pratiques de gestion bénéfiques avec les producteurs et replanter des hectares de vignes pour finalement maîtriser la maladie et les populations d’insectes. Au-delà des vignes, les connaissances de Tom ont donné lieu à de nombreux articles et exposés, ainsi qu’à plusieurs éditions de la section sur les insectes et les acariens dans le guide de production destiné aux viticulteurs locaux, qui préconise des méthodes de lutte antiparasitaire biologiques et plus durables.
« Bien que notre travail semble axé sur les besoins de l’industrie, il vise dans un sens plus large à bénéficier à la société et au bien public, précise Tom. Nous travaillons pour la population canadienne au sens le plus large. » Ses contributions à la lutte contre les insectes nuisibles et les maladies qu’ils transmettent allaient plus tard être reconnues par la Médaille du jubilé de diamant de la Reine en 2013, qu’il attribue au soutien substantiel qu’il a reçu de l’industrie au fil des ans. Comme il le dit lui-même : « On n’obtient pas ce prix sans l’apport de nombreuses personnes. »
Après avoir consacré plus de 30 ans au service de l’industrie viticole et du public canadien, Tom a décidé d’accrocher sa blouse de laboratoire et ses bottes de travail. Ceux et celles qui se fient depuis longtemps à ses travaux ne doivent pas s’inquiéter, car il poursuit son travail en tant que chercheur associé honoraire au CRDS, en réglant les derniers détails de certains projets inachevés, notamment une édition mise à jour de la section sur les insectes et les acariens du guide de production, et en fournissant des conseils pour la poursuite des études au Centre de recherche.
De son côté, Tom est très heureux de sa carrière et reconnaissant envers les nombreux producteurs, techniciens, boursiers postdoctoraux, étudiants et collègues qui, par leur travail acharné et leur dévouement, ont contribué à la réussite de ses recherches.
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