Semer des graines à Sault Ste. Marie : Colin Templeton vise très haut et veut cultiver des aliments en hiver dans le nord de l’Ontario

La nourriture est l'une des meilleures façons de réunir tous les êtres vivants. Nous mangeons pour survivre, pour grandir, pour durer. Tous les êtres ont besoin d'être alimentés, qu'il s'agisse d'une bactérie se nourrissant à une échelle microscopique ou d'une famille réunie autour d'un festin le dimanche midi. Même le processus de préparation des aliments repose sur des liens : de la graine dans le sol à la tige qui en résulte et au-delà, tous ces petits liens mènent à un produit final essentiel. Colin Templeton a été conscient de ces liens importants toute sa vie, et il utilise les connaissances qu'il en a pour renforcer ses liens avec les membres de sa communauté.

Une attitude volontaire

Colin Templeton

Pour Colin, le jardinage n'est pas un simple passe-temps. C'est un mode de vie.

Depuis son enfance dans le sud de l'Ontario, puis durant un court séjour en Colombie-Britannique, et aujourd'hui depuis son installation dans la ville historique de Sault Ste. Marie, peu importe où il était, il a toujours su tirer avantage de cette précieuse compétence. « J'ai grandi dans une culture d'aliments cultivés et préparés à la maison », déclare Colin, pour expliquer l'importance qu'il accorde au fait de cultiver sa propre nourriture. « Mes parents étaient des jardiniers convaincus, et j'ai toujours eu un jardin. »

Dans son travail de conseiller forestier auprès du ministère des Richesses naturelles et des Forêts, Colin peut vivre son amour du plein air à grande échelle. Si sa profession l'amène à participer à l'élaboration de la politique complexe concernant la gestion durable des forêts de l'Ontario; ce sont les projets communautaires qui lui donnent la plus grande satisfaction. Il aime redonner en utilisant à la fois ses ressources et ses relations pour soutenir ceux qui en ont besoin.

Le plus grand défi qu'il a eu à relever s'est toutefois présenté quand une amie bénéficiaire de l'aide sociale lui a demandé de l'aide pour reprendre sa vie en main. Comme il cherchait une solution à long terme qui offrirait une stabilité financière, il s'est tourné vers ses fruits et légumes.

Un jardin maraîcher (où on vendrait des produits cultivés à la maison directement aux consommateurs) comme moyen pour son ami de compter sur un revenu régulier avait bien du sens : il serait simple à mettre en œuvre, et Colin avait la terre et l'équipement de jardinage nécessaires, sans parler de ses années d'expérience avec les cultures de haute qualité. À la fin de l'été, ils avaient vendu suffisamment de produits pour que l'amie de Colin ait la sécurité financière additionnelle dont elle avait besoin avant de passer à une nouvelle carrière.

Colin jubilait. Son amie avait maintenant un chemin à suivre et ne dépendait plus des ressources offertes par le jardin. Mais lorsqu'il a eu terminé de savourer son succès et que la saison des cultures arrivait à sa fin, il n'a pas pu s'empêcher de se dire : « Et maintenant? »

Une source d'inspiration improbable

Une réponse s'est rapidement imposée. Colin voulait continuer à cultiver des aliments, et sa nature charitable l'a poussé à chercher la meilleure façon de les distribuer aux personnes qui en avaient besoin. Créer sa propre entreprise à but non lucratif comportait trop d'obstacles; il a donc décidé de se joindre à une organisation existante déjà bien connue dans la communauté et suffisamment crédible pour appuyer de nouveaux projets.

Soup Kitchen, l'un des organismes de bienfaisance les plus reconnus de Sault Ste. Marie, répondait parfaitement à ces critères. Non seulement cette soupe populaire fournit des repas préparés aux familles à faible revenu, mais elle est aussi une banque alimentaire, et est ainsi une destination assurée pour les produits de Colin. Depuis 2017, son projet de don, qui fonctionne sous le nom de FoodBankFarm, fournit régulièrement des fruits et des légumes frais aux clients de Soup Kitchen.

Tout allait donc bien pour le projet né de la passion de Colin. Des paniers de fruits et légumes frais sont passés de la ferme de Colin au garde-manger de la soupe populaire et aux cuisines de Sault Ste. Marie.

Puis l'hiver est arrivé, avec son lot de frustrations.

Qu'est-ce que le projet EDEN ISS?

EDEN ISS est un projet de quatre ans relevant du programme d'action de recherche et d'innovation « Horizon 2020 » de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation. Son objectif est d'arriver à cultiver des aliments à l'aide d'un éclairage DEL et de systèmes de recyclage de l'air et de l'eau, et selon des procédures de décontamination dans une installation fermée de la taille d'un conteneur d'expédition. Les connaissances acquises grâce à cette expérience pourront être utilisées à bord de la Station spatiale internationale et lors de l'exploration spatiale humaine.

Durant six mois, le sol de Sault Ste. Marie serait gelé et dormirait sous une épaisse couche de neige. On était aussi loin que possible d'une saison de croissance. Les serres ne répondraient pas à ses besoins s'il voulait poursuivre sa production; leur coût d'entretien serait beaucoup trop élevé pour la quantité de produits qu'il aurait à cultiver. Sans parler des modifications dont les serres ont besoin pour résister aux fortes chutes de neige de l'endroit.

Cela ne suffisait pas pour arrêter Colin. En bon passionné des informations toujours au courant des innovations environnementales, il a trouvé une solution pour la croissance saisonnière dans le domaine le plus improbable, soit le domaine spatial.

Dans le cadre d'une expérience visant les astronautes participant aux expéditions interplanétaires prévues, le projet EDEN ISS simule la culture d'aliments dans des conditions difficiles à l'intérieur d'unités autonomes. Il se déroule en Antartique, où les conditions sont « légèrement plus rigoureuses que là où je vis », dit Colin en riant. « Mais j'aimais l'idée que les aliments puissent être cultivés dans des milieux froids et enneigés uniquement à l'aide de lumières DEL. »

Malgré les objectifs extraterrestres du projet EDEN ISS, la conception du projet est magnifiquement simple. Grâce à un appui de 23 500 $ du Fonds pour l'infrastructure alimentaire locale (FIAL) d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, aux dons de l'organisme Soup Kitchen et à sa propre contribution, Colin avait en 2020 un capital suffisant pour réaliser son rêve.

De la chaleur durant des jours

Le Fonds des infrastructures alimentaires locales

Le Fonds des infrastructures alimentaires locales (FIAL) est une initiative quinquennale de 70 M$ qui prendra fin le 31 mars 2024. Il s'adresse à des organisations communautaires sans but lucratif dont la mission est de réduire l'insécurité alimentaire en établissant et en renforçant les systèmes alimentaires locaux. Depuis son lancement en août 2019, 64,8 M$ ont été versés pour soutenir plus de 1 100 projets liés à la sécurité alimentaire visant à favoriser la croissance à l'échelle du Canada.

Contrairement aux responsables du projet EDEN ISS, Colin n'a pas besoin d'une installation de pointe parfaitement étanche pour sa production. Sa version du projet, que n'importe qui pourrait mettre en œuvre avec les bons outils et les instructions appropriées, est simplifiée. Elle est également rentable, utilise des fournitures trouvées en quincaillerie, un ventilateur d'évacuation à contrôle de température modifié, et des circuits et appareils électroniques soigneusement calculés. Au lieu d'une unité de plusieurs millions de dollars, il a acheté un conteneur d'expédition d'une entreprise de construction locale et a mis son système sur pied en environ une semaine.

Végétaux poussant à l'intérieur du conteneur de Colin

« Le fonctionnement du conteneur coûte environ cinq dollars par jour », dit Colin. « Il est essentiel de cultiver les bons végétaux, ceux qui fleurissent rapidement et ont de courtes rotations, comme le bok choy, la roquette, la laitue et les radis. Ma règle est simple : si un produit coûte moins cher à l'épicerie, pourquoi est-ce que je le cultiverais ? »

Et ça s'est avéré être une bonne règle. Grâce à la ferme et au conteneur, Colin est toujours en mesure de fournir à l'organisme Soup Kitchen des produits frais, pour une valeur annuelle estimée de plus de 25 000 $, et il a créé un manuel d'utilisation approfondi pour que d'autres puissent suivre ses traces. Il envisage des installations comme celle-ci dans d'autres milieux, comme les collectivités nordiques éloignées, où le climat peut ne pas convenir à la culture des végétaux et où le coût des aliments frais est élevé. Quant à son propre conteneur, il prévoit l'utiliser bien après la fonte des neiges et le dégel du sol. En été, lorsque les murs d'acier de cette structure sont trop chauds pour héberger des plantes, ses étagères sombres et humides seraient parfaites pour la culture des champignons.

Peu importe ce qu'il fait, Colin sait que tisser des liens renforce toujours une communauté. Comme dans tout écosystème, quand tous les éléments travaillent ensemble, le succès vient naturellement. De nouvelles difficultés surgiront toujours, mais ce n'est pas grave. Colin n'a qu'à sortir des sentiers battus pour trouver une solution.

 

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