Travail de charançon : l’approche de Michelle Franklin pour lutter contre les organismes nuisibles est tournée vers l’avenir

Michelle Franklin, Ph. D., visitait forêts et ruisseaux dans son enfance pour assouvir sa fascination pour les insectes. En effet, depuis son jeune âge, Michelle a un grand intérêt pour les ailes vrombissantes et les pattes coureuses qui repoussent pourtant la plupart des gens. Elle ne se doutait toutefois pas que ce passe-temps de jeunesse deviendrait une passion indéfectible qui la mènerait à une carrière d’entomologiste dans le secteur des petits fruits à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Michelle a pu y mettre ses connaissances sur les insectes à l’épreuve en vue de combattre une nouvelle menace qui porte pourtant un nom si adorable.

Championne de la durabilité

Michelle Franklin tenant une tige de mûrier
Michelle Franklin tenant une tige de mûrier (photo : Warren Wong)

Michelle a toujours voulu avoir une carrière qui aurait des retombées positives pour l’environnement. Au cours de ses études de premier cycle, elle a pu établir un lien entre ses deux passions et a commencé à envisager les insectes sous une perspective environnementale. Elle a pris conscience que les solutions écologiques et durables pour lutter contre les nuisibles pouvaient avoir d’importantes répercussions sur l’environnementvirus, bactéries et champignons) pour réduire l’utilisation des pesticides chimiques.

Qu’est-ce que la biovigilance?

La biovigilance aide les chercheurs à prédire et anticiper les menaces et défis posés par les ravageurs et à réagir avant que des dommages importants soient causés. Elle repose sur six étapes cohérentes (vigilance, identification, évaluation, compréhension, atténuation et pertinence). Une telle méthode nécessite une collaboration interdisciplinaire (taxinomie, entomologie, géomatique, climatologie, transfert des connaissances) ainsi qu’une coopération entre les ministères, les universités et de multiples secteurs d’activité.

Les études de Michelle l’ont ensuite menée à une carrière au Centre de recherche et de développement d’Agassiz d’AAC en 2020. Elle a ainsi pu mettre à profit sa passion pour les insectes et ses connaissances concernant la lutte antiparasitaire durable. Elle a rapidement réalisé que la résolution des problèmes liés aux insectes nuisibles passe en grande partie par la prédiction de leurs comportements, et a commencé à appliquer des méthodes de prévention proactives fondées sur le concept de « biovigilance ». Contrairement aux approches de lutte classiques, « la biovigilance consiste à adopter une approche holistique », indique Michelle. « Elle nous permet de réagir rapidement et avec souplesse aux menaces posées par les organismes nuisibles ».

Compte tenu du grand nombre de facteurs entrant en ligne de compte, notamment l’augmentation des échanges commerciaux, la mondialisation et le comportement des nouveaux insectes, il faut adopter une approche complète et équilibrée pour compenser la complexité sans cesse croissante de la lutte antiparasitaire. Le secteur des petits fruits a été particulièrement touché par le problème des insectes nuisibles, et les lignes directrices en matière de biovigilance que Michelle travaille à créer pourraient s’avérer essentielles pour la croissance et la stabilité du secteur.

Michelle a rapidement dû mettre ses connaissances sur la biovigilance à l’épreuve et faire face à un nouvel adversaire : l’anthonome de la fleur du fraisier.

Une nouvelle menace pour les petits fruits

Anthonome de la fleur du fraisier adulte
Anthonome de la fleur du fraisier adulte (photo : Warren Wong)

Indigène d’Europe, d’Asie et de certaines parties de l’Afrique du Nord, l’anthonome de la fleur du fraisier a été observé pour la première fois en Amérique du Nord à Abbotsford, en Colombie-Britannique, en 2019. En 2020, il était déjà présent dans de nombreuses municipalités de la vallée du Fraser et de la région métropolitaine de Vancouver.

Petite et munie d’un long rostre, l’espèce pond ses œufs à l’intérieur des boutons floraux fermés, puis mâche les tissus pour empêcher que le bouton s’ouvre pendant le développement des larves, ce qui entraîne une perte de fruits et, par conséquent, une perte de revenus pour les producteurs. Malgré ce que pourrait laisser croire son nom, l’anthonome de la fleur du fraisier représente aussi une menace directe pour le framboisier, le mûrier et d’autres plantes.

Là où plusieurs ont vu un défi de taille, Michelle a vu une occasion.

En se concentrant sur les quatre premières étapes de l’approche de biovigilance (vigilance, identification, évaluation et compréhension), elle a réuni une équipe multidisciplinaire de 50 experts provenant du ministère et de l’extérieur chargés de collaborer au projet. Ils ont commencé par recueillir toutes les connaissances disponibles sur l’anthonome de la fleur du fraisier, notamment sa répartition, ses plantes hôtes et ses ennemis naturels, pour s’assurer de l’exactitude de l’identification. Ils ont également cherché des réponses à d’autres questions sur les répercussions environnementales et économiques de ce nuisible, entre autres l’ampleur des dommages qu’il peut causer aux cultures, et les effets de ces dommages sur les résultats des producteurs.

Les données recueillies contribueront à orienter les stratégies d’atténuation et de lutte contre l’anthonome de la fleur du fraisier et seront utilisées pour la création d’une application de surveillance pouvant être modifiée pour cibler les organismes qui poseront une menace dans le futur.

Tout se déroulait comme prévu pour Michelle et son équipe, jusqu’à ce qu’un invité étrange et inattendu fasse un jour son arrivée dans le laboratoire.

Un allié insoupçonné

Michelle a remarqué un bel insecte vert métallique qui sortait d’un des boutons floraux endommagés, et qui ne ressemblait en rien au petit charançon noir qu’elle étudiait. Cet insecte, un parasitoïde (organisme qui se développe sur ou à l’intérieur d’un autre organisme), semblait pondre ses œufs à l’intérieur du même bouton floral que le charançon. Ce nouvel insecte vert s’est ensuite nourri des larves du charançon et a entraîné leur mort. Plus de 150 de ces parasitoïdes sont sortis des boutons floraux endommagés récoltés en 2020, ce qui est étrange puisque l’anthonome de la fleur du fraisier n’est établi que depuis peu dans la région.

Tout ceci au grand bonheur de Michelle.

« Cette découverte était plutôt surprenante, mais elle est positive puisqu’elle nous donne espoir que nous pourrons compter sur l’aide d’un ennemi naturel », indique Michelle. Ce petit ennemi naturel vert pourrait contribuer à limiter les populations du ravageur et à réduire la dépendance à l’égard des pesticides, ce qui représente un gain pour les producteurs et l’environnement!

Actuellement, on en sait peu sur le parasitoïde, qui serait une espèce non décrite (c’est-à-dire qu’elle n’a pas encore été nommée officiellement). D’autres recherches sont en cours en collaboration avec la Collection nationale canadienne d’insectes, d’arachnides et de nématodes pour identifier l’espèce, déterminer son origine et évaluer son potentiel pour lutter contre les populations d’anthonome de la fleur du fraisier.

Voir sa fascination de jeunesse pour les insectes devenir une carrière bénéfique pour l’environnement est très gratifiant pour Michelle. « Les besoins en matière de biovigilance augmentent avec l’augmentation de la complexité de la menace posée par les ravageurs » indique Michelle. « Ultimement, nous voulons offrir aux producteurs canadiens des outils et des solutions pour qu’ils puissent faire face aux organismes nuisibles de manière autonome. »

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