Les premiers seize pour cent est la nouvelle série de balados d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui explore les idées les plus fraîches en alimentation et en agriculture. À chaque épisode, découvrez en profondeur un nouveau sujet : les nouvelles pratiques, les idées innovantes et leurs impacts sur l'industrie. Apprenez-en davantage sur le secteur agricole canadien auprès des gens qui font les percées et abattent les barrières! Producteurs et gourmets, scientifiques et hauts dirigeants, toute personne ayant un œil sur l'avenir du secteur, ce balados est pour vous! Un nouvel épisode est publié chaque mois.
Épisode 013 - La santé mentale : du point de vue de l'agriculteur
Cynthia Beck et sa famille exploitent une ferme bovine et céréalière dans le sud-est de la Saskatchewan. Après avoir fait face à ses propres problèmes de santé mentale et découvert un manque de soutien pour les personnes travaillant dans le secteur agricole, Cynthia a décidé de faire quelque chose. Elle nous parle de surmonter sa dépression et de son engagement en santé mentale auprès de la communauté agricole. Au cours des six dernières années, elle a travaillé sur une ligne d'écoute téléphonique destinée aux producteurs et aux éleveurs. Elle termine également une maîtrise en psychologie clinique à l'Université de Regina.
Transcription
Cynthia : Regardez votre ferme et trouvez la pièce d'équipement numéro un dont vous ne pourriez pas vous passer dans votre exploitation. C'est quelque chose que je dis tout le temps aux producteurs quand je leur demande quelle est la pièce d'équipement numéro un que vous utilisez dans votre ferme? Très souvent, les gens répondent que c'est le tracteur, la moissonneuse-batteuse, le semoir pneumatique ou autre chose. Et je réponds, eh bien, est-ce que ça pourrait fonctionner sans vous? Non, vos cultures ne se nourrissent pas toutes seules, votre bétail ne se nourrit pas tout seul, c'est vous, cette personne, l'agriculteur, qui est la pièce maîtresse de son exploitation. C'est au point d'être choquant de voir comment certaines personnes se rendent pas nécessairement compte qu'elles ont des difficultés, parce que c'est peut-être leur façon d'opérer depuis tellement longtemps que c'est devenu normal. Elles se rendent peut-être même pas compte qu'elles ont des problèmes de santé mentale.
Sara : Bienvenue à Aux premiers seize pour cent. Mon nom est Sara Boivin-Chabot.
Kirk : Je suis Kirk Finken.
Sara : La voix que vous avez entendue au début était celle de Cynthia Beck. Elle gère avec sa famille une exploitation bovine et céréalière dans le sud-est de la Saskatchewan, à environ une heure au sud de Regina.
Kirk : Elle a une histoire importante à partager et des informations très utiles sur la santé mentale des producteurs.
Sara : Vous avez peut-être entendu notre épisode précédent avec la Dr Briana Hagen, une professionnelle de la santé mentale du Manitoba. Elle nous a donné un excellent aperçu de la situation générale de la santé mentale dans notre secteur.
Kirk : L'interview avec Cynthia Beck en est la preuve, car il s'agit d'une agricultrice qui a connu et surmonté un épisode de dépression post-partum. Elle partage son histoire personnelle sur la santé mentale.
Sara : Cynthia apporte également une vision plus vaste de la question. Oui, elle a sa propre histoire. Mais depuis qu'elle a surmonté sa dépression, elle s'est engagée à aider d'autres personnes de la communauté agricole à s'occuper de leur santé mentale. Au cours des six dernières années, elle a travaillé dans une ligne d'écoute téléphonique destinée aux producteurs et aux éleveurs. Elle complète aussi une maîtrise en psychologie clinique.
Kirk : Juste un avertissement à propos de cette interview, il y est question de suicide et de sujets sensibles.
Cynthia : Euh, on a une exploitation agricole mixte. On a un troupeau commercial et un troupeau de bovins de race. Et puis on ensemence environ six mille acres de terres à céréales. On cultive avec les parents de mon mari, mon mari et moi-même et le frère de mon mari et sa femme. Nos enfants sont aussi impliqués. On a donc un fils de 19 ans qui fréquente l'Université de la Saskatchewan, où il étudie la science animale et l'agroalimentaire. Mais il revient aussi à la maison et c'est un membre très actif de la ferme. On a aussi une fille de 16 ans qui est un membre incroyablement actif de la ferme. Et puis les enfants de mon beau-frère sont également actifs sur la ferme. On est donc vraiment trois générations à travailler ensemble sur la ferme.
Kirk : Il y a pas beaucoup d'autres secteurs d'emploi au Canada où on trouve trois générations et la famille élargie qui travaillent ensemble. En soi, ça peut aider à la santé mentale, ça peut avoir beaucoup de valeur.
Cynthia : En fin de semaine même, c'était un parfait exemple. Il y avait ma belle-mère, mon beau-père, mon mari, moi-même et nos deux enfants. On était en train de déplacer des paires de veaux vers un pâturage communautaire situé à 80 km. Et en même temps, mon beau-frère et son fils semaient. On a besoin de tout le monde et il y a des moments où on doit tous mettre la main à la pâte. Et je pense que c'est une sorte d'honneur, vraiment, d'être capable d'avoir les trois générations qui travaillent ensemble.
Sara : Trouvez-vous qu'entre ces générations, il y a une approche différente de la santé mentale et du fait d'en parler? Est-ce différent, disons, entre votre génération et celle de vos enfants?
Cynthia : Oui, je pense que oui. Les jeunes générations parlent plus ouvertement de la santé mentale de la même façon qu'ils parlent de la santé physique. Et je pense qu'au sein de notre famille, au sein de notre unité familiale de quatre personnes, en tout cas, on a cultivé cet environnement où on peut, j'espère, parler ouvertement. Si je passe une journée où je vais pas très bien, je le fais savoir à ma famille, comme : « je ne vais pas très bien, gang ». Je me mets en pause et cela implique généralement que je m'assoie dans mon bureau avec une tasse de café et tout le monde respecte cela sans poser de questions. Si quelqu'un dit qu'il a besoin de prendre du temps, il le prend et tout le monde le soutient et fait ce qu'il peut pour lui donner cette opportunité. Je constate des changements même en prenant la parole lors d'événements agricoles. J'ai fait une présentation lors d'une réunion d'une association d'éleveurs et j'ai parlé de l'élevage et de santé mentale. J'ai donc expliqué que la santé mentale, c'est comme la sélection d'un reproducteur pour votre exploitation bovine. Après coup, il y avait un homme assis dans la foule, les bras croisés, le visage froncé. Et puis j'ai terminé la partie de mon exposé et j'ai répondu aux questions. Et ce fermier âgé est venu me voir après et il m'a dit, vous savez, j'ai pensé que cette histoire de santé mentale c'était n'importe quoi et je ne l'ai jamais vraiment comprise. Mais maintenant je comprends. Je comprends pourquoi il y a une chose qu'on appelle la santé mentale. Et je pense qu'on peut communiquer ou faire passer le message à toutes les générations. On doit juste trouver un moyen de parler leur langage, un langage qu'ils peuvent entendre ouvertement. Donc si vous pouvez parler de la santé mentale de la même manière que vous parleriez de l'agriculture et utiliser le même langage, parce qu'il y a des parallèles, alors vous pouvez atteindre toutes les générations.
Sara : Pour les producteurs, quels sont les défis particulier pour accéder aux soins de santé mentale?
Cynthia : Eh bien, premièrement, les soins de santé mentale qui sont disponibles dans les communautés rurales sont assez minces. Il y a quelques communautés rurales qui ont des fournisseurs de soins de santé mentale. Mais même dans ce temps-là, je dirais qu'il n'y a pas beaucoup d'accessibilité, parce que même si un service est disponible, cela ne veut pas dire qu'il est accessible. Et il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, il se peut que le fournisseur de soins ait pas une connaissance suffisante de l'agriculture et qu'il soit perçu comme étant pas crédible. Ou encore, les producteurs agricoles peuvent avoir l'impression que le fait de s'adresser à un prestataire de soins qui ne connaît pas l'agriculture leur fera perdre un temps précieux. Et avouons-le, le temps en agriculture est essentiel et incroyablement précieux. Je pense qu'un autre obstacle à l'obtention de soins, ou une sorte de défi à l'obtention de soins, c'est également la stigmatisation, une stigmatisation potentielle qui est impliquée dans l'accès aux services de santé mentale en face à face. Soyons réalistes, dans une communauté rurale, on connait tous les véhicules des autres. Donc, si le camion de quelqu'un est garé devant une clinique, il y a une sorte de perte automatique de confidentialité. Je pense qu'un autre défi dans l'accès aux soins de santé mentale c'est le coût financier que cela implique. Premièrement, il s'agit du coût financier du paiement des services de santé mentales si vous optez pour la voie privée, qui est généralement plus rapide. Il y a le coût du voyage. On est à une heure de route de la clinique de santé mentale le plus proche. Donc c'est automatiquement deux heures de votre journée que vous passez à voyager. Mais il y a aussi la durée du rendez-vous. Et donc quand je parle de coût financier, c'est le coût d'une perte de production ou d'affaires pendant que vous êtes absent pour recevoir des soins de santé mentale. Par exemple, dans l'industrie de l'élevage, si vous êtes dans la saison des naissances et que vous êtes sur une liste d'attente pour recevoir des soins de santé mentale, la liste d'attente était de trois à six mois. Lorsque votre rendez-vous arrive, vous êtes en pleine saison de production. Donc pour nous, c'est la saison des vêlages. Et avec ça vient le fait que, si je pars pendant la saison de vêlage et que j'ai une vache qui a un problème pour mettre bas, premièrement, je pourrais perdre la vache, je pourrais perdre le veau. Donc vous avez automatiquement comme un coût financier énorme, alors que vous essayez de recevoir des soins de santé mentale et la plupart des producteurs agricoles, avouons-le, on va donner la priorité au travail pour espérer obtenir un chèque de paie plutôt que de prendre le risque de quitter la ferme pour recevoir des soins de santé mentale pendant les saisons de forte production. Je pense que c'est un obstacle énorme à l'accès aux soins de santé mentale pour les producteurs agricoles.
Kirk : Et donc vous personnellement, comment vous travaillez à relever ces défis ?
Cynthia : Vous me le demandez en tant qu'agricultrice ou en tant que personne qui travaille dans le domaine de la santé mentale.
Kirk : Les deux. Je pense que les deux sont pertinents.
Cynthia : Eh bien, en tant qu'agricultrice, je dois être honnête, j'ai connu mes propres problèmes de santé mentale parce que j'ai fait une dépression post-partum. Et c'était il y a très longtemps. Et à l'époque, il y avait pas les ressources qu'on a maintenant. Il n'y avait pas de médias sociaux et l'isolement était vraiment, vraiment présent. Quand on était isolé, on était vraiment isolé. Vous ne pouviez pas simplement aller faire un tour en ville pour la journée ou… alors quand il s'agit de surmonter les défis de la santé mentale pour moi-même, je trouve cette question vraiment intéressante. Et elle me fait réfléchir au fait que, oui, je dois donner la priorité à ma propre santé, à ma santé mentale. Et je pense que les médias sociaux offrent une excellente plateforme pour rechercher un soutien social, et le soutien social est vraiment important dans l'industrie agricole. Il y a aussi des cours et des programmes en ligne qui sont disponibles, surtout ici en Saskatchewan. On a beaucoup de chance. On a un étonnant programme de thérapie en ligne par l'intermédiaire de l'unité de thérapie en ligne de l'Université de Regina, qui propose une thérapie cognitivo-comportementale avec l'aide de thérapeutes. C'est ce que vous recevriez dans le cadre de soins en face à face, sauf que c'est par Internet. Vous choisissez quand vous travaillez sur votre cas. C'est incroyablement accessible et c'est gratuit, ce qui est une énorme plus. Pour ce qui est des problèmes de santé mentale, en tant que fournisseur de soins de santé, j'ai commencé à faire du bénévolat comme intervenante suicide au début 2015. Et j'ai fait ça parce que les producteurs agricoles sont confrontés à des difficultés et à des facteurs de stress incroyables qui ont vraiment mis à mal la santé mentale. Et ça augmente, je trouve, avec le temps. Et donc je suis d'abord retourné à l'université. J'ai suivi le programme d'intervention en cas de suicide, ce que je fais depuis six ans maintenant. Puis je suis retournée à l'université pour faire une maîtrise en psychologie clinique pour pouvoir jouer un rôle actif, un rôle actif dans la solution pour fournir des services de soins de santé mentale en milieu rural. Je pense donc qu'au fil du temps, nos services ruraux augmentent et s'améliorent, que ce soit au sein de la communauté ou en matière d'accessibilité en ligne.
Sara : Vous avez mentionné avoir fait une dépression il y a quelques années. Pouvez-vous nous en parler?
Cynthia : Eh bien, j'ai connu une dépression post-partum et elle a atteint son paroxysme pendant la récolte, quand j'essayais de nourrir l'équipe de la récolte, un nouveau-né et un enfant actif de trois ans. Et j'ai contacté mon médecin de famille parce que c'était littéralement la seule personne que je connaissais qui pouvait m'aider. Et la solution ou la suggestion du médecin a été de dire, « wow, tu as besoin de dormir, tu as besoin de dormir. Je vais te mettre à l'hôpital. Avec un peu de chance, tu pourras dormir pendant une semaine et tu seras en pleine forme. » Et j'étais comme, je pense que tu es mentalement malade même en suggérant cela, parce que comment est-ce que je peux, avec un nouveau-né et un enfant de trois ans, pendant la récolte, comment je peux m'échapper? Je peux pas prendre des vacances. C'était une expérience incroyablement frustrante parce que le médecin avait aucune connaissance de l'agriculture. Si on a une expérience négative lors de la première rencontre, on n'y va pas une deuxième fois. Et on est pleins de ressources. On est indépendants et autonomes. C'est pourquoi, très souvent, j'entends dire, et c'est aussi mon expérience personnelle, que si notre première rencontre n'est pas positive, on va se débrouiller tout seuls et on se tourne vers l'intérieur pour essayer de trouver une solution. Et parfois on n'a pas les connaissances, l'éducation ou la capacité pour trouver cette solution.
Sara : Comment un professionnel de santé mentale en milieu rural peut-il ne pas être au courant des conditions des producteurs?
Cynthia : Contrairement à la croyance populaire, la sensibilisation ou la connaissance de l'agriculture, ce n'est pas du bon sens. C'est un acquis culturel. C'est vrai. Donc, la plupart des médecins qui viennent dans les régions rurales sont des médecins généralistes. Ce sont des médecins qui ont grandi dans un environnement urbain et qui arrivent dans un environnement rural. Et ce n'est pas parce que vous vivez en milieu rural que vous vivez en milieu agricole, rural. Il y a une différence. Il y a une très grande différence entre vivre dans une municipalité rurale et vivre dans une ferme, vivre dans l'agriculture. Une très grande différence dans le mode de vie. Donc, honnêtement, je pense que si on a des médecins ou des psychologues qui ont l'intention de travailler en milieu rural, il faut leur donner une formation supplémentaire. Pour qu'ils soient efficaces, vraiment.
Kirk : La santé mentale est souvent stigmatisée. On pense que le fait d'être étiqueté comme ayant des problèmes de santé mentale va nous toute notre vie. Pourtant, on parle rarement de quelqu'un qui se remet d'un problème de santé mentale et qui se débarrasse de cette stigmatisation. Pouvez-vous partager avec nous une anecdote de quelqu'un qui a réussi à surmonter un problème de santé mentale?
Cynthia : Eh bien, je pense d'abord qu'il est vraiment important, Kirk, d'aborder le point que vous venez de soulever. Je crois qu'il y a tellement d'auto-stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale, et je trouve que l'auto-stigmatisation nous nuit ou nous entrave plus que l'inaccessibilité des services de soins de santé mentale. C'est vrai. Je ne connais personne qui dise : "Oh, cette personne a fait une dépression, ne vous occupez pas d'elle parce qu'elle est trop dérangée". Je ne sais pas vraiment si ça se produit. Et si c'est le cas, j'ai pas vraiment rencontré quelqu'un qui a dû faire face à ces défis. Je ne crois donc pas qu'il faille mettre un panneau sur les gens et dire qu'ils sont malades mentaux. Je pense que nous avons dépassé cette mentalité. En tout cas, j'espère vraiment que c'est le cas, surtout ici dans le secteur agricole, où les facteurs de stress, l'adversité à laquelle on est confrontés... ont un impact sur la santé mentale des producteurs agricoles. Je veux dire, regardons les choses en face, les troubles psychiatriques dont souffrent les producteurs agricoles sont plus fréquents que dans la population générale, ce qui montre bien la quantité de stress et d'adversité à laquelle on fait face. Mais vous savez quoi? Les défis de la santé mentale, la santé mentale, c'est en quelque sorte sur un continuum. Je veux dire, tout le monde a de très mauvais jours. Tout le monde peut avoir de très mauvaises semaines. Mais de l'autre côté de ce pendule, on peut aussi avoir de très bonnes périodes. J'espère donc que les gens reconnaissent que la santé mentale n'est pas que du soleil et des arcs-en-ciel. C'est vraiment irréaliste. Et on se prépare à l'échec en pensant : "Oh, je dois être heureux tout le temps". C'est des conneries. Excusez mon langage. Mais c'est vraiment irréaliste et c'est s'exposer à l'échec. Donc les problèmes de santé mentale peuvent être surmontés. J'en suis la preuve vivante. Et je peux pas parler de l'expérience des autres, mais je peux parler de la mienne. J'ai travaillé sur moi-même. J'ai fait de moi une priorité et j'ai fait de ma santé mentale une priorité. Donc, si j'avais besoin d'une pause ou d'une nuit complète de sommeil, j'en parlais à mon conjoint. On a eu des conversations ouvertes. Et je pense qu'en communiquant nos difficultés, on peut, un peu, se distancier du problème pour trouver des solutions et de meilleures façons d'y faire face. Donc, pour tous ceux qui connaissent de très gros problèmes de santé mentale en ce moment, je veux juste que vous sachiez que demain est un tout nouveau jour. Le soleil se lève toujours. Et même si cela semble incroyablement cliché, c'est très vrai. Et en tant qu'agriculteurs, on le sait, je veux dire, on est là, à l'aube, vous le voyez tous les jours. J'espère donc vraiment que les gens se donnent la possibilité de faire l'expérience d'un nouveau soi, d'une nouvelle existence, et de se sortir de ce qu'ils vivent. En ce qui concerne les problèmes de santé mentale, faites de vous une priorité.
Sara : Quelles sont les premières étapes pour faire de nous-même une priorité?
Cynthia : En faisant une intervention contre le suicide. C'est... Au point d'être choquant de voir comment certaines personnes ne se rendent pas nécessairement compte qu'elles ont des difficultés, parce que c'est peut-être leur façon de fonctionner depuis tellement longtemps que c'est devenu normal, elles ne se rendent peut-être même pas compte qu'elles ont des problèmes de santé mentale. C'est vrai. Et très souvent, dans les communautés rurales, vous pouvez avoir ce voisin qui est comme un vieux grincheux. Il y a de fortes chances que ce vieux grincheux soit en fait confronté à de gros problèmes de santé mentale, non? Je ne pense pas que les gens soient mauvais par nature. C'est vrai. En général, c'est un problème de santé mentale. Donc la première étape pour faire de nous une priorité, c'est de reconnaître qu'on peut en profite. Qu'on profiterait d'un peu de temps pour nous, pour jeter un coup d'œil à votre exploitation agricole et reconnaître quelle est la pièce d'équipement numéro un dont on peut pas se passer dans notre exploitation agricole. C'est une chose que je dis tout le temps aux producteurs quand je leur demande quelle est la pièce d'équipement numéro un que vous utilisez dans votre exploitation. Très souvent, les gens répondent que c'est le tracteur, la moissonneuse-batteuse, le semoir pneumatique ou autre chose. Et je réponds, eh bien, est-ce que ça pourrait fonctionner sans vous? Non, vos cultures ne se nourrissent pas toutes seules, votre bétail ne se nourrit pas tout seul, c'est vous, cette personne, l'agriculteur, qui est la pièce maîtresse de son exploitation. Donc, si vous passez du temps à faire le plein de votre tracteur le matin, à vérifier la pression d'air de vos pneus ou à changer l'huile, on va faire la même chose pour vous avant de partir pour la journée, en prenant un petit déjeuner, en buvant de l'eau, en prenant un café et en emportant des collations. Ce sont toutes des choses qu'on prend complètement pour acquises. Mais c'est impossible de gérer le stress de notre vie quotidienne si on est pas correctement alimentés.
Kirk : Est-ce qu'il y a un autre conseil que vous donneriez à vos collègues producteurs?
Cynthia : Une chose que j'aimerais encourager les producteurs agricoles à faire, c'est : si vous demandez de l'aide la première fois et que ça fonctionne pas, essayez encore. Essayez encore. Le premier fournisseur de soins de santé que vous avez contacté est peut-être pas en mesure de vous aider. Mais, il y a d'autres personnes qui sont équipées. Et je pense que la santé mentale en agriculture est maintenant reconnue de manière adéquate. Et j'espère qu'à l'avenir, on pourra mettre sur pied une agence qui pourra aider les producteurs agricoles de tout le pays. Et j'espère que c'est pour bientôt. J'espère qu'on est à l'horizon.
Sara : Et que se passe-t-il si quelqu'un est témoin des difficultés d'une autre personne? Comment l'aider?
Cynthia : C'est une excellente question. Je pense que pour beaucoup de gens, lorsqu'ils voient une personne en difficulté, ils hésitent beaucoup à l'approcher, parce qu'ils ne veulent pas mettre les gens en colère, ils ne veulent pas les contrarier et ils ne veulent pas perdre la relation qu'ils ont avec cette personne. Par contre, j'ai toujours dit aux gens que je préférais que quelqu'un soit incroyablement en colère contre moi plutôt que de ne pas être là du tout, parce qu'il s'est suicidé. J'encourage donc les gens à dire que si vous voyez quelqu'un changer, par exemple si son comportement a changé, si son apparence physique a changé, s'il buvait pas auparavant et que soudainement, tsé, il a de la bière dans son tracteur alors qu'il est dans le champ, et que ce n'est pas son comportement habituel, alors il n'y a pas de mal à prendre des nouvelles et à dire, hey, comment ça va? Et posez cette question deux fois, comment vas-tu vraiment et ensuite soyez prêt à écouter et juste… vous taire. Vous avez pas besoin d'offrir des solutions. Tout ce que vous devez faire, c'est écouter. Et je pense que beaucoup de gens trouveront un soutien incroyable même en ayant l'opportunité de dire, oui, peut-être que je ne vais pas bien en ce moment et quelqu'un qui écoute, qu'ils n'ont pas besoin des solutions de quelqu'un d'autre pour eux.
Kirk : Et nous devons tous faire attention à notre santé mentale. La pandémie tire à sa fin. Elle a fait des ravages sur tout le monde. Si vous ou quelqu'un de votre entourage a besoin de soutien, il existe d'excellents services spécifiques aux besoins du secteur agricole.L'un des meilleurs endroits pour commencer est le site Web de l'organisation Do More Agriculture. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif qui se fait le champion du bien-être mental de tous les producteurs canadiens. Sur leur site liste complète de services et de ressources en santé mentale dans toutes les provinces, et son site est en anglais et en français. Leur site Web est simplement domore.ag - d - o - m - o - r - e - point - a - g
Sara : Et si vous ne les avez pas encore écoutés, nous avons réalisé quelques autres épisodes sur la santé mentale en agriculture.
Kirk: Dont une nouvelle avec Marcel Groleau, vice-président de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Très instructif.
Sara : Donc, jusqu'au prochain épisode, vous savez quoi faire.
Kirk : Explorez -- une nouvelle idée, une nouvelle technique, un nouveau produit alimentaire canadien. Faites-en l'essai.
Si vous avez des difficultés à ouvrir le balado dans notre lecteur, veuillez essayer cette autre option pour Épisode 013.