Les premiers seize pour cent est la nouvelle série de balados d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui explore les idées les plus fraîches en alimentation et en agriculture. À chaque épisode, découvrez en profondeur un nouveau sujet : les nouvelles pratiques, les idées innovantes et leurs impacts sur l'industrie. Apprenez-en davantage sur le secteur agricole canadien auprès des gens qui font les percées et abattent les barrières! Producteurs et gourmets, scientifiques et hauts dirigeants, toute personne ayant un œil sur l'avenir du secteur, ce balados est pour vous! Un nouvel épisode est publié chaque mois.
Épisode 017 - Réduire les gaz à effet de serre grâce au système de drainage
Tout est possible quand chercheurs et producteurs se réunissent. Écoutez Chandra Madramootoo, Ph.D., de l'Université McGill et Guy Vincent, producteur de grandes cultures, alors qu'ils discutent de leur collaboration pour réduire les gaz à effet de serre et augmenter le rendement des cultures.
Transcription
Kirk : Bienvenue aux Premiers seize pour cent. Mon nom est Kirk Finken.
Sara : Et je suis Sara Boivin-Chabot.
Kirk :La réduction des gaz à effet de serre et les changements climatiques sont au cœur des préoccupations de tous ces jours-ci. Tout le monde en parle. Tout le monde veut des solutions.
Sara : Mais ce que tout le monde ne sait peut-être pas, c'est que les chercheurs et les producteurs travaillent ensemble à l'élaboration de solutions depuis vraiment longtemps. Et beaucoup de ces solutions prennent la forme de pratiques de gestion bénéfiques.
Kirk : J'ai l'impression qu'on va beaucoup entendre cette phrase dans cet épisode. Peux-tu nous faire un petit résumé rapide?
Sara : Bien sûr ! Les pratiques de gestion bénéfiques, ou PGB, sont des pratiques qui peuvent être mises en œuvre par les producteurs pour faciliter une méthode de production plus durable sur le plan de l’environnement. Ça peut concerner tous les aspects de l’agriculture, de la rétention de l'eau à la gestion du fumier.
Kirk : Oui, et notre ministère vient juste de terminer le Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture, qui a été développé pour créer une liste de ces PGBs à mettre en œuvre par les producteurs.
Sara : Ce qui est génial, c'est que tous ces projets-là ont déjà été testés dans des fermes. Les producteurs et chercheurs ont travaillé main dans la main pour obtenir des résultats concrets.
Kirk : L'innovation et le travail d'équipe en action. J'adore ça. Alors, aujourd'hui, on va donc entendre deux de ces collaborateurs : M. Chandra Madramootoo, de l'Université McGill, et M. Guy Vincent, un producteur de céréales et de cultures commerciales.
Sara : Ensemble, ils ont mis au point et testé un système vraiment unique permettant de réduire considérablement les gaz à effet de serre tout en réduisant les pertes de nutriments du sol à presque zéro. Double avantage.
Kirk : Écoutons d'abord les détails du M. Madramootoo. Monsieur, quelle est la pratique que vous avez travaillé à développer sur la ferme de M. Vincent?
Chandra : La PGB que nous avons examinée est l’amélioration des pratiques de gestion de l’eau sur les terres agricoles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre causées par l’application d’engrais. La PGB consiste à utiliser le drainage souterrain intensif sur les terres agricoles du Québec et de l’Ontario pour augmenter la productivité des cultures. Maintenant, si nous pouvons utiliser le même système de drainage souterrain pour réguler le contrôle de la nappe phréatique dans le champ, le niveau de la nappe phréatique, nous aurons également un impact sur le contrôle de la quantité de gaz à effet de serre émis par les champs agricoles. Nous nous sommes engagés, après l’accord des producteurs, à tester le système dans leurs fermes. Puis, nous y avons installé le système de contrôle de la nappe phréatique, avant de mesurer la qualité de l’eau et les flux de gaz à effet de serre de leurs fermes pour voir si cette technologie serait appropriée dans nos conditions au Canada, dans l’Est du pays.
Kirk : Et c’étaient quoi les critères de réussite?
Chandra : Eh bien, nous avions un critère principal pour voir, tout d’abord, si les producteurs pouvaient gérer le système sans que leur charge de travail ne soit trop alourdie, et notre deuxième critère était juste de vérifier si la mise en œuvre du système réduisait effectivement les gaz à effet de serre. Et quel serait le meilleur niveau auquel on pourrait maintenir le contrôle de la nappe phréatique afin de pouvoir obtenir une réduction maximale des émissions de gaz à effet de serre?
Kirk : Et quels sont les résultats?
Chandra : Pour un système avec l’installation d’un drainage contrôlé, nous avons pu réduire les flux de… Les flux de N2O, les flux d’oxyde nitreux, jusqu’à 40 %, avec le système de gestion contrôlée de la nappe phréatique. Il y a d’autres avantages. D’abord, grâce au système de drainage contrôlé, on peut réduire la quantité de nitrates qui se déversent dans les eaux souterraines et dans les rivières et les cours d’eau. On peut aussi, par la même occasion, augmenter le rendement des cultures. Nous avons constaté, lors d’années très sèches, que ce système permet d’augmenter le rendement des cultures de 18 à 22 % pour le maïs-grain.
Kirk : 18 à 22 %? C’est pas vrai.
Chandra : Oui, mais seulement lors d’une année sèche. Vous savez, dans une année normale, on ne voit pas une telle augmentation du rendement. Non. Donc, avec les changements climatiques, si les années, si la saison de croissance devient plus sèche, oui, certainement, vous constaterez une augmentation du rendement. Oui, sans aucun doute. Lors des années très humides, on constate des avantages pour ce qui est de la réduction des gaz à effet de serre et de la réduction du lessivage de nitrates, mais on ne constate aucun avantage lié à l’augmentation du rendement, non.
Sara : Puis ça, est-ce que ça couvrirait le coût de la mise en œuvre?
Chandra : Oui, absolument. Certainement. Ça couvre le coût de cette solution. D’après les travaux effectués avec des collègues de l’Université de la Saskatchewan, nous avons fait une analyse coûts-avantages, et nous estimons que le coût de l’installation du système varie entre 300 et 1 200 dollars par acre. S’il s’agit d’un terrain très en pente avec beaucoup d’ondulations, la mise en œuvre du système sera plus coûteuse. S’il s’agit d’un terrain relativement plat, comme c’est le cas dans les basses terres du Saint-Laurent de la vallée de l’Outaouais, la mise en œuvre est beaucoup moins coûteuse, et plus les drains sont rapprochés; c’est aussi plus économique d’installer ce système de gestion de l’eau sur les systèmes de drainage existants.
Kirk : Wow. Donc, pour résumer, jusqu'à 40 % de réduction de l'oxyde nitreux, c’est un gaz à effet de serre. En soi, c'est un objectif unique et très important. Mais il y a d'autres avantages. Réduction du lessivage des nitrates dans les eaux souterraines, les ruisseaux, les lacs et les rivières. C'est une bonne chose. Ça retient les nutriments dans le sol. Et dans les conditions sèches, une augmentation potentielle du rendement de 18 à 22 %. Tout ça pour 300 dollars à 1200 dollars l'acre. Mm, ça m'a l'air d'être un excellent retour sur investissement.
Sara : C'est ce que je pensais aussi. C'est pour ça que j'ai appelé M. Vincent pour avoir son opinion. M. Vincent, au quotidien, c’est quoi les coûts de ce projet-là?
Guy : Ça coûte pas cher. Ah, ben, là je peux vous dire ça là, parce que j'ai toutes les factures d'Hydro-Québec, que j'ai sorties. Pour un an, faire le pompage de la pompe, pis chauffer les deux bâtiments qui ont 6m carré chaque, c'est chauffé tout l'hiver, ça coûte autour de 1000 $.
Sara : Et les résultats?
Guy : Ça fait 25 ans qu'on nous disait qu’il est plus, qu'il y avait des pertes de phosphore. Maintenant, on n'a plus de pertes de phosphore parce qu’on contrôle l'eau tout l'été. Donc il y a à peu près... Ça peut arriver une fois dans l'été, qu'on peut être obligé... Nous autres on a un drain de sécurité, on peut dire un peu plus haut, plus bas que la surface, là. À peu près 50-70 cm plus bas que la surface, si y'arrivait 50 m d'eau ça se pourrait que lui s'écoulerait un peu, mais c'est très, très peu. On a parti de la richesse des sols de 50 à 60 en phosphore, on est rendu autour de 240, 230-240 kilos en phosphore. Mais on n'a pas de pertes.
Sara : Hmm. Important quand même. Mais, j’aimerais aussi le savoir, M. Vincent, vous travaillez avec des chercheurs depuis 1964. Pourquoi?
Guy : Parce que le but c'est toujours d'apprendre, parce que, s’il y a... tous les jours que vous faites, si vous n’apprenez pas quelque chose, c'est une journée perdue. Moi pour moi en tout cas-là, j’ai pas jeune. Mais moi, j'aime bien apprendre des choses. J'ai peut-être de la misère en informatique, comparativement à ben des jeunes. Mais j'ai l'oeil clair pour une plante pour voir quand elle a une perte de phosphore, de magnésium. Surtout moi c'était de conserver les sols. Ça c'est ben ben ben important parce que le gouvernement peut nous dire on peut faire ci, on peut faire ça. Mais moi, je ne veux pas risquer de perdre, d'abîmer mes sols quand on fait des expériences. Nous autres on a eu une chercheuse il y a 4 ans là qui était venu. Pis là on travaillait, scusez l'expression main dans la main, parce que elle disait « J'ai fait ci j'ai fait ça, qu'est-ce que t'en penses et qu'est-ce que ça va donner. » Là on savait exactement qu'est-ce qu'elle faisait, puis nous, on pouvait regarder s'il y avait des choses qui changeaient à notre œil parce que c'est quelqu'un qui avait des très bonnes connaissances en agronomie et c'était meilleur qu’un chercheur qui va faire, mettons, une recherche sur les gaz à effet de serre. Lui il a un doctorat en chimie de l'air, mais nous quand on peut avoir la personne qui connaît les sols, qui a une base dans les sols, mais on apprend encore ben plus vite.
Sara : Et vous, Dr. Madramootoo? Pourquoi vous aimez travailler avec les producteurs?
Chandra : Ils sont prêts à essayer quelque chose, ils sont prêts à investir dans la recherche, la recherche appliquée dans leurs fermes. Le prix à payer est peu élevé. Nous en finançons bien sûr une partie. Mais, vous savez, je pense peut-être que nos PGB sont réalisables parce que nous travaillons avec des producteurs qui souhaitent faire et voir de nouvelles choses. En toute franchise, comme vous le savez, nous n’avons pas eu beaucoup de données de terrains fiables et solides. Et je pense que pour moi, c’est probablement ce qui m’a attiré le plus dans ce projet, c’est que nous ne savons pas grand-chose sur… Nous avons beaucoup de modèles. Ce que je veux dire, c’est que le gouvernement du Canada, que ce soit Agriculture Canada ou Environnement Canada, fait beaucoup de modélisation pour obtenir les chiffres et pour comprendre les choses à une grande échelle régionale. Et je comprends que cela doit être fait pour tenter de comprendre les choses à l’échelle régionale ou nationale d’un pays. C’est ce que le gouvernement veut faire ou doit faire. Mais vous savez, beaucoup de ces choses que nous essayons de modéliser et de comprendre à l’échelle régionale et mondiale, à moins que vous n’ayez de bonnes données sur le terrain à propos de ce qui se passe à la ferme et au niveau du champ, il est très difficile d’obtenir des résultats, des résultats globaux à l’échelle du producteur et de dire : « Eh bien, vous savez, nous aimerions que vous fassiez ceci ou, vous savez, vous devez réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 pour cent. » Qu’est-ce que cela signifie pour eux? Mais si vous pouvez réaliser un projet sur leur terrain et leur montrer ce qui se passe avec leurs pratiques, je pense qu’ils comprendront beaucoup mieux et pourront contribuer beaucoup mieux à toutes ces discussions que nous voyons à la COP et ainsi de suite, qu’est-ce que cela signifie pour eux? Tout cela est haut dans le ciel, mais ça les ramène à la réalité. Je dirais donc que je suis un chercheur très orienté sur le terrain. J’aime travailler avec les producteurs pour comprendre ce qu’ils considèrent comme des défis et ramener les choses à leur échelle.
Kirk : J'aime vraiment les histoires comme celle-ci. Producteurs et chercheurs, réduction des gaz à effet de serre et augmentation du rendement des cultures. Tout le monde y trouve son compte.
Sara : C'était vraiment fascinant. Puis, le programme qui était utilisé dans ce contexte-là est fermé maintenant, mais dans les programmes fédéraux il y a toujours la condition de diffuser l’information des projets qui ont été trouvés. On n’a pas de plateforme unique, mais si vous vous renseignez auprès de votre agronome ou de votre association producteur, vous allez connaître ce qui s’applique à vos entreprises.
Kirk : Alors, ce programme-là est terminé, mais il reste que les enjeux environnementaux sont vraiment au centre des préoccupations et les politiques en ce moment. Quels sont les autres programmes qui sont disponibles pour les chercheurs, pour les producteurs en ce moment, Sara?
Sara : Ben, il y a plusieurs programmes. Il y en a un qui vient en tête, c’est celui qu’on appelle les Technologies propres qui est vraiment pour aider à l’adoption puis au développement de nouvelles technologies propres en agriculture. En fait, il y en a beaucoup. Ils sont sur notre site web, agriculture.canada.ca, sur la toute nouvelle page Programmes et services sur laquelle j’ai travaillé. Puis il y a un tableau-là, vous pouvez utiliser les filtres, puis il y a tous les programmes en environnement, mais il y a aussi en bas de la page aussi, il y a l’application AgriGuichet qui donne tous les programmes fédéraux, mais aussi tous les programmes provinciaux en agriculture, incluant l’environnement.
Kirk : Et sur cette note, tu sais quoi faire?
Sara : Inviter nos auditeurs à s'abonner à notre podcast sur leur plateforme préférée. On publie un épisode tous les mois environ. On explore ce qui est nouveau, différent, important dans le secteur agricole et alimentaire. On discute avec les innovateurs et les adeptes précoces, Les premiers 16 % sur la courbe de l'innovation!
Kirk : Eh bien, oui, j'aime ta promotion éhontée... J'allais dire explorer.
Sar : Ah ouais, ça aussi.
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