Les premiers seize pour cent - EP 023

Les premiers 16 % - Un balado d'Agriculture et Agroalimentaire Canada

Une vue aérienne des terres noires

Les premiers seize pour cent est la série de balados d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui explore les idées les plus fraîches en alimentation et en agriculture. À chaque épisode, découvrez en profondeur un nouveau sujet : les nouvelles pratiques, les idées innovantes et leurs impacts sur l'industrie. Apprenez-en davantage sur le secteur agricole canadien auprès des gens qui font les percées et abattent les barrières! Producteurs et gourmets, scientifiques et hauts dirigeants, toute personne ayant un œil sur l'avenir du secteur, ce balados est pour vous! Un nouvel épisode est publié chaque mois.

Épisode 023 - Sauvez les terres noires

40 % des fruits et légumes du Québec sont cultivés en Montérégie-Est en raison de l'abondance des terres noires. Mais ces terres sont menacées. Nous nous entretenons avec Jacynthe Masse, chercheuse en agroécologie, et Denys Van Winden, producteur horticole de Sherrington, pour connaître les défis auxquels ils sont confrontés et les expériences qu'ils mènent pour sauver les terres noires.

Transcription

Denys : Ils nous ont posé la question, à moi en particulier, ils ont dit « Monsieur Van Winden, vous avez gagné des crédits recherche, vous allez faire quoi avec vos crédits recherche? » Toute suite on a dit, « C'est pas compliqué. On veut sauver nos terres pour les générations suivantes. » Fait que là, ils étaient un peu confus. Ils disaient, « Vous voulez dire quoi, sauver vos terres? » Alors j'ai dit, « On perd environ deux cm de sol par année. Depuis que nos parents sont arrivés sur les fermes ici dans les années 50, nous avons perdu plus que un mètre de sol. »

Kirk : Bienvenue aux Premiers 16 %. Je suis Kirk Finken.

Sara : Et je suis Sara Boivin-Chabot.

Kirk : Vous venez d'entendre Denys Van Winden, propriétaire des Productions Horticole Van Winden. Il est maraîcher à Sherrington, au Québec, ce qui signifie qu'il a un grand intérêt dans notre sujet d'aujourd'hui.

Sara : Les terres noires.

Kirk : Il s'agit de certains des sols les plus précieux et les plus fertiles du Canada, selon notre autre invitée, Jacynthe Masse.

Jacynthe : Les terres noires, en fait, c'est des sols organiques, c'est des anciennes tourbières qui ont été drainées à peu près, ça a commencé environ dans les années 30 au Québec. Parce qu'il faut comprendre qu'une fois drainées, c'est des terres hyper riches. Ils sont très, très, très, très fertiles. Puis, donc ça devient une ressource pour la région. À peu près 40 % des légumes au Québec poussent dans cette zone-là. C'est une zone qui est donc hyper importante.

Kirk : Jacynthe est chercheuse en agroécologie pour Agriculture et Agroalimentaire Canada à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Sara : Denys et elle travaillent fort pour la préservation des terres noires. Parce que comme l'a dit Jacynthe, la région produit presque la moitié des légumes cultivés au Québec.

Kirk : Et comme Denys l'a dit, la terre disparaît. Rapidement.

Sara : Oui. On va parler avec lui des conséquences de la perte de sol et de la façon dont il s'est associé à une chaire de recherche de l'Université Laval pour s'attaquer à ce problème. Mais on commence avec Jacynthe pour brosser un tableau complet : c’est quoi ces sols exactement?

Jacynthe : Il y a deux grandes zones qu'on connaît dans l'Est du Canada. C'est, au Québec, dans le sud de la Montérégie, près de Montréal, puis il y a aussi en Ontario là ce qu'ils appellent les Holland Marsh. Donc c'est des tourbières qui ont été créées suite au retrait de la mer de Champlain à la suite de la dernière glaciation. Donc c'est des zones, il y avait de l'accumulation de la matière organique. C'est des anciens lacs dans lesquelles il y avait de la végétation. Quand la végétation meurt, elle se dépose dans ces milieux-là qui sont pas très propices à la décomposition. Puis on a une accumulation de la matière organique. C'est ce qui cause les tourbières en général. Puis en fait, ça prend à peu près 500 ans pour créer 2.5 cm de sol.

Kirk : Et toute cette matière organique donne des terres agricoles très, très fertiles une fois la tourbière drainée. Ce sont des super beau sols. Mais comme Denys l'a dit, nous sommes en train de les perdre. Pouvez-vous nous dire quel est le principal problème ici?

Jacynthe : Oui, oui, ça oui, c'est ça. C'est des super beau sols, ils sont hyper importants pour la région, pour l'agriculture. Puis comme on l'a dit avant, ça prend, les sols, on prend à peu près 500 ans faire 2.5 cm, mais présentement il y a une érosion très rapide de ces sols-là. C'est des sols aussi qui sont très, très légers. C'est pas des sols minéraux, c'est vraiment des sols organiques. C'est très, très léger, donc il y a une érosion soit par le vent, par la décomposition microbienne aussi qui se font et il se perd environ deux cm par année de sol. Et là, ce qu'il faut penser c'est que des fois, il en reste environ un mètre. Et si on pense à vouloir redonner la ferme aux générations futures, quand on perd deux cm par année, soit comme je disais par érosion éolienne, érosion hydrique, ou même par la décomposition des matières organiques, mais là on... Il en reste plus beaucoup. Donc on essaie le plus possible de les protéger puis trouver des manières innovantes de ça, les conserver ou même d'augmenter la matière organique, là, puis de restorer ces sols.

Sara : Et comment ça se passe? Quel genre d'approches vous adoptez?

Jacynthe : C'est une bonne question. Moi, ce que j'aime beaucoup de cette région-là, c'est que les producteurs se sont mis ensemble. Il y a beaucoup, beaucoup de producteurs, à peu près 85 % et plus des producteurs dans la région qui ont décidé, qui ont pris ce combat-là. Et ensemble, ils ont créé une Chaire d'études industrielle en conservation et restoration des sols organiques qui est dirigée à l'Université Laval par Jean Caron. Puis cette chaire-là en fait, eux ils vont étudier vraiment l'érosion, comment faire pour la bloquer et tout. Puis nous, on s'est allié avec eux pour après ça trouver des manières, par exemple, eux ils vont utiliser des paillis. On va mettre des paillis de miscanthus sur le sol. On va mettre des paillis de saule sur le sol pour essayer de garder le plus possible le sol protégé tout au long de la saison de croissance, pas le laisser à l'air libre et justement devant les intempéries. Puis nous on a une perspective à Saint-Jean-sur-Richelieu, c'est beaucoup d'ici vient le concept de biovigilance. Faque nous on s'est mis pas mal quasiment tous les chercheurs du centre, on travaille sur ces idées-là, de paillis de sol, fait qu'on teste différents paillis, puis on regarde globalement ce que ça fait. On s'est associé aussi avec d'autres départements fédéraux pour faire ça.

Kirk : On va en savoir plus sur la chaire de recherche dans un instant - c'est ce que Denys a contribué à financer pour obtenir des réponses sur la façon de sauver ces sols.

Sara : Oui, mais avant je suis curieuse d'en savoir plus sur les autres groupes de ce projet-là. Jacynthe, vous avez mentionné trois autres ministères. Qui d'autre est impliqué? C’est quoi l'ampleur de la collaboration?

Jacynthe : Il y a l'ACIA, il y a l'Agence de santé publique du Canada, qui est là-dedans aussi, il y a Ressources naturelles Canada. Je pense qu'un des trucs qui est le fun dans le projet, c'est les paillis, le choix de nos paillis en fait. C'est super intéressant parce que je pense que ça vient dans une perspective aussi d'économie circulaire. Avec Ressources naturelles Canada, on a décidé, comme je dis, de s'allier avec eux. Puis le but c’est de sélectionner des espèces végétales qui poussaient beaucoup au Québec, mais qui étaient peu valorisées, par exemple le mélèze, puis le frêne aussi. Il y a beaucoup de problèmes avec les frênes présentement. Donc l'idée, c'est de dire est-ce qu'on pourrait leur trouver un débouché. Puis, est ce qu'on pourrait les utiliser comme paillis? Et dans ce cas-là, on est en interconnexion entre une ressource qu'on a puis qu'on a de la difficulté à trouver des débouchés. Puis nous, on en aurait une utilisation. Moi, je trouve que c'est une belle histoire, ça, avec Ressources naturelles Canada. Puis en plus, on va peut-être essayer de voir aussi au niveau du séquençage, qu'est-ce que ça l'amène, c'est sûr que ça amène des différences dans le sol. Est-ce que ça amène des communautés différentes, est-ce que ça va créer des impacts, un chaîne d'impacts dans les sols. Moi je trouve ça super intéressant. On pense souvent, qui est ma spécialité, on pense souvent que le microbiome est bénéfique. Puis on l'oublie un peu, qu'il y a aussi des pathogènes dans les sols, les micro-organismes des sols. Puis moi j'aime bien l'analogie « The Good, The Bad, and The Ugly ». Ce projet-là étudie un peu tout ça. Moi, je suis beaucoup dans le microbiome bénéfique, mais après ça, l'Agence canadienne d'inspection des aliments va s'occuper aussi des pathogènes réglementés. Est-ce que le fait d'avoir ces paillis-là va augmenter des pathogènes qui sont réglementés et qu'on veut pas retrouver dans nos champs? C'est une perspective qui est intéressante. Puis la même chose pour l'Agence de santé publique du Canada, qui elle va regarder « The Ugly », fait que les pathogènes qui peuvent être nuisibles pour l'humain et qu'on peut créer une co-sélection là à travers ces traitements, pour des gènes qui résisteraient par exemple les antibiotiques, des trucs comme ça. Donc je trouve que c'est quand même une belle... Je dis encore là des belles connexions entre différentes agences pour voir une solution de façon holistique.

Kirk : Est-ce que dans ces collaborations, vous voyez que ça accélère le travail, les solutions? Ou est-ce que ça le ralenti?

Jacynthe : Moi, j'aurais tendance à dire que c'est ça l'accélère même. Je pense que c’est beaucoup de cerveaux sur le même projet. Moi, c'est sûr je suis une partisante, je pense que ça accélère. Puis le développement du projet une fois qu'il est bien fait, une fois que tout le monde sait qu’est-ce qu'il a à faire, je pense que ça peut aller bien. Puis même, j’ai un exemple de cet été, on a travaillé avec les techniciens sur le terrain. C'est juste plaisant d'avoir 30 personnes qui récoltent la laitue ensemble, qui travaillent ensemble, qui finissent par bien s'intégrer. Puis, il ne faut pas oublier les producteurs aussi, c'est aussi eux qui se sont mis ensemble pour dire « Hey, on veut des solutions. Puis on va travailler pour. »... oui, mais c'est trippant, c'est super riche. Je pense que c'est une belle voie. C'est une belle voie pour la recherche, c'est une belle voie en général.

Kirk : En parlant des producteurs, est-ce que c’est le temps de parler avec Denys?

Sara : Je pense que oui. Comme l'a dit Jacynthe, Denys fait partie des producteurs qui ont financé une Chaire de recherche à l'Université Laval pour travailler sur la question. Denys, comment l'université en est venue à collaborer avec Agriculture et Agroalimentaire Canada? Je pense que ça a commencé avec votre rencontre avec un des agents de transfert de connaissance du centre de recherche de Saint-Jean? Carl Bélec?

Denys : Mais la premier chose, Carl, il nous a invité à la station à une après-midi de visu... en tout cas, on était voir la recherche que lui faisait sur le site. Visualisation, un mot qui n’est pas disable. Bon, on s'est rendu là, puis lui nous a montré un peu les parcelles qu'il avait fait, soit avec du tournesol, soit avec du saule, soit avec du miscanthus, soit avec des plantes dont que je ne rappelle pas le nom, mais il y avait plusieurs parcelles qu'il avait de son propre gré, avec la recherche que lui avait fait sur les plantes autres qui avaient un très bon apport en carbone et en biomasse. Puis, suite à ça, les producteurs qui étaient-là cette journée-là ont tout fait. « Wow! » Moi, tout ça m'a vraiment dit « Oh là, si Agriculture Canada va aussi avec l'université dans le même parallèle, ben là, on va avancer plus vite. »

Kirk : Et comment les deux groupes ont abordé cette question?

Denys : Okay, la chaire de recherche, elle est vraiment sur la partie plus technique de matière, lorsqu'on va réincorporer soit des résidus de saule, soit des résidus de miscanthus, lorsqu'on va incorporer ça dans notre sol. Elle, c'est vraiment tout le côté biologique, sur le côté « Est-ce qu'on a trop d'azote, pas assez d'azote? Trop de phosphore, pas assez de phosphore, et cetera. » Alors l'université est beaucoup plus centrée en laboratoire extrêmement précis pour voir la décomposition de sol, comment est-ce que les matériaux qu'on veut rajouter dans notre sol, comment est-ce qu'ils vont se comporter dans le futur? Est-ce que ça va affecter nos légumes quand on va mettre en semis ou si ça va tout simplement réaugmenter notre courbe de dégradation? Tandis qu'avec Agriculture Canada, on est plus sur le plancher des vaches où est-ce qu'on a vraiment à la station de recherche de Sainte-Clotilde, où est-ce qu'on a mis des parcelles en place avec plusieurs types de plantes qui existent dans le monde, que ça peut être aussi bien des plantes ligneuses que des plantes à feuilles ou toutes sortes de plantes qui, après quelques années de croissance, on peut examiner la décomposition de ces plantes-là, puis la matière qui va en rester dans le sol. Alors on a un côté qui est très, très scientifique, puis on a un côté qui est plus terre à terre avec la station de recherche, étant donné qu'on est dans vraiment une ferme expérimentale, dans le champ, dans la terre noire et avec des méthodes un peu semblables aux nôtres, qu'on cultive sur nos fermes.

Sara : J'imagine qu'idéalement ce que vous voulez sortir de ça c'est des techniques qui sont applicables à la ferme?

Denys : Exactement. Une des problèmes souvent quand on fait des parcelles de recherche sur nos fermes, ok, j'ai un hectare ou un demi-acre de panic érigé. Puis là, il faudrait que je le coupe en plein hiver, puis je le laisse dégrader par la nature pour sortir son carbone un peu. Puis au printemps, faudrait que je le hache. Après ça, il faut que j'aille l'étendre dans mes champs. Où ce qu'on disait à Agriculture Canada, dans ses parcelles, lui a le potentiel de trouver la machinerie parfaite pour couper ces saules. À date dans les techniques, le saule semble une des plantes les plus prometteuses pour le futur. Mais là, ça va prendre des machineries spéciales pour broyer ce saule-là, pour les mettre en andains, pour être capable de faire sortir un peu de son carbone qu'il y a dedans qui peut être trop haut, il faut le laisser se dégrader par lui-même. Et après ça, l'épandage, comment est-ce qu'on va épandre ça aux champs? Avec quelle sorte de méthode? Mécaniquement, lorsqu'on va tomber dans des grandes parcelles? Alors ça c'est sur ce côté, le côté mécanique. Mais on va arriver à quelque chose. Je suis sûr qu'on va avoir quelque chose.

Kirk : Donc, vous avez reçu une partie du financement de ce projet par le biais d'un programme avec le Conseil national de la recherche - combien de temps avez-vous encore pour ça?

Denys : Le programme avec le Conseil national de recherches finit au printemps 2023. Alors là, on est en fin de programme, on a 6 ans de fait. Là, il y a d'autres petits programmes qui semblent pouvoir appliquer sur ces petits programmes-là pour pouvoir continuer avec certains chercheurs. Mais ça sera pas l'ampleur de la recherche qu'on a eu dans les six dernières années. Alors on est en fin de programme. Par contre, on a dans nos centres local de développement, ici, on a dans la région, on a mis vraiment en haut de la barre la dégradation des sols. Alors on a rentré dans la tête du monde. Ici, on a conscientisé beaucoup, beaucoup, tous les producteurs, autour ou que c'est... L'enjeu est vraiment important, puis il faut travailler, il faut continuer à investir. Là, il va y avoir d'autres projets qui vont sortir autant sur le côté provincial que fédéral. Il y a une sensibilisation selon moi, qui est très, très, très bonne. Alors, si le Centre de recherche d'Agriculture Canada est sur notre côté. Si nos gouvernements, après ça, on devrait être capable de continuer d'autres projets de recherche dans le futur pour continuer à avancer dans cette méthodologie-là.

Sara : Puis, est ce que vous avez, est ce que ça achève... Il reste un an. Il va y avoir d'autres recherches. Mais est-ce que vous avez déjà des choses que vous êtes capables d'appliquer, qui sont sortis de toutes ces recherches-là ou qui vont être applicables en 2025, mettons?

Denys : Sur chaque ferme des quatorze membres qui sont impliqués, on a des parcelles de recherche assez grande pour être capables de continuer puis d'être conscient que oui, il faut implanter des nouvelles mesures. La haie de saules semble très, très, très prometteuse sur deux facteurs. Parce que le facteur de décompaction du sol avec l'enracinement du saule, c'est très, très intéressant. Et de un, lorsqu'on va abattre le saule après deux ans ou trois ans, il va recontinuer à pousser après. Et lorsqu'on va voir qu'est ce qui se passe un peu dans les pays étrangers, si on va en Europe, il y a beaucoup, beaucoup de saule qui est cultivé pour retenir les berges des cours d'eau. Alors si le saule est cultivé dans des bons endroits, ici de un, ça va couper le vent. De deux, ça va décompacter le sol, puis de trois, on va se servir de son bois, de son résidu pour être capable de réaugmenter notre zone de phosphore dans nos terres noires. Si on peut se servir ce saule, après ça les palmes, après deux ans ou trois ans ça pousse très, très rapide le saule, pour le broyer et à la suite de ça à aller le répandre sur nos zones les plus affectés sur nos terres. C'est pas 100 % de nos terres qu'on aurait besoin de revaloriser, mais il y a des parties qui sont beaucoup plus pressantes ou plus majeures que d'autres.

Kirk : Le travail que vous faites avec AAC et l'Université Laval donne-t-il des résultats inattendus?

Deny : La chose qui m'a le plus surpris dans tout ce projet-là, lorsqu'on l'a eu lancé, c'est de voir le monde autour qui ont réagi en disant « Wow. Comment est-ce que ça peut être majeur la perte de nos sols? » Alors on a vu d'autres projets renaître, autant avec les clubs d'encadrement, les clubs de recherche, que ce soit Pleine Terre, l'Acadie Lab, que ça soit le Prisme, tous ces clubs de recherche-là, on a vu que eux aussi ont eu un intérêt à essayer d'aller cibler certains projets de recherche et c'est ce qui nous a vraiment aidé à faire avancer la cause. Si tout le monde se met de la partie, tout le monde fait de la recherche un petit peu plus appliquée, là, ça devient un enjeu, un enjeu majeur, un enjeu important. Ça, c'est la chose qui nous a le plus surpris lorsqu’on a lancé ce projet-là. Puis on a mis des étudiants qui ont fait des études dans ces terres noires-là, qui sont aujourd'hui des professionnels. Alors on les a, on a dit à l'Université Laval, à Québec « Il existe des terres noires au Québec, puis c'est important d'en parler. » Alors, il y a eu des maîtrises, il y a eu des post-doc, il y a eu des doctorats. Il y a toutes sortes de choses de même que je crois que dans le futur, ça va apporter un plus. Parce que là, on est connu. On est reconnus au Québec comme étant une région avec un sol vraiment spécial, miraculeux, très productif. Mais c'est pas viable pour les 100 prochaines années. Il faut en prendre soin. Il faut mettre des chercheurs à l'affût dans tout ça. Et en plus, on a une station de recherche en sol organique. La dernière fois qu'on a été à la station de recherche, on était environ 50 producteurs. Puis tous les producteurs ont dit la même chose. C'est tellement encourageant de revoir la station de recherche revivre. Tout le monde était content de voir la station revivre. Il y avait des projets, on a eu des exemples sur les drones, on a eu des exemples sur des parcelles de la mouche de l'oignon. On a eu des parcelles sur des différentes méthodes dans l'oignon avec des ajouts de biomasse au travers des rangs pour voir les comportements. On avait de la recherche dans laitue, on avait de la recherche sur des saules. Ça se dit wow! Là on se sent valorisés.

Kirk : Hey je comprends. Se mettre sur la carte et réunir les ressources de toute la région, mais c’est important. Et tu sais, entendre parler de l'utilisation des saules comme brise-vent me rappelle notre dernier épisode sur l'agroforesterie.

Sara : Mmhm. Tout est lié. Les sols, l'eau, les cultures, les arbres...

Kirk : Les producteurs, les professeurs, les chercheurs.

Sara : Exactement. D’ailleurs, on peut revenir au chercheur. On laisse le dernier mot à Jacynthe. Elle a déjà mentionné le terme, mais je pense qu'il met vraiment en évidence l'approche adoptée pour les terres noires : la biovigilance.

Jacynthe : La biovigilance, moi, c'est un concept que j'aime beaucoup. C'est un concept que, c'est commencé à être développé par des chercheurs ici-là, comme Odile Carisse, Mamadou Lamine Fall, Tanya Arseneault. C'est une approche qui regarde l'agriculture de façon holistique et nos pratiques agraires comme une façon holistique. Donc, ce qu'on veut regarder, c'est non seulement est-ce qu'on est capable d'augmenter les rendements, mais est-ce qu'on est capable de le faire en diminuant les intrants? Puis en étant capable de prévoir tous les impacts que nos pratiques vont avoir. Moi j'adore cette pratique-là, parce que... elle met ces écosystèmes-là comme des systèmes complexes. C’est à dire que tous les aspects sont en interaction entre eux, mais aussi il y a des processus émergeants et notre but c'est d'être capable de comprendre assez ces interactions-là pour modéliser ces processus émergeants-là, puis être capables de dire, bon, mais le pratique par exemple, oui, elle va augmenter la productivité, mais elle augmente aussi les mauvaises herbes. Donc en voulant régler un problème, bien, j'en ai créé un autre. Et si les gens qui travaillent juste en fertilité ne parlent pas nécessairement aux gens qui travaillent en malherbologie, on le saura pas ces connexions-là. Donc ça permet aussi même nous, dans le système de chercheurs, de s'interconnecter. Moi, c'est sûr venant d'une génération qui est habitée de travailler en équipe, mais moi, je trouve ça trippant parce que je pense que de un on met tous nos cerveaux ensemble pour comprendre un problème complexe. Puis en plus, je pense que ça fait juste du sens parce que les sols et les écosystèmes sont des systèmes complexes qui méritent d'être étudiés de cette façon. Je pense que les sols, c'est la ressource la plus précieuse sur la planète. Bref c'est des terres, comme je disais, qui étaient, qui sont magnifiques et ça vaut la peine de mettre toutes ces efforts-là pour les conserver et pour les restaurer si possible. C'est vraiment les producteurs productrices de la région qui se sont mis ensemble pour protéger cette ressource-là. Moi je trouve ça extraordinaire de voir ça. Et les voir se mettre ensemble pour dire « Ben voilà, on va s’attaquer ce problème-là. » Puis après ça, d'être allé chercher l'université et Agriculture Canada, les autres partenaires avec nos autres départements fédéraux pour mieux conserver, mieux même restaurer cette ressource-là qui est hyper précieuse. Je trouve ça beau, je trouve qu'il y a une belle histoire humaine derrière ça en fait.

Kirk : Maintenant j'ai envie d'enfiler mes bottes de travail et descendre dans le champ moi aussi.

Sara : Ah oui. Puis les terres noires, ça porte pas son nom pour rien. C’est vraiment une belle région. Quand t’arrives là, les terres sont vraiment noires, puis quand les petits oignons ou les petites salades commencent à pousser au printemps, c’est de toute beauté. Vraiment une... tellement... s’excusez, je m’emporte. C’est tellement beau.

Kirk : Non, non, c’est ça! On dirait que le vert, la couleur verte, c’est comme, amplifiée dans cette région.

Sara : Ah, c’est tellement beau. Puis en plus, c’est vraiment le fun de travailler avec ces producteurs-là parce que c’est vraiment une région consciente de leur ressource, consciente de l’importance de leur culture, puis les producteurs se sont beaucoup associés, puis on vraiment travailler ensemble pour innover, que ce soit en recherche, en protection des plantes, en promotion de leurs produits, en commercialisation. C’est vraiment une région vraiment innovatrice.

Kirk : Elle a mentionné la région de Holland Marsh en Ontario. Si il y a des producteurs dans ce coin-là ou des agronomes, on aurait bien entendre qu’est-ce qui se passe dans ce coin-là aussi. Contactez-nous.

Sara : Et oubliez pas de vous abonner aux Premiers 16 % sur votre plateforme de balado diffusion préférée pour entendre la suite. On a des sujets fascinants qui s’en viennent.

Kirk : Et si vous aimez entendre parler de la protection de vos sols, consultez aussi nos épisodes précédents, comme celui sur l'agroforesterie, ou la résolution de la perte de nutriments dans le sol. Peut-être qu'une approche biovigilante peut être mise en œuvre dans votre ferme.

Sara : Donc on sait quoi faire?

Kirk : Oui, explorer.

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Épisode 023 - Sauvez les terres noires

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