Les premiers seize pour cent est la série de balados d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui explore les idées les plus fraîches en alimentation et en agriculture. À chaque épisode, découvrez en profondeur un nouveau sujet : les nouvelles pratiques, les idées innovantes et leurs impacts sur l'industrie. Apprenez-en davantage sur le secteur agricole canadien auprès des gens qui font les percées et abattent les barrières! Producteurs et gourmets, scientifiques et hauts dirigeants, toute personne ayant un œil sur l'avenir du secteur, ce balados est pour vous! Un nouvel épisode est publié chaque mois.
Épisode 026 - Parlons franchement des pesticides
Comment l'utilisation des pesticides évolue-t-elle dans sur les fermes? Quelles sont les limites maximales de résidus? Comment le gouvernement détermine-t-il ce qui est sûr? Brian Rideout, producteur de fruits et légumes de l'Ontario, explique comment l'utilisation des pesticides a évolué sur sa ferme au cours des 20 dernières années. Et Fred Bissonnette, directeur exécutif de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, explique la réglementation qui sous-tend l'utilisation des pesticides au Canada. Allons-y!
Transcription
Brian : Je ne pense pas que les gens se rendent compte de la quantité de travail nécessaire pour nous assurer qu’on utilise les produits correctement. La science est le fondement des options qu’on nous propose. Rien de ça n’est choisi à la légère.
Kirk : Bienvenue aux Premiers seize pour cent — votre balado sur l’innovation et les innovateurs dans le secteur agricole et alimentaire au Canada. Nous avons fait une petite pause pour préparer une nouvelle saison. Et cet épisode commence en beauté. Aujourd’hui, nous allons avoir une discussion approfondie sur les pesticides et sur un sujet souvent mal compris : les limites maximales de résidus (ou LMR).
Je suis votre coanimateur, Kirk Finken. J’ai le plaisir de vous présenter notre nouvelle coanimatrice, Marie-France Gagnon. Elle est analyste principale des politiques à Agriculture et Agroalimentaire Canada et elle a de nombreuses années d’expérience dans notre secteur et au gouvernement. Bienvenue, Marie-France.
Marie-France : Merci Kirk. J’ai vraiment hâte d’explorer toutes ces histoires d’innovation et les personnes qui sont derrière elles — des personnes comme nos deux invités d’aujourd’hui. Nous avons deux invités aujourd’hui. Ils font deux métiers très différents, très indépendants l’un de l’autre. Mais tous deux travaillent à nourrir le monde de manière saine et durable.
Kirk : Le premier est Brian Rideout, un producteur de fruits et légumes du sud de l’Ontario. Il applique des pesticides et d’autres produits de protection des cultures sur ses fruits et légumes. Il s’implique aussi activement dans le dossier des pesticides auprès des associations de producteurs dont il fait partie.
Marie-France : Notre deuxième invité est Fred Bissonnette, directeur exécutif de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou l’ARLA, un organisme du portefeuille de Santé Canada. L’ARLA est l’organisme qui détermine quels pesticides peuvent être utilisés au Canada, comment on peut les utiliser et quelles sont les limites maximales de résidus qui peuvent exister dans les aliments. Le mandat de l’ARLA est de protéger la santé humaine et celle de l’environnement.
Kirk : Laissons donc la parole aux experts. Commençons à la ferme avec Brian Rideout, car c’est lui qui produit les aliments que nous mangeons.
Brian : C’est une ferme multigénérationnelle. Trois générations travaillent ensemble : mon fils, ma fille, moi-même, mon beau-père et ma belle-mère. Beaucoup de membres de notre famille donnent encore un coup de main. Comme ma femme, qui est infirmière. Elle consacre ses vacances aux activités de la ferme en aidant avec la récolte, l’emballage et le classement. On cultive des fraises et des cerises douces et acidulées. On cultive des tomates, des pêches, des nectarines, des poires, des pommes et des courges d’hiver.
Kirk : Et puisque vous n’avez pas déjà assez de travail, pouvez-vous décrire vos activités supplémentaires auprès des associations? Quelles sont vos autres fonctions?
Brian : Je suis vice-président et directeur régional des Producteurs de pommes de l’Ontario. Je suis président de la section locale pour l’Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l’Ontario. Je suis aussi membre du Groupe consultatif sur la protection des cultures des Producteurs de fruits et légumes du Canada.
Kirk : Pouvez-vous m’en dire plus sur votre rôle auprès de l’Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l’Ontario?
Brian : La protection des cultures est un domaine que j’aime étudier et mieux comprendre. On apporte le point de vue de l’agriculteur sur ces sujets. J’ai reçu le mandat de travailler sur les résolutions issues de l’AGA et sur les problèmes qui se posent au cours de la saison. Ce qui est intéressant avec l’AFMO, c’est que j’ai la chance de travailler avec des représentants fédéraux et des représentants provinciaux. J’ai rencontré beaucoup de personnes d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et de Santé Canada qui travaillent sur nos outils de protection des cultures.
Kirk: Personnellement, je trouve que c’est un mélange intéressant. Je veux dire que vous avez manifestement un intérêt particulier pour ce sujet. Cet intérêt vient-il du fait que vous avez une formation en sciences de l’environnement?
Brian : Oui. J’ai étudié le génie de l’environnement à l’université. Donc, je suis un technologue en génie de l’environnement. C’était vraiment une révélation lorsque j’ai commencé il y a 25 ans. Je ne viens pas d’une famille d’agriculteurs. Dès le départ, je me suis rendu compte de la quantité de chimie, de science et de technologie qu’on utilise dans le processus de production d’un fruit, d’une graine ou d’un produit pour la consommation humaine. Mon côté sciences de l’environnement est donc certainement éveillé par l’agriculture, parce que j’aime l’intendance.
Kirk : Parlons de l’utilisation des pesticides et des pratiques en vigueur dans votre exploitation.
Brian : Ouais Oh, wow... les pesticides sur la ferme. Ça a évolué et continue d’évoluer. Notre utilisation, ou nos pratiques plutôt, avec les pesticides a vraiment beaucoup changé depuis que j’ai pris la relève, il y a plus de 25 ans, avec mon beau-père.
Brian : On est passé de produits chimiques plus agressifs à des produits chimiques à faible risque. On adopte cette approche. Et au lieu d’utiliser des produits chimiques qui ont des effets indésirables sur l’environnement, on peut maintenant utiliser des produits à faible risque qui sont plus bénéfiques pour l’environnement et qui permettent d’améliorer la biodiversité sur la ferme.
Kirk : Pouvons-nous parler davantage de cette évolution? Car il ne s’agit pas seulement des pesticides eux-mêmes, n’est-ce pas? C’est toute l’approche qui a changé.
Brian : On s’est toujours éduqué nous-mêmes. On participe à des conférences, à des réunions de l’Association internationale de la fruiticulture. On participe à toutes ces activités. À un moment donné, on a commencé à parler de ce qu’on appelle la lutte antiparasitaire intégrée. Tout est un parasite pour nous. Une maladie est un parasite. Un insecte est un parasite. Même, un animal est un parasite. C’est vrai. C’est donc des parasites. C’est le terme qu’on utilise. On simplifie. Et c’est là que l’on entre dans la gestion antiparasitaire. Et c’est là qu’on va dans les champs. On recherche des populations, et on commence à surveiller et à rechercher des seuils qui déclenchent l’activité. Ensuite, nous ajoutons la partie intégration. Nous intégrons donc des outils qui nous aident à contrôler ou à supprimer ces organismes nuisibles.
Puis, étant donné que tout évolue et que la lutte antiparasitaire intégrée est un processus évolutif comme on dit, je suis devenu directeur des Producteurs de pommes de l’Ontario et on m’a demandé de participer à des réunions pour définir l’utilisation mineure des priorités à Ottawa. Je me suis rendu compte qu’il y avait tout un monde à découvrir dans le domaine des pesticides. On continue d’utiliser des insecticides et des fongicides produits de manière traditionnelle ou synthétique. Puis, on a commencé à ajouter de petites choses, comme un produit appelé DiPel, qui nous permet de lutter contre les arpenteuses des choux-fleurs. On a remarqué qu’il y avait des arpenteuses dans le chou-fleur, et une des solutions proposées a été d’utiliser DiPel, qui est un produit biologique, de sorte. Ensuite, on a eu un parasite des pêches. Ils ont sorti un produit appelé phéromones. C’est des petits tubes que tu accroches à un arbre. Et ces objets libèrent lentement, au fil du temps, ces phéromones dans l’air. Les insectes mâles ne peuvent pas trouver les femelles, parce que l’air est plein de leurs phéromones, et ils meurent avant la fin de leur cycle de vie. Ça réduit progressivement la population. On utilise aussi de la technologie pour interrompre le cycle de reproduction de ces ravageurs ou de ces insectes. En fin de compte, la population de ce ver nuisible qu’on trouve dans les pommes ou les pêches a disparu. En fait, ils sont toujours là, mais leur population est si faible qu’elles sont désormais bénéfiques. La population de ravageurs bénéfiques les contrôle pour nous. On a ensuite commencé à utiliser de l’extrait d’ail pour lutter contre une maladie appelée « tavelure » qui touche les pommes. Ça nous permet aussi de lutter contre une maladie nommée « feu bactérien ». On avait déjà essayé d’autres produits pour lutter contre le feu bactérien sur la ferme, parce que les produits traditionnels que j’avais trouvés ne suffisaient pas.
Donc, encore une fois, on évolue. On utilise ces nouveaux produits, et les pesticides sur notre ferme sont devenus un mélange très intéressant de biopesticides et de pesticides traditionnels. Ça change la façon dont on garde la ferme en meilleure santé. Je ne sais pas quel autre mot utiliser que « santé » pour décrire la situation. On peut trouver un meilleur équilibre général sur la ferme en utilisant des produits plus doux.
Marie-France : Pouvez-vous nous expliquer quelles sont vos préoccupations personnelles par rapport à l’utilisation des pesticides et à la santé de l’environnement?
Brian : Comme j’ai dit tout à l’heure, on est une ferme multigénérationnelle. On veut s’assurer que, lorsqu’on choisit des pesticides ou qu’on utilise ces produits sur la ferme, on pense à la santé des personnes qui travaillent avec nos fruits et légumes, aux enfants... à mes travailleurs qui sont sur le terrain. On veut s’assurer de choisir des produits qui ne les mettent pas mal à l’aise. J’ai passé beaucoup de temps à informer mes employés qu’on utilise des produits sains pour les plantes et pour eux. Et que ça ne leur fera pas de mal. Euh, ce qui est intéressant dans tout ça, c’est que les consommateurs qui viennent sur notre ferme me demandent si on utilise des pesticides. Et je les regarde droit dans les yeux. Oui, j’utilise des pesticides. J’utilise des pesticides synthétiques et naturels. Et je leur explique ce que c’est. Je leur explique la lutte antiparasitaire intégrée. Euh. Et j’adore quand je regarde dans la voiture ou quand je me retourne et qu’il y a leur enfant avec eux et que leur enfant est déjà en train de manger la pêche ou la pomme et que le jus coule sur son menton et que l’enfant dit : « J’en veux une autre ». C’est génial, non? Les profils de saveurs changent, parce qu’on utilise des produits à plus faible risque… peut-être? L’autre aspect que j’ai remarqué est la santé du système agroalimentaire. On a remarqué une augmentation de la matière organique sur notre ferme. Le sol a besoin de matière organique. Les plantes l’adorent. On a remarqué une augmentation de certains paramètres qui permettent aux plantes de mieux utiliser les nutriments présents dans le sol, parce qu’on a fait des choix qui maintiennent le sol en bonne santé. Ça garde l’eau, les plantes et les aliments en bonne santé.
Marie-France : C’est une situation gagnant-gagnant à 100 % quand on voit les choses comme ça. Qu’est-ce que la plupart des consommateurs comprennent mal à propos de l’utilisation des pesticides?
Brian : Je pense que, s’il y a quelque chose qu’ils ne comprennent pas, ce sont les choix qu’on fait. Ça prend beaucoup de travail pour choisir les produits qui fonctionnent pour ta ferme. Euh, mais je ne considère pas les produits en fonction de leurs noms. Je ne considère pas les produits en fonction de leurs ingrédients actifs. En fait, je considère les produits en fonction des motifs d’action. Et c’est parce que je suis toujours préoccupé par la gestion de la résistance sur la ferme. Vous voyez. On doit donc trouver un équilibre avec les besoins de nos plantes. D’accord. Et la technologie a tellement évolué sur les fermes. Notre pulvérisation est très précise. Nos pulvérisateurs sont conçus pour maintenir nos matériaux dans l’arbre et pour tirer le meilleur parti du produit qu’on utilise. On veut s’assurer de contrôler les ravageurs, la maladie, les mauvaises herbes, et on évalue constamment les résultats. Et les données. Oh là là! La quantité de données qu’on recueille au cours d’une saison. Ouf, ça a vraiment augmenté.
Marie France : Nous avons parlé de limites maximales de résidus, et concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour vous?
Brian : Sur l’étiquette d’un produit, on peut voir la quantité que nous pouvons utiliser par application, puis la quantité que nous pouvons utiliser pour l’ensemble de la saison. Il s’agit de l’ingrédient actif. L’ingrédient actif est le produit qui agit pour lutter contre le parasite. Nous avons des limites très générales pour l’utilisation de la quantité maximale de cet ingrédient actif.
Marie France : Il faut adapter ses pratiques pour s’assurer qu’à la fin de la saison, lorsque le produit est consommé par les consommateurs, il se trouve en dessous de ces niveaux résiduels maximaux.
Brian : En fait, on retient souvent la dernière application. Euh, s’il est indiqué qu’on est autorisé à l’utiliser dix fois par exemple, et qu’on sait que c’est un très bon produit, on peut parfois utiliser le produit que six, sept fois, parce qu’il fonctionne. On arrête de l’utiliser parce qu’on ne veut pas que les ravageurs développent une résistance. On sait aussi qu’en cas d’évasion, si la population commence à augmenter, on a toujours ce produit dans notre poche arrière, un genre d’outil qu’on peut sortir au besoin. On peut reprendre le contrôle pour qu’il n’y ait pas un impact financier pour la ferme.
Le seuil économique a radicalement changé pour les producteurs. On n’a pas de place pour un fruit imparfait. Je sais qu’on peut aller au magasin et acheter un sac de pommes imparfaites. Mais, si vous voulez plus de pommes imparfaites, venez sur ma ferme, je vous donnerai volontiers autant de pommes imparfaites que possible, parce qu’on les tri sur le terrain. Comme ça, on n’en a pas beaucoup dans nos bacs ou dans nos paquets. Le consommateur bénéficie de ce qu’il y a de mieux et on reçoit notre retour sur notre investissement. Encore une fois. Je ne sais pas si le grand public sait à quel point les produits qu’on utilise sont le fruit du travail et de la science de Santé Canada.
Marie France : Et comment choisissez-vous personnellement les produits de protection des cultures?
Brian : Je fais des essais côte à côte, je prends un produit et je le compare aux produits que je connais, les produits qui fonctionnent le mieux sur ma ferme, et je les place juste à côté. Et je fais ça partout, pour différentes variétés, dans différents coins de la ferme, afin de pouvoir effectuer mes propres recherches scientifiques pour prouver l’efficacité. Chaque ferme est différente, chaque sol est différent, chaque environnement est différent.
Marie-France : Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez pu constater au cours des 20 dernières années en ce qui concerne la biodiversité sur votre ferme, en quoi elle a changé, en quoi elle est différente aujourd’hui?
Brian : On n’a pas beaucoup d’urbanisation. On en a un peu. L’urbanisation évolue. C’est vrai que les gens ont défriché des parcelles de bois. Mais il y a aussi d’autres personnes qui replantent des parcelles de bois. Et ça modifie ce qui entre dans nos vergers et en sort en permanence. La biodiversité est primordiale pour moi. Et j’aime voir la biodiversité sur ma ferme, j’aime voir tous ces pollinisateurs naturels. On n’a d’ailleurs pas besoin d’abeilles pour les courges. On a tellement d’abeilles fouisseuses et solitaires qui pollinisent les courges qu’on ne fait jamais venir d’abeilles pour les courges. Euh, mais on fait venir des abeilles pour nos pommes, parce que c’est très rapide. Je vois donc ce que l’on appelle des abeilles suantes entrer et sortir de nos vergers. Je vois les populations de ravageurs prédateurs augmenter dans nos vergers. La population d’une variété d’oiseaux sur notre ferme est aussi en pleine expansion. Je peux vous raconter tant d’histoires drôles sur la cueillette des pêches. Sais-tu qu’une chauve-souris accrochée à un arbre ressemble à une pêche? Les serpents tombent des arbres. Des insectes tombent des arbres et se posent sur vous. C’est comme ça qu’on trouve ce que l’on appelle des punaises assassines. Ce sont des insectes prédateurs qui tombent sur vous, et ils adorent tomber dans le col de votre chemise et vous piquer un peu. Les coccinelles piquent aussi, d’ailleurs. J’aime beaucoup voir ce genre de choses sur la ferme. Malheureusement, la biodiversité des mauvaises herbes augmente aussi. On est donc en train de modifier certaines de nos pratiques. J’aime voir évoluer la dynamique des populations.
Kirk : Lors de notre première conversation téléphonique, vous avez parlé d’une certaine culture en agriculture, d’une certaine caractéristique que l’on retrouve chez les agriculteurs.
Brian : Ouah! Euh, oui. Les agriculteurs sont d’une honnêteté sans faille. Ils n’aiment pas mentir. Ils n’aiment pas inventer des choses. Euh, si vous voulez savoir si vous faites quelque chose de mal, demandez à un agriculteur. Il vous le dira volontiers. Euh, il vous dira aussi volontiers ce qu’il a fait de mal. Si vous trouvez le bon agriculteur. Je fais partie de la communauté des pommes, probablement la communauté la plus communicante qui soit, celle des producteurs de pommes du Canada. Je connais les producteurs de pommes, parce que je suis producteur de pommes. Je connais des producteurs de Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et leurs amis. Et si j’ai un problème, si j’ai une question, je peux les appeler et leur demander.
Kirk : Il y a une forte culture d’apprentissage, d’amélioration et de transparence. Qu’est-ce que les consommateurs ignorent d’autre des agriculteurs, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des pesticides?
Briand : En Ontario, on est aussi tenu de maintenir notre agrément d’utilisation des pesticides par le producteur. Tous les cinq ans, on doit passer un examen et suivre un cours qui nous permet d’utiliser les produits qu’on applique sur nos arbres. Dans ces cours, on nous enseigne la sécurité des pollinisateurs. On nous apprend à contrôler les dérives. On nous apprend à manipuler les produits en toute sécurité. On nous enseigne la sécurité des travailleurs. On apprend plein de choses. J’assiste à la conférence de l’Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l’Ontario à Niagara. Ces événements rassemblent la crème de la crème du monde. Et ils apportent beaucoup de connaissances. Beaucoup. On a reçu des présentateurs du monde entier qui nous ont expliqué comment pulvériser, comment cultiver, comment ils pratiquent l’agriculture dans leur pays. On a aussi des chercheurs qui font des présentations. On organise des tables rondes d’agriculteurs qui expliquent ce qu’ils ont fait. Et on a la possibilité de faire des essais et, peut-être, vous savez, de tâtonner. Cette année, on en a eu une en raison de la réduction d’un groupe M de pesticides. On a organisé une table ronde avec un pathologiste. Un producteur qui cultive des produits biologiques et traditionnels. Un producteur biologique et puis moi. On a pu parler de ce qu’on fait sur notre ferme et éduquer les gens. L’événement a vraiment fait salle comble. C’était incroyable. Tous ces hommes et ces femmes sont là pour apprendre. Eh oui, il n’y a pas de meilleure communauté que celle de l’agriculture.
Kirk : Sa a brossé un tableau assez détaillé des pratiques de lutte antiparasitaire intégrée dans une exploitation de fruits et légumes.
Marie-France : Et Brian nous a donné un bon aperçu de l’évolution générale de l’utilisation des pesticides, non seulement dans son exploitation, mais aussi dans le secteur.
Kirk : C’est donc le bon moment, dans cet épisode, d’entendre le représentant de l’organisme de réglementation gouvernemental, Fred Bissonnette, de Santé Canada, pour savoir exactement comment il détermine quels pesticides peuvent être utilisés, et la façon dont ils peuvent l’être – bien avant qu’ils ne soient mis sur le marché.
Marie-France : Et nous voulons en savoir plus sur ce terme qu’ils utilisent – les limites maximales de résidus ou LMR, que l’on peut facilement mal interpréter.
Merci de vous joindre à nous, Fred. Avant de parler des limites maximales de résidus, que nous appelons LMR, pouvez-vous expliquer le processus d’évaluation des risques par lequel le Canada détermine les niveaux sûrs d’utilisation des pesticides?
Frederic : Oui merci pour la question. Donc aujourd'hui, je pense qu'on va vraiment mettre le focus sur les aliments, la nourriture. On fait beaucoup d'évaluation de risque concernant l'environnement. Est ce que le produit fonctionne comme il est supposé? Est ce que les producteurs, les fermiers par exemple, sont exposés à une certaine manière qui peut être dangereuse et quel genre de protection personnelle serait nécessaire? Aujourd'hui, je veux vraiment parler du côté des aliments. Donc on commence vraiment à regarder les propriétés toxicologiques des pesticides. Est ce que le produit peut être absorbé par la peau? Est ce qu'il y a une partie du corps qui est plus sensible qu'un autre, comme le foie par exemple? A quelle dose est ce qu'on voit les effets? On regarde des études à court terme, à long terme.
Pour le court terme, c'est des choses comme est ce qu'on peut devenir allergique s'il a sur la peau? Si on est exposé pour le long terme, c'est plus des choses comme le cancer. Des effets sur la reproduction? Est ce que ça peut affecter les enfants plus les adultes? Donc comme je l'ai dit, on utilise la on essaye, on détermine la dose la plus haute qui ne cause aucun effet et après on applique des facteurs de sécurité. Typiquement, ça commence à 100. Ça peut aller plus aux 1000 et plus. C'est vraiment en gros, on prend la dose la plus forte qui ne cause aucun effet. On applique ce facteur de protection. Ce qui veut dire par exemple que si un gramme n'a aucun effet chez l'animal sur l'animal, on va permettre une dose acceptable chez l'humain de dix milligrammes ou moins. Donc vraiment on divise. Donc c'est acceptable à partir de la dose qui n'avait aucun effet chez l'animal. Donc une fois que les propriétés toxicologiques sont déterminées, on fait une évaluation de l'exposition qu'on a via la diète. Donc qu'est ce qu'on mange? Il y a plusieurs façons qu'on peut. On peut faire ça à travers, comme je l'ai dit. Et là il y a leau vérifie, on vérifie les aliments. On fait aussi combien de certains aliments, ce qu'on peut manger par jour et durant la vie entière. On regarde aussi comment les pesticides peuvent être concentrés à travers la préparation des aliments. Donc un exemple l'huile de canola. On mange pas la graine en tant que telle, la graine est pressée pour extraire l'huile et ça c'est possible que ce soit concentré dans l'huile. Donc on regarde, on regarde ces facteurs là, on détermine à travers tous les aliments qu'on consomme, on les additionne tous ensemble. Et si ça dépasse la limite acceptable, à ce moment là, on refuse une utilisation qui contribue le plus à l'air lors de la consommation.
Maire-France : Il s’agit d’un processus scientifique très compliqué. Et quelle est la place des LMR dans tout ça?
Frederic : Donc les limites maximales de résidus représentent le tout, la quantité de pesticides maximum qu'on peut retrouver sur un aliment lorsqu'un pesticide est utilisé au maximum de sa fréquence, au maximum de son taux et le plus tard dans la saison tel que stipulé sur l'étiquette. Donc c'est vraiment une mesure de est ce que le produit est utilisé de la manière qui est supposé tel que stipulé sur l'étiquette? C'est pas un maximum de ce qu'on peut manger, mais c'est vraiment un outil de conformité pour vérifier. Est-ce que l'aliment. Est-ce que c'est de la manière correcte? Une fois à l'épicerie, il y en a beaucoup moins que ce qu'il y en a à la sortie de la ferme. Parce qu'il y a d'autres pesticides. Peut-être. Par exemple, une pomme peut être exposée au soleil, peut être à l'humidité, ce qui va dans plusieurs cas accélérer la dégradation. Donc souvent rendu à l'épicerie, y en a beaucoup moins que ce qu'il y en avait à la ferme.
Marie France : Et en tant qu'outil pour le commerce international, pouvez-vous expliquer comment les LMR sont utilisées?
Frederic : Oui, bien certainement. Les LMR sont internationalement pour s'assurer que les aliments qui sont exportés ou importés rencontrent les normes sanitaires du pays qui les reçoit. Par exemple, les fermiers lorsqu'ils veulent exporter des pommes au début des bleuets au Japon, je pense qu'on envoie des déblais au Japon. Donc, le producteur canadien doit s'assurer que le pesticide qu'il utilise au Canada a une limite maximale de résidus an au Japon et que la manière dont ils ont utilisé vos résultats. La limite maximale de résidus qui est compatible avec les qu'ils rencontrent les normes sanitaires du Japon par exemple. Donc même chose pour le Canada pour les importations. Donc un producteur californien qui voudrait envoyer des framboises en hiver au Canada parce qu'on produit pas des aliments à l'année longue devrait s'assurer que les produits qui les utilisent en Californie rencontrent les normes. Il y a des LMR pour ce pesticide au Canada et qui vont rencontrer les normes canadiennes avant de pouvoir les envoyer.
Marie-France : Je comprends qu’il s’agit d’une réglementation en soi. Pouvez-vous nous expliquer quand et pourquoi le Canada modifie la réglementation relative aux LMR? Est-ce que ça se produit souvent? Est-ce qu’il s’agit d’un processus particulier?
Frederic : Oui, certainement. Donc, quand j'avais mentionné plus tôt, les limites maximales de résidus représentent la quantité qu'on peut trouver lorsqu'un pesticide est utilisé selon son étiquette. Donc, s'il y a un changement sur la manière dont un pesticide est utilisé, ça peut nécessiter un changement au niveau maximal de résidus. Donc un exemple, mettons les bleuets nécessitent un certain traitement au début de la saison. Les fleurs des bleuets, par exemple, pour éviter qu'une certaine perte endommage la fleur, ce qui réduirait le rendement à la fin. Tout d'un coup, une nouvelle peste arrive un effet de une espèce invasive qui attaque le bleuet à la fin lorsqu'il est plus mûr. Donc évidemment, le fermier ne peut pas utiliser légalement les pesticides pour cette utilisation car elle n'est pas homologué pour cette utilisation. Donc souvent, le manufacturier va chercher à ajouter cette utilisation. Et puisque l'application se fait plus tard dans la saison, il y a des risques qu'il n'y a plus de résidus à la fin. Donc ça fait quand on va faire une analyse de risque, si c'est acceptable, va permettre le produit, mais la limite maximale de résidus pourrait devoir être changée. Dans le même ordre d'esprit. Prouve bien que c'est nécessaire pour l'importation exportation des Allemands. Il arrive que des limites sont vraiment proches l'une de l'autre et auquel cas le maître facture pourrait chercher à aligner, comme par exemple si la limite maximale de résidus pour les fraises aux États-Unis de 1.3 ppm et qu'au Canada c'est 1.2. De même, vouloir nous démontrer qu'un point deux est quand même acceptable parce que ça va faciliter l'accès aux fraises en hiver. Donc ça donne un autre exemple. Finalement, un autre exemple, ça serait au niveau international. Il y a une organisation qui s'appelle le Codex Alimentarius, qui est sous le chapeau des Nations Unies, qui regarde vraiment à créer des limites maximales de résidus pour le monde pour faciliter les exportations. Certains pays n'ont pas la capacité scientifique, comme au Canada, pour établir leurs propres LMR. Donc, il y a plusieurs pays se rend compte à chaque année pour déterminer quelle limite de résidus serait appropriée pour certains pesticides dans certains aliments, et le Canada pourraient recevoir une demande de s'aligner avec le Codex pour faciliter, par exemple, les grains de café qui serait produit en Colombie pour être exporté au Canada.
Marie-France : Lorsque vous modifiez les LMR, cela a surtout une impact sur les producteurs si j’ai bien compris?
Frederic : Donc en premier lieu, c'est vraiment le fermier. Une limite maximale autorisée peut être changée parce que l'utilisation de tout a changé. Donc si une nouvelle pièce apparaît et qu'ils ont besoin d'appliquer le pesticide plus tard dans la saison, ça va nécessiter une nouvelle limite maximale de résidus. Donc ça, là, d'établir cette nouvelle norme et que le risque est acceptable selon les scientifiques de Santé Canada, ça leur donne un nouvel outil pour gérer une. Parce qu'ils n'avaient probablement pas les outils pour la fin de l'année à la fin de la saison de croissance. Similairement pour les fermiers dans les autres pays ou les Canadiens qui veulent exporter, importer, ça leur donne des limites à respecter pour s'assurer qu'ils vont être capables, d'une fois la saison terminée, d'envoyer leurs produits, leur envoyer leurs aliments dans un autre pays ou nous recevoir les aliments d'un autre pays, comme un hiver où on n'a pas accès à certains comme les fraises. Généralement, il y en a en serre, mais en général, on a besoin de fraises.
Kirk : La levée de l’interruption des LMR a été annoncée récemment. Pouvez-vous expliquer pourquoi il y a eu une interruption?
Frederic : Oui, certainement. Donc ça retourne un petit peu en arrière la non? Cet effet au mois d'août 2021, ça coïncide avec des propositions qui avaient été faites pendant l'été d'augmenter certaine limite maximale de résidus. Dans certains cas, c'était parce que le pesticide n'était plus utilisé de la même manière au Canada, parce que je crois que c'était une nouvelle peste qui est apparue et que les fermiers avaient besoin d'utiliser le produit plus tard dans la saison. Donc, comme j'avais expliqué, le potentiel d'avoir plus de jus et une analyse scientifique a été fait et un nouveau ou une augmentation du délai maximal de résidus avait été proposée. Donc ces propositions-là ont vraiment semé beaucoup d'inquiétude dans le public, les Canadiens. Donc, là, vraiment, à ce moment là, on a décidé de mettre ces essais d'augmentation sur pause pour prendre le temps de vraiment comprendre c'est quoi, les inquiétudes des gens, qu'est ce qui pourrait être mieux expliqué, qu'est-ce qu'on peut faire différemment dans le futur pour vraiment rassurer les gens par l'annonce d'autres activités comme établir un programme de surveillance des autres? On utilise souvent des modèles par ordinateur pour calculer comment on pourrait se retrouver dans l'eau en voulant aller voir dans les rivières qu'est-ce qu'on pouvait trouver à considérer ça. Donc on a pris le temps durant cette pause pour vraiment rencontrer les Canadiens, rencontrer des intervenants pour bien comprendre, pour faire des propositions, pour préparer des produits de communication, expliquer un peu mieux. Et maintenant on pense qu'on a réussi à développer ces produits et on croit qu'on est. On est prêts pour lever cette pause.
Kirk : Que doit savoir le grand public canadien sur les LMR?
Frederic : Je commencerais par dire que, avant même d'établir une limite maximale de résidus, les scientifiques de sante Canada one en a des centaines son des experts internationaux sont reconnus par leurs pairs, analysent toute l'information disponible afin d'établir si le risque était acceptable. Et lorsqu'on la propose, c'est parce qu'on est confiants que le risque est effectivement acceptable. Et je dirai c'est acceptable. Ce qui peut être difficile à comprendre par certains membres du public. Parce qu'en science, le risque zéro n'existe pas. Je dirais aussi l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui est responsable de vérifier les échantillons des échantillons d'Alma sur le marché à l'épicerie. À vérifier. Est ce que les produits sont conformes aux limites? Sont sous les limites a détecté très peu de pesticides et 90 % des échantillons rencontrent les normes. Donc vraiment, en gros, je passe le message c'est ne vous inquiétez pas, la nourriture qui est vendue au Canada est sécuritaire.
Kirk : L’ARLA procède différemment depuis quelques années grâce à son groupe de travail sur la transformation. Quels sont les principaux éléments de cette transformation?
Frederic : La premier, c'est regarder comment on fait notre travail. Donc la science en tant que telle n'a pas changé. Mais il y a tout moyen de faire ça de manière plus efficace, plus rapide. Deuxièmement, comment on peut être plus transparent, communiquer mieux avec le public, donc la science. Ce qui se passe à l'heure, là, est vraiment complexe. On a des experts dans des domaines très pointus et communiquer cette information là au public est vraiment difficile parfois. Donc, comment est ce qu'on peut rassurer les gens? Comment on va expliquer ce qu'on fait pour qu'il a vraiment confiance, qu'on est là pour protéger les Canadiens? On va être. On veut qu'ils sachent que ce qu'ils mangent et sécuritaire, c'est finalement beaucoup. Des informations, des études qu'on offre proviennent des manufacturiers. On le cache pas, ça fait partie de la loi. La loi exige que tu donne l'information à. Ceci dit, ils doivent suivre des protocoles très stricts. On a accès aux données brutes, donc on peut faire nos propres calculs. On croit pas nécessairement les conclusions de la compagnie, on en arrive à nos propres conclusions. Mais est ce qu'il y a moyen d'avoir plus d'informations indépendantes que des chercheurs ou des progrès dans nos programmes de surveillance des autres? Ou est ce qu'on peut aller vérifier exactement comme ce qu'on trouve dans l'environnement? Donc il y a des systèmes informatiques qui calculent naturellement. C'est très conservateur, mais quand même, comment est ce qu'on peut vérifier? Est ce qu'il y a vraiment dans l'eau? Et donc c'est vraiment le but. C'est vraiment plus transparent avoir des processus efficaces et utiliser des données indépendantes passées. C'est vraiment le but principal de la transformation.
Kirk : Pouvons-vous résumer cela un peu? Si je vous donne un exemple, j'adore manger des pommes. Alors combien de pommes dois je manger avant de tomber malade à cause des résidus de pesticides présents sur ses pommes?
Frederic : Vous devriez manger 280 pommes par jour pendant tous les jours de votre vie avant que ça devienne même un inquiétude quelconque concernant votre santé. Vous allez tomber malade à cause de tout le sucre dans les pommes ou avec juste gonfler de la quantité que vous mangez avant même d'avoir une inquiétude à enregistrer concernant les limites de résidus ou la quantité de pesticide trouver sur ses pommes.
Kirk : Ha! J’adore les pommes, mais 280 pommes par jour? No thank you.
Marie-France : Même chose pour moi! Et je pense que nous pouvons revenir à Brian pour le dernier mot sur ce sujet des pesticides, car j’aime beaucoup ce qu’il vous a dit, Kirk, à propos des pratiques agricoles actuelles par rapport au passé.
Brian : L’agriculteur est le gardien de sa terre. Vous voyez? Des erreurs ont probablement été commises dans le passé. C’est vrai. On fera encore des erreurs à l’avenir. Mais la communauté agricole reconnaît ses erreurs et les corrige, et elle abandonne les produits qui ne permettent pas de créer un environnement biodiversifié. Je suis d’accord pour dire que l’ancienne méthode de la terre brûlée pour l’application des pesticides a disparu. Nous utilisons maintenant des méthodes plus contrôlées. Honnêtement, le Canada produit les meilleurs fruits et légumes du monde en très peu de temps. Je suis très fier d’être un agriculteur canadien.
Kirk : C’est une excellente note pour terminer cet épisode.
Marie-France : En effet! Restez à l’écoute de nos prochaines épisodes sur les pénuries de main-d’œuvre et le travail innovant réalisé pour y remédier.
Kirk : N’oubliez pas de vous abonner. Et dites-nous ce que vous pensez. Y a-t-il d’autres sujets dont vous aimeriez entendre parler? Nous sommes toujours ravis de savoir ce que vous pensez, chers auditeurs.
Marie-France : Et jusqu’à la prochaine fois, vous savez quoi faire?
Kirk : Oui. Je vais explorer.
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