Gestion intégrée des espèces de vers blancs dans les cultures de petits fruits

Code du projet : PRR18-030

Responsables de projet

Jean-Philippe Parent et Justin Renkema - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Aider les producteurs de petits fruits diversifier leur boîte à outils avec des solutions de rechange pour la gestion des vers blancs dans leurs cultures

Les vers blancs constituent une menace sérieuse pour l'industrie canadienne des petits fruits. Les différents niveaux de dommages causés par ces insectes nuisibles peuvent entraîner une réduction des rendements et de la qualité des cultures de fraises, de framboises et de bleuets en corymbe. Les larves du scarabée japonais (Popillia japonica) et du hanneton européen (Amphimallon majale) qui se nourrissent des racines sont particulièrement problématiques sur les fraises et les bleuets cultivés dans les provinces de l'Est. De plus, les adultes du scarabées japonais qui se nourrissent par voie foliaire peuvent décharner des plants de fraises entiers, ce qui devient une préoccupation émergente en raison du manque de solutions de contrôle disponibles. La gestion durable de ces ravageurs a été identifiée comme une lacune prioritaire à combler par le groupe de travail des intervenants qui dirige la Stratégie à risque réduit pour la gestion des insectes nuisibles des petits fruits du Centre de la Lutte Antiparasitaire.

Ce projet de 3 ans (2018‑2021) répondait aux besoins pressants des producteurs de petits fruits en matière d'outils de lutte antiparasitaire efficaces et diversifiés pour protéger leurs cultures contre les vers blancs. Actuellement, l'imidaclopride est la seule option de traitement chimique du sol disponible pour ces ravageurs dans les cultures de petits fruits. Le projet visait à évaluer les techniques de surveillance du scarabée japonais et du hanneton européen dans les petits fruits et également à déterminer l'efficacité de divers amendements du sol, tels que les paillis et les composts, et des nématodes entomopathogènes (NEP) pour supprimer les populations de vers blancs dans le sol. 

Approches

Pour déterminer les techniques de surveillance efficaces, trois types de pièges ont été évalués en 2018 dans des champs de petits fruit commerciales près des centres de recherche et de développement Vineland et Harrow d'AAC, en Ontario, afin d'évaluer leur capacité à attirer et à capturer les scarabées japonais adultes, les hannetons européens et les hannetons. Des pièges à scarabées japonais disponible dans le marché, des pièges lumineux ainsi que des pièges à vers fil-de-fer mis au point par Mme Christine Noronha (AAC) ont été déployés dans des champs de fraises, de bleuets en corymbe et de framboises. Les pièges ont été examinés chaque semaine pendant plusieurs semaines au cours de la saison, et les espèces collectées ont été identifiées et quantifiées tout au long de cette période.

En 2019, les essais de la technique de surveillance ont été élargis pour inclure des champs commerciaux de bleuets en corymbe et de fraises en Ontario et au Québec, ainsi qu'un vignoble au Québec. Une évaluation supplémentaire a été incluse pour évaluer l'impact des pièges à insectes sur la population de vers blancs et le niveau de dommages dans les cultures de petits fruits dans les zones environnantes. On a cherché à déterminer si l'utilisation de ces pièges de surveillance attirait un nombre accru de ravageurs par rapport aux champs où aucun piège n'était installé et si des dommages supplémentaires étaient observés dans les champs d'essai surveillés. Pour ce faire, on a mesuré les dommages causés aux feuilles des plantes de petits fruits et déterminé la présence de larves dans les échantillons de sol entourant les pièges.

Afin d'évaluer l'utilisation d'amendements du sol et l'utilisation de NEPs pour lutter contre les vers blancs, des études en laboratoire et des essais en micro-parcelles ont été réalisés au Centre de recherche et de développement de Vineland d'AAC en Ontario. Les larves du scarabée japonais et du hanneton européen ont été exposées à un sol amendé avec différentes combinaisons de paillis et de substrats de compost, et deux espèces de NEPs, Heterorhabditis bacteriophora (Natural Insect Control, Stevensville, Ontario, Canada) et Steinernema scarabaei (Evergreen Bio Innovations Ltd., Ajax, Ontario, Canada). Les traitements d'amendement du sol étaient les suivants :

  1. un mélange de copeaux de bois et de sciure (1:1 par volume),
  2. du fumier de cheval plus le mélange de copeaux de bois et de sciure (1:1 par volume), et
  3. du compost municipal plus le mélange de copeaux de bois et de sciure (1:1 par volume), tous placés comme une couche de paillis sur le sol. Un contrôle du sol seul (sans paillis) a également été inclus. Un traitement supplémentaire consistait à ajouter une application par pulvérisation d'une espèce de nématode entomopathogène (soit H. bacteriophora, soit S. scarabaei à un taux de 50 juvéniles infectieux par centimètre carré) au sol nu et à chacune des combinaisons de sols amendés. Un contrôle de l'eau seulement a également été inclus. La mortalité des larves a été évaluée dans le sol seul, dans le sol amendé avec des substrats (sans ajout de NEPs), et dans le sol recevant à la fois l'amendement et les traitements par NEPs, 10 jours et 20 jours après l'exposition.

Résultats

Parmi les trois pièges à insectes évalués dans le cadre de ce projet, le piège commercial à scarabées japonais s'est révélé très efficace pour attirer et capturer de grandes quantités de scarabées japonais dans les cultures de petits fruits, avec des pics supérieurs à 100 adultes piégés. Ce piège visait spécifiquement les scarabées japonais et ne capturait pas d'autres espèces. Le piège à vers fil-de-fer et le piège lumineux n'ont pas été efficaces pour attirer les scarabées japonais, les hannetons européens ou les hannetons. Les pièges lumineux ont capturé environ 5 à 10 adultes en moyenne, tandis qu'aucun scarabée n'a été capturé dans les pièges à vers fil-de-fer.

L'impact négatif de l'utilisation des pièges à scarabées japonais dans les champs de petits fruits a été variable pendant toute la durée de ce projet. Bien que ces pièges aient été très efficaces pour attirer les scarabées japonais, des dommages accrus à la végétation environnante ont été observés près des pièges. Cependant, étant donné la grande variabilité, aucune grande tendance dans l'évolution de l'abondance des populations et des dommages foliaires n'a pu être identifiée par rapport aux zones ne contenant aucun piège.

Plusieurs des traitements évalués combinant des amendements du sol et des espèces de NEPs ont montré des taux élevés de mortalité des larves de scarabée japonais et de hanneton européen dans les essais en laboratoire. Les amendements du sol contenant du fumier de cheval ou des composts municipaux (sans ajout de NEPs) ont provoqué des taux de mortalité élevés de 90 à 100 % pour le deuxième stade des larves de scarabée japonais après 20 jours d'exposition, mais seulement 60 % de mortalité pour le troisième stade. L'ajout de traitements avec le NEP H. bacteriophora a provoqué une forte mortalité (85‑100 %) des larves de scarabée japonais des 2e et 3e stades, quel que soit le type d'amendement du sol. La mortalité des larves de coléoptères exposées à S. scarabaei était inférieure à celle des autres traitements et était très variable, en fonction de l'amendement du sol utilisé. Les taux de mortalité étaient variables pour les deux espèces de larves de coléoptères dans les essais en micro-parcelles. Dans l'ensemble, la combinaison d'applications de H. bacteriophora avec des paillis et des composts a donné des résultats prometteurs comme approche alternative pour réduire les populations de vers blancs dans les cultures de petits fruits. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour explorer et déterminer le meilleur moment et les taux d'applications pour une efficacité optimale de ces pratiques et pour confirmer la faisabilité d'étendre ces pratiques à l'échelle des fermes commerciales.

Conclusions

Pour mieux comprendre les vers blancs dans les cultures de petits fruits, des pièges à insectes efficaces sont nécessaires pour leur surveillance. Cette étude indique que les pièges commerciaux à scarabées japonais sont un outil utile pour examiner les populations de scarabées japonais dans les cultures de petits fruits, mais ne le sont pas pour les autres espèces de coléoptères qui ont un impact sur ces cultures. Une combinaison de H. bacteriophora et d'amendements du sol contenant des composts a démontré un potentiel pour réaliser une gestion intégrée du stade larvaire du scarabée japonais. D'autres essais sur le terrain sont nécessaires pour confirmer l'applicabilité de ces pratiques en tant que méthodes efficaces et économiquement viables de lutte contre les ravageurs pour les producteurs de petits fruits. L'adoption d'approches prometteuses résultant de ce projet pourrait aider les producteurs à minimiser la dépendance et l'utilisation des pesticides dans les cultures de petits fruits tout en protégeant efficacement les rendements.