Lutte intégrée contre le tarsonème du fraisier

Code du projet : PRR18-040

Chef de projet

Justin Renkema - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Aider les producteurs à diversifier leur trousse d’outils en leur donnant accès à des options à risque réduit pour lutter contre le tarsonème du fraisier

Contexte

Le tarsonème du fraisier (Phytonemus pallidus) peut causer des dommages considérables dans les fraisières au Canada. De fortes infestations peuvent occasionner une déformation, un frisage et un plissement irrégulier du feuillage des fraisiers, un rabougrissement des plants, une nécrose des pétales des fleurs et un bronzage à la surface des fruits en mûrissement. Elles peuvent réduire considérablement le rendement fruitier et causer des pertes économiques aux producteurs. Le groupe d’intervenants responsable de la Stratégie à risque réduit pour la gestion des insectes nuisibles des petits fruits dans le cadre de l’équipe de réduction des risques liés aux pesticides a déterminé que le tarsonème du fraisier était un enjeu prioritaire. Ayant perdu les principaux pesticides qu’ils utilisaient pour lutter contre ce ravageur (dont le diazinon et l’endosulfan) par suite de la réévaluation réglementaire des produits, de nombreux producteurs n’ont d’autre choix que de faire des applications répétées d’acaricides à base d’abamectine pour lutter contre le ravageur. Donc les producteurs ont besoin d’autres options de lutte efficaces.

Le présent projet de deux ans visait à évaluer l’efficacité de diverses stratégies de lutte, comme le prétraitement à la vapeur des plants de fraisiers avant leur transplantation et l’application de divers produits antiparasitaires, comme des acaricides conventionnels et des biopesticides. Une étude additionnelle a comparé la distribution des tarsonèmes du fraisier en Ontario et en Saskatchewan, ou le ravageur est bien établi et émergent, respectivement. Ont également été évalués les effets de la fauche des champs sur les populations de tarsonèmes de fraisier.

Approches

Le présent projet a été mené au Centre de recherche et de développement d’AAC à London, sur le campus Vineland en Ontario, et dans des fraisières commerciales de l’Ontario et de la Saskatchewan de 2018-2020. Pour évaluer l’efficacité du traitement à la vapeur pour réduire les populations de tarsonèmes, des plants de fraisiers à transplanter (cultivars Jewel et Annapolis) issus d’une pépinière de la Nouvelle-Écosse ont été infestés avec des tarsonèmes, puis ont été traités à la vapeur avant d’être plantés en petites parcelles à la ferme Jordan d’AAC, près de Vineland.

L’efficacité de plusieurs produits antiparasitaires a également été évaluée sur des plants de fraisiers à racines nues issus d’une pépinière de la Nouvelle-Écosse qui ont été transplantés manuellement à la ferme Jordan d’AAC. Après avoir été infestées avec des tarsonèmes du fraisier, les parcelles ont été traitées avec sept différents produits, dont l’acaricide conventionnel homologué Agri-Mek SC (abamectin), l’acaricide conventionnel non homologué GWN-1708 (fénazaquin), et des biopesticides non homologués : Grandevo (souche PRAA4-1 de Chromobacterium subtsugae); Ecotrol (huile essentielle de romarin, huile essentielle de menthe poivrée, géraniol); Bp Protec (souche R444 de Beauveria bassiana); Vegol (huile de canola); et une mélange de Venerate (souche A396 de bactéries Burkholderia spp. tuées à la chaleur) et Ecotrol. Le surfactant Agral 90 et l’eau ont servi de témoins négatifs. Des applications simples d’acaricides conventionnels et des applications doubles de biopesticides ont été faites.

Un dépistage a été effectué dans les parcelles de plants infestés dans un délai d’une et deux semaines après les applications de produits afin d’évaluer les impacts de chaque traitement sur les populations de tarsonème du fraisier et leur mortalité tout au long de la saison. Pour les transplants ayant subi un traitement thermique, la survie des plants, le nombre de feuilles et le nombre de stolons ont fait l’objet de suivis tout au long de la saison. La saison suivante (2020), le rendement fruitier et les dommages sur les fraises ont été évalués.

De plus, pour obtenir des données sur l’effet de la rénovation (fauche) des fraisières et les effets des conditions climatiques hivernales sur les populations de tarsonèmes du fraisier présentes dans les champs, des dépistages ont été effectués dans des sites de production commerciale en Ontario et Saskatchewan. Les cultivars de fraisiers à jour court (qui fructifient en juin) plantés en rangs nattés sont généralement fauchés juste au-dessus de la couronne une à deux semaines après la fin de la récolte. On a comparé les populations en présence avant et après la fauche des fraisières et on a étudié la dynamique des populations à l’automne et au printemps.

Résultats

Plusieurs des approches essayées se sont avérées prometteuses pour réduire les populations de tarsonèmes du fraisier sur les plants de fraisiers transplantés dans les parcelles en champ. Le traitement à la vapeur des fraisiers avant leur transplantation au champ a constitué une façon efficace d’éliminer les tarsonèmes sans avoir d’effets néfastes sur le rendement fruitier. Le traitement des fraisiers à transplanter à 44 degrés Celsius (°C) pendant une heure (h) a réduit en moyenne la population de tarsonèmes de 99 %, tout en conservant des taux de survie des plants semblables à ceux des plants qui n’avaient pas reçu de traitement thermique. Le traitement des fraisiers à une température plus élevée pendant une durée plus courte (48 °C pendant 0,5 h) a aussi fortement réduit les populations de tarsonèmes, mais ce procédé a endommagé les plants. La saison suivante (2020), aucune différence de rendement n’a été notée entre les fraisiers qui avaient été traités à 44 °C pendant une heure et les fraisiers non traités, qu’importe s’il s’agissait du cultivar Jewel ou du cultivar Annapolis. En fait, le rendement des plants du cultivar Jewel qui avaient été traités à 44 °C pendant une heure a été presque 50 % supérieur à celui des plants non traités. Dans les fraisiers Jewel, le nombre moyen de fraises endommagées par le tarsonème par parcelle pour l’ensemble de la récolte a été un peu plus de six, tandis que dans les parcelles qui avaient été plantées avec des fraisiers traités à 44 °C pendant une heure, le nombre moyen de fraises endommagées par le tarsonème a été de 1,5, donc une réduction de 75 %.

Pour protéger les récoltes de fraises dans les fraisières établies, c’est le produit non homologué GWN-1708 qui a été le plus efficace pour réduire les populations de tarsonèmes du fraisier. Dans les conditions dans lesquelles les essais ont été menés, ce produit a été plus efficace que le produit homologué Agri-Mek SC. Parmi les cinq biopesticides non homologués qui ont été évalués, c’est la combinaison de Venerate et d’EcoTrol qui a donné le nombre le plus bas de tarsonèmes, toutefois les applications de ces produits n’ont pas donné de différences significatives par rapport aux parcelles témoins non traitées, et n’ont pas été aussi efficaces que GWN-1708. Les autres biopesticides essayés n’ont pas réduit les populations de tarsonèmes du fraisier. La saison suivante (2020), les traitements avec des acaricides ou des biopesticides n’ont pas eu d’impacts significatifs sur le rendement fruitier global et le nombre de fraises endommagées par le tarsonème du fraisier (fruits présentant des cicatrices et un bronzage à leur surface). Toutefois, les parcelles traitées avec le produit GWN-1708 ont généralement donné un rendement supérieur et comptaient un nombre inférieur de fraises endommagées.

Les résultats de dépistage des populations de tarsonèmes du fraisier dans des fraisières commerciales de l’Ontario ont fourni des informations utiles sur la distribution du ravageur tout au long de la saison. La population moyenne de tarsonèmes par échantillon était d’environ dix fois plus élevée avant la fauche des fraisières qu’après. Les populations de tarsonèmes du fraisier ont également été dépistées à l’automne 2018 et comparées à celles du printemps 2019. Des nombres quasiment nuls de tarsonèmes ont été trouvés dans les fraisières en mai 2019, dû probablement à la mortalité hivernale de la vaste majorité de la population. En aucun moment de la présente étude des tarsonèmes n’ont été trouvés en Saskatchewan, ce qui confirme que le ravageur n’est pas encore établi dans cette région. Ces résultats montrent que la fauche pour rénover une fraisière contribue à réduire les populations de tarsonèmes, mais que le taux de réduction obtenu n’est pas suffisant pour remplacer la recommandation d’employer un acaricide après la fauche. La mortalité hivernale est importante dans le sud de l’Ontario, mais les populations de tarsonèmes rebondiront et reviendront à des niveaux élevés au printemps et au début de l’été à partir des individus qui ont survécu. Les efforts futurs devraient déterminer l’efficacité de l’application d’acaricides et de biopesticides au printemps, moment de l’année où les populations sont faibles.

Conclusion

Cette étude à multiples volets visait à évaluer de nombreuses options à risque réduit, notamment des mesures sanitaires, des applications foliaires de produits antiparasitaires et des stratégies culturales pour aider à réduire les dommages aux fraises qui sont causés par le tarsonème du fraisier. Les options de lutte contre ce ravageur actuellement disponibles au Canada sont limitées. Ce projet a montré que le traitement à la vapeur des fraisiers avant la transplantation et les applications de fénazaquin dans les fraisières sont deux moyens efficaces pour réduire les populations de tarsonèmes du fraisier dans les fraisières. Ce projet a également généré des informations utiles sur la dynamique des populations de tarsonèmes du fraisier et leur distribution dans les fraisières canadiennes à différents moments de la saison et dans diverses régions. Les approches et la connaissance, ainsi que les mesures phytosanitaires qui ont été générées dans le cadre du présent projet, fournissent des solutions utiles pour aider les producteurs à maîtriser la gestion intégrée du tarsonème du fraisier dans leurs fraisières.