Si vous semez une graine, qu'obtiendrez-vous? Un arbre? Une plante? Un petit coin de verdure? Une graine, quelle que soit sa forme, est toujours pleine de promesses. Elle peut se transformer en une multitude de choses — c'est dans sa nature. Ainsi, lorsque Sophie Wood a semé sa première graine à la ferme communautaire Reena, elle savait qu'elle en obtiendrait un fruit ou un légume délicieux. Ce qu'elle ne savait pas, en revanche, c'est que quelque chose d'autre allait naître de cette petite graine : sa confiance en elle et son indépendance.
La recherche commence
Pour Sophie, le jardinage n'a jamais été plus qu'un passe-temps, qu'elle partageait avec sa grand-mère lors de ses visites : « Ma grand-mère avait un beau jardin avec des fines herbes et des tomates. Je l'aidais souvent à arroser les plantes et à désherber », se souvient Sophie en évoquant les chaudes journées d'été dans le jardin de sa grand-mère.
Regarder pousser ses légumes est toujours un plaisir pour elle, mais Sophie n'a jamais pensé que cela pourrait devenir un travail. Se qualifiant elle-même d'« enfant d'intérieur », la culture de légumes était simplement un moyen amusant de passer du temps en famille.
Mais alors qu'elle allait bientôt obtenir son diplôme d'études secondaires, Sophie commençait à penser à son avenir. Après avoir passé des heures à consulter les offres d'emploi, elle a réalisé que la recherche d'emploi était un travail à temps plein. Elle avait besoin d'aide pour s'y retrouver dans ce système. Un de ses professeurs l'a encouragée à s'inscrire à un programme de transition professionnelle à Reena, une organisation soutenant les personnes qui ont des troubles du développement.
Reena, un espace de croissance communautaire
Une alternative au placement institutionnel, Reena est une organisation à but non lucratif qui a été fondée en 1973 par un groupe de parents d'enfants qui souffrent de troubles du développement. Reena offre actuellement un logement supervisé à 523 personnes et soutient 1 000 personnes par an grâce à divers programmes d'extension de services et de programmes de jour. Son objectif est de promouvoir l'indépendance, la dignité et l'inclusion de ses membres. Outre le logement, l'organisation aide également les personnes qui ont des capacités neuroatypiques à trouver un emploi valorisant avec l'aide de formateurs en milieu de travail.
Après avoir peaufiné son curriculum vitae et s'être entraînée à passer des entrevues avec ses formateurs en milieu de travail, elle a pu mieux gérer ce processus intimidant. Très vite, Sophie s'est retrouvée face à des patrons potentiels, explorant divers lieux de travail et de styles de gestion. Chaque entrevue a permis à Sophie d'acquérir une expérience inestimable, mais rien n'a vraiment retenu son intérêt. Le marché de l'emploi n'est pas une mince affaire, et elle voulait quelque chose qui allait lui permettre de s'épanouir pendant de nombreuses années.
Heureusement, il se trouve que Reena travaillait à un autre projet qui lui convenait parfaitement — il suffisait de développer ce projet.
Le démarrage d'un nouveau projet
Pendant que Sophie explorait le marché du travail après ses études secondaires, l'équipe de Reena était en train de planifier une initiative visant à améliorer la sécurité alimentaire des personnes dans ses résidences d'accueil. Avant la pandémie, les habitants de ces résidences faisaient leurs courses et cuisinaient avec l'aide du personnel de soutien, acquérant ainsi des compétences précieuses pour devenir plus autonomes. Mais lorsque toutes les activités ont été paralysées partout dans le monde à cause de la pandémie, il a fallu que Reena trouve un autre moyen de soutenir les membres de sa communauté en toute sécurité. Après avoir établi un partenariat avec une autre organisation locale à but non lucratif pour la production de repas préparés en portion individuelle, le personnel de Reena a commencé à sortir des sentiers battus, mais à l'intérieur des lieux.
Afin de réduire le coût des repas, ils ont élaboré un plan dans le but de cultiver leurs propres produits frais dans 400 conteneurs de plantation hors sol. Au lieu d'une simple pelouse, l'équipe de Reena a imaginé de transformer son propre jardin en une ferme urbaine débordant de tomates, de haricots et de courgettes.
Ce qui n'était au départ qu'une simple mesure visant à faire des économies s'est rapidement transformée en quelque chose de plus grand et de plus marquant. L'équipe de Reena a réalisé que la ferme pouvait être un terreau fertile qui avait le potentiel d'aider les personnes neurodiverses à acquérir des compétences en agriculture et à se trouver un emploi. Mais le rêve de démarrer une ferme capable de nourrir la communauté de Reena allait nécessiter beaucoup de ressources. L'équipe a donc présenté une demande d'aide financière au titre du Fonds des infrastructures alimentaires locales (FIAL) d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC).
Le Fonds des infrastructures alimentaires locales
Le Fonds des infrastructures alimentaires locales (FIAL) est une initiative quinquennale de 70 millions de dollars qui prendra fin le 31 mars 2024. Le FIAL s'adresse aux organismes communautaires à but non lucratif dont la mission est de réduire l'insécurité alimentaire en établissant un système alimentaire local et en le renforçant. Depuis son lancement en août 2019, 54,8 millions de dollars ont été versés pour soutenir plus de 897 projets visant à renforcer la sécurité alimentaire et à générer une croissance à travers le pays.
Comme le savent la plupart des jardiniers, le long week-end de la fête de la Reine est le temps de commencer ses semis. Pour l'équipe de Reena, l'heure était à la fête : leur demande de fonds au FIAL avait été acceptée! Cependant, leur joie a été rapidement suivie d'un sentiment chaotique. Il fallait non seulement préparer les contenants, mais aussi trouver des employés qui soient capables de consacrer toute leur attention et leurs soins aux plantes en croissance.
La personne dont l'équipe avait besoin, c'était Sophie!
Lorsque le conseiller en insertion professionnelle de Sophie lui a parlé du poste d'ouvrier agricole, elle a pensé que c'était sa chance de se faire valoir. Elle a soumis sa candidature et a été invitée à visiter un des sites de la ferme.
« J'étais très enthousiaste à l'idée de plonger, bien que nerveuse! Je ne savais pas ce qu'on attendait de moi ni si je serais capable de répondre aux attentes », explique Sophie.
À la vue de la ferme en activité, Sophie s'est souvenue de l'époque où elle passait du temps à jardiner avec sa grand-mère, mais elle se demandait comment elle allait pouvoir s'adapter et passer d'une salle de classe qui l'occupait toute la journée à un travail à l'extérieur. Elle avait certes aidé sa grand-mère à faire des travaux de jardinage simples, mais les tâches à effectuer à la ferme de Reena étaient beaucoup plus complexes. Il fallait que Sophie apprenne tous les secrets des cultures, du début à la fin de la saison, ce qui est une courbe d'apprentissage abrupte pour tout nouvel employé.
Le meilleur professeur qu'elle puisse avoir était en fait la pratique.
Apprendre et grandir
Par une matinée ensoleillée de juillet, Sophie a salué de la main sa mère qui la déposait pour son premier jour de travail à la ferme. Avec sept autres étudiants, elle a commencé à travailler en étroite collaboration avec le directeur de la ferme pour développer ses habiletés et acquérir un pouce vert. Elle a commis des erreurs, renversé de la terre, cassé des pots, mais son directeur l'a rassurée en lui disant que cela faisait partie du processus d'apprentissage. Le fait d'être entourée de visages heureux et d'attitudes positives lui a permis de considérer les erreurs comme des occasions d'apprentissage, et Sophie s'est rapidement adaptée à la vie à la ferme. Qui aurait cru que travailler pouvait être aussi amusant?
À la fin de l'été, Sophie était devenue experte dans l'art de tuteurer des tomates et de cueillir les aubergines mures à point. Elle a même livré des produits aux partenaires locaux de Reena — un service de livraison de repas casher et un restaurant casher — permettant à un plus grand nombre de personnes de savourer des produits qui ont été cultivés à quelques pâtés de maisons de chez eux. « Au fur et à mesure que j'apprenais les tâches, je me sentais de plus en plus à l'aise. Très vite, on m'a fait confiance pour effectuer les tâches par moi-même », explique Sophie à propos du développement de son indépendance. « Le travail à la ferme m'a donné le sentiment d'avoir accompli quelque chose de bien, et j'ai aidé des gens en leur offrant un produit dont ils avaient besoin. »
Sophie continue de travailler à la ferme communautaire Reena et a été témoin de chaque changement, transformation et expansion de l'organisation. La ferme communautaire se développe en même temps que Sophie, ce qui l'incite à prendre de nouvelles responsabilités en dehors de son lieu de travail. Par exemple, l'année suivante, Sophie s'est renseignée sur les lignes d'autobus et a jugé qu'elle était capable de se rendre seule au travail. Sa mère a accepté avec joie de la laisser partir seule.
Depuis 2021, l'équipe de Reena a aménagé une installation hydroponique intérieure spécialement conçue pour être accessible aux fauteuils roulants et pour garder les légumes-feuilles à l'abri des insectes — un élément important pour obtenir la certification casher. Sophie a été l'une des premières étudiantes à travailler dans la ferme hydroponique. Il lui a fallu acquérir de nouvelles compétences et maîtriser de nouvelles procédures pour veiller à ce que la ferme reste exempte d'insectes, un défi qu'elle a relevé avec brio. Son travail assidu a porté des fruits puisque Reena l'a nommée employée de l'année en 2023, un honneur inattendu, mais très bien mérité. Aujourd'hui, munie de son sarrau et de sa nouvelle confiance en elle, Sophie sait qu'elle réussira partout où la vie l'emmènera.
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