Code du Projet : PRR21‑020
Chefs de projet :
Martin Laforest - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Marie‑Josée Simard - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Robert Nurse - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Continuer de mettre au point et d’offrir aux producteurs des outils génétiques rapides pour l’identification précoce et l’atténuation des mauvaises herbes résistantes aux herbicides dans les cultures agricoles
Contexte
Les mauvaises herbes représentent un défi important pour la production viable de cultures agricoles et contribuent grandement aux pertes de rendement. Couramment, la lutte contre les mauvaises herbes dans les cultures de légumes repose sur l’application régulière d’herbicides. Toutefois, étant donné que pour certaines mauvaises herbes, il n’y a que très peu d’herbicides efficaces et que les mêmes ingrédients actifs sont utilisés à répétition, l’apparition de mauvaises herbes résistantes aux herbicides est devenue un risque majeur. La prolifération et la propagation rapides de la résistance aux herbicides chez les mauvaises herbes posent une menace croissante à la viabilité de la production agricole. Les relevés sur le terrain révèlent l’apparition constante de nouvelles mauvaises herbes résistantes.
Pour freiner efficacement l’acquisition d’une résistance, il est essentiel que celle‑ci soit décelée précocement et rapidement, les cultures sont surveillée régulièrement, et les mauvaises herbes sont gérée adéquatement à l’aide de produits appropriés dans le cadre d’un système de lutte intégrée. Lorsqu’on utilise des méthodes traditionnelles de détection de la résistance, comme les essais de courbe de dosage qui utilise des plantes vivantes cultivées en serre, les producteurs peuvent attendre jusqu’à un an avant d’avoir des résultats. Pour prendre des décisions appropriées en matière de lutte contre les mauvaises herbes en cours de saison, les producteurs doivent avoir accès à des outils qui leur permettent d’obtenir beaucoup plus rapidement des résultats sur la présence des mauvaises herbes résistantes dans leurs cultures. Il était donc nécessaire d’avoir des innovations technologiques pour de tels outils afin d’aider les producteurs à surmonter ce problème.
Deux projets antérieurs dirigés par des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et appuyés par le Centre de la lutte antiparasitaire (CLA) en 2016‑2019 (Détection précoce, surveillance et gestion des mauvaises herbes résistantes aux herbicides dans les cultures de légumes de champ et en 2019‑2021 ont permis de réaliser avec succès 17 tests génétiques rapides pour diverses espèces de mauvaises herbes. Les protocoles pour ces méthodes moléculaires de détection de la résistance aux herbicides mis au point par les scientifiques d’AAC ont été communiqués aux laboratoires provinciaux compétents qui offrent des services d’analyse d’échantillons aux producteurs locaux. Les tests peuvent produire des résultats rapidement, lesquels peuvent être communiqués aux producteurs en moins d’une semaine.
Ces projets ayant donné de bons résultats, un nouveau projet semblable a été lancé avec l’appui du CLA afin de répondre aux demandes croissantes du secteur concernant les mauvaises herbes résistantes nouvellement identifiées. Comme par le passé, ce projet visait à mettre au point de nouveaux protocoles et tests génétiques pour i) la vergerette du Canada (Conyza canadensis) résistante aux herbicides du groupe 2; ii) l’amarante verte (Amaranthus viridis) résistante aux herbicides des groupes 5 et 7; iii) l’abutilon (Abutilon theophrasti) résistant aux herbicides du groupe 2.
Approches
Le projet a été mené au Centre de recherche et de développement de Saint‑Jean‑sur‑Richelieu (Québec) d’AAC. Des échantillons de mauvaises herbes soupçonnées d’être résistantes aux herbicides et appartenant aux espèces visées par le projet ont été prélevés dans des fermes agricoles commerciales de l’Ontario et du Québec par des spécialistes du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Les matériaux foliaires obtenues ont été soumises pour des analyses au laboratoire d’AAC. Des marqueurs moléculaires ont été mis au point à titre d’outils de diagnostic rapide pour chaque combinaison de mauvaises herbes soupçonnées et d’herbicides. Pour ce faire, on a extrait de l’ADN des feuilles de plantes résistantes et on l’a comparé à l’ADN de populations sensibles (non résistantes) afin de trouver les mutations qui confèrent la résistance aux herbicides. La technique RNA‑Seq a été utilisée pour trouver les mutations dans l’abutilon. À l’aide de l’information obtenue, des techniques comme les tests TaqMan ont été utilisées pour mettre au point les marqueurs nécessaires à l’élaboration des protocoles de tests génétiques et permettre aux laboratoires de service provinciaux de détecter ces mutations dans de futurs échantillons de mauvaises herbes qui seront soumis par les producteurs.
Les échantillons utilisés dans le cadre de ce projet ont été prélevés sur des types de mauvaises herbes dont la résistance aux herbicides avait déjà été confirmée au moyen de méthodes de diagnostic traditionnelles.
Résultats
À la suite de ce projet, trois nouveaux tests génétiques rapides ont été mis au point pour les espèces de mauvaises herbes ciblées : un pour la vergerette et deux pour l’amarante verte. Pour l’abutilon, les procédures de séquençage RNA‑Seq ont confirmé qu’il n’y avait aucune mutation génétique dans le gène codant pour la protéine visée par l’herbicide, ce qui indique qu’un mécanisme plus complexe pourrait être en cause pour que cette mauvaise herbe devienne résistante aux herbicides du groupe 2. Il faudrait élucider ce mécanisme.
Sur la base d’une entente permanente, les protocoles pour les trois tests génétiques élaborés dans le cadre de ce projet ont été transférés aux laboratoires désignés : le Laboratoire de diagnostic en phytoprotection du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et le Laboratoire Harvest Genomics en Ontario. Ces laboratoires ont déjà adopté ces protocoles pendant été 2022, ainsi que les protocoles précédents, dans le cadre de leurs services réguliers aux producteurs, afin de les aider à prendre des décisions éclairées. Grâce à ces tests rapides générant des résultats en moins d’une semaine, les producteurs peuvent analyser rapidement des échantillons de mauvaises herbes provenant de leurs champs, afin de détecter précocement la présence d’une résistance et de prendre des décisions appropriées en cours de saison quant au choix d’herbicides à utiliser pour obtenir les meilleurs résultats en matière d’efficacité.
Ces travaux portent à 20 le nombre total de protocoles de tests génétiques rapides mis au point et commercialisés à ce jour. Voici la liste des types de mauvaises herbes pour lesquels des protocoles de test sont disponibles pour la détection de la résistance aux herbicides :
No | Mauvaise herbe présentant une résistance confirmée aux herbicides | Résistance aux herbicides du groupe (no) | Provinces participant à l’échantillonnage et à la coordination des opérations des tests pour répondre aux besoins des producteurs | Date à laquelle les tests ont été offerts sur le marché (transférés à quels laboratoires provinciaux) |
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1 | Digitaire sanguine | Herbicides du groupe 1 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
2 | Morelle noire de l’Est | Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
3 | Sétaire géante | Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
4 | Amarante à racine rouge* | Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
5 | Amarante tuberculée* | Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
6 | Stellaire moyenne (2 tests) |
Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
7 | Petite herbe à poux | Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
8 | Vergerette du Canada | Herbicides du groupe 2 | Ont. et Qc | 2022 (Ont. et Qc) |
9 | Amarante blanche* | Herbicides du groupe 5 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
10 | Fétuque filiforme | Herbicides du groupe 5 | Î.‑P.‑É. et N.‑B. | 2020 (Î.‑P.‑É. et N.‑B.) |
11 | Chénopode blanc | Herbicides du groupe 5 | Ont., Î.‑P.‑É., N.‑B. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
12 | Petite herbe à poux | Herbicides des groupes 5/7 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
13 | Amarante verte (2 tests)* | Herbicides des groupes 5/7 | Ont. et Qc | 2022 (Ont. et Qc) |
14 | Vergerette du Canada | Herbicides du groupe 9 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
15 | Brassica spp. | Herbicides du groupe 9 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
16 | Amarante tuberculée (2 tests)** | Herbicides du groupe 9 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
17 | Amarante tuberculée* | Herbicides du groupe 14 | Ont. et Qc | 2019 (Ont. et Qc) |
* Les tests mis au point pour une espèce d’amarante fonctionnent habituellement bien avec d’autres espèces d’amarantes, car elles sont génétiquement proches.
** L’un pour la résistance liée à la cible et l’autre pour la résistance métabolique ou non liée à la cible.
Un diagnostic rapide peut réduire l’utilisation d’herbicides inefficaces dans les champs où se trouve la population résistante et peut aider à maintenir l’efficacité des outils actuels. Une bonne gestion de la population résistante peut réduire sa propagation. Une meilleure compréhension de la dynamique de la résistance des mauvaises herbes et la détection précoce de mauvaises herbes résistantes permettent aux producteurs de faire de meilleurs choix pour une lutte efficace contre les mauvaises herbes et la réduction de l’application inutile d’herbicides, empêchant ainsi la prolifération de la résistance.
Une collaboration fructueuse interprovinciale entre les scientifiques d’AAC, les spécialistes provinciaux et les producteurs constitue un autre avantage découlant de ce projet et de projets antérieurs semblables. Les experts provinciaux, en particulier, ont joué un rôle déterminant dans la coordination des collectes d’échantillons dans leurs régions respectives, en appariant les besoins des producteurs et l’accès aux tests de laboratoire au fur et à mesure qu’ils sont offerts, et en facilitant la communication avec les producteurs pour la transmission des résultats et la prestation de conseils de lutte en temps utile.