Détection précoce, surveillance et gestion des mauvaises herbes résistantes aux herbicides dans les cultures de légumes de champ

Code du projet PRR16-010

Chef de projet

Marie-Josée Simard et Robert Nurse - Agriculture et Agroalimentaire Canada

Objectif

Mettre au point et communiquer aux producteurs des outils et des approches pour la détection précoce de la résistance aux herbicides dans les cultures de légumes et l’atténuation des risques qu’elle représente

Contexte

Les mauvaises herbes constituent un défi important pour la production viable de légumes et contribuent grandement aux pertes de rendement. Habituellement, la lutte contre les mauvaises herbes dans les cultures de légumes repose sur l’application régulière d’herbicides. Toutefois, étant donné que seul un nombre limité d’herbicides sont homologués et accessibles aux cultivateurs, la résistance des mauvaises herbes aux groupes d’herbicides employés dans ces cultures est devenue un problème majeur. La prolifération et la propagation rapides des mauvaises herbes résistantes aux herbicides posent une menace constante à la viabilité de la production de légumes. Pour contrer efficacement le risque d’acquisition d’une résistance, il est essentiel que celle-ci soit décelée rapidement, surveillée régulièrement et gérée adéquatement au moyen de pratiques de lutte intégrées.

En 2015, un groupe de travail dirigé par le Centre de la lutte antiparasitaire (CLA) a déterminé que la résistance aux herbicides et la détection précoce des mauvaises herbes résistantes constituaient des enjeux prioritaires qui devaient être abordés dans la Stratégie de réduction des risques liés aux pesticides pour la gestion intégrée des mauvaises herbes dans les cultures maraîchères. Lorsqu’on utilise des méthodes traditionnelles de détection de la résistance (essais dose-réponse sur des plantes vivantes cultivées en serre), les cultivateurs peuvent attendre un an avant d’avoir des résultats. Ce projet triennal visait à étudier et à répertorier de nouveaux biotypes de mauvaises herbes résistantes aux herbicides dans les cultures maraîchères en Ontario et au Québec et à mettre au point des méthodes moléculaires de détection rapide de la résistance aux herbicides permettant de produire des résultats en moins d’une semaine.

Approches

Le projet a été réalisé dans les laboratoires, les serres et les champs expérimentaux des centres de recherche et de développement de Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec) et de Harrow (Ontario) d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Des échantillons de populations de mauvaises herbes soupçonnées d’être résistantes aux herbicides ont été prélevés dans des fermes maraîchères par des spécialistes du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales (MAAARO) de l’Ontario et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) du Québec, des agroentreprises, des agronomes et des cultivateurs. Les feuilles ont été soumises à des analyses dans les laboratoires d’AAC, du MAAARO et du MAPAQ. Des marqueurs moléculaires ont été mis au point en laboratoire à titre d’outils de diagnostic rapide pour chaque combinaison d’herbicides et de mauvaises herbes reçue. Pour ce faire, l’ADN a été extrait des échantillons de feuilles de plantes résistantes et comparé à l’ADN des populations vulnérables (non résistantes) afin de trouver les mutations qui confèrent la résistance aux herbicides et de créer ensuite des marqueurs permettant de détecter ces mutations. Pour certaines combinaisons (par exemple, les amarantes résistantes au linuron), les mutations avaient déjà été découvertes et publiées et il ne fallait que créer des marqueurs. D’autres cas ont nécessité la découverte de nouvelles mutations non publiées. Les échantillons ont aussi été soumis à des méthodes de diagnostic traditionnelles afin de valider les résultats moléculaires.

Résultats

Entre 2016 et 2018, 38 combinaisons de mauvaises herbes et de résistances aux herbicides ont été observées dans les cultures horticoles en Ontario et au Québec, et au moins 12 tests génétiques rapides ont été mis au point pour 10 espèces de mauvaises herbes au cours de ce projet. Deux de ces méthodes d’analyse sont de nouvelles découvertes et l’une d’elles a révélé un mécanisme de résistance inattendu (par exemple la digitaire sanguine résistante aux herbicides ACCase). Depuis 2018, les protocoles d’analyse sont fournis au Laboratoire de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ dans le cadre d’un projet pilote pour que ce laboratoire puisse effectuer gratuitement des analyses pour les cultivateurs commerciaux. Jusqu’ici, le laboratoire a traité environ 1 000 échantillons (plusieurs échantillons sont analysés pour chaque cas) de mauvaises herbes suspectes (par exemple, la vergerette du Canada, la digitaire sanguine, le chénopode blanc, les amarantes, la petite herbe à poux, la morelle noire de l’Est, l’amarante à racine rouge) provenant de champs agricoles en Ontario et au Québec. Au moins 52 % des échantillons de mauvaises herbes analysés ont donné un résultat positif pour la résistance aux herbicides et tous les résultats ont été validés. Selon les résultats obtenus par le laboratoire de diagnostic, des recommandations sur les types d’herbicides à éviter ont été fournies aux cultivateurs par l’intermédiaire des spécialistes provinciaux collaborant dans le cadre du projet dans les 10 jours suivant l’échantillonnage.

Les données d’enquête de l’Ontario suggèrent que la présence d’amarante résistante au linuron dans un champ n’est pas liée au nombre d’applications d’herbicides dans le champ donné, mais à la présence de biotypes résistants dans la ferme. Une fois que la résistance est présente à la ferme, on peut l’observer dans n’importe quel champ, peu importe ses antécédents d’application d’herbicides. Le projet a également permis de démontrer que des biotypes de petite herbe à poux résistante au linuron présentant une résistance attribuable au site cible (mutations d’un seul gène liées au mode d’action de l’herbicide) et non attribuable au site cible (résistance plus complexe, conférée par des mutations qui ne sont pas situées là où elles sont attendues) étaient présents dans les champs de carottes au Québec. La présence de ces différents mécanismes a une incidence sur la lutte contre les mauvaises herbes et la propagation de la résistance.

Les résultats du projet ont été communiqués régulièrement aux communautés scientifiques et aux cultivateurs, tout en soulignant l’importance de la détection précoce de la présence de mauvaises herbes résistantes dans un champ et de prendre des décisions éclairées à la ferme quant au choix et à l’application d’herbicides appropriés. Les analyses ont aussi permis de détecter des cas de résistances multiples dans des espèces de mauvaises herbes.

La détection rapide peut réduire l’utilisation d’herbicides inefficaces dans un champ où une population résistante est présente et aider à maintenir l’efficacité des outils actuels, tandis que la bonne gestion des populations résistantes peut limiter leur propagation. Une meilleure compréhension de la dynamique de la résistance des mauvaises herbes et la détection précoce des mauvaises herbes résistantes permettent aux producteurs de faire de meilleurs choix pour une gestion efficace des mauvaises herbes en cours de saison et de réduire l’utilisation de pesticides inutiles, ce qui empêche la prolifération de la résistance.