Code de projet MUR07-010
Chef de projet
Rick Peters - Agriculture et Agroalimentaire Canada
Objectif
Évaluer l’efficacité de deux produits à risque réduit, l’azoxystrobine et le fludioxonil, comparativement au thiabendazole pour lutter contre la gale argentée, la pourriture sèche et la dartrose chez la pomme de terre; dans l’ensemble du Canada, étudier la sensibilité de ces pathogènes à ces produits de lutte dirigée
Sommaire des résultats
Contexte
Comme la demande pour des pommes de terre de haute qualité et exemptes d’imperfections est à la hausse, l’identification et la gestion des maladies d’entreposage revêtent une importance accrue. Le but de ce projet était de fournir de l’information pour appuyer l’homologation possible de produits d’usage limité à risque réduit ciblant deux maladies d’entreposage courantes chez la pomme de terre, c’est à dire la gale argentée et la pourriture sèche fusarienne, ainsi qu’une maladie de la pomme de terre nouvellement apparue dans certaines régions du pays, la dartrose. La gale argentée laisse sur la peau des tubercules des taches métalliques et argentées qui peuvent rendre le produit inadéquat pour la vente directe et la transformation. La pourriture sèche fusarienne provoque la pourriture du tubercule ainsi que des pertes à l’entreposage. La dartrose s’attaque aux plants affaiblis et peut aussi causer des défauts sur les tubercules, entraînant ainsi une perte de rement.
Les producteurs utilisaient jusqu’à présent le thiabendazole pour lutter contre ces maladies après la récolte. Or, la résistance au thiabendazole des agents responsables de la gale argentée et de la pourriture sèche fusarienne prend une ampleur grandissante partout dans le monde, y compris au Canada, d’où l’importance d’identifier des traitements de rechange efficaces. Le projet visait également à évaluer les pratiques de lutte actuelles et les taux de résistance chez des populations pathogènes en vue de favoriser l’adoption d’une approche de lutte intégrée contre ces importantes maladies d’entreposage de la pomme de terre.
Méthodes
En 2007, des échantillons post-récolte de semence de tubercules de printemps et filles présentant d’importants symptômes de pourriture ont été reçus de producteurs à travers le Canada (Tableau 1). Ces échantillons ont permis d’identifier un certain nombre d’isolats de pathogènes.
Province | Échantillons | Tubercules |
---|---|---|
Colombie-Britannique | 18 | 25 |
Manitoba | 17 | 99 |
Nouveau Brunswick | 40 | 77 |
Terre-Neuve | 1 | 2 |
Île-du-Prince-Édouard | 10 | 159 |
Saskatchewan | 1 | 25 |
Total | 87 | 387 |
Les isolats ont ensuite été soumis à des épreuves de sensibilité chimique par l’intermédiaire d’une analyse de gélose modifiée, visant à évaluer leur résistance à trois produits fongicides : azoxystrobine, fludioxonil et thiabendazole.
Les essais visant à évaluer l’efficacité de traitements à l’azoxystrobine, au fludioxonil, au thiabendazole et à l’acide phosphorique appliqués par pulvérisation post récolte ont été amorcés en 2007 à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau Brunswick et en Alberta; la gravité des symptômes présentés par les tubercules a été évaluée au printemps 2008. L’étude a été divisée en trois essais distincts, selon la maladie d’intérêt; de plus, chaque essai a été mené séparément sur des tubercules de semence placés dans des entrepôts distincts de manière à éviter toute contamination croisée. Les traitements témoins ont été appliqués aléatoirement avec les autres traitements de manière à assurer l’établissement de comparaisons appropriées.
Résultats
En 2007, la pourriture fusarienne était une maladie importante parmi les tubercules de semence et filles à travers le Canada. À la suite de l’analyse des tubercules infectés, 113 isolats d’espèces de Fusarium ont été identifiés, 25 isolats de Helminthosporium solani (agent pathogène de la gale argentée) et 3 isolats de Colletotrichum coccodes (agent pathogène de la dartrose). Sur le plan du Fusarium, F. sambucinum était l’espèce la plus commune isolée des lésions de pommes de terre. Cependant, des isolats de F. coeruleum, F. avenaceum, F. oxysporum, F. graminearum et autres espèces ont aussi été identifiés. La moitié des isolats de F. sambucinum testés (total de 20) étaient résistants au fludioxonil; il s’agit du premier cas de résistance à ce composé jamais signalé dans le monde. Environ la moitié des isolats de F. sambucinum étaient aussi résistants au thiabendazole, ce qui représente une résistance aux fongicides de classes multiples. Les autres espèces de Fusarium étaient généralement sensibles au fludioxonil et au thiabendazole, à l’exception de F.oxysporum qui était toujours sensible au thiabendazole mais résistant au fludioxonil. L’azoxystrobine n’est pas efficace contre les espèces Fusarium.
D’autres analyses de résistance ont révélé une certaine insensibilité des agents esponsables de la gale argentée au fludioxonil et au thiabendazole, d’une part, et l’insensibilité des agents responsables de la dartrose au thiabendazole, d’autre part. Aucune résistance à l’azoxystrobine n’a été observée et celle-ci demeure une option viable pour le contrôle de ces agents pathogènes au Canada. La résistance à l’acide phosphorique n’a pas été évaluée, car ce type de fongicides n’est pas généralement associé à un risque de développement de résistance chez les populations pathogènes.
Toutes les combinaisons de traitement mises à l’essai ont affiché une efficacité comparable lorsqu’elles ont été appliquées après la récolte pour lutter contre la gale argentée sur des tubercules en entrepôt, réduisant le pourcentage de lésions superficielles d’environ 20 % (tubercules non traités) à entre 5 % et 10 %. Dorénavant, on prévoit que les combinaisons comprenant de l’azoxystrobine et de l’acide phosphorique seront particulièrement efficaces, si les populations de H. solani résistantes au thiabendazole et au fludioxonil continuent d’affecter les pommes de terre entreposées au Canada.
Des résultats plus variables ont été obtenus dans le cadre des essais portant sur la pourriture sèche fusarienne, où un traitement combiné d’azoxystrobine, de fludioxonil et de thiabendazole s’est révélé plus efficace pour atténuer la gravité de cette maladie d’entreposage. Un traitement combiné d’azoxystrobine, de fludioxonil et d’acide phosphorique s’est aussi révélé très efficace, tout comme un traitement au fludioxonil appliqué seul. Tous les autres produits évalués, qu’ils aient été appliqués seuls ou en combinaison, ont présenté une certaine efficacité antiparasitaire. Ces résultats doivent être nuancés toutefois, puisqu’ils ont été obtenus avec un isolat de F. sambucinum sensible aux fongicides. Compte tenu de l’incidence croissante de souches de F. sambucinum résistantes aux fongicides au Canada (résistantes à la fois au fluodioxonil et au thiabendazole), de nouveaux outils de gestion seront nécessaires à la plantation et après la récolte afin de mieux lutter contre ces souches.
Ces résultats joueront un rôle important dans la mise au point d’une nouvelle approche de lutte intégrée contre les maladies d’entreposage de la pomme de terre, sans compter qu’ils serviront à appuyer l’homologation de l’azoxystrobine et du fludioxonil en tant que produits à usage limité, pour application après la récolte des pommes de terre au Canada. Peu de temps après la réalisation de ce projet, une homologation canadienne a été octroyée à un produit à base d’acide phosphorique, CONFINE, destiné à être employé dans la lutte contre les maladies d’entreposage de la pomme de terre.
Les résultats de cette étude ont été utilisés pour préparer une fiche d’information pour le Centre pour la lutte antiparasitaire d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, intitulée : Les biofongicides offrent une protection contre les maladies des pommes de terre en post-récolte.