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Les changements climatiques rapides et extrêmes et les changements d’utilisation des terres ont aggravé les inondations et fait apparaître des sécheresses récurrentes au Canada. Pour les producteurs dont les productions végétales et animales ont impérativement besoin d’eau, la méconnaissance des changements qui surviennent dans leurs ressources en eau au quotidien ou d’une année à l’autre peut avoir d’immenses conséquences sur les systèmes d’approvisionnement alimentaire au Canada.
Afin d’aider les producteurs et d’autres décideurs, des chercheurs mettent au point des outils de modélisation de l’eau de la prochaine génération au moyen desquels on pourra prédire des inondations, des sécheresses et d’autres problèmes d’approvisionnement en eau liés à des événements climatiques avant qu’ils ne se produisent. Ces outils proposeront aussi aux intervenants du secteur des options pour utiliser et gérer plus efficacement les ressources en eaux souterraines et de surface, en les aidant à se préparer aux scénarios de changements climatiques prévus.
Connu sous le nom de Canada1Water (C1W), ce projet est le premier modèle 3D qui décrit l’ensemble du cycle hydrologique des ressources en eau au Canada. Il en suit chaque élément; de l’évaporation et de la transpiration aux précipitations et au ruissellement nival. Il montrera le mode de stockage et de circulation des ressources en eau dans les différents paysages du Canada, dont les Rocheuses dans l’Ouest canadien et le Bouclier canadien au centre du pays. De plus, le modèle permettra de prédire comment les conditions climatiques actuelles et futures, ainsi que les changements d’utilisation des terres, influeront sur les eaux souterraines et de surface.
Le projet est dirigé par Hazen Russell, Ph. D., chercheur à la Commission géologique du Canada de Ressources naturelles Canada (RNCan) et par Steven Frey, Ph. D., chercheur à Aquanty Inc. Le financement de base du projet provient du Programme canadien pour la sûreté et la sécurité, cogéré par Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC), avec le soutien d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) dans le cadre de l’Observatoire Une seule santé face aux changements environnementaux (ECO2) et de la Commission géologique du Canada.
« L’une des lacunes majeures jusqu’ici résidait dans l’incapacité d’étudier l’évolution des ressources en eau au fil du temps. Canada1Water modélise le cycle hydrologique de l’ensemble des ressources en eau du Canada pour aider les décideurs à faire des choix qui favorisent l’adaptation au changement climatique ».
– Hazen Russell, Ph. D., chercheur scientifique, Commission géologique du Canada
Historiquement, le climat terrestre oscille entre de longues périodes de sécheresse et de longues périodes plus humides qui ont de grands impacts sur les précipitations, la fonte des glaciers et la quantité d’eau qui s’évapore des plantes et du sol. « Le véritable défi consiste à comprendre et à décrire le comportement des eaux souterraines et de surface, non seulement au cours des périodes climatiques actuelles et historiques, mais également dans le cadre de scénarios de changement climatique prévus », explique Russell.
Pour David Lapen, Ph. D., chercheur à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et responsable du projet C1W à AAC, « la prédiction est la pierre angulaire de l’atténuation et de l’adaptation ». Il souhaiterait que le modèle C1W prenne en compte les prévisions météorologiques et climatiques, puis fournisse des informations utiles aux producteurs et aux intendants des bassins hydrographiques. Le modèle générateur de scénarios virtuels pourrait fournir des informations notamment sur le niveau des nappes phréatiques, des prévisions sur les inondations et les sécheresses, les conditions d’humidité des sols, les risques de maladie et le devenir des intrants agricoles. « Si vous pouvez prévoir l’humidité des sols à court terme, vous pouvez, par exemple, gérer certains risques importants de maladies des cultures de manière proactive », explique-t-il. En prévoyant un risque d’apparition d’un problème quelques semaines à l’avance, les producteurs peuvent protéger leurs cultures de manière proactive plutôt que réactive.
« C1W fournit non seulement des prévisions de précipitations ou d’autres conditions météorologiques; mais également des prédictions de paramètres hydrologiques au niveau des sols ou du paysage qui sont importants pour les producteurs ».
- David Lapen, Ph. D., chercheur, Agriculture et Agroalimentaire Canada
« Canada1Water est actuellement un projet de R-D qui génère des scénarios de changement climatique pour le milieu et la fin du siècle et prédit comment ils impacteront les changements saisonniers du cycle de l’eau et la disponibilité des ressources en eau », explique Russell. « Par exemple, la fonte des neiges aura-t-elle lieu plus tôt au printemps ? Ou sera-t-elle complètement perturbée et segmentée en de multiples épisodes de fonte au milieu de l’hiver ? »
Pour faciliter le calcul de ce modèle hydrologique de masse, les chercheurs ont divisé le Canada en sept grands bassins hydrographiques. Mais ce qui est impressionnant avec ce modèle à grande échelle, c’est son potentiel d’utilisation pour la prise de décisions à une échelle plus fine au niveau de bassins hydrographiques individuels.
Carte du Canada et bassins hydrographiques mis en évidence
« L’avantage du C1W est qu’il rassemble tous les ensembles de données dont vous avez besoin pour construire un modèle entièrement intégré des eaux de l’ensemble du Canada », explique Frey. Dans ce qui est connu sous le nom de « modélisation à grilles emboîtées », des ensembles de données sous-jacents du modèle peuvent être sélectionnés individuellement par les utilisateurs. Les utilisateurs peuvent ainsi personnaliser leurs propres modèles régionaux et les concentrer sur un seul bassin hydrographique. L’utilisation d’un modèle personnalisé fournit des prédictions plus précises, adaptées à la géographie régionale et réduit ultimement les coûts et le temps qu’il aurait fallu pour élaborer un modèle à partir de zéro.
Les producteurs pourraient utiliser ce modèle pour décider des cultures et des pratiques de gestion des terres qui conviennent le mieux aux conditions de leur bassin hydrographique, sachant que celles-ci seront particulièrement sèches ou humides dans 20 ans. Ils pourraient aussi envisager éventuellement d’acheter de nouvelles terres, sachant que la ferme qu’ils possèdent actuellement ne permettra peut-être plus de s’adonner à des activités agricoles dans 50 ans en raison de sécheresses récurrentes et de l’abaissement du niveau des nappes phréatiques, explique Lapen, qui souligne les impacts à long terme de la sécheresse sur la production agricole. C1W pourrait également permettre de repérer de nouvelles zones ayant le potentiel de soutenir l’agriculture dans l’avenir en raison de la modification des ressources en eau dans un contexte de changement climatique. Par exemple, des eaux souterraines pourraient être utilisées en agriculture dans les régions où les eaux de surface présentent une raréfaction saisonnière.
Quelles sont les prochaines étapes ? L’équipe s’active à créer un portail Web qui présentera les sorties du modèle dans un format compréhensible et facile à utiliser. Les utilisateurs pourront ainsi interpréter et utiliser plus facilement cette information.
L’équipe continue également de tester et d’améliorer le modèle afin d’accroître la précision des sorties. Actuellement, le projet est encore à l’étape de la recherche et du développement, mais les chercheurs souhaitent que ce premier modèle national débouche sur de la recherche soutenue à long terme afin de développer les capacités de modélisation des eaux souterraines et de surface à l’échelle du champ, ce qui améliorerait sa capacité à aider les utilisateurs en agriculture. Plus la résolution est fine, plus la capacité décisionnelle est grande à l’échelle de la ferme et, ultimement, plus le milieu agricole disposera de renseignements clés utiles.
Faits en bref
- Canada1Water est un modèle 3D de projections climatiques à l’échelle nationale qui permettra de prédire les impacts du changement climatique et de l’utilisation des terres sur les ressources en eau du Canada.
- L’accès aux ensembles de données qui soutiennent le modèle sera ouvert à tous, de sorte que d’autres utilisateurs pourront personnaliser leurs propres modèles et y inclure d’autres activités en fonction de leur environnement local et de leurs paramètres géographiques.
- Le modèle pourrait fournir aux producteurs des informations utiles, comme le niveau des nappes phréatiques, les conditions d’humidité des sols, la disponibilité des éléments nutritifs et des services écosystémiques. Il pourrait également mettre en évidence des zones qui deviendront propres ou impropres à l’agriculture dans les années à venir.
- Ce premier modèle arrive à la fin de l’étape de développement. Une fois le modèle achevé, l’accès à Canada1Water sera ouvert à tous et les chercheurs espèrent que ce projet pourra passer à l’étape suivante grâce à du soutien additionnel, car il faudrait peaufiner le modèle afin de l’affiner à l’échelle du champ pour accroître la capacité décisionnelle à la ferme.
- La société de logiciels et d’analyses des eaux souterraines Aquanty, qui est coresponsable et partenaire du projet, offrira un outil d’aide à la décision peu coûteux aux utilisateurs non familiers avec ces techniques afin de les aider à interpréter les données de C1W.
Exemples de projections
Carte du Canada et bassins hydrographiques mis en évidence
Réduction de 100 % des terres humides
Description de l’image ci-dessus
Mois | % d’écart d’écoulement : Projection 1 |
% d’écart d’écoulement : Projection 2 |
---|---|---|
Janvier | -1,50 | -0,38 |
Février | 4,77 | 1,01 |
Mars | 21,90 | 16,59 |
Avril | 30,19 | 27,22 |
Mai | 9,81 | 7,85 |
Juin | -16,68 | -16,70 |
Juillet | -30,82 | -29,57 |
Août | -37,05 | -38,60 |
Septembre | -41,31 | -41,82 |
Octobre | -42,34 | -38,82 |
Novembre | -29,71 | -17,33 |
Décembre | -1,49 | 3,20 |
En prenant un bassin hydrographique de 3 446 km2 en Ontario comme exemple, le graphique montre les changements prédits au niveau des écoulements fluviaux si la superficie totale (100 %) des terres humides est supprimée du bassin. Les projections 1 et 2 utilisent des simulations différentes à partir du modèle climatique pour créer des prédictions mensuelles pour la fin du 21e siècle et montrer les impacts combinés des changements sur le climat et la superficie des terres humides.
Augmentation de 15 % de terres humides
Description de l’image ci-dessus
Mois | % d’écart d’écoulement : Projection 1 |
% d’écart d’écoulement : Projection 2 |
---|---|---|
Janvier | -0,44 | -0,37 |
Février | 1,25 | 1,47 |
Mars | -1,56 | -2,72 |
Avril | -2,00 | -1,10 |
Mai | -0,38 | -1,28 |
Juin | 0,13 | 0,70 |
Juillet | 1,05 | 1,76 |
Août | 1,69 | 2,66 |
Septembre | 3,16 | 3,54 |
Octobre | 5,76 | 3,23 |
Novembre | 5,88 | 0,63 |
Décembre | 8,35 | 2,83 |
En prenant le même bassin hydrographique de l’exemple précédent, le graphique illustre les changements prédits au niveau des écoulements fluviaux si la superficie des terres humides augmente de 15 %. Les projections 1 et 2 utilisent des simulations différentes à partir du modèle climatique pour faire des prédictions mensuelles pour la fin du 21e siècle et montrent les impacts combinés des changements sur le climat et la superficie des terres humides.
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