Les bandes riveraines, un habitat de choix pour les pollinisateurs

Les pollinisateurs, des alliés discrets

La majorité des plantes à fleurs dépendent, dans une certaine mesure, des pollinisateurs pour se reproduire. En effet, ces petits insectes transportent le pollen entre les organes mâles et femelles des plantes leur permettant de se multiplier. Les producteurs de fruits, de légumes, de graines ainsi que de plusieurs plantes fourragères comme la luzerne, le sarrasin, le canola et le trèfle tirent profit de ces petits insectes. Au Canada, la valeur de la pollinisation effectuée par les abeilles seulement vaudrait plus de 2,57 milliards de dollars pour le marché agricole d'ici. Même chez des variétés de plantes comme le soya, qui ne sont pas reconnues pour bénéficier directement de la pollinisation, une augmentation du rendement de production des cultures a été observée en leur présence lors de récentes études scientifiques.

Bien que l'abeille domestique soit la première image qui nous vient en tête, elle est en fait loin d'être seule. La pollinisation relève d'un véritable travail d'équipe! En plus des 970 espèces d'abeilles indigènes au Canada, les mouches sont responsables d'une grande partie de la pollinisation au pays. Ainsi, dans le cadre de l'Initiative des laboratoires vivants, les scientifiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) Étienne Lord et Jean-Philippe Parent cherchent à mieux comprendre l'habitat de ces espèces et leur présence dans les champs. Leurs travaux permettront aux producteurs d'aménager leurs terres de façon à optimiser leur rendement tout en contribuant à la conservation de la biodiversité. Cette recherche fait d'ailleurs suite à des préoccupations exprimées par de nombreux acteurs du milieu agricole.

Les scientifiques Etienne Lord, Jean-Philippe Parent et Jacynthe Masse ainsi que les producteurs Paul Caplette et Jean-François Messier réunis lors de la rencontre annuelle 2022 du Laboratoire vivant-Québec pour discuter des activités de recherche en cours.

« L'objectif de ces activités est d'établir le lien entre certains aménagements de bandes riveraines, les pratiques agricoles et la biodiversité des pollinisateurs présents. Nous souhaitons ensuite pouvoir fournir des conseils aux producteurs et productrices sur les meilleures pratiques à adopter. »
- Jean-Philippe Parent, chercheur scientifique, AAC

Une approche de recherche holistique et humaine

L'Initiative des laboratoires vivants est une nouvelle façon d'aborder l'innovation agricole au Canada. Elle a pour but de favoriser la collaboration entre les agriculteurs, les scientifiques et les partenaires pour assurer la durabilité environnementale en agriculture.

Les recherches sur la biodiversité dans les bandes riveraines s'intègrent au Laboratoire vivant – Québec, qui prend place dans trois bassins versants de la région du lac Saint-Pierre. Le projet est réalisé en partenariat avec l'Union des producteurs agricoles (UPA). Les trois enjeux prioritaires de ce projet sont la santé des sols, la qualité de l'eau ainsi que la biodiversité. Plutôt que d'étudier les problèmes de façon distincte, une approche holistique est adoptée afin d'obtenir une vue d'ensemble de la situation dans les champs. Les conclusions des études scientifiques et des activités de codéveloppement réalisées dans la région seront partagées avec l'ensemble du milieu agricole canadien.

« Dans le cadre de l'Initiative des laboratoires vivants, nous avons travaillé directement avec les producteurs sur leurs terres. Leur connaissance du territoire nous a permis de cibler rapidement les bandes riveraines intéressantes pour cette activité de recherche. Afin d'optimiser les résultats, nous avons choisi des paysages agricoles où la flore comportait des caractéristiques variées. »
- Étienne Lord, chercheur scientifique, AAC

Les bandes riveraines, des cachettes aux trésors

Les bandes riveraines, ces zones de végétation situées près d'un cours d'eau, sont idéales pour bien comprendre la dynamique des populations de pollinisateurs et leur contribution aux écosystèmes. C'est pourquoi les chercheurs d'AAC et leurs partenaires se concentrent spécifiquement sur ces zones pour cette recherche.

En plus d'être un refuge pour la biodiversité, ces zones de végétation procurent de nombreux services écologiques. Par exemple, la filtration des eaux pluviales, la diminution de l'érosion et la réduction de l'écoulement des pesticides dans les cours d'eau sont des bénéfices de ces aménagements du territoire.

Aussi, des bandes riveraines bien garnies contribuent à l'embellissement de nos campagnes. Leur aménagement a un impact visible sur la flore à proximité. Un sol à la fois fourni, coloré et rempli de fleurs en bordure des cours d'eau a de quoi nous rendre fiers de nos régions rurales!

riparian strip in July 2022
riparian strip in September 2022

À gauche une bande riveraine à nue en juillet 2022 et à droite la même bande riveraine aménagée en septembre 2022 permettant de voir les changements dans la flore à proximité du cours d'eau.

« Ce type de projet est très pertinent, car il outille, non seulement l'UPA, mais aussi les intervenants du milieu avec des données précises qui serviront à expliquer et parfois convaincre les producteurs agricoles d'adopter des pratiques durables. Les producteurs participants se sont réellement impliqués et étaient motivés, ce qui a aidé les scientifiques sur le terrain. Je souhaite que cette collaboration se poursuive longtemps question d'aller encore plus loin avec la recherche. »
- Yann Bourassa, coordonnateur pour les bassins versants de la rive sud du lac Saint-Pierre, Fédération de l'UPA du Centre-du-Québec

Mesurer et reconnaître la biodiversité

Dans le cadre de cette activité de recherche du Laboratoire vivant - Québec, une combinaison de différentes techniques a été utilisée pour identifier et dénombrer les pollinisateurs présents dans ces bandes riveraines au cours des deux dernières années. La flore s'y trouvant a aussi été étudiée. Entre autres, la capture directe d'échantillons avec des pièges à insectes ainsi que le suivi de la végétation par des drones et par imagerie satellitaire se sont avérés efficaces.

En plus, de petits microphones ont été mis en place dans les bandes riveraines, au pourtour des champs, pour reconnaître les chants des oiseaux. Les heures d'enregistrements audio ainsi captés ont ensuite pu être analysées très rapidement grâce à l'intelligence artificielle. Autrement, ces séquences audio auraient pris des années aux chercheurs à traiter.

Photo d'un capteur de son de type audiomoth ayant servi à enregistrer les bruits dans les champs à proximité des bandes riveraines.

Ces outils ont ainsi permis d'identifier plusieurs espèces qui seraient sans doute passées sous le radar des chercheurs et des producteurs qui ne peuvent être présent jour et nuit dans les champs. Voilà une façon bien intelligente d'utiliser la science et la technologie en agriculture!

Partage des résultats préliminaires avec les producteurs

Ces recherches ont permis de valider si certains pollinisateurs, qui sont essentiels à plusieurs pratiques agricoles, dont la culture maraîchère-fruitière et certaines grandes cultures, étaient présents sur chaque ferme participante. Étant donné le déclin des populations de pollinisateurs à travers le monde, la présence d'abeilles dans des bandes riveraines est évidemment souhaitée. Leur absence justifierait, quant à elle, la création d'habitats spécifiques, comme des îlots de certains types de végétation, pour favoriser leur venue.

D'ailleurs, au terme de chaque année de participation au projet, les producteurs et productrices impliqués recevaient une fiche descriptive personnalisée leur précisant les pollinisateurs repérés sur leurs terres. Tandis que certaines observations allaient de soi, d'autres résultats étaient beaucoup plus étonnants. Dans la catégorie des bonnes nouvelles : certaines espèces menacées de pollinisateurs ont même été identifiées. Grâce aux résultats, les producteurs pourront déterminer si de nouveaux aménagements du territoire sont nécessaires afin d'optimiser le rendement de leur production et d'assurer la durabilité environnementale.

« C'est surtout la curiosité d'en savoir plus qui m'a fait participer à ce projet de recherche. Je n'ai eu qu'à leur donner accès à mes terres. Maintenant, j'ai hâte de voir les résultats de cette recherche et surtout de voir les incidences sur mes rendements et récoltes. »
- Michel Courchesne, producteur agricole, ferme Coulie, Baie-du-Febvre

Pour en savoir plus sur les activités en cours, consultez la page web du Laboratoire vivant – Québec.