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En brossant un portrait de la situation actuelle pour identifier des pistes de solution en équipe et développer un plan d’action, les producteurs acquièrent des outils afin d’améliorer la durabilité de leurs entreprises. C’est le cœur de la démarche IDEA-QC.
Qu’est-ce que la démarche IDEA-QC?
La démarche des indicateurs de durabilité des entreprises agricoles du Québec (IDEA-QC) est une approche permettant d’identifier les forces et les enjeux d’une entreprise agricole et de codévelopper avec le producteur des pistes d’amélioration pour sa ferme. Elle a été élaborée par un groupe d’intervenants aux profils variés à l’initiative d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. La démarche s’inspire de la méthode IDEA développée en France et d’indicateurs de durabilité élaborés dans le cadre d’autres projets pour les fermes québécoises de grandes cultures et laitières.
La durabilité est définie dans cette démarche comme étant la capacité de l’entreprise à poursuivre ses activités et à les développer pour assurer sa rentabilité économique, tout en offrant des conditions de travail et de vie satisfaisantes aux personnes qui s’y investissent et en contribuant à la dynamique du territoire dans lequel elle se situe tout en préservant les ressources naturelles.
La démarche comprend 5 étapes clés
- La démarche IDEA-QC débute par une collecte d’informations sur l’entreprise. Un court questionnaire ainsi qu’une entrevue semi-dirigée à la ferme entre le producteur et le conseiller agricole permettent de regrouper les données pertinentes.
- Le conseiller établit ensuite un portrait de la situation en faisant ressortir les forces et les enjeux actuels de l’entreprise suivant son analyse des données recueillies. En s’appuyant sur des grilles de calcul préétablies, il attribue une note de 1 à 5 à chacun des indicateurs de durabilité.
- À la suite de l’analyse, une autre rencontre de travail a lieu pour rédiger un plan d’action. Le producteur a alors l’opportunité de valider et modifier les notes obtenues en se basant sur sa connaissance de son entreprise. Il participe aussi à l’identification des pistes d’action à mettre en œuvre pour améliorer sa durabilité.
- Le producteur met ensuite en place sur sa ferme les actions identifiées.
- La dernière étape s’effectue de façon continue et n’est pas indispensable à la réalisation de chaque diagnostic IDEA-QC. Il s’agit de l’amélioration de la démarche IDEA-QC elle-même. Les commentaires et expériences partagés par les producteurs, chercheurs, professeurs, conseillers et intervenants sont utilisés pour mettre à jour les indicateurs et bonifier l’accompagnement offert aux entreprises agricoles.
« L'analyse nous a donné un portrait global de la ferme et a fait ressortir les forces et les faiblesses de l'entreprise. Elle a confirmé que nos efforts ont un réel impact sur l'environnement ainsi que sur la durabilité de la ferme. Elle a révélé qu'il nous reste encore plusieurs défis pour atteindre la carboneutralité. L’analyse a également permis de déceler certaines dépenses qui étaient trop élevées par rapport aux autres fermes. Nous avons ainsi pu remédier à la situation rapidement en effectuant quelques changements. »
- Michael Jeker, propriétaire de la Ferme Cristallina.
Des objectifs clairs et des pistes de solution personnalisées
Producteurs, chercheurs, professeurs, conseillers et intervenants collaborent dans cette démarche. C’est toutefois le producteur qui prend les décisions finales. En mettant en œuvre une démarche de diagnostic IDEA-QC, le producteur et son conseiller agricole coconstruisent une vision commune de l’entreprise, en partageant leurs points de vue sur ses forces et ses défis. Sur cette base, ils mettent en commun leurs idées pour développer des pistes d’action visant à améliorer sa durabilité.
Les 3 grands objectifs de ce processus sont :
- diagnostiquer les forces et les enjeux des entreprises agricoles;
- identifier conjointement avec les producteurs des pistes de solutions personnalisées pour améliorer la durabilité des entreprises agricoles;
- accompagner les producteurs agricoles dans leur démarche d’adoption de pratiques agricoles durables.
« L’utilisation de la démarche IDEA-QC avec les producteurs nous a permis de nous doter d'une vision commune des forces et défis de la ferme en matière d'agriculture durable et d'avoir une analyse à 360 degrés de l’entreprise, une sorte de tableau de bord. C'est une prise de recul sur les activités souvent bouillonnantes de la ferme, pour mieux planifier et gérer les projets de demain. »
- Sylvestre Delmotte, agronome, Ph. D. et consultant pour Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Des indicateurs à dimension humaine
Le questionnaire rempli par les producteurs et les entrevues réalisées s’appuient sur les grands piliers de la durabilité : économique, environnemental et social. Ceux-ci sont en interaction constante dans la notion de développement durable. Il en découle 3 principales priorités :
- assurer la pérennité de l’entreprise
Quatorze indicateurs ciblent plus précisément la viabilité économique de l’entreprise, la qualité de vie des producteurs, les pratiques de gestion en place et l’éventuel transfert de l’entreprise à la relève.
- préserver les ressources naturelles
Neuf indicateurs analysent l’impact des pratiques de l’entreprise agricole sur la santé des sols, la qualité de l’eau, la biodiversité ainsi que les émissions de gaz à effet de serre.
- répondre aux enjeux sociétaux et territoriaux
Sept indicateurs décrivent la contribution de l’entreprise à son environnement économique, social et territorial. Il est question du bien-être animal, de la biosécurité, de l’entretien du paysage, de la capacité à nourrir les gens ainsi que de la contribution à l’économie locale.
Aujourd’hui, 30 indicateurs découlent de ces piliers et sont utilisés pour évaluer la durabilité de l’entreprise.
« Ce qui est particulièrement novateur avec cette approche, c’est qu’elle inclut des indicateurs à dimension humaine, en plus des indicateurs économiques et environnementaux. En effet, la démarche IDEA-QC recueille des données concernant la santé psychologique et les habitudes des personnes qui s’impliquent activement dans l’entreprise agricole. Des indicateurs ciblent spécifiquement la satisfaction au travail, le rythme de vie et le rythme de travail des producteurs. »
- Marie-Noëlle Thivierge, agronome, Ph. D. et chercheuse scientifique chez Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Une valeur ajoutée pour le projet du Laboratoire vivant – Québec (2020-2023)
L’Initiative des laboratoires vivants a utilisé une nouvelle façon d’aborder l’innovation agricole au Canada. Elle avait pour but de favoriser la collaboration entre les agriculteurs, les scientifiques et les partenaires pour codévelopper et tester des innovations agricoles afin d’assurer la durabilité environnementale en agriculture.
La démarche IDEA-QC a été mise à profit dans le cadre du projet Laboratoire vivant – Québec, qui a pris place dans 3 bassins versants de la région du lac Saint-Pierre entre 2020 et 2023. Le projet a été réalisé en partenariat avec l’Union des producteurs agricoles. Les 3 objectifs prioritaires de ce projet étaient l’amélioration de la santé des sols, de la qualité de l’eau ainsi que de la biodiversité. Plutôt que d’étudier ces derniers de façon distincte, une approche holistique a été adoptée afin d’obtenir une vue d’ensemble de la situation dans les champs. La démarche IDEA-QC ciblait en ce sens les activités de l’entreprise et la qualité de vie des acteurs qui s’y activent chaque jour.
« L'approche IDEA-QC guide les producteurs vers des actions concrètes. Elle peut faire partie du coffre à outils d’une entreprise agricole pour renforcer sa durabilité. »
- Chantal Foulds, agronome, M. Sc., coordonnatrice à la Direction recherches et politiques agricoles de l’Union des producteurs agricoles.
Une démarche en constante évolution
Dans une perspective d’amélioration continue, chacun des producteurs participants reçoit le rapport de diagnostic complet concernant leur entreprise. La démarche est un processus transparent du début à la fin. Tous les calculs réalisés sont accessibles.
Les participants sont encouragés à adapter cette démarche à leur réalité lors des étapes de coconstruction. C’est d’ailleurs dans ce travail collaboratif que la démarche IDEA-QC prend tout son sens. Ces dernières années, la démarche a subi quelques changements et ses indicateurs aussi afin de toujours mieux refléter les réalités actuelles régionales. Elle demeurera en constante évolution pour bien répondre aux besoins et aux préoccupations des producteurs.
Voici des exemples de pistes de solution qui figurent aux plans d’action des producteurs :
- évaluer la possibilité d’aménager de nouveaux espaces favorables à la biodiversité (haies, bandes riveraines élargies)
- rechercher des sources de fumier solide pour contribuer à l’amélioration de la santé du sol
- poursuivre l’analyse et les discussions avec les différentes relèves potentielles de l’entreprise
- analyser l’opportunité de contracter une assurance auprès de La Financière agricole du Québec (FADQ) pour couvrir les dommages aux récoltes
- automatiser certaines opérations pour diminuer le temps de travail (par exemple, irrigation, serre)
- encourager la prise de vacances par les salariés et engager un employé d’été pour soulager les actionnaires
- développer l’offre de produits de la ferme commercialisés en circuits courts
Animés d’une volonté de faciliter l’adoption de pratiques favorisant la durabilité des entreprises agricoles, Sylvestre Delmotte, Guillaume Jégo et Marie-Noëlle Thivierge travaillent depuis 2016 au développement de la démarche IDEA-QC. Leurs connaissances des systèmes agricoles et des enjeux liés à l’agriculture durable sont mises à profit dans ce travail collectif qui réunit une équipe multidisciplinaire et met en valeur l’expérience des agriculteurs et conseillers agricoles. Ces 3 scientifiques souhaitent faire connaître la démarche IDEA-QC, qui se veut accessible et peut être utilisée dans une multitude de contextes.