Restaurer le foin d'odeur avec les W8banakiak

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Le foin d’odeur (Hierochloe odorata) est une herbe sacrée pour de nombreuses Premières Nations d’Amérique du Nord. Elle est d’une grande importance culturelle, spirituelle et cosmologique. Appelée Wli Msikois dans la langue W8banaki, elle est utilisée comme plante médicinale dans diverses cérémonies ainsi que pour la vannerie et pour la confection de différents objets d’artisanat. Alors qu’on la retrouvait auparavant en abondance sur le territoire ancestral de la Nation W8banaki, appelé le Ndakina, elle se fait aujourd’hui beaucoup plus rare.

En effet, les W8banakiak constatent que la présence de foin d’odeur s’est considérablement réduite sur le Ndakina, principalement en raison de l’intensification de l’activité agricole et des effets des changements climatiques sur son habitat. De plus, comme ce sont des graminées, les inventaires de foin d’odeur sont difficiles à mener et très peu d’études scientifiques occidentales portent sur cette espèce.

Une collaboration dans le respect des valeurs de la Nation W8banaki

Une activité a été codéveloppée et s’est déroulée de 2020 à 2023 dans le cadre du Laboratoire vivant – Québec avec le Bureau du Ndakina de W8banaki (le conseil tribal de la Nation W8banaki) sous la supervision de son agent de projets en adaptation aux changements climatique, Nicolas Pinceloup, et des équipes de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) de Jacynthe Masse, Martin Chantigny et Jean-Philippe Parent. Son objectif principal était de réintégrer le foin d’odeur sur le territoire de la Nation W8banaki pour que les membres des Premières Nations de W8linak et d’Odanak retrouvent accès à cette plante. Les équipes souhaitaient aussi en étudier les services écologiques, incluant ses impacts sur la santé des sols, la séquestration du carbone et la biodiversité des écosystèmes.

Dans le cadre de l’activité de laboratoire vivant, des conversations ont eu lieu avec les membres de la Nation qui font de la vannerie ou qui fabriquent d’autres produits avec le foin d’odeur. L’art de la vannerie est intimement lié au mode de vie des W8banakiak. Il consiste en la fabrication d’objets tressés avec des fibres et tiges végétales comme le foin d’odeur. Il s’agit non seulement d’une pratique ancestrale, mais aussi d’une tradition continue qui est au cœur de l’identité et de l’histoire de la Nation.

Les W8banakiak ont une relation profonde avec le foin d’odeur et détiennent plusieurs savoirs écologiques traditionnels à son sujet. Ces savoirs sont protégés et sont soumis à certaines restrictions dans la culture w8banaki et ne peuvent donc être partagés librement. De même, la non-commercialisation de ces savoirs est une limite qui doit être respectée à tout prix.

« Dans le cadre de cette activité de laboratoire vivant, c’est la Nation qui dicte les objectifs et les limites. Redonner accès aux membres de la communauté à cette plante dans le respect des valeurs autochtones et avec la plus grande transparence en matière de communication était l’objectif premier. Une fois qu’on y arrive, tout le reste est du bonus. »

- Nicolas Pinceloup, agent de projet en adaptation aux changements climatiques du Bureau du Ndakina du W8banaki

En 2022, ce sont près de 4 000 plants qui ont été mis en terre à W8linak et sur la Ferme expérimentale de L’Acadie d’AAC. La majorité des parcelles ont été consacrées à des activités de laboratoire vivant codéveloppées par le ministère et la Nation afin d’identifier les meilleures techniques de restauration du foin d’odeur sur le territoire et d’étudier les bénéfices potentiels de la plante sur l’agroécosystème, la santé des sols, la biodiversité et la séquestration du carbone. Une parcelle communautaire a été mise à la disposition des membres de la Nation. Une petite parcelle a aussi été mise en place, avec l’accord de la Nation, chez un producteur agricole allochtone voisin dont les installations étaient propices à cette activité. En 2023, environ 3 750 plants supplémentaires ont été ajoutés grâce à de nouvelles plantations sur les Fermes expérimentales de L’Acadie et de Frelighsburg d’AAC.

Les avantages écologiques du foin d’odeur étudiés

Les plantations scientifiques du foin d’odeur ont eu lieu dans trois zones différentes, soit à W8linak et aux Fermes expérimentales de L’Acadie et de Frelighsburg d’AAC, qui constituent trois environnements différents tant au niveau du climat que du type de sols. Pour cette première phase exploratoire de l’activité, deux pratiques très simples ont été sélectionnées afin de tester une stratégie de revégétalisation du foin d’odeur, soit le désherbage manuel et l’absence d’intervention humaine. Plusieurs paramètres de la plante ont été étudiés, dont la biomasse aérienne de foin d’odeur produite, la présence de mauvaises herbes, la biodiversité souterraine et aérienne, la séquestration du carbone et la santé des sols. Les objectifs étaient d’identifier et développer des techniques de restauration qui fonctionnent et de mieux comprendre les bénéfices potentiels de la plante sur l’agroécosystème dans l’optique d’une utilisation éventuelle par le secteur agricole.

« Je souhaitais faire de la recherche ayant une dimension humaine en plus des objectifs écologiques. L’agriculture va bien au-delà de l’alimentation. Tant les producteurs que les partenaires autochtones peuvent bénéficier d’outils pour améliorer leurs systèmes de production. Pour y parvenir, rien de mieux que de travailler tous ensemble. »

- Jacynthe Masse, scientifique au Centre de recherche et de développement de Saint-Jean-sur-Richelieu d’AAC et responsable de l’activité de recherche sur le foin d’odeur dans le cadre du Laboratoire vivant – Québec

Le projet Laboratoire vivant – Québec

L’ancien projet, l’Initiative des laboratoires vivants qui a eu lieu de 2018 à 2023, proposait une nouvelle façon d’aborder l’innovation agricole au Canada. Cette méthode réunit les agriculteurs, les scientifiques et les partenaires locaux pour élaborer et mettre à l’essai des pratiques et des technologies novatrices afin de résoudre des problèmes agroenvironnementaux, notamment pour atténuer les changements climatiques et s’y adapter, protéger la santé des sols et de l’eau et améliorer la biodiversité des paysages agricoles.

Au Québec, un premier projet de laboratoire vivant, le Laboratoire vivant – Québec, mis en œuvre par l’Union des producteurs agricoles, a pris place dans trois bassins versants de la région du lac Saint-Pierre entre 2020 et 2023. Les enjeux prioritaires de ce projet étaient la santé des sols, la qualité de l’eau ainsi que la biodiversité. Plutôt que d’étudier les problèmes de façon distincte, une approche holistique a été adoptée afin d’obtenir une vue d’ensemble de la situation dans les champs.

L’activité sur le foin d’odeur était l’un des volets du Laboratoire vivant – Québec, avec la Nation W8banaki comme partenaire. Les équipes impliquées ont pu établir un lien et un dialogue d’égal à égal pour explorer une opportunité de partager le territoire et ses ressources dans le respect de la Nation. Il s’agit de l’essence même de l’innovation privilégiée par l’approche des laboratoires vivants. Ce volet de recherche était novateur dans son approche de collaboration avec la Nation W8banaki, une première dans l’agroécosystème de la région du lac Saint-Pierre.

Au cours de la première phase exploratoire de l'activité, les équipes de recherche ont constaté qu'avec un entretien minimal des parcelles et un travail minimal du sol pour éliminer la banque de semences d'autres plantes, les plants de foin d’odeur arrivaient à bien s’établir et à proliférer en zones inondables et inondées près des rivières. De plus, des plants de foin d’odeur furent offerts en don à la Première Nation d’Odanak qui les a fait proliférer avec succès. Une première récolte à l'automne 2023 a permis à la Première Nation de fabriquer des tresses.

Un intérêt grandissant chez plusieurs Premières Nations pour ce type de collaboration

Les territoires autochtones font face à des défis sur le plan environnemental. En plus de la perte du foin d’odeur sur leur territoire, les deux rivières à proximité des Premières Nations de W8linak et d’Odanak sont victimes du phénomène d’érosion. Le processus de dégradation des berges, aussi appelé érosion, transforme le relief des sols, des roches et des littoraux. Il est causé par plusieurs facteurs, dont les pratiques agricoles. La restauration des berges étant une priorité, les Premières Nations de W8linak et d’Odanak souhaitaient aussi valider si le foin d’odeur pouvait aider à diminuer l’érosion en plus de capturer le carbone et augmenter la biodiversité des agroécosystèmes.

« Pour que les communautés scientifiques se rapprochent des Premières Nations dans un esprit de collaboration, il est essentiel de mettre en œuvre ce type d’initiative. Cependant, il est impératif de laisser la place aux membres des Premières Nations de s’exprimer sur les enjeux rencontrés, de partager ainsi que de participer durant toutes les étapes de l’activité afin de s’assurer une saine collaboration avec la communauté pour bâtir un lien de confiance qui a trop souvent été brisé. »

- Isaak Lachapelle-Gill, Abénaki d’Odanak et gardien du territoire du Bureau du Ndakina du W8banaki

Les premières bases d’une communauté de savoir ont également vu le jour à travers cette activité afin de permettre aux différentes Nations autochtones au Québec d’échanger sur l’utilisation du foin d’odeur et leurs défis. Ces échanges ont été rendus possibles grâce à la mobilisation de la Nation W8banaki et de l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Des discussions entre AAC et plusieurs autres peuples autochtones ont été entamées afin de reproduire cette activité sur d’autres territoires. Évidemment, les intérêts, les préoccupations et les façons de faire varieront en fonction des objectifs propres à chaque Première Nation. Des milliers d’autres plants devraient être mis en terre sous peu dans le cadre de cette collaboration.

Les prochaines étapes

L’activité sur le foin d’odeur se poursuivra et grandira grâce au nouveau programme Solutions agricoles pour le climat – Laboratoire vivant d’AAC. En effet, le projet piloté par l’Union des producteurs agricoles, soit le Laboratoire vivant – Racines d’avenir, comporte une cellule d’innovation entièrement dédiée à la restauration écologique, à la préservation et à la réappropriation du foin d’odeur dans la vallée du Saint-Laurent. Cette cellule d’innovation est codéveloppée par la Nation W8banaki et AAC avec les cochercheurs principaux, Nicolas Pinceloup et Jacynthe Masse, ainsi que les équipes de recherche de Martin Chantigny et de Jean-Philippe Parent d’AAC et les membres des Premières Nations de W8linak et d’Odanak. Les travaux entamés lors de la première itération du projet Laboratoire vivant – Québec s’y poursuivront et deviendront plus complexes au gré des activités de codéveloppement avec la Nation. Des activités de partage de connaissances et de codéveloppement d’activités avec la Nation W8banaki auront également lieu. Finalement, un espace de collaboration et d’échange avec des Premières Nations établies le long du fleuve Saint-Laurent et même à travers le Canada sera créé afin de partager les connaissances et des outils de préservation du foin d’odeur aux diverses Nations.

Galerie de photos

Des chercheurs autour d’une parcelle de jeunes pousses de foin d’odeur
Photo prise à l’été 2022 lors de la plantation à W8linak. Les plants ont tous été mis en terre à la main par les équipes des scientifiques Jean-Philippe Parent et Jacynthe Masse ainsi que des membres de l’équipe du Bureau du Ndakina, Louis-Vincent Laperrière-Desorcy, Nicolas Pinceloup, Lisa Knopp et Isaak Lachapelle-Gill. (Source : Jean-Philippe Parent)
Champs de foin d’odeur
Parcelles expérimentales de foin d’odeur à la Ferme expérimentale de l’Acadie d’AAC, un an après la plantation (Source : Jacynthe Masse)
Plants de foin d’odeur dans des plateaux noirs sur une table
Foin d’odeur

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